Interdisciplinarité et individualisation
Compte-rendu du livre de G. Bonnichon et D. Martina
,
Décloisonner le français en interdisciplinarité
paru aux éditions
Magnard dans la collection Chemins De Formation en 2000.
Les sociologues sont tous d’accord pour constater que la réussite scolaire est
étroitement liée à l’origine sociale des élèves et que la maîtrise de la langue joue un rôle
déterminant dans cette réussite dans la mesure l’écrit joue un rôle prépondérant
tant dans la phase d’apprentissage que dans les moments d’évaluation. Les pratiques
d’évaluation courante montrent l’importance liée à la forme de la production de l’élève :
une même production strictement identique sur le plan du contenu peut être évaluée de
manière très différente selon qu’elle est bien ou mal présentée (c’est ce que les auteurs
nomment « effet de halo »).
Pourtant, ce serait une erreur, considérant que les capacités langagières doivent
précéder tout apprentissage, d’attribuer au seul professeur de français la mission de
prévenir toute difficulté d’apprentissage dans les disciplines par un travail sur la langue
en amont ou d’y remédier en aval. Un réel progrès ne pourra être obtenu que s’il y a
interdépendance entre la maîtrise de la langue et les apprentissages des contenus des
différentes disciplines.
Il s’agit d’établir entre le français et les autres disciplines le même type de
relation qu’entretiennent entre elles les sous disciplines du français (grammaire,
orthographe, vocabulaire, conjugaison, lecture expliquée, lecture suivie, rédaction,…)
autrefois juxtaposées et aujourd’hui décloisonnées dans l’enseignement en séquences. Le
français est, en effet, devenu une matière interdisciplinaire l’étude de la langue est
au service du sens avec, pour objectif fédérateur, la maîtrise des discours. Il suffit de
relire cet extrait des instructions officielles pour en être parfaitement convaincu : « Au
collège, l’étude de la langue n’est pas une fin en soi, mais elle est subordonnée à
l’objectif de la maîtrise des discours. Elle se fonde donc sur la prise en compte des
situations de communication. Dans la pratique, elle est liée à la lecture, à l’écriture et à
l’expression orale. Ainsi les temps spécifiques qui lui sont consacrées seront intégrés à
la progression la mieux adaptée aux besoins et capacités des élèves » Vers le nouveau
collège, Programmes de la classe de 6ème.
Il y a, de la même manière, une relation d’interdépendance entre la maîtrise de la
langue et les apprentissages des contenus des différentes disciplines, il s’agit de donner
plus de sens concret aux apprentissages liés à la langue pour que l’élève se rende mieux
compte de son utilité.
J’enrichis ma maîtrise de la langue Je maîtrise bien la langue  Je comprends
mieux ce que l’on m’explique dans d’autres disciplines  Je sais mieux exprimer ce que
j’ai compris  J’enrichis ma maîtrise de la langue
Place du français dans un enseignement interdisciplinaire :
Des méthodes d’enseignement communes ne suffisent pas pour construire un
travail interdisciplinaire, c’est sur les méthodes de travail de l’élève qu’il faut intervenir
et, pour ne pas tomber dans ce que les auteurs de l’ouvrage nomment « les illusions de
l’interdisciplinarité », il convient de se doter d’outils de communication et d’organisation
pour traiter la dimension forcément pragmatique de l’interdisciplinarité et de mettre en
place un cadre précis qui tissera les liens entre un enseignement centralidu français
et les autres disciplines en situant clairement les moments de construction de modèles,
de référents, et, surtout, en intégrant la notion de réinvestissement et de transfert. Le
réinvestissement est une nécessité absolue.
L’évaluation fait naturellement partie de cette volonté d’inscrire dans le réel un
enseignement interdisciplinaire du français. Elle devra mesurer les progrès des élèves
par rapport à l’objectif d’apprentissage visé et sera dépendante de la précision de
l’objectif. Elle pourra avoir lieu à l’intérieur des disciplines sous la forme de contrôles
spécifiques ou simplement de critères spécifiques lors de contrôles globaux ; on peut
aussi imaginer la production d’un contrôle interdisciplinaire (réalisation d’un projet
commun dans le cadre des IDD par exemple).
Pour en revenir à la réflexion mise en place dans notre groupe de travail autour
de l’évaluation et de l’individualisation, on peut noter l’intérêt que représentent les
évaluations nationales passées à l’entrée en 6ème en terme d’outil diagnostique
permettant à l’équipe des professeurs de choisir des objectifs d’apprentissage communs
correspondant aux besoins réels des élèves et à partir desquels il sera possible
d’avancer vers une évaluation formative.
