Allemagne: une grande puissance?Fiche pas terrible. Introduction La question se pose en terme d'attributs de la puissance: l'Allemagne a-t-elle les attributs d'une grande puissance? Puissance économique: quel poids dans l'économie mondiale, quelle capacité d'innovation? Puissance et rayonnement mondial: question de la puissance géostratégique et du rayonnement culturel. Puissance démographique : importance des flux migratoires, de la démographie. Puissance miltaire: quelle capacité d'action effective? Puissance territoriale enfin, le territoire est il bien intégré? Définition de la puissance : capacité à faire prévaloir sa volonté sur celle des autres acteurs. I. Une puissance affaiblie... A. L'allemagne est une puissance économique majeure confrontée cependant à de vastes problèmes structurels. - l'Allemagne est la troisième économie du monde, son PNB est de 2130 milliards d'euros à comparer à 1500 milliards d'Euros pour la France et plus de 10 000 milliards pour les Etats Unis; son PIB représente le tiers de celui de la zone Euro. - C'est aussi la première puissance exportatrice mondiale: 9,92 milliards de dollars d'excédent commercial (Exportations-Importations) pour l'année 2002, contre 6,6 miliards pour le Japon et un défict commercial de 42,43 milliards pour les Etats Unis. (ça ne veut pas dire grand chose) - l'Allemagne est le premier contributeur au budget de l'union européenne, soit pour l'année 2002: 24,4% du budget communautaire, un peu plus de 20 milliards d'euros. La France était le deuxième pays à hauteur de 16,7 % du budget, suivie du Royaume-Uni pour 14,3% et de l'Italie pour 13%. - le poids démographique de l'Allemagne est certain : 82,3 millions d'habitants en 2002, soit le pays le plus peuplé de l'Union Européenne. Ce "géant économique" est cependant confronté à diverses problèmes: - Choc négatif de demande interne. - Le modèle social allemand est en panne, les industries traditionnelles (mines, charbon) qui ont fait la force de l'allemagne sont en déclin, la croissance est faible (1,5% pour 2004 au mieux). L'Allemagne souffre également d'une perte de compétitivité (le coût du travail est de 30% plus élevé que chez ses voisins européens, mais c’est pas un problème!). Conséquence, le chomage a atteint un niveau élevé (10,6% en 2002, 9,5% en 2001) qui plombe les comptes sociaux et le niveau d'endettement du pays (-3,6% du PIB en 2002, -2,5% PIB en 2001 ) n'est plus compatible avec les critères de Maastricht. - La réunification n'est pas complètement digérée (des inégalités pèsent encore, l'exAllemagne de l'Est a un taux de chômage beaucoup plus élevé). - La démographie allemande est en déclin, les projections estiment à 78,1 millions d'habitants la population en 2025, l'Allemagne a d'ailleurs un des taux de fécondité les plus faibles de l'UE (1,4 enfants par femme en 2001). B. Des capacités militaires limitées, une influence culturelle réduite et une influence politique en Europe pas réellement décisive. - L'armée allemande est certes la deuxième armée d'Europe (?, devant UK?), le service militaire reste obligatoire et l'armée compte environ 300 000 soldats plus environ autant de reservistes. Cependant, le budget des dépenses militaires est en chute constante : pour les dépenses en capital, celui-ci s'élève en Grande Bretagne à 0,8% du PIB, 0,65% en France et 0,3% en Allemagne. L'Allemagne n'a également qu'un embryon de politique spatiale, et pas de flotte aéronavale dévelopée, elle n'est donc pas adaptée à la guerre "moderne" loin de ses frontières. Enfin contrairement à la France, l'Allemagne ne prévoit pas de hausse significative de son budget défense mais plutôt de le réduire (exemple des 60 A400M commandés au lieu des 80 prévus). Au niveau juridique enfin, les possibilités d’intervention de l’armée allemande sont très réduites et son intégration dans l’OTAN reste très étroite. - L’Allemagne est certes un grand foyer de création