DIMENSION CIVILE DE
LA SECURITE
139 CDS 12 F rév. 1
Original : anglais
Assemblée parlementaire de lOTAN
CONSOLIDER LES REVOLUTIONS
EN AFRIQUE DU NORD
RAPPORT GENERAL
ULLA SCHMIDT (ALLEMAGNE)
RAPPORTEURE GENERALE
Secrétariat international novembre 2012
Les documents de l’Assemblée sont disponibles sur son site Web, http://www.nato-pa.int
139 CDS 12 F rév. 1 i
TABLE DES MATIERES
I. INTRODUCTION .................................................................................................................. 1
II. TUNISIE : UN MODELE A SUIVRE ? .................................................................................. 2
A. TRANSITION POLITIQUE ............................................................................................ 2
B. PRINCIPALES PARTIES PRENANTES ET LIGNES DE FRACTURE .......................... 3
C. NORMES DEMOCRATIQUES ET DROITS HUMAINS ................................................ 5
1. Egalité des genres ............................................................................................... 5
2. Libertés politiques ................................................................................................ 6
3. L’Etat de droit ...................................................................................................... 6
4. Société civile........................................................................................................ 7
5. Contrôle démocratique du secteur de la défense et de la sécurité ...................... 7
III. L’EGYPTE : LA REVOLUTION EST-ELLE ACHEVEE ? ...................................................... 8
A. TRANSITION POLITIQUE ............................................................................................ 8
B. PRINCIPALES PARTIES PRENANTES ET LIGNES DE FRACTURE ........................ 10
C. NORMES DEMOCRATIQUES ET DROITS HUMAINS .............................................. 11
1. Egalité des genres ............................................................................................. 11
2. La minorité chrétienne ....................................................................................... 12
2. Libertés politiques et Etat de droit ..................................................................... 12
3. Société civile...................................................................................................... 13
4. Contrôle démocratique du secteur de la défense et de la sécurité .................... 13
IV. LIBYE : DE LA JAMAHIRIYA A LA DEMOCRATIE ? ......................................................... 14
A. TRANSITION POLITIQUE .......................................................................................... 14
B. PRINCIPALES PARTIES PRENANTES ET LIGNES DE FRACTURE ........................ 15
C. NORMES DEMOCRATIQUES ET DROITS HUMAINS .............................................. 18
1. Droits humains et égalité des genres ................................................................. 18
2. L’Etat de droit .................................................................................................... 19
3. Contrôle démocratique du secteur de la défense et de la sécurité .................... 20
V. SURVIVRE GRACE AUX REFORMES : LE MAROC ET L’ALGERIE ................................ 20
A. REFORMES CONSTITUTIONNELLES AU MAROC .................................................. 20
B. ALGERIE : LE FARDEAU DU PASSE ........................................................................ 22
VI. CONCLUSIONS ................................................................................................................. 24
BIBLIOGRAPHIE .......................................................................................................................... 29
139 CDS 12 F rév. 1 1
I. INTRODUCTION
1. La vague de soulèvements populaires qui a déferlé, en 2011-2012, sur la région du
Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MOAN) est un événement phare dans l’histoire du monde.
Des régimes apparemment inébranlables sont tombés en Tunisie, en Egypte, en Libye et au
Yémen, tandis que les gouvernements d’autres pays arabes Maroc, Algérie, Jordanie, Liban,
Arabie saoudite, Koweït, Bahreïn et Oman ont été contraints de faire des concessions, certaines
de pure forme et d’autres substantielles. Le Printemps arabe a profondément modifié la région et,
fait plus important, a offert aux hommes et aux femmes qui y vivent la possibilité de construire des
sociétés plus ouvertes à tous, plus équitables et plus prospères. Le Printemps arabe est toutefois
loin d’être achevé, le monde entier ayant aujourd’hui les yeux rivés sur la Syrie.
2. On peut d’ores et déjà tirer certaines conclusions sur les répercussions du Printemps arabe.
Le présent rapport porte sur les trois pays d’Afrique du Nord Tunisie, Egypte et Libye les
révolutionnaires ont réussi à renverser les régimes en place. Un bref aperçu de l’évolution de la
situation en Algérie et au Maroc sera également présenté. La phase post-révolutionnaire est
extrêmement vulnérable : il s’agit de démanteler et de remplacer les anciens systèmes politiques
tout en évitant un vide institutionnel. Il est très rare que les révolutions ne se traduisent pas par
une certaine déception ou désillusion ; on ne peut écarter la possibilité d’un réveil
contre-révolutionnaire.
3. Si le Printemps arabe offre une nouvelle chance aux populations de la région, il donne aussi
à l’Europe et à l’Alliance la possibilité de repenser et d’améliorer leur relation avec cette région. Il
est de l’intérêt de la communauté euro-atlantique d’aider les pays d’Afrique du Nord à ce stade
fragile de la transition post-révolutionnaire, et de soutenir leurs efforts visant à créer un Etat en
mesure de répondre aux attentes des citoyens et d’assurer la protection des droits humains et des
libertés démocratiques fondamentaux.
