SOC10C, 2004-2005, cours de R. PFEFFERKORN, Pratiques d’investigation sociologique
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Pratiques d’investigations sociologiques
I. Sciences (de la nature) et sociologie <approche épistémologique>
1. Sur la connaissance en général
Il convient tout d’abord de définir le concept comme élément de la connaissance. < ensemble de
concepts>. Qu’est-ce que connaître une réalité en général ? Il faut élaborer une représentation conceptuelle,
théorique.
Mais qu’est-ce qu’un concept ?
C’est une représentation générale et abstraite d’un groupe de phénomènes et réalités.
Un concept nous donne une représentation générale qui convient à l’ensemble des réalités. Le concept
retient les qualités communes à ce groupe de phénomènes, mais en même temps qui lui sont propres et qui le
différencient des autres.
La représentation abstraite résulte d’une analyse et d’une soustraction ; il s’agit de distinguer et séparer,
soustraire, les différentes caractéristiques essentielles d’un groupe de phénomènes. On soustrait donc les
caractéristiques secondaires.
Exemples :
- « Le concept de chien n’aboit pas. » (Spinoza)
- La division du travail <plusieurs travaux> Ce concept est une abstraction dans la mesure
l’on ne s’intéresse pas à un métier particulièrement.
Le concept est un élément de la connaissance, dans un sens double :
- sens de milieu (domaine),
- sens d’atome.
Toute connaissance évolue au sein de concepts. Et toute représentation qui n’atteint pas le niveau de
concept, n’est pas une connaissance ! Le concept [la brique] est l’atome de la connaissance [le mur]. Connaître
consiste donc en plusieurs opérations :
- produire des concepts,
- rectifier les concepts,
- enrichir / complexifier les concepts,
- et mettre en relation / organiser les concepts
élaborer une théorie.
Une théorie, c’est un ensemble organisé de concept. Une théorie est une totalité de concepts, l’unité résultant
des relations entre les concepts.
Il convient également de distinguer vérité et alité. Le but de toute connaissance, c’est d’élaborer une
vérité, qui est une représentation de la réalité. Il ne faut pas confondre « représentation vraie » et « réalité »
<deux ordres différents>.
La réalité
Ce dont nous pouvons, directement ou indirectement, faire l’expérience. Ceci-dit, la réalité, c’est ce qui
se présente à nous ! C’est tout ce qui nous englobe, et en même temps, tout ce qui nous échappe (ce sur quoi
nous n’avons pas grande prise). C’est aussi ce sur quoi nous nous efforçons d’agir. C’est ce qu’il s’agit de
connaître. En ce sens, la réalité est l’objet de la vérité : ce que la connaissance se propose de découvrir, de
révéler (rendre intelligible).
La vérité
Manière de figurer la réalité, en ayant recours à des abstractions, des schémas, des nombres, etc. La
vérité est toujours une construction de l’esprit humain ; elle est le résultat de multiples opérations d’enquêtes,
d’analyses ou d’opérations de décomposition de la réalité en quelques éléments simples.
Le rapport entre vérité et réalité est plus complexe que ce l’on pense généralement. La vérité
<représentation vraie> ne se contente pas de découvrir la réalité, de la représenter telle qu’elle est : la vérité ne
se limite pas à l’information. La connaissance, c’est l’organisation de l’information en concepts (ou réseau de
concepts), c’est-à-dire en théorie. La connaissance vraie <vérité> cherche à rendre la réalité intelligible. Elle
cherche à nous faire :
- saisir la réalité dans son unité complexe, aussi bien dans sa stabilité que son mouvement,
- comprendre pourquoi et comment la réalité est ce qu’elle est,
- découvrir les lois qui régissent la réalité <précisément les rapports réguliers, stables qui lient
entre eux un certain nombre de phénomènes, ainsi que les contradictions internes qui les
transforment>.
La vérité <représentation / connaissance vraie> n’est pas conforme à la réalité : la vérité, ce n’est pas une simple
copie de la réalité. Un ensemble organisé de concepts, une théorie, c’est autre chose.
