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Le ne explétif
Prof. Seth Whidden
1. Dans les complétives dépendant de certains verbes ou de certaines locutions (craindre, avoir peur,
redouter, empêcher, éviter, douter, nier, de peur que, etc.), l'emploi de ne est, sinon obligatoire, du
moins fréquent dans la langue écrite soignée:
par exemple:
J'ai peur qu'il ne vienne trop tôt.
...de peur qu'on ne se moque de lui
2. Dans les tournures comparatives, si la première proposition est affirmative, la langue soignée
emploie le ne explétif. C'est le cas avec meilleur, mieux, moindre, moins, pire, pis, plus, plutôt, et aussi
avec autre, autrement:
par exemple:
Il est plus âgé qu'on ne le croirait.
Elle travaille moins qu'il ne le semble.
Les choses se sont terminées autrement qu'ils ne l'avaient prévu.
N.B. Si la première proposition est négative ou interrogative, ce ne est souvent omis:
par exemple:
Travaillerait-elle moins qu'il le semble?
Les choses ne se sont pas terminées autrement qu'ils l'avaient prévu.
3. Avec avant que, à moins que, on emploie aussi le ne explétif.
Avant que: N'oubliez pas que avant que est toujours suivi du subjonctif (à la différence de après que).
Bien distinguer le subjonctif imparfait (avec avant que) et le passé antérieur (avec après que):
par exemple:
Tout était déjà en place avant qu'il ne fût arrivé (subjonctif imparfait, donc "fût" écrit avec un accent
circonflexe).
Tout rentra dans l'ordre après qu'il fut parti (passé antérieur, donc "fut" écrit sans accent circonflexe).
A moins de, que: La locution à moins de peut se construire avec un nom (A moins d'un accord de
dernière heure), avec un infinitif (A moins d'accepter), avec que et l'infinitif (A moins que d'accepter tour littéraire et recherché). La locution à moins que se construit avec le subjonctif et le ne explétif.
par exemple:
A moins qu'il ne se soumette.
4. L'emploi de ne est obligatoire dans la construction que... ne quand que équivaut à avant que, à
moins que, sans que (ce tour appartient à la langue littéraire):
par exemple:
Il ne s'arrêta de protester qu'il n'eût obtenu satisfaction (= il ne s'arrêta pas de protester avant d'avoir
obtenu satisfaction).
5. Emploi de ne après sans que.
Sans que: Toujours suivi du subjonctif. Après sans que, en principe, on ne met pas le ne explétif.
par exemple:
Il ne se passe pas de jour sans qu'elle commette une erreur (et non sans qu'elle ne commette une
erreur).
La tête tourna sans que le corps remuât (Hugo, L'Homme qui rit, I, 2, 4).
Les dents lui poussèrent sans qu'il pleurât une seule fois (Flaubert, Trois Contes, p. 98).
Remarque: Il arrive qu'un élément négatif dans la phrase amène, par contagion, un ne explétif après
sans que; cela peut se reproduire:
1. Lorsque la principale a un sens négatif.
par exemple:
Je ne pouvais faire un mouvement sans qu'ils n'en fussent avertis (Chateaubriand, Atala, "Les
Chasseurs").
Il ne peut rien faire sans que M. Paoli ne le sache (Stendhal, Correspondance, t. VIII, p. 146).
Je n'ai jamais causé avec un Italien sans que la conversation ne tournât de suite à la politique (Taine,
Voyage en Italie, t. I, p. 355).
2. Lorsque la subordonnée, par le fait qu'elle contient un terme négatif (aucun, nul, pas un, personne,
rien, jamais, ni), est chargée d'un potentiel négatif.
par exemple:
Elle entrait au salon qu'aucun craquement n'eût annoncé sa venue (Fr. Mauriac, La Pharisienne, p.
100).
Sans que rien entre nous n'eût été dit, je me redressai (Daniel-Rops, Mort, où est ta victoire? p. 262).
Des choses pareilles arrivaient tous les jours, sans que nul ne songeât à s'en scandaliser (M. Brion,
Laurent le Magnifique, p. 226).
N.B. 1. On trouve quelquefois sans que suivi de ne dans des phrases qui n'appartiennent à aucune
des deux catégories ci-dessus.
par exemple:
Le lieutenant répondit militairement au salut sans qu'un muscle de sa figure ne bougeât (M. Proust,
Jean Santeuil, t. III, p. 61).
Il eût souhaité (...) d'être respecté, honoré, et s'il eût été possible, sans que cela ne lui coûtât trop
cher, aimé (G. Bernanos, Lettre aux Anglais, p. 89).
Je crus entendre, très haut, grincer une espagnolette, sans qu'un visage n'apparût (J. Perret, Objets
perdus, p. 31).
N.B. 2. L'Académie, dans une "mise en garde" du 17 février 1966, déclare que: "sans que doit se
construire sans négation, même s'il est suivi d'un mot comme aucun, personne ou rien, qui ont dans
ces phrases un sens positif."
Adapté de Jean Girodet, Pièges et difficultés de la langue française. Paris: Bordas, 1996. 88, 497,
515-16, 701., et Maurice Grevisse, Le bon usage. Gembloux : J. Duculot, 1975. 1084-86 (no. 221517).
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