Le marché peut-il réguler les problèmes liés à l’environnement ? DOCUMENT 1: P.Lamm, Réconcilier environnement et logique de marché, 6/12/07, http://www.lesechos.fr/info/analyses/4658097.htm (…) La mise en place d'un dispositif de bonus-malus pour inciter les Français à acheter des voitures moins polluantes constitue une bonne décision. Et cela à plusieurs égards. D'abord, elle apporte une première concrétisation au « Grenelle de l'environnement »(…). En second lieu, le dispositif mis en oeuvre est simple, et la simplicité est souvent le gage de la réussite. Même si l'économie du système n'est pas la même, il rappelle les « primes à la casse » des gouvernements Balladur en 1994 et Juppé en 1996, qui avaient rencontré un succès certain. Troisièmement, le financement de la mesure ne fera pas débat. Elle sera totalement neutre d'un point de vue budgétaire, car fondée sur le principe pollueur-payeur. Ce sont, en effet, les automobilistes achetant des voitures de grosses cylindrées et donc émettant le plus de CO2 qui paieront pour ceux qui roulent « propre ». Enfin, cette disposition présente l'intérêt de réconcilier protection de l'environnement et logique de marché, qui vont rarement de pair. Les premières études tendent d'ailleurs à montrer que le marché automobile français pourrait s'en trouver singulièrement dopé. On parle de quelque 110.000 immatriculations supplémentaires l'an prochain. Et, last but not least, les constructeurs français, qui fabriquent principalement des petites cylindrées, seront avantagés par rapport à leurs homologues allemands et à leurs grosses berlines. DOCUMENT 2 : Part des principales sources d’énergie dans la production mondiale d’énergie (%) 1970 1988 2003 Charbon 30 26 23 Gaz naturel 7 13 14 Pétrole brut 45 37 35 Electricité 18 24 28 Source : Secrétariat de la CNUCED, 2005 NB : l’électricité est d’origine hydraulique, nucléaire, solaire, éolienne ou thermique DOCUMENT 3: Comment l'économie peut-elle prendre en compte les problèmes de l'environnement ? LEMONDE.FR 12.02.07 Chat sur le site Lemonde.fr avec Jean Paul Fitoussi, Professeur des Universités à l'Institut d'Etudes Politiques de Paris, Président du Conseil Scientifique de l'IEP de Paris est Président de l'OFCE Question: Quel est l'acteur le plus à même de pousser l'économie vers un plus grand respect de l'environnement ? Vaut-il mieux laisser faire le marché ou l'intervention de la puissance publique est-elle souhaitable ? Jean-Paul Fitoussi : Le marché ne le fera sûrement pas, car on est confronté à ce que les économistes appellent un bien public, un bien qui par définition échappe au marché, par construction. Il est impossible que le marché puisse régler la question de l'environnement. Toujours pour utiliser le jargon des économistes, la dégradation de l'environnement est l'exemple type de la défaillance du marché. Donc évidemment, la puissance publique doit intervenir, et de multiples façons. Elle doit intervenir pour établir des normes, une espèce de cahier des charges des relations entre la société et l'environnement, elle doit intervenir pour taxer les activités polluantes, et pour inciter les agents économiques à utiliser les modes de production et de consommation les moins polluants possible. Il y a une difficulté supplémentaire liée au fait que l'environnement est un bien public global, un bien qui appartient à la planète entière. Donc ce que fait un pays ne peut à lui seul régler le problème de l'environnement.(…) Donc le problème de l'environnement pose d'emblée la question de la coordination à l'échelle du monde. (…) Question : Est-ce qu'instaurer un marché d'émission de droits à polluer est une solution efficace pour réduire la pollution ? Jean-Paul Fitoussi : Un marché des droits à polluer est déjà une avancée, puisque cela signifie que les pollutions sont taxées. Les entreprises qui dépasseraient leur quota devraient acheter des droits (..) . Mais on peut penser à d'autres systèmes, des systèmes de taxation assortis de systèmes de droits de douane sur les pays qui ne pratiquent pas la taxation, de façon à ne pas donner une prime de compétitivité à ceux qui ne jouent pas le jeu. Ou on pourrait imaginer un fonds mondial qui serait alimenté par les cotisations de l'ensemble des pays, (…) dont le projet serait de développer toutes les technologies favorables à l'environnement.(…) La préoccupation de l'environnement implique qu'il y a de la part des populations une vraie demande d'environnement pour satisfaire des besoins.(..) . Il y a une vraie demande, qui signifie qu'il existe un consentement à payer de la part des populations, que l'on est dans un domaine où il me semble qu'on pourrait assister à une véritable révolution technologique. Celle des nouvelles technologies de l'environnement et de l'énergie. Il y une demande d'un côté, il y a une technologie potentielle de l'autre, donc il y a un marché. Et la satisfaction de cette demande serait elle-même un facteur de croissance économique(…) . Chat modéré par Edouard Pflimlin DOCUMENT 4 : Evolution de la demande mondiale de pétrole (en millions de barils/jour) et du prix du baril (en $ 2004) 1970 1980 1990 2000 2005 Juillet 2006 Mars 2008 Source : Agence internationale pour l’énergie 47 65 67 77 84,8 84,7 87 Demande 10 80 34 33 56 78 125 Prix DOCUMENT 5 : Intensité énergétique* en 1971 et 2002 Zones Pacifique Europe Amérique du Amérique Asie Nord du Sud 0,14 0,24 0,45 0,30 0,97 1971 0,12 0,16 0,26 0,29 0,64 2002 Source : Alternatives Economiques, 0,67 3,25 H.S. n°66, 4ème 0,84 0,90 trimestre 2005 *L’intensité énergétique mesure la quantité d’énergie nécessaire à la production d’un point de PIB en millions de tonnes équivalents pétrole MoyenOrient 0,15 0,68 Afrique Chine Ex Union soviétique 1,29 1,48 DOCUMENT 6 : « Un système économique qui détruit l’environnement s’autodétruit » entretien avec l’économiste René Passet (Professeur émérite de sciences économiques à la Sorbonne) Entretien réalisé par Anne Rapin Label France : La dégradation de l’environnement est-elle un accident du système économique néolibéral que l’on peut corriger ou une conséquence de sa logique de fonctionnement ? René Passet : (…) L’économie considère la pollution comme un accident que l’on peut d’ailleurs régler selon la logique du système, c’est-à-dire, dans le meilleur des cas, en intégrant les coûts environnementaux dans le prix des produits sur le marché. Ce dernier restant ainsi le régulateur souverain de la pollution ramenée à un dysfonctionnement mineur qu’il faut essayer de corriger par une logique de prix. Il y a plusieurs objections à cela. Tout d’abord, les sources de pollution ne sont pas toujours identifiées, les victimes et les dommages non plus, ce qui veut dire que les coûts réels sont rarement pris en considération. Ensuite, et surtout, les coûts ne sont pas seulement marchands. Il y a des vies humaines en jeu, des ressources périssables, des effets irréversibles sur le milieu naturel(…). Cela n’apparaît pas sur le marché qui n’accorde de valeur à un bien naturel que lorsqu’il devient rare, c’est-à-dire lorsqu’il est trop tard du point de vue de la sauvegarde des grands équilibres naturels. L.F : On imagine le coût énorme de la conversion de nos économies. Comment le financer ? Réné Passet : Il faut d’abord dire que les technologies qui préservent l’environnement sont économes, au niveau énergétique, et qu’elles engendrent, à travers le recyclage des déchets notamment, de nouvelles activités et de nouveaux biens. Mais surtout, les coûts réels, directs et indirects, sur le court et le long terme, du système actuel ne sont pas rendus visibles, qu’il s’agisse du fonctionnement normal du système ou de ses « accidents », dont les répercussions sont immenses (dépenses de santé, coûts du chômage, de la baisse de productivité ou d’activité, des secours, du nettoyage des pollutions, de la destruction du milieu (…). Si ces coûts étaient pris en considération, on s’apercevrait que c’est en acceptant des sacrifices dans l’immédiat que l’on assurerait non seulement la pérennité du milieu, mais aussi la minimisation des coûts du système. Si l’on attend que les problèmes deviennent graves pour essayer de les régler, cela coûtera beaucoup plus cher. (…). La prise en considération de la nature est celle du très long terme auprès duquel le très long terme de l’économie est dérisoire. (…) L.F : Du point de vue du raisonnement économique traditionnel, qu’implique la prise en considération des enjeux environnementaux, notamment en matière d’investissements ? Réné Passet C’est une autre objection que nous faisons au système actuel, qui veut tout réduire à une somme d’intérêts individuels. Certes, il en existe, et chaque fois que le marché peut réguler sans remettre en cause l’intérêt général, nous sommes d’accord. Mais tout ne se réduit pas à cela. Et l’environnement, en particulier, relève de l’intérêt général et ne saurait être laissé au simple jeu des intérêts particuliers et marchands. La rentabilité de certains investissements, comme les infrastructures(…) , n’est pas directe, puisqu’il s’agit de favoriser les échanges, le développement des activités en général. Même déficitaires, ces entreprises pourront être très rationnelles au vu de leur utilité pour le développement de l’ensemble de la communauté. C’est pourquoi seul l’Etat, la collectivité peuvent prendre en charge ce type d’investissements, rentables sur le long terme et de façon indirecte, leurs bénéfices profitant à une multitude d’acteurs. (…) http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/france_829/label-france_5343/les-numeros-label-france_5570/lf45-environnement_11297/protection-environnement_11298/unsyteme-economique-qui-detruit-environnement-autodetruit-entretien-avec-economiste-rene-passet_21609.html