4. Il faut avant tout s’efforcer de répondre aux aspirations et aux attentes des jeunes qui ont
joué un rôle crucial dans les soulèvements. Les jeunes constituent la majorité des sociétés
arabes ; ils sont instruits et connectés entre eux grâce à Internet et aux téléphones portables. Or,
ils étaient privés de perspectives et dans l’impossibilité de gagner un salaire décent alors que la
corruption et les privilèges permettaient aux élites de l’ancien régime d’amasser des fortunes. Il
faut aujourd’hui tendre la main aux jeunes des pays arabes qui, à l’avenir, seront nos
interlocuteurs politiques. Alléger le chômage, notamment des jeunes diplômés, doit être vu
comme une priorité.
5. Un autre enjeu crucial est l’égalité des genres : la possibilité de garantir et d’élargir les droits
des femmes et de faire en sorte qu’elles soient dûment associées à la transition
post-révolutionnaire sera l’épreuve de vérité pour les nouveaux gouvernements de
l’après-révolution. Tous les progrès accomplis dans ce domaine détermineront, dans une large
mesure, l’attitude de la communauté euro-atlantique envers les nouveaux systèmes politiques
dans la région MOAN.
6. La percée des forces islamistes sunnites rigoristes le plus souvent associées au
mouvement salafiste est une conséquence importante des révolutions arabes qui mérite une
analyse en profondeur. Qu’il s’agisse de prédication et de préservation de la société ou d’actions
plus directes sous forme de djihadisme, le salafisme a un dénominateur idéologique commun : le
retour aux pratiques des pieux ancêtres (salaf). Les salafistes prônent l’application directe de la loi
de la charia. Dépourvu de projet économique concret ou de doctrine sociale, leur programme est
avant tout axé sur l’interprétation de la doctrine religieuse, le système éducatif et le statut des
minorités et des femmes. Les salafistes sont les forces les plus anti-occidentales des pays arabes,
et les attaques meurtrières qui ont éclaté dans toute la région contre les occidentaux en
septembre 2012 seraient le fait de sympathisants des salafistes. Pour autant, on aurait tort
139 CDS 12 F rév. 1 2
d’assimiler ces fauteurs de troubles et ces terroristes à l’ensemble du mouvement salafiste : la
plupart des salafistes déplorent la violence. Hormis les répercussions sur les relations avec
l’Occident, la montée du salafisme peut avoir de lourdes conséquences sur les relations
intra-régionales et creuser le fossé entre le bloc des pays musulmans sunnites et le groupe des
pays menés par l’Iran. Sur le plan de la politique interne, il s’agit avant tout de savoir si les forces
salafistes doivent être associées ou exclues du processus politique normal.
7. Les membres de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN (AP-OTAN) qui ont suivi de près le
Printemps arabe ont souligné à plusieurs reprises leur volonté de tendre la main et d’aider les
forces démocratiques qui se font jour dans la région MOAN. La nature exacte et l’ampleur de cette
aide doivent être définies avec prudence, en fonction des sensibilités de ces pays face à toute
ingérence étrangère dans leurs affaires. Le fait que les experts n’ont pas été capables de prévoir
le tour qu’allaient prendre les événements du Printemps arabe montre les limites de notre
compréhension de la région. Par conséquent, la communauté euro-atlantique ne doit pas se
considérer comme un mentor ; il faut aborder la région avec davantage d’humilité et de modestie.
Il est également important de rester objectif et d’éviter toute rhétorique de la peur et de la défiance
à l’égard de cette région fragile.
8. Tandis que les conséquences socio-économiques et sur le plan de la sécurité régionale du
Printemps arabe seront traitées par d’autres commissions concernées de l’AP-OTAN, ce rapport
s’attache à l’évolution politique interne de l’Afrique du Nord, y compris la création et la fonction
des structures provisoires de l’Etat, les processus électoraux, l’émergence de nouveaux acteurs
politiques ainsi que les questions de l’Etat de droit et des droits humains. Selon la rapporteure, si
la plupart des changements apportés par les révolutions sont opportuns et positifs, notamment en
termes de responsabilité accrue du gouvernement envers les citoyens, la communauté
internationale doit surveiller de près la tournure des événements dans la région et réagir avec
fermeté si les libertés politiques, l’égalité des genres ou autres droits humains fondamentaux
venaient à être menacés.
II. TUNISIE : UN MODELE A SUIVRE ?
A. TRANSITION POLITIQUE
9. La rapidité avec laquelle un régime apparemment fort s’est effondré est ce qui caractérise la
révolution tunisienne : le président Zine el-Abidine Ben Ali a démissionné et a fui le pays moins
d’un mois après qu’un vendeur de fruits, Mohammed Bouazizi, dans un geste spectaculaire, se
soit immolé par le feu.
10. Avant la "révolution du jasmin", l’Etat policier à parti unique, celui du président Ben Ali, était
jugé relativement stable. Il offrait un contrat social de biens matériels en échange du contrôle
politique. De fait, d’après l’Indice de développement humain, la Tunisie était l’une des économies
de la région qui se développait le plus rapidement dans les années 80 et 90, en grande partie
grâce à des politiques économiques fondées sur les mécanismes de marché et à des relations
étroites avec la communauté européenne.