De la même manière, le repérage, grâce à des regroupements d’items, des trois
niveaux de compétences de lecture des élèves (prélèvement d’informations, mise en
relation d’information, découverte de l’implicite) dans la mesure il risque bien de
correspondre aux trois modes de restitution possibles (reproduction à l’identique du
message initial, message exprimé sous une autre forme, utilisation de la connaissance
pour réaliser quelque chose) pourra aider à dessiner des pistes de travail.
Après avoir réfléchi sur les significations du mot « comprendre » et les
différentes formes de compréhension (capacité qu’a l’élève d’intégrer sous des formes
diverses une connaissance jusqu’à la relier à du déjà connu), les auteurs de l’ouvrage
proposent, afin de faire acquérir aux élèves de nouveaux processus d’appropriation de la
connaissance, des exemples de travaux interdisciplinaires centrés d’abord sur le lexique,
puis sur les représentations graphiques et enfin sur les degrés de généralité.
Quoi qu’il en soit, pour que le travail soit réellement interdisciplinaire, il convient
de suivre les étapes suivantes : construire un document de référence avec les élèves en
cours de français à l’issue d’un certain nombre d’approches disciplinaires successives
préalables ; réinvestissement dans les différentes disciplines ; réinvestissement en
étude dirigée ou autre structure de suivi du travail personnel de l’élève ; évaluation.
Le français interdisciplinaire et le rapport aux textes :
Selon le même protocole, les auteurs de l’ouvrage proposent un travail sur la
lecture d’un énoncé dans les différentes disciplines, l’énoncé étant défini comme
« l’ensemble des renseignements nécessaires, fournis ou non, pour réaliser une tâche
unique attendue par le concepteur de l’énoncé ». La première phase consiste à repérer
les comportements des élèves en échec : non lecture de l’énoncé, l’élève ne distingue pas
la lecture informative d’une simple lecture cursive ; lecture partielle, l’élève prend une
information au hasard dans l’énoncé et arrête sa lecture dès lors qu’il a un projet
d’action sans vérifier si l’idée qu’il a de sa tâche correspond à celle attendue ; non
raccordement à un énoncé du même type déjà lu ; incompréhension du ou des termes
exprimant le sujet (méconnaissance de la notion de la discipline mise en jeu dans
l’énoncé) ; incompréhension d’autres termes ; non prise en compte des mots courts de
liaison. Une fois, ces différents comportements mis à jour, il convient de construire
avec les élèves un document référent en phase d’enseignement. Un travail spécifique,
par exemple sur les verbes, peut être initié par le professeur de français mais n’aura
d’efficacité que s’il est poursuivi par l’établissement progressif d’une liste pointant les
synonymies et les différences disciplinaires. Les exemples proposés sont extraits du
manuel Energie 6 des mêmes auteurs paru aux éditions Magnard.
Là encore,on peut noter combien est indispensable une communication précise des
résultats de l’évaluation nationale aux collègues des autres disciplines, les auteurs
soulignent, en effet, qu « il n’y a pas de règle intangible universellement valable pour
tous les élèves, toutes les classes. Il n’y a pas de bon ou mauvais énoncé, il n’y a que des
énoncés qui sont adéqués ou non aux compétences de lecture et au degré d’autonomie
intellectuelle des élèves ainsi qu’à l’objectif pédagogique visé ».
L’élève ne deviendra un lecteur autonome que par la maîtrise des différentes
formes de discours ; or, même si , comme le rappellent les Instructions Officielles de
français, cette maîtrise est l’objectif essentiel des travaux menés en cours de français,
les auteurs de l’ouvrage insistent sur la nécessité d’établir un document référent faisant
apparaître clairement les critères permettant la reconnaissance des différentes formes
de discours dans les textes proposés à la lecture dans les différentes disciplines ;
encore des réinvestissements devront être prévus ainsi que des pratiques d’évaluation.
Dans la dernière partie de l’ouvrage, les auteurs s’intéressent davantage à des situations
de production de l’élève avec pour objectif de l’aider à mieux se faire comprendre à
l’écrit et à l’oral. Pour ce faire, les points qu’ils proposent de travailler sont la
présentation et la ponctuation, le résumé et la prise de notes et les différents types de
plan pouvant intervenir dans plusieurs disciplines.
Dans ces trois perspectives, c’est toujours la même démarche qui est
préconisée ; elle s’articule toujours en trois temps : un temps de sensibilisation des
élèves à une compétence ; un temps de synthèse, de construction du référent ; un temps
de réinvestissement de ce référent.
La perspective d’évaluation et d’individualisation trouve tout naturellement sa
place dans une telle démarche, empêchant qu’un objet de connaissance
interdisciplinaire ne soit figé et fixé une fois pour toutes.
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