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Exemple Si on prend une carte géographique < =vérité >, ce n’est rien d’autre qu’une représentation
d’un territoire, elle condense un certain nombre d’informations en le simplifiant considérablement. La carte n’est
pas un décalque du territoire, ce n’est même pas la même échelle ; elle n’est pas conforme au territoire. Dans
chaque cas, la carte est une abstraction. Quel est son intérêt ? Elle permet d’embrasser d’un seul coup d’œil
l’ensemble du territoire, de condenser l’ensemble de l’information spécifique. L’abstraction de la carte fait aussi sa
limite par un certain point de vue < limité et arbitraire > : toute carte est un appauvrissement du territoire, elle tend
à être enrichie par d’autres cartes.
L’abstraction de la connaissance, qui est précisément sa caractéristique principale, produit en même
temps sa richesse, son gain en intelligibilité. En même temps, l’abstraction produit aussi sa pauvreté relative : on
ne peut s’assurer de gain en intelligibilité d’une information qu’au prix de cette perte considérable d’information,
de complexité, de sens.
Les conséquences
Epistémologique et méthodologique Toute connaissance est nécessairement limitée, insuffisante,
unilatérale (elle privilégie / est relative à un point de vue, une méthode, un ensemble d’hypothèses). Toute
connaissance demande à être complétée, enrichie par d’autres connaissances, qui seront aussi unilatérales par
d’autres points de vue.
Toute vérité est nécessairement partielle, relative : provisoire. Toute vérité est destinée à être rectifiée,
dépassé par une autre. Toute vérité implique un risque d’erreurs à partir du moment elle s’isole. Il y a risque
d’erreur à partir du moment où une connaissance se prétend absolue, unique, totale, immuable : une telle
connaissance n’existe pas.
La connaissance est un processus sans fin, qui doit, sans cesse dépasser ses résultats (partiels,
insuffisants, pris individuellement). La seule chose interdite pour quelqu’un qui cherche la connaissance est de
s’arrêter. La connaissance est un processus dynamique : si elle s’arrête, c’est sa mort.
2. Sur les sciences (de la nature) comme forme particulière de connaissance
L’objectif est de préciser les caractéristiques particulières dans les sciences de la nature. Rappelons les
postulats (principes) dans les sciences de la nature :
Postulats des sciences de la nature
a. La conception réifiée <res : la chose, transformer en chose>
La nature est envisagée comme une réalité assimilable à une chose (ex. l’univers vu comme une
horloge mécanique). La question qui se pose alors est : comment ça fonctionne, selon quels principes la réalité
produit-elle ces phénomènes ? La nature est comprise comme une réalité dépourvue de buts propres. On ne se
demande pas pourquoi elle fonctionne de telle manière, mais plutôt comment. La réalité sera envisagée comme
étant totalement extérieure, étrangère et indépendante des intentions et volontés des hommes, ni de leurs projets
(ni favorable, ni hostile). Pour les sciences de la nature aux XVIIème et XVIIIème siècles, la nature et ses
phénomènes sont une réalité dépourvue de volonté et d’intentions propres.
b. Lé réduction d’un phénomène à une loi
La science (de la nature) présuppose que tout groupe de phénomènes, toute manifestation de la nature,
est réductible à une loi simple, que dans tout phénomène se cache, et se manifeste en même temps, une loi. Une
loi est la structure du phénomène : elle condense l’ensemble des relations régulières, stables (aspects comme la
dimension, la densité, etc.). La loi représente la simplification du phénomène, son ordre interne [Les phénomènes
apparaissent essentiellement comme désordonnés, mais la loi montre qu’un ordre interne se cache.], sa
régularité [Les phénomènes apparaissent superficiellement, semblent obéir à aucune loi ; la loi montre que ce
sont toujours les mêmes facteurs, forces qui interviennent.] et sa stabilité [Les phénomènes semblent soumis à
des changements incessants, il y a pourtant une permanence de la loi qui régit le phénomène de manière
précise.]. Ce second postulat accompagne le premier. Pour la science, la nature se réduit à un système de lois
objectives, indépendantes de la volonté de représentation des hommes : les hommes ne peuvent se soustraire à
ces lois, ils y sont forcément soumis.
c. La formulation matématique d’une loi
Les sciences présupposent que tout phénomène réponde à une loi simple et qu’elle est exprimable en
langage mathématique. Toute loi scientifique se rapporte à une fonction mathématique, à des paramètres. Dans
les sciences de la nature, la nature est réduite in fine à un ensemble d’abstractions mathématiques.
