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12. L’immolation de Mohammed Bouazizi a été décisive car elle s’est produite dans un climat de
frustration et de mécontentement généralisé de la population. Les manifestations pacifiques de
solidarité ont pris de l’ampleur et se sont multipliées, se concentrant de plus en plus sur des
préoccupations d’envergure nationale : la corruption et la justice face à l’incompétence de l’Etat.
Les manifestants formaient un groupe hétérogène, composé de jeunes, de syndicalistes et de
représentants de divers groupes politiques et sociaux.
13. Les tout premiers mois de l’après-révolution ont été tumultueux, marqués par une division
incertaine du pouvoir entre institutions officielles du gouvernement et nouvelles forces
révolutionnaires. En mars 2011, un gouvernement semi-technocratique, réduit à sa plus simple
expression, a été formé sous la direction de Caïd Essebsi, homme politique de l’ère pré-Ben Ali,
dans le but de préserver les institutions en place, de maintenir l’économie en marche, et de
préparer l’élection d’une Assemblée constituante – organe chargé de décider de la réforme
constitutionnelle. Cette approche technocratique, à pas comptés, est parvenue à restaurer l’ordre.
14. Les premières élections véritablement démocratiques, tenues en octobre 2011, ont offert
aux électeurs un choix énorme de possibilités. Les élections qui, dans l’ensemble, se sont
déroulées sans incident ont été remportées haut la main par le parti islamiste Ennahda (41 % des
sièges). Ennahda a formé une coalition avec deux partis laïques de centre-gauche. Des
représentants de ces deux partis ont été élus président de la Tunisie (Moncef Marzouki) et
président du parlement (Mustapha Ben Jaafar) ; tandis que le poste de Premier ministre, le plus
influent, est allé à un représentant d’Ennahda, Hamadi Jebali. Les principaux responsables du
parti de Ben Ali, le Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), n’ont pas été autorisés à
se présenter. Au lendemain des élections de l’Assemblée constituante, la transition tunisienne
s’est engagée dans la phase institutionnelle.
15. En août 2012, le projet de la nouvelle Constitution a été présenté au public. L’Assemblée
constituante devrait l’approuver d’ici au mois de février 2013. Hormis la question de la loi de la
charia et de l’égalité des genres, les pouvoirs de la présidence seront probablement au centre des
débats : alors qu’Ennahda préfère renforcer la position d’un Premier ministre, les libéraux sont en
faveur d’un modèle axé sur le président. Si la nouvelle Constitution est approuvée comme prévu,
les nouvelles élections législatives se tiendront le 20 mars 2013.
B. PRINCIPALES PARTIES PRENANTES ET LIGNES DE FRACTURE
16. De tous les pays secoués par le Printemps arabe, la Tunisie est, à bien des égards, le mieux
placé pour mener avec succès sa transition démocratique et ce, en raison de sa petite taille, d’une
économie plus forte et d’une homogénéité sur le plan ethnique et religieux (98 % sont des
musulmans sunnites). La Tunisie est également dotée d’une société civile moderne, de syndicats
forts et les droits des femmes sont relativement bien protégés. Par ailleurs, la rupture avec le
passé a été plus nette et les clivages qui pourraient déstabiliser le pays sont moins nombreux. La
petite clique de Ben Ali a fui le pays et, après la confusion des premiers mois qui ont suivi la
révolution, ceux qui lui étaient étroitement associés se sont soumis au nouveau système. Des
divisions importantes entre les forces politiques et sociales existent néanmoins dans le pays et
pourraient faire dérailler le processus de transition.
17. La crise économique qui a frappé l’ensemble du pays au lendemain de la révolution
accentue d’autant plus les clivages socio-économiques entre les régions prospères du littoral et
les régions plus pauvres de l’intérieur du pays. En fait, ce qui distingue la révolution tunisienne est
qu’elle a commencé dans la province et n’a gagné que plus tard la capitale et d’autres grandes
villes. La Tunisie est confrontée aujourd’hui à une situation économique très difficile qui, à bien
des égards, est pire que celle qui régnait avant la révolution. En outre, l’instabilité en Libye a
fragilisé le commerce bilatéral et a provoqué des problèmes de réfugiés en Tunisie. Le chômage a
également progressé. Des réformes économiques en faveur de la croissance et de la création