Maîtrise des Procédés en vue d’améliorer la qualité et la sécurité des aliments. Ouagadougou, 8-11 Novembre 2005. CARACTERISATION MICRO-BIOLOGIQUE ET STOCKAGE DES LAMELLES DE MANGUE SECHEE AU SOLEIL DU NORD CAMEROUN Anselme Kameni 1, Cathérine Amboa 2, Gérald Loiseau 2, Aboubacar Yaya 3 et Aboubacar Njoya 1 1 Institut de Recherche Agronomique pour le Développement, IRAD, BP 415 Garoua Cameroun, 2 Centre National d’Etudes Agronomiques des Régions chaudes CNARC, Montpellier France, 3 Laboratoire National Vétérinaire de Bocklé, Garoua Cameroun Auteur correspondant: [email protected] Mots Clés : Lamelle ; mangue ; séchée ; qualité ; micro biologique ; identification. 1. RESUME Des échantillons marchants (60) de mangue des variétés Julie Cassava, Spring Field, Kent et Sabot séchée au soleil au Nord Cameroun (Garoua, Maroua et Pitoa) ont été analysés pour déterminer les principaux micro-organismes présents. Un suivi de 310 échantillons a été mené sur une année pour identifier les causes de perte de qualité des lamelles en stock. La flore naturelle de la mangue séchée au soleil est constituée de bactéries mésophiles, de lactobacilles, de formes thermo-résistantes, de formes sporulées des bacilles gram (-). Les micro organismes indicateurs de qualité tels que E. Coli, salmonelles, Staphylococcus aureus et les Clostridia étaient absents. Lorsque le pH des lamelles croit de 3.4 à 4.3 les taux de germes totaux vont de 31 101 à 57 104. Les analyses mycologiques suivies par l’identification morphologique présentent divers types de moisissures tels que Aspergillus (80%), Monilia, et Pénicillia. Après 12 mois de stockage, 24,5% des échantillons seulement étaient considérés comme avariés. Les causes étaient principalement le développement des moisissures dans les sachets (14,5%), et la présence de larves d’insectes (10%). La mangues séchées en milieu paysan présentent apparemment un caractère sanitaire acceptable pour l’alimentation humaine au vue des critères de qualité tels que définis par les micro-organismes indicateurs 2. INTRODUCTION En Afrique Subsaharienne, les fruits et légumes séchées font partie des produits alimentaires courants des marchés. Le séchage se fait par exposition directe au soleil et concernent le piment, la tomate, les légume feuilles, plusieurs condiments et épices. Avec le développement récent de l’arboriculture fruitières dans le zone des savanes d’Afrique, de nouveaux produits séchés apparaissent sur les marchés dont les lamelles de mangue séchée. Le séchage électrique rapide de la mangue est une forme de valorisation de ce fruit à conservation limitée [1, 2]. Cette pratique se fait dans beaucoup de pays dont le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, et le Mali à partir des séchoirs à gaz ou des séchoir hybrides. Les lamelles de mangue séchée obtenues sont vendues sur place ou exportées vers les marchés européens pour une consommation directe (snack, dessert) et se doivent d’être saines Au Cameroun, le développement des séchoirs est resté timide et le séchage solaire de la mangue est plus pratiqué. C’une opération lente de 2 à 3 jours [3] qui se fait à basse température (30 à 45°C), conditions favorables au développement des micro-organismes. Maîtrise des Procédés en vue d’améliorer la qualité et la sécurité des aliments. Ouagadougou, 8-11 Novembre 2005. Dans une agriculture de marché, la survie de la mangue séchée au soleil comme produit commercial dépend de ses qualités nutritives, gustatives, sanitaires et de sa bonne conservation à température ambiante. Ce travail visait une caractérisation micro-biologique de la mangue séchée au soleil avec et une évaluation des causes de perte de qualité au stockage dans les sites de production du Nord Cameroun. 