Exemple : L’attraction des corps de Newton : Loi : 2 x = g t ²
- x : distance (en m)
- g : constante de l’attraction terrestre (en m.s-2)
- t : temps (en s)
Méthodes dans les sciences expérimentales
Classiquement, on distingue trois étapes qui se déterminent réciproquement :
a. L’observation
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Toute analyse scientifique commence toujours pas son observation : elle est indispensable. De ce fait,
les sciences ne peuvent se proposer d’étudier que ce qui est observable : le non observable est en dehors du
champ des sciences de la nature. Les progrès de la science sont donc dépendants des progrès de l’observation.
Dans cette mesure, une partie de ses efforts consiste à perfectionner en permanence les moyens, techniques
d’observation et d’enregistrement.
La science cherche à substituer à l’observation directe ou indirecte du phénomène la reproduction
expérimentale du phénomène en laboratoire, dans la mesure du possible. Principalement, parce qu’elle offre au
savant de bien meilleures conditions d’observation : temps plus long, possibilité de répétitions, d’élimination des
perturbations ; soit purifier le phénomène et contrôler ses différentes variables. Dans les sciences de la nature,
l’étude d’un phénomène commence par la construction d’un édifice expérimental.
L’observation du savant est une observation orientée par la recherche de la loi du phénomène. Le
savant cherche plus particulièrement à relever les stabilités, régularités du phénomène (invariance…). En second
lieu, il cherche à relever les relations entre les différents aspects : ainsi il parvient à établir la loi interne du
phénomène.
b. La formation d’hypothèses
L’hypothèse, c’est l’explication conditionnelle et anticipée des faits. Cette explication demande à être
prouvée, démontrée. Dans les sciences de la nature, les savants émettent une hypothèse sur le système de
relations stables entre les différents aspects du phénomène et transcrivent cette relation en formule
mathématique. Formulation provisoire de la loi.
La manière dont une hypothèse scientifique est formée a toujours une double source / origine :
- les résultats de l’observation expérimentale, de ce qu’il a pu apprendre en observant ou
reproduisant les phénomènes,
- l’ensemble de la connaissance scientifique déjà accumulée par d’autres observations : les
théories déjà produites.
c. La vérification expérimentale des hypothèses
Une fois l’hypothèse formulée, elle doit subir l’épreuve de la vérification expérimentale, pour
éventuellement se transformer en loi. Une vérification expérimentale présente un double aspect théorique et
pratique. Théoriquement, elle se présente sous la forme d’un raisonnement hypothético-déductif. Si telle est, par
hypothèse, la loi du phénomène (si telles sont les relations existantes entre les différents paramètres ;…), alors,
dans telles conditions expérimentales données, on doit trouver tels résultats. Pratiquement, la vérification
expérimentale consiste à concevoir un dispositif expérimental, doit construire une série d’expériences qui
permettront de confronter, les résultats hypothétiques aux résultats effectifs donnés par l’expérience.
Dans un second temps, il faut insister sur l’importance de la vérification expérimentale dans les sciences
de la nature : elle est absolument cruciale car elle tient lieu de démonstration, de preuve, et qui va permettre de
transformer une simple hypothèse en une loi scientifique. Cela signifie qu’une hypothèse n’a une valeur
scientifique que pour autant qu’elle puisse être soumise à une vérification expérimentale.
« Une hypothèse n’a de valeur scientifique que si elle est falsifiable, récusable. »
C. Popper voulu généraliser sa propre hypothèse à l’ensemble des sciences. Son erreur est de confondre
sciences de la nature et sciences sociales, où il faut tenir compte de caractéristiques originales.
Seules les hypothèses qui ont subi avec succès l’épreuve de la vérification expérimentale peuvent être
considérées comme des lois scientifiques, des vérités ; mais elles ne conservent ce statut qu’aussi longtemps
qu’une expérimentation ne vienne les contredire. Une vérité scientifique est toujours une vérité provisoire : une
erreur potentielle. Cela signifie qu’au terme de la vérification, on ne peut être assuré que de sa fausseté. Une
hypothèse peut en effet se trouver remise en question. En conséquence, on comprend maintenant pourquoi la
méthode scientifique dans les sciences de la nature est une méthode expérimentale.
L’expérimentation est une représentation du phénomène et joue un rôle fondamental. Ce rôle est
toujours double : en effet, d’une part l’expérimentation est un point de départ, c’est à partir d’elle que le savant va
pouvoir dégager une ou plusieurs hypothèses quant à la loi régissant tel ou tel phénomène ; mais, d’autre part,
elle peut également être le point d’arrivée, car c’est à l’expérimentation que le savant va recourir pour vérifier
(confirmer ou infirmer) ses hypothèses.
La distinction classique entre les trois états [l’observation, la formation d’hypothèses, la vérification
expérimentale des hypothèses] n’est commode que pour l’exposé de la méthode ; mais dans la pratique effective
de la science, elles s’interpénètrent en permanence pour former une profonde unité.
d. La théorie scientifique
La science ne s’arrête pas à l’établissement de lois scientifiques, à la vérification expérimentation
expérimentale d’hypothèses. Son but est d’élaborer des théories scientifiques qui ont pour objectifs d’opérer la
synthèse de lois scientifiques qui ont été établies expérimentalement autour d’un petit nombre de principes très
généraux qui doivent permettre de déduire les lois.
Ces principes, qui sont les points de départ de la théorie, eux-mêmes ne peuvent pas toujours être
vérifiés expérimentalement. Leur valeur est essentiellement logique : ils permettent d’organiser les lois sur le
modèle déductif des mathématiques. Ils peuvent aussi avoir une valeur heuristique, suggérer de nouvelles
recherches, donner naissance à de nouvelles connaissances scientifiques,…
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e. Le caractère circulaire de la démarche scientifique
La présentation faite précédemment semble indiquer que la science va toujours de l’observation à la
théorie, en passant par les hypothèses et la vérification : en vérité, les choses sont beaucoup plus complexes. Il
fait bien penser ces quatre états comme un tout. La théorie elle-même peut fournir suffisamment d’éléments pour
élaborer une nouvelle hypothèse. D’une manière générale, les sciences de la nature progressent toujours par un
va-et-vient permanent entre vérification et hypothèses, théorie et vérification, etc. ; il y a une profonde
complémentarité entre les pôles théorique et expérimental. En ce sens que chacun des deux pôles enrichit
l’autre. Sans l’observation, la vérification, les sciences de la nature sont incapables de produire de la théorie.
Cette dernière se développe au contact de l’observation, et l’expérimentation naît de la théorie, de même que la
théorie féconde constamment l’expérience. La théorie va s’efforcer d’organiser, d’ordonner. C’est la théorie qui
met le doigt sur les phénomènes étranges qui semblent contredire les théories établies. En ce sens, la démarche
scientifique, loin de répondre aux schémas observation-hypothèses-vérification ou vérification-hypothèses-
observation, opère plutôt de manière circulaire.
Il y a aussi une opposition entre les deux pôles théorique et expérimental, voire même une contradiction.
Une théorie cherche en permanence à déborder des limites de la connaissance expérimentale acquise pour
suggérer des nouvelles hypothèses et de nouvelles expériences (exemple de la théorie du chaos, théorie des
trous noirs). Inversement, l’observation et l’expérimentation viennent souvent bouleverser les lois établies et
obligent le savant à les remanier, les complexifier.
