La tête tourna sans que le corps remuât (Hugo, L'Homme qui rit, I, 2, 4).
Les dents lui poussèrent sans qu'il pleurât une seule fois (Flaubert, Trois Contes, p. 98).
Remarque: Il arrive qu'un élément négatif dans la phrase amène, par contagion, un ne explétif après
sans que; cela peut se reproduire:
1. Lorsque la principale a un sens négatif.
par exemple:
Je ne pouvais faire un mouvement sans qu'ils n'en fussent avertis (Chateaubriand, Atala, "Les
Chasseurs").
Il ne peut rien faire sans que M. Paoli ne le sache (Stendhal, Correspondance, t. VIII, p. 146).
Je n'ai jamais causé avec un Italien sans que la conversation ne tournât de suite à la politique (Taine,
Voyage en Italie, t. I, p. 355).
2. Lorsque la subordonnée, par le fait qu'elle contient un terme négatif (aucun, nul, pas un, personne,
rien, jamais, ni), est chargée d'un potentiel négatif.
par exemple:
Elle entrait au salon qu'aucun craquement n'eût annoncé sa venue (Fr. Mauriac, La Pharisienne, p.
100).
Sans que rien entre nous n'eût été dit, je me redressai (Daniel-Rops, Mort, où est ta victoire? p. 262).
Des choses pareilles arrivaient tous les jours, sans que nul ne songeât à s'en scandaliser (M. Brion,
Laurent le Magnifique, p. 226).
N.B. 1. On trouve quelquefois sans que suivi de ne dans des phrases qui n'appartiennent à aucune
des deux catégories ci-dessus.
par exemple:
Le lieutenant répondit militairement au salut sans qu'un muscle de sa figure ne bougeât (M. Proust,
Jean Santeuil, t. III, p. 61).
Il eût souhaité (...) d'être respecté, honoré, et s'il eût été possible, sans que cela ne lui coûtât trop
cher, aimé (G. Bernanos, Lettre aux Anglais, p. 89).
Je crus entendre, très haut, grincer une espagnolette, sans qu'un visage n'apparût (J. Perret, Objets
perdus, p. 31).
N.B. 2. L'Académie, dans une "mise en garde" du 17 février 1966, déclare que: "sans que doit se
construire sans négation, même s'il est suivi d'un mot comme aucun, personne ou rien, qui ont dans
ces phrases un sens positif."
Adapté de Jean Girodet, Pièges et difficultés de la langue française. Paris: Bordas, 1996. 88, 497,
515-16, 701., et Maurice Grevisse, Le bon usage. Gembloux : J. Duculot, 1975. 1084-86 (no. 2215-
17).