3. MATERIELS ET METHODES 3.1 Matériels Dix lots de 6 échantillons de 50 g chacun ont été collectés au hasard auprès de cinq producteurs dans les villes de Pitoa, Maroua, et Garoua , choisies pour leur importance dans la production de la mangue et des conditions climatiques différentes (température élevée pour Maroua, et humidité élevée avec la proximité du fleuve pour Garoua). Ces échantillons sont des lamelles de mangue séchée conditionnées dans des sachets plastique thermo-soudé. Pour l’évaluation des causes de perte de qualité, un stock de 310 échantillons fraîchement fabriqué était placé en observation pour une année. 3.2. Méthodes La teneur en eau des lamelles, le pH et l’acidité titrable étaient déterminés par les méthodes AFNOR [4]. La teneur en vitamine C était obtenue par la méthode à l’indophénol, les extraits secs solubles par réfractométrie, et les taux de sucres réducteurs était obtenus par la méthode colorimétrique au DNS (Acide 3,5 dinitro salicylique). Pour les analyse micro-biologique, la méthode utilisée passe par un dénombrement des différents groupes de micro organismes présents sur milieux sélectifs [5, 6] suivi de leur identification par observation sur microscope photonique (objectifs à immersion et état frais), coloration de gram et des tests biochimiques. Une comparaison avec des catalogues et des planches photographiques a également été faite [7]. Une observation périodique des échantillons pour les changements de coloration, croissance des moisissures, le gonflement et toute autre altération a été faite sur 12 mois. Les milieux de culture (PCA, Rogosa, Chapman, BLBVB, géloses S.S., TSN et Sabouraud) ont été reconstitués suivant les spécifications du fabricant (Diagnostic Pasteurs, 1985) En fonction des germes recherchés, l’inoculation des cultures a été faite sur le milieu de culture indiqué et selon l’ensemencement approprié. Pour la recherche des formes sporulées, les dilutions ont été portées à ébullition pendant 10 minutes suivi du refroidissement et de l’ensemencement. Le contenu d’un sachet était broyé dans un bol à sec stérile et 10 g transféré dans les sachets stomacher contenant 90 ml de solution de Ringer. Après 15 minute de réhydratation, les sachets étaient broyés jusqu’à obtention d’une solution homogène. Cette solution a constitué la solution mère à 10-1 utilisée pour les dilutions décimales. 4. RESULTATS Les caractéristiques chimiques des lamelles des variétés de mangue séchée sont présentées dans le Tableau 1. Les valeurs de pH se situent entre 3.4 et 4.45 mais varient en fonction des variétés. L’acidité titrable varie d’une variété à l’autre et suit les valeurs de pH. La teneur en eau des lamelles séchées est comprise entre 12,62 et 20,12%. Mais les lamelles obtenues dans le site à HR élevée ont des teneurs en eau importantes. La teneur en extraits secs solubles est indépendante du site de séchage et se situe entre 84,17 et 89,27%. Les taux de sucres réducteurs et de vitamine C varient en fonction des variétés et sont élevés pour la Spring Field et basses pour la Julie Cassava. Maîtrise des Procédés en vue d’améliorer la qualité et la sécurité des aliments. Ouagadougou, 8-11 Novembre 2005. Les résultats des différents dénombrements exprimés en ufc (unité formant colonie) sont présentés dans le tableau 2. Les lactobacilles ont des taux assez variables se situant entre 20 et 79 103 ufc/g. Les échantillons âgés d’un an et plus (1et 3) ne présentent pas de différences notoires avec les échantillons âgés de 1 à 3 mois. Les taux de coliformes étaient faibles dans les divers échantillons indépendamment du site de production. La présence de coliformes Tableau 1 Caractéristiques physico-chimiques des lamelles de mangue séchée Paramètres Garoua 1 Max Min 4,55 3,80 pH Acidité titrable (meq/100 g) Teneur en eau (%) Extraits secs solubles (°brix) % sucres réducteurs vit C (mg/100 g) % Fibre Maroua 4735 Max 4,32 Min 4,10 Pitoa (variétés locales) Max Min 4,05 4,05 67,17 17,92 41,75 27,33 40,92 35,33 16,33 89,17 12,62 85,67 18,92 84,17 17,15 83,33 20,12 86,67 18,26 