3. Sur les obstacles de la reprise du modèle des sciences de la nature en sociologie
A l’application des principes
Deux des principes fondamentaux posent manifestement problème :
a. La conception réifiée des sujets d’analyse (la réalité sociale)
La nature se réduit à un système de choses. Comment réduire la réalité sociale à un rapport existant
indépendamment des actions, de la volonté des êtres humains ? On peut adopter l’idéal de la sociologie
positiviste < Durkheim >. Mais si on peut toujours considérer les faits sociaux comme des choses, on sait bien
qu’ils ne le sont pas. La réalité sociale, ce n’est pas autre chose que des intentions entre des individus et des
groupes. b. La réduction de la réalité à un système de lois
Ce que la sociologie doit s’efforcer de saisir, c’est tout à la fois les rapports sociaux qui unissent,
différencient, opposent, mais aussi les actions, pratiques, projets, représentations par lesquels ces mêmes
individus, groupes, agissent réagissent, les uns sur les autres dans les actions qu’ils entretiennent ; c’est enfin
saisir la manière dont ces membres produisent la réalité sociale à travers ces interactions, actions réciproques
(c’est comprendre, expliquer la manière dont les membres de la société produisent des structures matérielles,
institutionnelles, symboliques, etc. saisir en quoi cela constitue une réalité objective que échappe aux
individus).
Il s’agira toujours de comprendre la dimension subjective de la réalité objective, la manière dont cette
réalité objective est transformée par les représentations des individus.
En définitive, l’objet propre de la sociologie, c’est le rapport entre le sujet et l’objet, c’est-à-dire le rapport
entre la dimension subjective et celle objective de la réalité sociale, la manière dont les êtres humains vivent en
société, dont ils produisent la société, ses structures toute cette production étant le résultat d’une somme
énorme d’interactions groupes-individus. En même temps, ces structures déterminent des limites, marges de
manœuvre, des actions réciproques. Il s’agit aussi de voir la manière dont ces actions réciproques tendent à
transformer ces nouvelles structures. Il n’y a pas que la reproduction, il y a aussi production.
On peut donc dire que la vision durkheimienne risque d’appauvrir la dimension sociale car elle néglige la
dimension subjective ; par analogie, la vision compréhensive de Weber a tendance à négliger la dimension
objective : les deux visions sont unilatérales, respectivement sur l’objet et le sujet. Il convient de prendre en
compte la dialectique sujet-objet.
A l’application des méthodes
a. Une conception monothétique de la réalité sociale
<du grec, nomos : la loi, thétis : l’affirmation> Une conception qui affirme l’existence de lois, la possibilité
de réduire la réalité sociale à un système de lois. Problème : dans les sciences de la nature, les lois sont
nécessaires et universelles ; alors que dans les sciences de l’esprit, ce n’est pas possible. S’il n’est pas exclu de
vouloir réduire la réalité sociale à un système de lois, il n’en reste pas moins qu’elle ne peut jamais être réduite,
car elle est le résultat d’actions multiples entre individus.
Universalité ? Tout simplement parce que la réalité sociale est toujours le produit de l’action des
hommes, vivant à un temps et en un lieu donnés. Les systèmes de valeurs changent. Toute la réalité sociale est
doublement relative à une civilisation et une époque données.
Nécessité ? Les phénomènes sociaux ne sont pas soumis avec la même inflexibilité aux lois que les lois
de la nature pour les phénomènes de la nature.
b. Une conception idiographique de la réalité sociale
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<du grec, idios : la particularité, graphos : l’écriture>. Si la sociologie peut et doit clarifier une conception
nomothétique, elle doit aussi avoir une approche idiographique de la réalité. Il doit s’efforcer de saisir une réalité
sociale dans sa singularité.
Le sociologue doit donc conjuguer deux approches : celle nomothétique <réduire autant que c’est
possible, en sachant que les lois ne sont ni universelles ni nécessaires>, et celle idiographique <saisir la
singularité du groupe de phénomènes étudiés>.
A l’observation
La connaissance de la société doit s’appuyer sur l’observation : c’est par que commence la
connaissance. La sociologie a besoin s’armer méthodologiquement pour observer le social. L’observation ne
correspond pas à la même situation en sciences naturelles (l’observation confronte un sujet humain à un objet,
une réalité extérieure) et en sciences sociales, notamment en sociologie (elle confronte un sujet humain,
l’observateur, à d’autres sujets humains, les observés) : en sociologie, elle est d’abord un rapport social qui
interagit avec la réalité.
a. Objets sociaux
L’observation sociologique se heurte ainsi à tous les obstacles que les objets sociaux peuvent poser à la
prise de connaissance des rapports sociaux, à ne pas les rendre accessibles.
Exemples :
- Revenus des foyers
- Pratiques sexuelles des français
Certains objets posent des interdits de caractère éthique, juridique ou politique. L’obstacle est aussi bien
du côté de l’observateur que de l’observé.
Même lorsque les pratiques sociales sont visibles, l’observation risque d’altérer ces pratiques.
L’observation risque d’être faussée parce qu’elle modifie l’observateur lui-même. Il n’existe pas en
sociologie d’enregistrer des paramètres sociologiques. L’observateur interprète ce qui apparaît dans son champ
d’observation. Il observe les actions provoquées en lui-même par les réactions qu’il observe (appréciations
laudatives de ce qu’il observe : caractère moral, esthétique, politique, religieux,…). L’observateur arrive armé de
toutes ses prénotions ; s’il n’en est pas conscient, en ayant une capacité de réflexivité par rapport à lui-même, il
sera incapable de neutraliser ses réactions.
b. Conséquences méthodologiques
(1) La sociologie doit se donner des méthodes lui permettant de surmonter les obstacles : contourner les
interdits qui peuvent limiter le champ de l’observation ; neutraliser les effets de perturbation / d’altération que
produit l’observation elle-même. (2) Il s’agit d’objectiver l’observation en permettant à l’observateur de maîtriser et
neutraliser son implication personnelle, subjective et inévitable.
A la formation d’hypothèses
Deux opérations sont nécessaires à la formation d’hypothèses en sciences naturelles, or ni l’une, ni
l’autre n’est directement possible dans les sciences sociales :
a. L’expérimentation
Le laboratoire de la sociologie, c’est la société elle-même, dans laquelle la réalité sociale se produit et se
reproduit en permanence : un sociologue ne peut observer un phénomène aussi longtemps qu’il en a envie sans
le reproduire. Le sociologue a toujours affaire à des phénomènes sociaux uniques : ils se produisent toujours
dans des conditions singulières, déterminées du double point de vue spatial, mais aussi temporel. Par
conséquent, un phénomène social qui se produit ici et maintenant, n’est jamais exactement le même que celui qui
se produit ailleurs en un autre moment. Les cadres généraux ne sont plus les mêmes. faits similaires mais non
identiques.
b. L’induction
<raisonnement qui fait passer du particulier au général>. L’induction doit s’entourer de très grandes
précautions, parce que tout phénomène social est toujours un phénomène unique. Le sociologue ne dispose pas
de la possibilité de le reproduire pour l’abstraire de sa singularité. prudence. La sociologie ne peut aboutir qu’à
des lois qui ne sont ni absolues, ni universelles : les lois sont « régionales », relatives à l’espace et au temps. Il
en résulte des conséquences méthodologiques particulières : pour tenir compte du manque d’homogénéité du
social, il faut que le sociologue
- précise toujours le champ d’étude de sa recherche. circonscrire le champ.
- multiplie les observations, extraire des échantillons représentatifs de la population.
Au-delà des contraintes qui président à sa formation, l’hypothèse demeure astreinte à l’impératif de sa
vérification.
A la vérification expérimentale
Le sociologue ne peut pas réaliser une expérimentation dont il maîtriserait tous les paramètres. Ce qui
tient lieu, c’est l’enquête elle-même : elle doit pouvoir fournir au sociologue un matériau capable de lui fournir une
hypothèse et sa vérification :
- fonction heuristique, découverte de l’hypothèse,
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