culturelle mais la diffusion trop restreinte de la langue allemande pose problème. Il n’y a que 18 millions de personnes hors d’Allemagne à utiliser l’allemand comme langue maternelle (dont les 2/3 en Autriche et en Suisse). - Au niveau européen, l'Allemagne constitue un poids certain au sein de l'UE (elle a le nombre de parlementaires européen le plus élevé, la BCE est située sur son sol) mais on ne peut pas dire qu'elle soit parvenue à créer un écart conséquent, au niveau de l'influence politique, avec les autres pays européens; elle n'a pas pu (ou pas voulu) prendre le rôle de leader unique en Europe; l'idée que la construction de l'UE avance grâce à l'axe franco-allemand est encore fortement présente et cela même si la contribution financière allemande à l'UE reste capitale, notamment lorsqu'il s'agit de débloquer des projets européens par des commandes industrielles. II...mais forte de nouvelles ambitions sur la scène internationnale. A. L'Allemagne a longtemps été un "nain" politique qui a revu à la hausse ses ambitions après la réunification. Sans arme nucléaire ni siège au conseil de sécurité et entièrement dépendante de Washington pour les questions de sécurité durant la guerre froide, l'Allemagne a longtemps eu une influence politique extrêmement limitée au plan international, voire inexistante; du côté de ses ambitions nationales, elles se sont longtemps limitées à poursuivre dans la voie de l'intégration européenne sans chercher à jouer un rôle prépondérant. Ainsi, jusqu'à son unité territoriale et politique recouvrée en 1990, l'Allemagne fédérale a développé sa diplomatie d'abord en tirant les leçons d'un passé traumatisant provoqué par une politique de puissance. Durant 40 années, cette diplomatie s'est voulue modeste et solidaire des choix de ses alliés occidentaux. La RFA est ainsi devenue le modèle par excellence de l'Etat marchand civil renonçant à tout moyen militaire d'envergure et politique de grande puissance. Cette diplomatie qualifiée de "diplomatie du chéquier" (l'Allemagne est par exemple le troisième contributeur des Nations Unies) s'est vue remise en cause avec l'unification allemande. Lui a succédé l'esprit de la Berliner Republik (République de Berlin). En changeant de capitale (passage de la provinciale Bonn à Berlin), l'Allemagne s'est aussi replacée au coeur de l'Europe et a peut être symbolisé ainsi ses nouvelles ambitions nationales et l'envie d'une politique étrangère plus ambitieuse. B. Depuis la guerre du Kosovo, le pays a pris un nouvel élan sur la scène internationale - En recouvrant son unité et un statut d'Etat-nation "normal", l'Allemagne a hérité d'une tradition de politique étrangère orientée vers la paix et acquise toute entière à l'idée d'intégration européenne. Sa politique étrangère envers ses proches voisins, se veut désormais "structurante": l'Allemagne souhaite diffuser la stabilité et la sécurité autour de ses frontières afin d'assurer la sienne. - Au niveau de la politique étrangère, on peut considérer les opérations au Kosovo comme l'évènement fondateur de la prise de conscience par l'Allemagne d'un "rôle à jouer" sur la scène internationale (et l'attribution d'un siège au conseil de sécurité depuis le 1er janvier 2003 témoigne des nouvelles préoccupations allemandes). Pour la première fois depuis la seconde guerre mondiale, l'Allemagne a participé à une opération militaire, qui plus est en dehors de la zone couverte par l'Organisation du traité de l'Atlantique nord (OTAN) : cet engagement était conforme à l'esprit de sa politique étrangère depuis l'unification; le pays a tourné la page d'une période où sa sécurité dépendait de ses « protecteurs » occidentaux, il entend désormais assumer des responsabilités nouvelles au sein des organisations où il est présent. Beaucoup y ont vu là une preuve de « normalité » faisant de l'Allemagne un pays "comme les autres" soucieux de préserver ses intérêts nationaux et avec de nouvelles ambitions sur la scène internationnale. Illustration de l'implication grandissante de l'Allemagne à l'étranger, son rôle dans les missions internationales: le pays est désormais, après les États-Unis, (avant l’intervention en Irak) celui qui fournit le plus grand nombre de troupes dans le monde entier pour des missions multinationales. L'Allemagne devance nettement la GrandeBretagne (avant l’intevention en Irak) et la France. En 1998, le budget consacré à cette fin s'élevait encore à 80 millions €, alors qu'il a atteint 2 milliards d'euros en 2002 . En 1998, l'armée allemande comptait seulement quelque 2 800 soldats en mission en BosnieHerzégovine et en Géorgie. Aujourd'hui le nombre de soldats allemands participant à des missions multinationales est de l'ordre de 9 000. Autre exemple: en février 2003, l'Allemagne et les Pays-Bas ont pris la tête de l'ISAF en Afghanistan pour une période de six mois, réactivant la réalité de la formule: « l'Amérique fait la guerre et l'Allemagne prépare la paix ». - La relation avec les Etats Unis: la place qu'a su se tailler Berlin au sein d'une Europe pacifiée n'efface pas son lien indéfectible avec Washington forgé par la guerre froide. L'Allemagne reste un partenaire prioritaire des américains en Europe. En 1999, la guerre du Kosovo a montré que Berlin était un interlocuteur privilégié des EtatsUnis au sein de l'OTAN (l'Allemagne a des poste clé et commande en second les forces Alliées en Europe centrale); la chaîne de commandement en Europe est désormais constituée par l'axe Washington-Londres-Berlin, Paris se retrouvant à la marge. Récemment, le lien entre l'Allemagne et les Etats Unis a cependant semblé être mis à mal avec l'intervention américaine en Irak. Mais l'Allemagne est-elle prête à affirmer sa volonté de mener une politique internationale pilotée à la manière de la "vieille europe"? Il est probable que, le cas échéant, sa relation privilégiée avec les Etats Unis en souffrirait. - Enfin, en ce qui concerne l'Europe centrale et orientale, on note une certaine incohérence allemande. Certes il y a eu beaucoup d'investissements, de nombreux efforts diplomatiques pour constituer une zone de sécurité autour de l'Allemagne, comme en témoigne la priorité donnée à l'intégration de la Pologne, de la République Tchèque et de la Hongrie à l'OTAN. En même temps, l'Allemagne est très freinée par l'histoire et reste très prudente. Les allemands ont ainsi déployé des efforts diplomatiques et médiatiques extraordinaires pour prouver qu'ils n'avaient pas fait d'erreurs en ex-Yougoslavie, ils demeurent très hésitants en Tchéquie. De plus, ils se mettent à eux-mêmes des obstacles, par exemple à propos des Sudètes, en ne faisant pas le nécessaire pour tourner la page. Conclusion L'Allemagne est à la fois redevenue une grande puissance en Europe centrale (après la réunification) et est parvenue à s'affirmer comme un "état normal", c'est à dire comme un Etat qui peut prétendre à une politique étrangère indépendante, en rapport avec ses intérêts nationaux. Cependant nous avons vu que la puissance de l'Allemagne était essentiellement économique, même si par ailleurs le "modèle allemand" paraît un peu à bout de souffle. Par rapport aux critères classiques de la puissance, l'Allemagne ne peut donc pas être considérée comme une grande puissance. On peut poser les questions de savoir si elle sera un jour la grande puissance en Europe? Si, à moyen terme, elle prendra ses responsabilités au plan géopolitique et ne se contentera plus de stabiliser et de contrôler une zone d'influence traditionnelle à la force de son poids économique? (par exemple, que fera l'Allemagne si d'autres tensions nationalistes apparaissent à l'Est?) Enfin est-elle prête à endosser - peut être conjointement avec la France ce rôle de force motrice d'une diplomatie européenne et cela au risque de se brouiller avec Washington?