11. Toutefois, les avancées sociales n’ont pas suivi le rythme des progrès économiques. La
corruption généralisée, le népotisme, la pauvreté et la montée en flèche du chômage des jeunes
(plus de 25 % en 2011) régnaient dans le pays. Le niveau d’instruction chez les jeunes était assez
élevé, rendant encore plus frustrant le manque de perspectives. La plupart des profits
économiques étaient distribués parmi les membres de la nouvelle élite qui étaient souvent
étroitement liés aux familles de Ben Ali et de sa femme Leila Trabelsi. La croissance économique
réelle des zones rurales était très limitée ou inexistante (Deutsches Orient-Institut, 2011).
139 CDS 12 F rév. 1 3
12. L’immolation de Mohammed Bouazizi a été décisive car elle s’est produite dans un climat de
frustration et de mécontentement généralisé de la population. Les manifestations pacifiques de
solidarité ont pris de l’ampleur et se sont multipliées, se concentrant de plus en plus sur des
préoccupations d’envergure nationale : la corruption et la justice face à l’incompétence de l’Etat.
Les manifestants formaient un groupe hétérogène, composé de jeunes, de syndicalistes et de
représentants de divers groupes politiques et sociaux.
13. Les tout premiers mois de l’après-révolution ont été tumultueux, marqués par une division
incertaine du pouvoir entre institutions officielles du gouvernement et nouvelles forces
volutionnaires. En mars 2011, un gouvernement semi-technocratique, réduit à sa plus simple
expression, a été formé sous la direction de Caïd Essebsi, homme politique de l’ère pré-Ben Ali,
dans le but de préserver les institutions en place, de maintenir l’économie en marche, et de
préparer l’élection d’une Assemblée constituante organe chargé de décider de la réforme
constitutionnelle. Cette approche technocratique, à pas comptés, est parvenue à restaurer l’ordre.
14. Les premières élections véritablement démocratiques, tenues en octobre 2011, ont offert
aux électeurs un choix énorme de possibilités. Les élections qui, dans l’ensemble, se sont
déroulées sans incident ont été remportées haut la main par le parti islamiste Ennahda (41 % des
sièges). Ennahda a formé une coalition avec deux partis laïques de centre-gauche. Des
représentants de ces deux partis ont été élus président de la Tunisie (Moncef Marzouki) et
président du parlement (Mustapha Ben Jaafar) ; tandis que le poste de Premier ministre, le plus
influent, est allé à un représentant d’Ennahda, Hamadi Jebali. Les principaux responsables du
parti de Ben Ali, le Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), n’ont pas été autorisés à
se présenter. Au lendemain des élections de l’Assemblée constituante, la transition tunisienne
s’est engagée dans la phase institutionnelle.
15. En août 2012, le projet de la nouvelle Constitution a été présenté au public. L’Assemblée
constituante devrait l’approuver d’ici au mois de février 2013. Hormis la question de la loi de la
charia et de l’égalité des genres, les pouvoirs de la présidence seront probablement au centre des
débats : alors qu’Ennahda préfère renforcer la position d’un Premier ministre, les libéraux sont en
faveur d’un modèle axé sur le président. Si la nouvelle Constitution est approuvée comme prévu,
les nouvelles élections législatives se tiendront le 20 mars 2013.
B. PRINCIPALES PARTIES PRENANTES ET LIGNES DE FRACTURE
16. De tous les pays secoués par le Printemps arabe, la Tunisie est, à bien des égards, le mieux
placé pour mener avec succès sa transition démocratique et ce, en raison de sa petite taille, d’une
économie plus forte et d’une homogénéité sur le plan ethnique et religieux (98 % sont des
musulmans sunnites). La Tunisie est également dotée d’une société civile moderne, de syndicats
forts et les droits des femmes sont relativement bien protégés. Par ailleurs, la rupture avec le
passé a été plus nette et les clivages qui pourraient déstabiliser le pays sont moins nombreux. La
petite clique de Ben Ali a fui le pays et, après la confusion des premiers mois qui ont suivi la
révolution, ceux qui lui étaient étroitement associés se sont soumis au nouveau système. Des
divisions importantes entre les forces politiques et sociales existent néanmoins dans le pays et
pourraient faire dérailler le processus de transition.
17. La crise économique qui a frappé l’ensemble du pays au lendemain de la révolution
accentue d’autant plus les clivages socio-économiques entre les régions prospères du littoral et
les régions plus pauvres de l’intérieur du pays. En fait, ce qui distingue la révolution tunisienne est
qu’elle a commencé dans la province et n’a gagque plus tard la capitale et d’autres grandes
villes. La Tunisie est confrontée aujourd’hui à une situation économique très difficile qui, à bien
des égards, est pire que celle qui régnait avant la révolution. En outre, l’instabilité en Libye a
fragilisé le commerce bilatéral et a provoqué des problèmes de réfugiés en Tunisie. Le chômage a
également progressé. Des réformes économiques en faveur de la croissance et de la création
1 / 33 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !