Catalogue d’idées pour développer le financement des industries culturelles Lorsqu’ ils développent leur art et leur créativité, les artistes, les créateurs, les entreprises et industries culturelles sont porteurs de changements, de dynamisme économique, de développement local, de cohésion sociale et de mise en valeur des identités culturelles. De la sorte, ils contribuent à la vitalité culturelle et économique, tout comme à la notoriété de leur Communauté. Il est donc important de les soutenir adéquatement. Quand on participe aux ateliers, colloques, séminaires et conférences organisés par les secteurs de l’audiovisuel et du cinéma on est confronté au grand débat qui secoue le milieu des auteurs, scénaristes, réalisateurs et producteurs : Est-ce que les financements publics ou privés doivent se développer ? Et si oui, comment ? La question du financement est cruciale. Le budget et le financement d’un film, d’une pièce, d’une œuvre ont une influence plus ou moins marquée sur le processus de création. Tous les réalisateurs l’affirment, les contingences de production, les réalités budgétaires d’un projet et la façon concrète dont est utilisé l’argent ont une incidence sensible sur l’œuvre. Qu’en est-il au pays des fabricants de rêve? La cinématographie francophone belge dans son ensemble est avant tout une cinématographie subventionnée. Sans aides, elle ne pourrait subsister. Si on considère exclusivement les critères commerciaux habituels d’audience, d’entrées et de chiffres d’affaire, le cinéma belge francophone n’existerait pas. Le dispositif de soutien est sophistiqué et complexe, il est à l’image de l’organisation politique de la Belgique et de la répartition des compétences entre l’Etat fédéral et les Communautés. Une cascade d’aides publiques multiformes et enchevêtrée ; fédérales (Tax Shelter, crédit d’impôt…), régionales (Wallimage(2), Bruxelleimage, Fonds d’investissement culturel « stART »(3), Cultuurinvest…) et communautaires (nombreux mécanismes de soutien prodigués par le Centre du Cinéma et de l’Audiovisuel (CCA): aides à l’écriture, à la production, à la finition, à la distribution, à la promotion…) constituent une jungle intimidante. Ce prodigieux réseau public de secours est lent. En effet, la plupart des mécanismes de soutien s’activent quand il y a possibilité de cofinancement, ce qui ralentit considérablement le processus de financement. Pour avoir accès à l’aide à la production du CCA, il faut amener d’autres financements. Etablie sur le même principe, l’aide européenne (programme MEDIA 2007(4) et Eurimages (5)) est elle aussi difficilement mobilisable. Pour l’obtenir un porteur de projet doit réunir au préalable l’équivalent de la somme apportée par l’Europe. Bref, financer son film est un véritable parcours du combattant. Pour qu’un film se fasse, en se procurant des fonds de manière classique (recours aux télévisions, au Tax Shelter, etc.), il faut parfois attendre plusieurs années. Joachim Lafosse, le réalisateur de Nue Propriété a dû attendre près de 5 ans ! En outre, ce dispositif d’encouragement public est relativement injuste. En effet, ses dons ne sont pas automatiques (comme en France par exemple) mais sélectifs. Les subventions ne se distribuent, à chaque échelon du dispositif, qu’au travers de commissions de sélection. Ce processus est cohérent dans le cadre d’une manne publique peu volumineuse et peu extensible. Cependant toute sélection soulève un problème moral : où est la démocratie du soutien quand une poignée seulement de projets est soutenue ? Par exemple, les habitués des commissions qui, en étant à leur 3e ou 4e film, peuvent s’attendre à une aide devenue quasiment automatique empiètent ainsi sensiblement sur les jeunes générations qui peinent à voire leur 1er film soutenu… D’autre part, ce système de financement est politiquement menacé à terme puisque l’Union européenne critique fermement le système des aides publiques. Dans ce contexte, deux lignes de force se dessinent en Belgique : - Soit les films sont obligés de passer par la coproduction, ce qui ralentit considérablement le processus de production. - Soit on tourne dans des conditions « low budget » et les gens sont sous-payés (ils perçoivent une fraction d’une rémunération normale et en guise de compensation une participation aléatoire aux recettes). Postulats quasi nécessaires pour le financement de la culture Le véritable danger qui planera sur la pérennité de la création et de la production culturelle est moins la répétition de tempêtes budgétaires que notre difficulté à élaborer une stratégie d’alliance, régionale, communautaire, fédérale et européenne avec les anciens et les nouveaux acteurs du financement de ces industries. Le renoncement serait insupportable, en fait il serait même suicidaire. Le seul financement public, chroniquement insuffisant, ne donne pas la capacité à la télévision, au cinéma, au théâtre, à l’opéra, etc. de répondre à leurs défis respectifs. Dans ces secteurs, les acteurs historiques ne peuvent prétendre réaliser leurs missions comme ils l’ont fait dans le passé. De nouveaux acteurs du financement vont faire irruption sur la scène, leur participation à la construction de l’univers culturel et informationnel, dont les coûts explosent, est inéluctable. L’impérieuse nécessité de développer un modèle alternatif complémentaire aux subventions publiques est patente. Ce nouveau réseau de financement sera privé. Les deux systèmes ne sont pas antinomiques. En fait, bien conçus, ils se complètent. La Monnaie l’a bien compris et combine prodigieusement subvention publique et mécénat individuel. Ainsi l’opéra Semele (qui a ouvert la saison) de Handel n’aurait certainement pas été possible sans l’apport financier important d’une mécène chinoise. L’alliance de l’Etat et du privé est donc non seulement utile mais indispensable, à condition de la bâtir sur un mode qui en nourrisse et garantisse l’équilibre. La puissance publique y trouvera le moyen de répondre à ses propres besoins pour assumer pleinement ses missions (création, émulation, rayonnement et pérennisation de notre patrimoine culturel). Loin de l’abandon, l’alliance se révèlera à la fois vecteur de régulation, moyen d’une affectation optimisée de la ressource publique et facteur d’une mobilisation financière et intellectuelle générale. Ce modèle allège le fardeau de l’Etat dans l’exécution de missions coûteuses. Certes, la distribution des subsides est sélective et on peut craindre que le financement privé opère lui aussi un tri selon ses propres critères. Cependant, les motivations d’intervenir chez les investisseurs privés, fortunés ou non, étant multiples (capitalistes, mais aussi altruistes), les critères de sélection eux aussi seront variés, ce qui présage une diversité certaine dans la création artistique. S’interroger sur l’implication des différents types de financement privé est un luxe que le secteur de la culture ne peut pas se permettre aujourd’hui – à l’heure de la crise des finances publiques, de la disette budgétaire et de la glaciation des subventions. L’urgence est plutôt à une réflexion sur comment engendrer de nouveaux soutiens financiers afin de rendre pérenne la création culturelle. De manière concomitante au développement d’un modèle de financement privé, on peut encore faire évoluer le système des aides de l’Etat car celui-ci n’a pas atteint ses limites. En repensant son mode opératoire on pourra le rendre plus efficace, notamment en faisant en sorte que les subsides s’ouvrent prioritairement au « low budget ». En effet, avoir la possibilité de tourner des films low budget permet à une jeune génération de cinéastes courageux d’éclore, de faire ses armes, de travailler, d’expérimenter, de progresser, de se révéler pour le plus grand bonheur de l’inventivité artistique… Le financement privé est un filon pratiquement inexploité Qu’est-ce qui freine le développement des industries culturelles ? Raisons généralement avancées : le ralentissement économique, l’absence de moyens, une trésorerie dégradée. Or c’est probablement quelque chose de plus diffus, de sous-jacent qui les freine. Un mélange d’inertie et de fatalisme, alimenté par une méconnaissance de toutes les catégories de financeurs potentiels, à fortiori une ignorance de la manière de mobiliser ceux-ci et une incompréhension des possibilités de financement qu’offre un marché financier élargi. Ce mélange agit comme un éteignoir de la créativité financière et consume l’énergie de tous. Il faut se rendre compte du pouvoir envahissant de la résistance au changement chez certains responsables financiers d’entreprises à vocation culturelle, quelque chose d’inébranlable, de résistant, de la nature du granit... Nombre d’entre eux, trop habitués au parcours balisé de la chasse aux subsides, ignorent ou feignent d’ignorer le recours au financement privé. Par exemple, beaucoup d’entreprises culturelles adoptent le statut d’ASBL (ou de société coopérative), ce qui leur permet de se financer de manière originale en mobilisant l’épargne de proximité (les gens du quartier notamment). Ainsi un théâtre de quartier peut émettre des obligations pour se financer et dans ce cas la procédure de levée de fonds est moins contraignante que pour un classique appel public à l’épargne. En réalité, assez peu de théâtres explorent cette voie de financement. Evidemment, l’appel aux capitaux privés exige un effort ; une communication différente et plus astreignante. Dans la filière des industries culturelles, la connaissance du financement privé se limite souvent aux sponsors. Parfois, certains responsables financiers mentionnent également le Tax Shelter. Les plus avertis d’entre eux arrivent à en expliquer le mécanisme et débattent sur les possibilités de transversalités et de complémentarités avec d’autres subsides régionaux et communautaires. Mais peu nombreux sont ceux qui explorent les possibilités qu’offre l’épargne des particuliers. Fondamentalement, la culture crée un formidable lien social. En apprenant à communiquer sur ce phénomène et en tablant sur le capital sympathie dont jouissent bien des entreprises à vocation culturelle, il devient possible de mobiliser des fonds privés auprès d’un large public. Le Tax Shelter a montré la voie. Il s’agit d’un modèle de financement émergent et pourtant, avec environ 250 millions d’euros investis dans le cinéma belge et plus de 4200 contrats d’emplois créés (Contrats à Durée Déterminée), le Tax Shelter est déjà devenu , en six ans, la première source de financement du secteur audiovisuel belge. Ce mécanisme fiscal a permis de quadrupler les fonds disponibles pour notre cinéma. Alors que 95 % des films de fiction produits en Belgique (malgré de nombreuses récompenses) sont des échecs commerciaux ! Néanmoins, ce véhicule financier a propulsé le secteur de l’audiovisuel belge en finançant des dépenses structurantes pour l’industrie audiovisuelle locale. Ces six dernières années, le nombre de films 100 % belges a augmenté de 216 %, le nombre de coproductions majoritairement belges a lui cru de plus de 266 %. Dans ce modèle de financement, les investisseurs privés s’en remettent au savoir faire des sociétés intermédiaires qui commercialisent le Tax Shelter. Ainsi, selon l’intermédiaire choisi, les investisseurs recrutés ne savent pas dans quels films ils placent leurs billes, ce qui permet d’éviter qu’ils ne choisissent que des films commerciaux, donc plus rentables. Certains intermédiaires mutualisent les risques de leurs investisseurs en plaçant leur argent dans des « paniers » d’œuvres comprenant à la fois des films d’auteur et des films plus grand public. Même des banques (Dexia, Fortis, ING) se sont mises à commercialiser le Tax Shelter, en s’adressant directement et exclusivement à certains de leurs clients fortunés, qui forment de la sorte des « Club Deal »ou petits clubs privés d’investissement (jet-set money). Cela montre que le principe de fonds collectifs d’investissement alimentés par des capitaux privés s’applique aisément au domaine de l’audiovisuel et du cinéma. Les perspectives d’avenir pour le Tax Shelter sont appréciables. En fait, de plus en plus d’entreprises investisseuses sont attirées par les rendements minimum garantis (véritables valeurs refuge en temps de crise) et le mécanisme commence à être bien compris. Le nombre d’intermédiaires spécialisés commercialisant ce mécanisme fiscal pourrait se multiplier. Actuellement des investisseurs (privés et fortunés) sont en train de remettre au goût du jour un ancien type de véhicule financier, la Pricaf privée(6) (initié en 2003 sans toutefois rencontrer un réel succès) destiné à financer de nouvelles entreprises de commercialisation du Tax Shelter. On pourrait d’ailleurs élargir ce mécanisme à d’autres secteurs culturels (spectacle vivant, édition…) ou à d’autres industries audiovisuelles (les jeux interactifs, le cinéma dynamique...). Autre piste, le mécénat privé, elle commence à être explorée par le théâtre et l’opéra, bien que cette mentalité soit peu développée chez nous (contrairement à la tradition anglosaxonne), puisque les arts y sont perçus comme une activité essentiellement subsidiée. Du fait que l’Etat est clairement perçu comme ayant un rôle prépondérant d’éducation à la culture et comme ayant tendance à décider de tout pour la collectivité. Ceci dit, le mécénat individuel est bien la preuve de l’existence de motivations autres que capitalistiques chez les financeurs privés, que ce soient des entreprises ou des individus fortunés… La culture attire déjà les entreprises, les banques et les individus fortunés. Elle peut également séduire les épargnants, c’est-à-dire un public bien plus large. Mais pour cela, une révolution de mentalité doit s’opérer. Les principaux intéressés doivent cesser de penser que dans leur activité le produit fini ne sera jamais bénéficiaire ! Souvent dans les milieux de la télévision et du théâtre prédomine la perception trompeuse qu’en l’absence de subventions les productions d’émissions ou de pièces ne sont pas suffisamment rentables. Idée sous-jacente : la production télévisuelle ou théâtrale a implicitement un potentiel moindre de retour sur investissement et est de ce fait moins attractive pour les capitaux privés. Pourtant bien des émissions (documentaires, reportages, fictions, téléréalité, jeux, séries,…) et pièces de théâtre méritent un minimum de bienveillance de la part des investisseurs privés les mieux avisés, car elles alimentent d’excellents cash-flows et ROI (return on investment). Il faut partir du principe que la culture est rentable, quelle qu’elle soit. Il faut refuser la dichotomie entre d’un côté la mauvaise culture, de type hollywoodienne, qui rapporte de l’argent, et d’un autre côté, la bonne culture qui en perd. Le cœur de métier de la culture c’est l’imagination, le rêve ! Tout comme l’envie d’oser est aliéné à l’art. Ces phénomènes intangibles et non quantifiables variant en fonction les uns des autres que sont l’imagination, le rêve, l’envie d’oser et la prise de risque constituent le substrat de l’innovation et de l’entrepreneuriat. Les entreprises à vocation culturelle doivent apprendre à communiquer sur ce rapport entre l’ouverture culturelle, l’optimisme mental et le dynamisme économique et social de toute communauté. Un monde où tout serait identique, ne susciterait ni espoirs, ni innovations, ni idées… Les entreprises à vocation culturelle doivent apprendre à valoriser ce qu’elles font et valoriser ceux qui les soutiennent. En effet, la plupart des individus cherchent, en investissant, non seulement une récompense financière mais aussi à combler un besoin de reconnaissance sociale ou encore ils cherchent à se distinguer. Une façon de valoriser ce qu’elles font consiste à bien informer leur public de financeurs et comme la transparence crée souvent l’adhésion, elles doivent donc apprendre à faire du reporting sur leurs activités. Dans cet ordre d’idées, il faudrait multiplier les séminaires, conférences, colloques, tables rondes sur l’entrepreneuriat culturel comme source de valeur, d’innovation et de lien social. (« L’entreprise culturelle est un défi mais aussi source de plus-value »…). L’animation culturelle est clairement devenue une valeur économique, il y a un marché et il faut inciter les capitaux privés à l’occuper. Impliquons les particuliers dans le financement à risque de la culture et de l’audiovisuel, en facilitant, par exemple, l’éclosion de fonds communs de placement « ARTE » dédiés aux différentes industries culturelles et en proposant divers avantages fiscaux. Encourageons l’épargne de proximité en permettant à des particuliers d’investir dans des projets culturels proches et/ou connus d’eux. Et, en cas d’échec, en les autorisant à déduire les pertes sur leur feuille d’impôts. Ainsi, la collectivité n’assumerait que très indirectement une partie du risque pris par l’entrepreneur culturel. Ces fonds communs de proximité culturelle devraient investir, par exemple, 60 % de leurs ressources dans des initiatives culturelles régionales dont au moins 25 % dans des premiers projets de jeunes artistes. Une manière effective d’orienter l’épargne locale vers des petites entreprises culturelles de la région. Selon une étude de Fund Market Lux (2007), 70 % des Belges seraient prêts à investir une partie de leur épargne dans des placements à dimension culturelle s’ils bénéficiaient d’un avantage fiscal. Cela ouvre bien des perspectives pour une gestion collective de l’épargne. Si on permettait à tous ces individus d’investir des montants modestes dans un pot commun, en l’occurrence un fonds collectif de capital à risque dédié à l’animation culturelle, ce serait là pour eux une façon simple et originale de se lancer dans l’aventure du financement de l’entrepreneuriat culturel. Le fonds collectif se chargeant d’investir l’argent récolté dans des entreprises culturelles classiques mais également dans des projets culturels foncièrement innovateurs. Les épargnants auront ainsi la possibilité de superviser la constitution (et la progression) du portefeuille d’entreprises culturelles géré par les gestionnaires du fonds et d’en apprendre beaucoup sur la façon de trier et de sélectionner les projets culturels innovants. D’un point de vue macroéconomique, ce genre d’initiative augmenterait sensiblement la manne des capitaux à risque disponible pour les jeunes générations d’artistes, puisqu’au travers de l’achat de parts du fonds commun de placement, à un prix démocratique (par exemple 5 € l’unité), l’épargnant « ami des arts » deviendrait indirectement, à moindre coût et surtout à moindre risque un « business angel » (ange financier) de la culture. L’épargnant « ami des arts » pourrait également alimenter des fonds communs de placement dédiés aux arts en rétrocédant chaque année automatiquement une fraction des intérêts annuels que produit son compte d’épargne à un ou plusieurs entreprises, institutions ou projets culturels préalablement sélectionnés et communiqués à la banque dépositaire de son épargne. (Mécanisme de l’épargne CIGALE) (7) Les perspectives d’implication du grand public dans le marché des capitaux à risque sont favorables si on se rappelle le succès de l’emprunt obligataire émis par le Fonds Starter en juin 2004 visant à renforcer les moyens d’action du Fonds de Participation (organisme public). Cette émission obligataire, qui portait sur un montant de 65 millions d’euros, avait été souscrite par 12 000 épargnants et elle avait même été clôturée anticipativement. Dans ce véhicule financier l’Etat donne aux souscripteurs sa garantie sur le capital et sur les intérêts. Le prêteur bénéficie également d’un avantage fiscal. Le Fonds Européen d’Investissement rembourse la moitié des pertes encourues sur ces prêts « starter » destinés aux jeunes entreprises (moins de 4 ans d’ancienneté). Ce système est par, exemple, facilement adaptable à la RTBF pour renforcer ses moyens d’action. La « Casa Kafka » jouit notamment d’une bien plus grande notoriété spontanée auprès du grand public que le Fonds de Participation et elle offrirait une plus grande précision sur la destination des fonds récoltés (destinés à l’audiovisuel et au cinéma). Dans le cas du Fonds starter, l’argent récolté pouvait s’éparpiller sur une kyrielle de secteurs d’activité possibles. Un fonds collectif « Technologies wallonnes de l’Image, du Son et du Texte » est d’ailleurs en cours de préparation dans une banque privée belge. La banque mise sur les technologies de pointe émanant des quelques 150 entreprises wallonnes actives dans les secteurs porteurs de l’audiovisuel et du multimédia (chiffre d’affaires total estimé à 850 millions d’euros). En général, tous les partis politiques applaudissent le principe d’un appel à l’épargne pour financer le développement des PME wallonnes en associant ainsi les citoyens au redressement de leur région en leur permettant de participer au cercle vertueux de la création d’activités. C’est d’ailleurs ce que va tenter de faire la Région Wallonne avec la Caisse d’Investissement de Wallonie. Il y a toute une gamme d’instruments possibles, des Sicav (Sociétés d’investissement à capital variable) dédiées à une industrie culturelle particulière, ou à un pôle particulier (par exemple, dans l’industrie du cinéma, les pôles image, son ou texte), ou encore à une activité particulière (par exemple, toujours dans l’industrie du cinéma ; l’image en relief, l’Internet mobile, le crossmedia ou l’archivage numérique, où sont déjà actives plusieurs sociétés wallonnes) ou enfin à un panier d’activités. Permettons aux Compagnies d’assurance d’allouer, par exemple, 5 à 10 % des sommes contenues dans les contrats d’assurance-vie à des entreprises culturelles. Obtenons d’elles que, par exemple, 25 % de ces investissements soient focalisés sur des œuvres d’auteurs débutants. Permettons également aux Compagnies d’assurances d’investir dans des entreprises culturelles tout ou partie des contrats en déshérence (sans bénéficiaire identifié). On pourrait également songer à la création d’une Bourse d’un troisième type dédiée aux industries culturelles. Une espèce de marché ouvert sur Internet pour mettre en contact les projets de scénaristes, auteurs, réalisateurs avec les producteurs et les financiers. Moyennant, par exemple, un abonnement de 5 000 € par an, les investisseurs professionnels (producteurs et gestionnaires de fonds collectif de placement, de club privé d’investissement, de société commercialisant le Tax Shelter, etc.) pourraient avoir accès à une liste de projets culturels présentés par des spécialistes du financement de la culture. Il faudrait pouvoir accorder une réduction d’impôts aux amis, connaissances ou membres de la famille qui prêtent jusqu’à, par exemple, 30 000 euros à un entrepreneur qui monte un projet culturel. Par exemple une réduction fiscale de 2,5 % avec un maximum de 1500 euros par an. L’emprunt pourrait courir sur une période de 10 ans et devra être remboursé en une fois. Si l’investisseur ne peut être remboursé, il pourra récupérer 30 % de son investissement via une déduction fiscale unique. Ce faisant, on stimulerait davantage le capital d’amorçage et le capital de démarrage, c’est-à-dire le capital- à très haut risque, le plus difficile à trouver… Le filon des subventions pourrait être mieux exploité L’efficacité des aides de l’Etat pourrait être grandement améliorée si on repensait le modus operandi des fonds régionaux et si on désinhibait le financement privé, notamment bancaire. Pour faciliter l’accès au financement des porteurs de projets il faut évacuer leur principal obstacle : le manque de capital de départ, c’est-à-dire le montant nécessaire pour amorcer et démarrer le projet et avoir ensuite accès aux subsides habituels. Le grand inconvénient du dispositif des subventions est qu’il implique presque toujours un cofinancement. Le dispositif ne s’active que quand il y a un préalable : l’apport d’un montant initial. Or ce capital d’amorçage est souvent la partie la plus difficile de la quête aux capitaux. Dès lors, Wallimage et Bruxelleimage devraient être des initiateurs financiers plus que des accompagnateurs qui interviennent systématiquement (et malheureusement presque exclusivement) aux côtés d’un Invest local ou d’un partenaire public, c’est-à-dire en cofinancement. Si en plus de l’étude de marché et du plan d’affaires, le porteur de projet doit se présenter avec déjà une partie du financement : tout cela ralentit considérablement le processus de financement (et fatalement la production d’une œuvre). Dans la filière « Culture », les institutions financières publiques et privées devraient pouvoir disposer de conseillers (coaches) culturels. Il pourrait s’agir d’analystes maison ayant suivi une formation complémentaire certifiée par un organisme agréé d’éveil aux enjeux de la culture. Pourquoi cette nécessité ? Parce que les entreprises culturelles adoptent souvent des stratégies de singularité limitant volontairement l’extension des ressources et des compétences au profit de capacités idiosyncrasiques, uniques et inimitables. De sorte que certaines formes nouvelles d’entrepreneuriat passeraient moins exclusivement par la croissance (du chiffre d’affaires et des emplois) que par la recherche de la petite taille et d’innovation de rupture. Un modèle qui s’appuie sur des revendications de singularité, de créativité et d’expression de soi, et suppose des mutations sociales profondes, portées notamment par de nouvelles générations d’entrepreneurs. C’est pourquoi ces entreprises particulières se développent surtout dans des secteurs artistiques, culturels et de loisirs, et sous la forme du néo-artisanat ou de la micro-production dédiée à des productions uniques. Rien n’indique aujourd’hui que ces activités singulières sont susceptibles soit de se fondre, soit de remplacer, la forme dominante du capitalisme managérial et de l’entreprise classique à laquelle sont formés la grande majorité des analystes opérant dans les organismes financiers, tant publics que privés. Ceux-là mêmes chargés de faire émerger l’innovation ne perçoivent pas souvent le caractère novateur et la singularité des projets portés par de nouvelles générations d’entrepreneurs. C’est d’autant plus vrai quand on recrute des analystes juniors, qui, par définition, n’ont pas l’expérience du terrain. L’exemple du recrutement du tout nouveau fonds « stART » est symptomatique, la description du profil recherché pour y devenir analyste (junior) est laconique ; un diplôme universitaire et un « intérêt » pour la culture (une première expérience est bienvenue mais pas obligatoire) suffisent. Cela ne présage pas une grande aptitude pour détecter et/ou comprendre les œuvres créatives et jauger la qualité d’un porteur de projet et de son équipe. Déjà, on reproche souvent aux analystes en poste d’avoir plus peur de ramasser (et de présenter à leur comité de sélection) un mauvais projet que de rater un bon projet… Pour obtenir le soutien financier de Wallimage Entreprises, le mémorandum exige les statuts, l’étude de marché et un plan d’affaires. Mais l’analyste junior sait-il réellement jauger la crédibilité du cinéaste et de son équipe ? Peut-il réellement estimer le caractère novateur du projet qui lui est soumis ? (Ce sont là deux critères généraux d’appréciation par les comités de sélection des fonds publics régionaux) Quand Wallimage prend une participation minoritaire au capital d’un projet, comment l’analyste (surtout quand il s’agit d’un junior) valorise-t-il le capital d’un projet innovateur ? Lorsqu’ un projet est nouveau (surtout s’il s’agit d’une innovation de rupture), qu’il n’y a rien de comparable et qu’il n’a pas d’ancienneté, les formules classiques de valorisation d’entreprise sont inopérantes. C’est un problème complexe et un organisme agréé (de type académique, par exemple) doit pouvoir clarifier le débat et explorer des pistes. Cet organisme agréé doit enseigner l’art de déceler les nouvelles formes d’entrepreneuriat, les nouvelles générations d’entrepreneurs, les innovations de rupture, les technologies réellement innovantes, les méthodes d’évaluation des projets culturels, etc. Il doit mettre sur pied des ateliers pilotes d’évaluation de projets culturels pour lesquels la détermination du retour possible sur investissement est complexe (littérature, arts de la scène, arts, plastiques, etc.). Dans ces ateliers pilotes seraient réunis des praticiens (agréés) de l’investissement à vocation culturelle (gestionnaires de fonds, analystes financiers) et leurs contreparties dans les sociétés investies (gestionnaires des relations avec les investisseurs). Les fonds publics régionaux ne se rendent pas bien compte que l’étude de marché et le plan d’affaires exigés préalablement à l’étude de tout dossier par leur comité de sélection représente trop souvent un obstacle presque insurmontable pour les jeunes générations d’auteurs, scénaristes, réalisateurs qui les sollicitent. Pour le profane, bien souvent les questions type des formulaires (Plan d’affaires, plans financiers) à remplir pour entrer en relation avec les organismes spécialisés, sont incompréhensibles. Sans aide, il est ardu pour un porteur de projet de répondre à des questions du type « taille du marché potentiel de votre produit ou service ». Doit-on interpréter la question en termes de potentiel des ventes ? et/ou en termes du nombre de clients ? Et puis, où se procurer une étude de marché ? Quelle méthode utiliser pour celle-ci. Comment calibrer les résultats de celle-ci ? Comment décrire la cible ? Etc. En fait, on pourrait gagner du temps, de l’énergie et de l’argent en simplifiant le processus de sélection, par exemple, en organisant d’abord un pré-screening des porteurs de projets sur base d’une audition relativement courte de ceux-ci, organisée à intervalles réguliers. Chaque solliciteur aurait droit à, par exemple, 10 minutes pour présenter oralement son projet (discours de type « elevator pitch »). Si, au terme de cette présélection, son projet est retenu, alors seulement le candidat se verrait obligé de remplir toutes les conditions formelles imposées par le mémorandum de l’organisme sollicité. Les membres des comités de sélection seront plus enclins à lire les plans d’affaires de candidats ayant déjà fait bonne impression. Par ailleurs, pour rendre la distribution des aides plus démocratique, on devrait renouveler plus fréquemment la composition des différents comités de sélection des organismes publics chargés de soutenir financièrement la filière culturelle. Cela permettrait également de mieux s’assurer de leur intégrité, de leur compétence (qualité), de leur inventivité... Quand il y a préfinancement, les banques sont beaucoup plus réceptives à l’étude des dossiers. Et des garanties désinhibent le comportement bancaire… Il faudrait créer un système moderne de garantie publique. C’est-à-dire efficace, rapide et motivant pour les financeurs privés. Par exemple, il faudrait permettre que l’analyse du risque, la décision et l’octroi de garantie publique se fasse uniquement par toute banque à vocation culturelle (TRIODOS …) sur base d’un accord-cadre global préalablement négocié avec l’instance publique concernée. Ainsi la banque pourvoyeuse octroie une garantie publique individuelle à un projet particulier en puisant dans l’enveloppe qui lui est attribuée par l’instance publique sans devoir à chaque fois demander une autorisation préalable. L’efficacité d’une telle approche peut être démontrée par le système mis en place en Allemagne par la Deutsche Ausgleichsbank, qui garantit chaque année des crédits bancaires pour plus de 55 000 startups, ce qui dépasse de loin les 3 000 start-ups qui, en Europe, bénéficient chaque année de capitaux d’amorçage, ou encore les