85,0 4,82 43,87 0,80 4,45 32,49 0,70 24,9 144,15 1,07 17,52 105,50 1,0 18,18 67,86b 1,84 13,75 65,55 1,77 fécaux n’était pas détectable par le test de Mackenzie (croissance à 44°C). La présence de Staphylococcus aureus (colonies jaunes auréolées sur le milieu de Chapman manillé) n’était Tableau 2 : Taux de micro-organismes des mangues séchées de 3 sites de production. Nombre de micro-organismes des échantillons (ufc/g) Types de microrganismes G1 G2 Germes totaux 71103 97 103 56 105 22 104 42 102 36 101 29 103 89 101 11 102 59 103 Lactobacilles Coliformes 50 79 103 63 103 69 103 50 20 41 101 44 101 11 101 27 101 <1 <1 2 <1 10 2 <1 33 7 <1 Micrococcaceae Formes sporulées Formes thermorésistantes Levures <1 <1 <1 <1 <1 <1 <1 <1 <1 20 <1 <1 <1 <1 <1 <1 20 60 20 <1 35 <1 800 430 20 20 <1 30 70 1900 0 12 102 23 102 49 102 0 20 0 40 10 0 G6 G9 M4 M7 M3 M5 P8 P10 Maîtrise des Procédés en vue d’améliorer la qualité et la sécurité des aliments. Ouagadougou, 8-11 Novembre 2005. Moisissures 0 50 0 1 0 0 20 10 0 10 pas détectée ainsi que des Clostridia sur TSN. Toute fois les Micrococcaceae étaient présents sur 10 % des échantillons. La coloration de Gram a montré que c’étaient des coques en amas et de petite taille typique du Micrococcus. Les formes thermorésistantes ont des taux variables compris entre 20 et 19 102 ufc/g, et se développent dans 80% des échantillons. Une observation microscopique des colonies thermo résistantes révèle des longs bacilles isolés Gram (+) contenant une spore. Il s’agit probablement des formes sporulant de bacillus ovales (Bacillus stearothermophilus). Les taux de levures sont variables selon l’origine des échantillons, ils vont de moins de 1 à 49 102 .ufc/g. L’observation microscopique a montré que c’étaient des saccharomyces sp. (forme ovale, de reproduction asexuée par bourgeonnement). Les taux de moisissures faibles sont restés inférieurs à 50 ufc /g même pour les échantillons âgés d’un an. Ces résultats sont satisfaisants au regard des critères microbiologiques applicables aux fruits secs avec des taux de coliformes et des taux de coliformes fécaux inférieurs à 1 ufc/g [8]. Les mesures de pH des lamelles de mangues séchées et leurs taux moyens de germes totaux sont présentés dans les tableaux 3 et leurs profils à la figure 1. Tableau 3 : Taux de microorganismes (ufc/g) des lamelles de mangue en fonction du pH. Conditions de production 30-35C°Garoua 35-40C°Maroua 2 16 X 10 30 X 101 2 22 X 10 31X 101 55 X 103 36 X 101 56 X 103 29 X 102 3 57 X 10 58 X 102 75 X 103 80 X 102 4 90 X 10 14X 103 pH 3,4 3,6 3,7 3,8 3,9 4,0 4.3 Taux de microorganismes (log ufc/g) Les taux de germes totaux observés croissent avec le pH. Pour les mêmes valeurs de pH, les taux de micro-organismes sont relativement plus faibles dans la zone de fort ensoleillement de Maroua. Les conditions de séchage plus favorables de Maroua expliquent ces variations. 7 Garoua 6 Maroua 5 4 3 2 1 0 3,4 3,6 3,7 3,8 3,9 4 pH des lamelles de mangues séchées 4,3 Maîtrise des Procédés en vue d’améliorer la qualité et la sécurité des aliments. Ouagadougou, 8-11 Novembre 2005. Figure 1 : Profil microbien des lamelles de mangues séchées en fonction du pH L’identification des champignons a révélé la présence d’Aspergillus niger (29,4%), d’Aspergillus flavus (23,5 %), d’autres Aspergillus sp (26,5), de Monilia sp (8,8 %), et de Pénicillium chrysogenum (11,8 %). Les colonies de champignons laissent des tâches de spores noires pour l’Aspergillus niger, jaunes pour les flavus., vertes pour le Pénicillium et toiles d’araignée orangées pour Monilia sp. Toutefois, les moisissures sont restés sous la forme colonie (tache) isolées là où elles ont fait leur apparition. Le développement du mycélium n’a pas été très exubérant dans les sachets contaminés. Après 12 mois de stockage, 24,5 % (77 sur 310) des échantillons seulement ont été considérés comme avariés. Les causes étaient principalement le développement des moisissures (14,5%) et la présence de larves des insectes (10%). Les premières tâches de moisissure ont apparu après 4 mois de stockage. Une perte de coloration a été également observée à partir de 6 mois. Les lamelles ont bruni avec le temps pour passer du jaune d’or au brun chocolat. Toutefois la décoloration apparente n’a pas suscité un désir de rejet du produit. Les insectes présents étaient des Lépidoptères (teignes ou petits papillons des denrées alimentaires qui causent des dégâts) et des Hyménoptères (petites guêpes) qui ne sont pas connus pour être des agents vecteurs de maladie et ne présentent aucun danger pour le consommateur. Les Hyménoptères ont pondu des œufs sur les fruits verts pendant la période chaude avant les récoltes. Les températures de séchage relativement basses ne permettent pas une destruction des œufs qui vont libérer les larves pendant le stockage. Les Lépidoptères qui volent et pondent de préférence la nuit ont eu le temps de se promener sur les produits séchés aux sorties du séchoir. 5. DISCUSSION Les analyses microbiologiques effectuées sur différents échantillons de mangues séchées ont permis d’établir que sa flore naturelle est constituée des bactéries mésophiles, des lactobacilles, des formes thermo résistantes, des formes sporulées des bacilles Gram (+). Pour les levures et moisissures la présence de Saccharomyces, Aspergillii, Monilia, et Pénicillium, est notée. En dehors des Aspergilli, ces microorganismes font partie de ceux qui se retrouvent sur la plupart des produits alimentaires [9, 10], 1997) et ne présentent pas de risque de santé publique. Les levures et moisissures présentes font partie de la flore des fruits séchés [11]. La présence d’Aspergillii sur la mangue séchée déjà signalée par d’autres résultats [12] n’est pas désirable à cause de leur potentiel de production de toxine. Dans des conditions favorables, certains Aspergilli (A. flavus et A. niger sp) sont responsables de la production de toxines (aflatoxin et ochratoxin A), [11] Toutefois, les taux faibles de ces micro organismes ne permettent pas de penser à une possible production de toxines dans les conditions de stockage. Les contaminateurs de la mangue peuvent provenir de la flore naturelle de la peau des fruits, des contacts du fruit avec le sol et le matériel de récolte, et des manipulations consécutives. Ces organismes peuvent altérer la mangue séchée en conditions anaérobies pendant le stockage [13] si l’environnement est favorable. L’absence marquée des micro-organismes indicateurs de contamination laisse penser que l’hygiène de la production est acceptable. Le mangue séchée se conserve relativement bien à température ambiante. Les pH relativement bas <4.5 ont contribué à limiter la prolifération Maîtrise des Procédés en vue d’améliorer la qualité et la sécurité des aliments. Ouagadougou, 8-11 Novembre 2005. des champignons et prédisposent à une bonne stabilité micro-biologique des produits à température ambiante. La conservation de la mangue par le séchage en milieu paysan peut être encouragée. 6. CONCLUSION Les lamelles de mangue séchées au soleil contiennent un flore microbienne naturelle variée, constituée des bactéries mésophiles, des formes thermo résistantes, des formes sporulées des bacilles Gram (+) des levures et moisissures. L’incidence des moisissures sur la conservation est certaine avec l’apparition des tâches visible à l’œil nu à partir de 4 mois de stockage. La présence des larves d’insectes était également signalée sur un nombre réduit d’échantillons. La mangues séchées en milieu paysan présente apparemment un caractère sanitaire acceptable pour l’alimentation humaine au vue des critères de qualité tels que définis par les micro-organismes indicateurs . Références Bibliographiques [1]. Candelaria, N . M. et Raymondo, L.C. 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