quelques centaines de start-ups appuyées par les fonds de garantie régionaux en Belgique. Triodos pourrait négocier un même type d’accord-cadre moderne avec le Fonds de Participation et/ou les Fonds de Garantie régionaux sur la base du benchmark allemand. Ces derniers acceptant d’allouer une partie de leurs ressources propres à la garantie d’activités culturelles, peut-être même en créant des outils spécifiques. Par exemple un Fonds de garantie « Audiovisuel et Cinéma », détenu par l’Etat (au travers des Fonds de Participation, Sogepa, SRIB, SRIW…), par un actionnariat privé (Compagnies d’assurances, banques privées belges…) et par l’Europe (Feder…) D’autre part, le Fonds de Participation a timidement commencé à se moderniser avec le prêt INITIO en comprenant que pour les petites entreprises il est plus aisé et plus utile d’obtenir d’abord l’accord du Fonds de Participation pour leur crédit d’investissement avant d’aller voir les banques. Celles-ci assouplissent alors leurs critères en matière de fonds propres. En inversant le sens du parcours (de combattant) pour le porteur on peut raisonnablement tabler sur plus grande rapidité dans le processus décisionnel (15 jours par exemple) et sur une meilleure transparence des conditions d’octroi de la garantie. Tabler sur une bonne connaissance des entreprises culturelles de la part d’un fonds de garantie dédié à la filière culture suppose une formation adéquate de ses analystes aux spécificités des projets culturels. Le Fonds de participation mettrait au point des prêts « ARTE » (à l’instar de ses prêts STARTEO et OPTIMEO) ou encore des garanties « ARTE » pour l’équivalent de, disons 80 ou 90 % des montants prêtés par la famille, les amis, les collaborateurs… Permettons aux banques intéressées d’octroyer des prêts participatifs. Ce type de prêt a pour particularité d’être rémunéré en fonction des performances de l’entreprise, le prêteur étant également intéressé aux bénéfices (d’où son nom) en contrepartie d’une limitation des garanties. Ces prêts pourraient être accordés en complément de prêts de fonds publics régionaux ou de capitaux placés en fonds propres par des investisseurs privés (à parité, ou pour un montant égal à la moitié des financements publics accordés). Ces prêts participatifs peuvent être rémunérés à un taux, fixe ou variable, compris entre 6 % et 9,5 %, selon le risque individuel de chaque entreprise culturelle. Permettons aux banques (à vocation culturelle) de mettre au point un processus de revente du risque de crédit « culture », « audiovisuel », etc. sur un marché secondaire… Pour désinhiber le financement bancaire de bas de bilan dans les entreprises culturelles, rééquilibrons le traitement entre créanciers privés. Le droit belge allonge les délais de recouvrement de la dette par saisie du collatéral et sanctionne le soutien abusif. Il place les créanciers privés, notamment bancaires, après tous les créanciers privilégiés en cas de faillite et inhibe le financement bancaire. Son objectif premier reste donc la sauvegarde de l’entreprise, même si une telle procédure débouche aujourd’hui, dans plus de 90 % des cas, sur la liquidation de l’entreprise. Quand les créanciers privés disposent d’une sûreté réelle sur un actif de l’entreprise (gages sur matériel, stocks et des sûretés corporelles prises pour garantir le refinancement d’une entreprise), celle-ci est souvent disputée par un grand nombre de créanciers. Dans la filière culturelle, maintenons le privilège qui assure une garantie minimale aux salariés et supprimons les créances privilégiées du Trésor public (ONSS, TVA, Précompte Professionnel). Un tel traitement devra s’appliquer aussi bien en cas d’arrêt de l’activité (priorité absolue sur la valeur de réalisation des actifs faisant l’objet de la sûreté) qu’en cas de cession de l’entreprise à un repreneur (faculté de s’opposer à ce que les biens objets de leurs sûretés soient intégrés dans la cession). Si les banques ne jouent pas le jeu et qu’il n’y a donc peu ou rien à en attendre, et si les fonds régionaux actuels ne veulent pas s’investir davantage dans le financement d’amorçage des projets culturels il conviendrait alors de créer des véhicules financiers à même de se substituer à eux pour la préparation et le montage de dossiers de financement des entreprises culturelles, en s’inspirant, par exemple, de ce qu’il se fait dans le réseau du financement alternatif (CREDAL et consorts…). Ces organismes originaux deviendraient les nouveaux mécanismes d’activation des fonds et garanties complémentaires publics (Wallimage, Bruxelleimage, stART, Fonds de Participation « ARTE », etc.). Créons donc des institutions de microfinance « Culture » (« ARTE »), éventuellement financées par une très légère taxation des banques classiques. Les pouvoirs publics doivent s’engager à long terme dans des mécanismes de garantie pour les entreprises à vocation culturelle et créative afin de faciliter le travail des organismes de microcrédit et des réseaux de financement alternatif (coopératives de crédits).Pour faciliter le travail de ceux-ci, il faudrait : les exempter (une fois qu’un organisme spécifique ait certifié leur expertise, après, par exemple, une formation particulière) de la publication de prospectus pour les appels publics à l’épargne, faciliter la collecte de dépôts pour les coopératives de crédit à vocation culturelle. instaurer un système de réassurance en faveur des microcrédits dédiés aux entreprises culturelles. Accorder des subventions de, par exemple, maximum 500 euros pour les frais d’examen et de préparation des dossiers liés à ces microcrédits. Actuellement, il y a trois institutions de microcrédit : Crédal, Fonds de Participation, Brusoc. Il en faudrait urgemment une quatrième dédiée à la niche culturelle….Une idée serait d’orienter le développement du tout nouveau fonds d’investissement stART (pas encore opérationnel) dans cette direction en lui permettant, par exemple, d’allouer la moitié de ses moyens disponibles à des interventions sous forme de garantie bancaire rémunérée et l’autre moitié à des microcrédits exclusivement destinés à l’amorçage et au démarrage des projets. Instaurons un dispositif fiscal inspiré de « Tante Agathe »(8) aux Pays-Bas (pas de précompte mobilier et possibilité de déduire fiscalement les pertes éventuelles encourues) afin de récompenser le « love money », c’est-à-dire la contribution financière des amis, de la famille, des collaborateurs du créateur d’œuvre culturelle innovante. Profitons pleinement de la révolution des intérêts notionnels (9) en réfléchissant au concept d’intérêts notionnels culturels. Le système des intérêts notionnels est destiné à favoriser la capitalisation des entreprises, l’investissement et donc l’emploi ! La filière culturelle pourrait réellement le pousser à aller jusqu’au bout de sa logique. Aujourd’hui, la déduction des intérêts notionnels s’effectue au taux des obligations d’Etat (supposées sans risque) pour toutes les entreprises (sauf pour les PME, où il y a une majoration de 0,50 %). Cette situation ne tient clairement pas compte de la prime de risque associée légitimement au financement par fonds propres des entreprises, plus risqué que l’endettement. Pour rééquilibrer davantage le bonus fiscal portant sur le capital à risque il faudrait déduire, au titre d’intérêts notionnels, non pas seulement un pourcentage basé sur le taux des obligations d’Etat mais aussi un supplément intégrant une prime de risque (de la même manière qu’on a ajouté une prime PME de 0,50 %). (Remarquons qu’en matière d’endettement, les sociétés peuvent naturellement déduire leur taux d’intérêt global, ce dernier correspondant également à la somme du taux des fonds d’Etat et d’une prime de risque bancaire ou obligataire.) Par exemple, on pourrait rajouter au taux de base des fonds d’Etat un supplément de 3 %, qui correspond cette fois approximativement à la prime de risque moyenne observée historiquement. On pourrait même discriminer entre les secteurs, avec une prime de 4 ou 5 % pour les plus risqués comme les industries culturelles… Il serait dommage de ne pas aller jusqu’au bout de la logique économique de rééquilibrage qui soustend les intérêts notionnels et qui permet de restaurer pleinement les attraits du capital à risque. Sinon, cette mesure courageuse et innovante donnerait quelque peu l’impression que sa principale finalité serait d’abaisser le taux effectif de l’impôt des sociétés. Créons un nouveau type d’Invest : L’Invest culturel Les Invests (organismes semi-publics d’investissement régional) actuels ne sont pas suffisamment outillés pour accompagner au mieux les petites entreprises culturelles innovantes. Ils sont inadaptés pour jauger l’innovation et à fortiori l’innovation artistique ou culturelle; leur taille et leur morcellement les désavantagent. De manière générale, d’un point de vue réseau, de spécialisation ou de la veille de marché, le rôle de l’Invest est limité. En outre, ils pâtissent de l’hégémonie politicienne (Conseils d’administration pléthoriques) et leurs organes de direction sont insuffisamment professionnels. lls financent dans trois quarts des cas des projets mûrs et peu risqués. Ils ont la réputation d’être plus des hôpitaux de campagne (centres de secours) pour entreprises en difficulté que de réels incubateurs ou développeurs d’idées novatrices. Un peu comme s’ils avaient plus peur de ramasser une mauvaise affaire que de rater une bonne affaire… Enfin, ils pratiquent la restriction géographique. Dans un Invest culturel digne de ce nom il faudrait que les membres de la direction et les représentants du secteur public (qui ne seraient plus des élus) soient audités (et avalisés) par un organisme indépendant spécialisé en matière culturelle, et notamment dans la détection et l’évaluation des projets culturels porteurs. (Souci de transparence et d’éthique) Il faudrait également une plus grande représentation du secteur professionnel concerné dans le Conseil d’administration (souci de meilleure professionnalisation grâce à l’implication de praticiens de terrain). Dans ce genre d’Invest, la banque Triodos et les banques gestionnaires de fonds collectifs (de type Sicav, ou Fonds commun de placement) dédiés à la culture pourraient entrer dans le capital. Cet Invest culturel devrait travailler en symbiose avec un observatoire de l’animation culturelle (éventuellement une entité académique) afin de déterminer si un projet (quelque soit l’industrie culturelle concernée) de développement identique n’est pas déjà en cours ailleurs … (Souci d’échapper aux limites du sous-localisme, sous-régionalisme wallon). Un organisme d’éveil aux enjeux culturels, spécialisé en valorisation de projets culturels, formerait les analystes de l’Invest (et ceux des organismes publics dédiés à la création et au financement d’entreprises culturelles) afin de les rendre plus aptes à détecter les « bons » projets, les projets « innovants », les projets montrant une « innovation de rupture »… L’Invest culturel ne pratiquerait pas de restriction géographique : si le siège social de l’entreprise culturelle soutenue déménage hors de la Province hôte de l’Invest, il ne devrait plus être nécessaire de revendre les actions. Ses gestionnaires s’engageraient à investir la moitié de leurs fonds disponibles dans des projets de créateurs, des premières œuvres, afin de répondre à leur véritable vocation de fournisseurs de capital à risque. Rassemblons les fonds publics actuels dans une structure unique de rehaussement. Évitons le saupoudrage, les redondances et double-emplois du dispositif actuel. Le changement de paradigme financier n’est pas un pacte faustien Dans le paysage actuel, les surplombs, les transcendances et les hiérarchies propres au financement public de la création audiovisuelle et cinématographique bien que travaillées par de multiples transversalités ne parviennent pourtant pas à modifier ni la topographie de ce paysage, ni sa topologie puisqu’ il ne rend pas plus facile l’accès au financement et il ne rend pas plus proches ceux qui ont accès aux subventions et ceux qui ne l’ont pas. Pour domestiquer cette situation dans le sens du bien public, il n’y a pas d’autre voie que d’expérimenter et d’échanger. Les capitaux privés introduisent vis-à-vis du financement de la culture de nouveaux critères et représentent une ouverture vers d’autres référentiels. À l’heure où la révolution numérique induit une mutation encore plus importante qu’à l’époque de Gutenberg et remet en question bien des positions acquises, les industries culturelles ont besoin d’un marché financier élargi où toutes les catégories de financeurs pourront trouver un théâtre d’opérations. Il ne s’agit pas d’un pacte faustien, mais bien d’un changement de paradigme dans le financement de notre avenir culturel. Les objections, souvent formulées (quelques réalisateurs en vue agitent avec un certain succès le spectre d’une culture à l’encan), portant sur l’alliance contre-nature entre capital et culture (« quid de l’intégrité de mon œuvre si elle est financée par le privé ? » « La culture n’est pas une marchandise »…) s’apaiseront naturellement avec le temps. Pourrions-nous disserter aujourd’hui sur la culture livresque si, à la Renaissance, dans des villes comme Mayence, Venise ou Lyon, l’alliance des banques, de la technologie et des intellectuels n’avait pas permis au livre d’exister et de se diffuser (comme, à présent, le numérique dans la Silicon Valley) ? Il est heureux que l’on puisse parler d’une économie de la culture. À condition, bien sûr, que le service public sache jouer son rôle et garder le cap, c’est-à-dire donner des garanties à nos créateurs, en leur donnant l’envie d’oser, l’envie de nous faire rêver. Mais, pour cela, il doit rester un acteur crédible du système et agir, notamment en acceptant de repenser son mode de fonctionnement. Lexique : (1) Taxe Shelter : incitant fiscal fédéral qui permet à une société privée de déduire 150 % du montant des bénéfices qu’elle investit dans l’audiovisuel ou le cinéma belge. (2) Wallimage et Bruxellimage : fonds de soutien destinés à l’audiovisuel et au cinéma, financés par la Région wallonne et la Région bruxelloise. (3) stART : Fonds d’investissement culturel créé en partenariat par la Région wallonne et la Communauté française destiné à financer les projets à court et moyen terme (3 mois à 5 ans) des entreprises à vocation culturelle et créative. Les pouvoirs publics apportent le capital de départ en espérant attirer des actionnaires privés pour atteindre 10 à 20 millions d’euros de moyens disponibles. (4) MEDIA 2007 : programme de soutien au secteur audiovisuel européen. Il succède aux programmes MEDIA Plus et MEDIA Formation. MEDIA 2007 est conçu comme un programme unique qui regroupe les deux volets existants (développement, distribution, promotion et formation). Doté d’une enveloppe financière de près de 755 millions d’euros, il couvre la période 2007-2013. (5) Eurimages : fonds de soutien à la coproduction, à la distribution et à l’exploitation d’œuvres cinématographiques européennes. Il réunit 27 Etats membres. Son but est de promouvoir le cinéma européen en stimulant la production et la circulation des œuvres et en favorisant la coopération entre professionnels. Eurimages a développé 3 programmes de soutien : une aide à la coproduction, une aide à la distribution, une aide aux salles. (6) Pricaf Privée : La Private equity Sicaf (Société d’investissement à capital fixe et à durée de vie maximale de 12 ans) est un outil de financement qui se charge d’attirer des capitaux pour les entreprises non cotées en Bourse. Cet outil ne peut faire des appels publics à l’épargne. Pour s’en assurer on impose un seuil de souscription de 250 000 €. L’outil permet à des investisseurs privés fortunés de prendre des participations dans des sociétés sans être contraints de constituer eux-mêmes une société, et tout en bénéficiant du même niveau de taxation que s’ils avaient investi de manière directe. (7) Compte d’épargne cigale : compte d’épargne original dont le grand mérite est de soutenir de nombreuses associations ou des projets culturels. Une partie des bénéfices réalisés par la banque concernée avec l’argent placé sur ce type de compte est reversée à des associations préalablement choisies dans la filière culturelle. L’affectation du montant aux associations ou projets culturels est assurée par un organisme indépendant agréé (par exemple, un réseau de financement « culture »). L’argent déposé sur ce compte d’épargne est prêté selon des critères socioculturels. La bonne application de ces critères est vérifiée par un organisme indépendant agréé. Ce compte offre les mêmes conditions que le compte d’épargne classique. Une option permet à l’épargnant de rétrocéder une partie de ses propres intérêts à une association de son choix. Le client peut donc faire un geste de solidarité complémentaire en versant tout ou partie de ses intérêts à une entreprise culturelle. Une déductibilité fiscale est possible pour toute cession d’intérêt annuelle égale ou supérieure à 30 € pour autant que l’entreprise culturelle choisie soit habilitée à le faire. (8) Mécanisme « tante Agathe » : Les Pays-Bas ont introduit un mécanisme fiscal dit de la « tante Agathe » qui vise à mobiliser l’épargne informelle (famille, amis, proches) au profit d’entrepreneurs débutants tout en réduisant au maximum la part de risque que peut constituer le soutien à une activité débutante. À cette fin, le régime hollandais connaît un double mécanisme prévoyant, d’une part l’exonération à l’impôt sur le revenu des intérêts perçus dans le cadre d’un prêt octroyé à un entrepreneur débutant durant un laps de temps déterminé et, d’autre part, une déduction dans le chef de l’investisseur lorsque l’entrepreneur débutant échoue et se voit dans l’impossibilité de rembourser les montants empruntés. (Déduction des éventuelles pertes à concurrence d’un montant plafonné du prêt). (9) Intérêts notionnels : Le système des intérêts notionnels est un dispositif ayant pour but de réduire la discrimination qui existe entre les capitaux empruntés et les fonds propres. Les moyens de financement des entreprises sont en effet soumis à des traitements fiscaux différents. Les intérêts des dettes sont déductibles fiscalement. Alors que dans le même temps les revenus des fonds propres (dividendes ou mises en réserve) sont taxables. Il en résulte un avantage fiscal à l’endettement. Même si c’est souvent cette logique qui prévaut, c’est bien entendu contestable d’un point de vue économique en matière de choix de financement pour les entreprises. Avec ce dispositif (une première mondiale ou presque), notre pays démontre une volonté manifeste de relance du capital à risque en s’attaquant à la base de la discrimination fiscale quasi naturelle qui existe de longue date à l’encontre des fonds propres. Les intérêts notionnels permettent en effet une déduction d’un intérêt fictif sur les capitaux propres. Carl-Alexandre Robyn Ingénieur-conseil financier – Expert en valorisation de projets