Cour n°1 : psychiatrie 1/03/2011 Les démences Principales étiologies I – DEMENCES "PRIMAIRES" ou "DEGENERATIVES" : 60 à 70 % Maladie d'Alzheimer Maladie à corps de Lewy Démences fronto-temporales II – DEMENCES "VASCULAIRES OU MIXTES" : 10 à 20 % III - DEMENCES SECONDAIRES dites « CURABLES »: 10 % Critères diagnostiques selon le DSM IV Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders 4th edition A – Apparition de déficits cognitifs multiples, comme en témoignent à la fois : 1) une altération de la mémoire (altération de la capacité à apprendre des informations nouvelles ou à se rappeler les informations apprises antérieurement), 2) une (ou plus) des perturbations cognitives suivantes : - aphasie (perturbation du langage) - apraxie (altération de la capacité à réaliser une activité motrice malgré des fonctions motrices intactes) - agnosie (impossibilité de reconnaître ou d'identifier des objets malgré des fonctions sensorielles intactes) - perturbation des fonctions exécutives (faire des projets, organiser, ordonner dans le temps, avoir une pensée abstraite) B – Les déficits cognitifs des critères A1 et A2 sont tous les deux à l'origine d'une altération significative du fonctionnement social ou professionnel et représentent un déclin significatif par rapport au niveau de fonctionnement antérieur. C – L'évolution est caractérisée par un début progressif et un déclin cognitif continu. D – Les déficits cognitifs des critères A1 et A2 ne sont pas dus : - à d'autres affections du système nerveux central qui peuvent entraîner des déficits progressifs de la mémoire et du fonctionnement cognitif (maladie cérébro-vasculaire, maladie de Parkinson, maladie de Huntington, hématome sous-dural, hydrocéphalie à pression normale, tumeur cérébrale) - à des affections générales pouvant entraîner une démence (hypothyroïdie, carence en vitamines B12 ou en folates, pellagre, hypercalcémie, neurosyphilis, infection par le VIH) - à des affections induites par une substance. La Maladie d’Alzheimer Épidémiologie 600 000 personnes en France (PAQUID 2003) 100 000 nouveaux cas par an (2/3 > 79 ans) La prévalence double tous les cinq ans à partir de 65 ans 2/3 des patients déments ont 85 ans et plus le nombre de patients atteints pourrait avoir doublé d’ici 2020 50 à 70 % de patients non diagnostiqués retard diagnostique d’au moins 5 ans 20 à 30 % de patients traités Or un diagnostic précoce offre une meilleure chance de stabilisation, un retard d ’évolution vers un stade sévère, une augmentation de la qualité de vie Evolution de la symptomatologie. Evolution : 8 à 12 ans, Espérance de vie : 4 ans après le diagnostic Phase de début : signes cliniques. Troubles cognitifs : troubles de la mémoire (75 %) troubles du langage (50 %) : - langage écrit plus altéré que le langage oral - altération capacité narratives - dysorthographie - manque du mot - diminution de la fluence verbale troubles attentionnels : - perte des repères temporels Troubles non cognitifs : modifications de l'affectivité tendance à l'isolement apathie désintérêt abandon des activités irritabilité, agressivité anxiété syndrome dépressif Phase d'état : signes cliniques. Troubles cognitifs : syndrome démentiel patent troubles de la mémoire : majeurs, constants perte des repères spatio-temporels troubles du langage : - discours : très appauvri, peu informatif, partiellement incohérent - troubles de l'écriture et de la lecture apraxie agnosie perturbations des fonctions exécutives (calcul, jugement, raisonnement) Troubles psychocomportementaux : troubles de l'humeur (dépression) modifications de la personnalité troubles du comportement moteur (comportements stéréotypés, déambulation, agitation, fugue, comportements agressifs) troubles des conduites élémentaires (sexuelles, alimentaires, maîtrise sphinctérienne, rythme veille-sommeil) troubles psychotiques DEMARCHE DIAGNOSTIQUE le diagnostic est clinique importance de l’anamnèse : o rechercher un début progressif des troubles o retentissement sur la vie quotidienne (IADL, ADL) o interrogatoire de la famille +++ o étude de la fluence verbale o modification affect et personnalité examen clinique neurologique tests Psychométriques Bilan sanguin : recherche cause curable. o NFS, CRP o Ionogramme, Calcemie, TSH o Vitamine B12, folates o Sérologies VIH, TPHA-VDRL IRM cérébrale à la recherche de : o lacunes ou microsaignements o Atrophie des hippocampes o Autre cause (HPN, tumeurs, HSD…..) Les tests les plus usuels. MMS 5 mots de Dubois Test de l'horloge Test de fluence verbale Facteurs de risques Facteurs réversibles HTA coronaropathie fibrillation auriculaire diabète hyperlipidémie hypertriglycéridémie tabac alcool Facteurs irréversibles augmentation de l’âge* sexe féminin* prédisposition génétique origine géographique (afro-américain) ATCD d ’AVC si large multiple ou localisation particulière niveau d’éducation Facteurs protecteurs d’Alzheimer Niveau socio-culturel élevé. Prise régulière de médicaments antioxydants : - vitamine E - vin rouge (Paquid) - bière (Rotterdam Study) allèle 2 de l ’ApoE. Oestrogénothérapie substitutive AINS (RR 0,65 < 2 ans - RR 0,40 > 2 ans) Activité de loisirs : bricolage, jardinage, voyages (Paquid). Sur le plan pharmacochimique Les lésions cérébrales de la maladie d'Alzheimer (MA) s'accompagnent d'une baisse importante des concentrations corticales en acétylcholine et en acétylcholine transférase. Or, on sait aussi que l'acétylcholine joue un rôle important dans les processus mnésiques et les processus d'attention sélective. C'est de ces constatations qu'est née la "théorie cholinergique" de la MA, qui a débouché sur la mise au point de médicaments cholinomimétiques dans la MA. TRAITEMENT DES TROUBLES COGNITIFS DANS LA MALADIE D'ALZHEIMER Les anticholinestérasiques - Aujourd'hui, trois molécules disposent de l'AMM pour la maladie d'Alzheimer de gravité légère à modérée (MMSE compris entre 10 et 26) : le Donépézil (Aricept), la rivastigmine (Exelon) et la galantamine (Réminyl). - Ces médicaments sont des inhibiteurs de l'acétylcholinestérase. - Leur action est symptomatique, apportant une amélioration des performances cognitives, en particulier mnésiques. Ils pourraient également agir sur les symptômes psychiatriques En revanche, ils ne possèdent pas de propriétés neuroprotectrices démontrées et en conséquence, n'influenceraient pas l'histoire naturelle de la maladie. Pour ces trois médicaments, la prescription initiale annuelle est réservée aux médecins spécialistes en neurologie, psychiatrie ou titulaire de la capacité de gérontologie. LES TROUBLES NON COGNITIFS DE LA MALADIE D'ALZHEIMER Troubles comportementaux Ils font partie de la maladie démentielle et sont observés chez près de 80 % des patients, à un moment ou à un autre de leur évolution. Ils contribuent au déclin cognitif, altèrent la qualité de vie et conduisent aux placements des patients. Ils sont la première cause de détresse des aidants familiaux. Ils augmentent le coût économique global de la maladie. Conduites agressives • Opposition agressive • Agression physique • Agression verbale Agitation psycho-motrice • Déambulation • Fugues • Agitation • Gestes stéréotypés • Habillage/déshabillage Troubles des conduites élémentaires • Sommeil • Conduites alimentaires • Conduites sexuelles • Urination/défécation Manifestations psychotiques • Hallucinations • Idées délirantes: paranoïa, jalousie • Troubles de l’identification • Dépression • Tristesse, pleurs, désespoir • Perte de l’estime de soi • Anxiété • Culpabilité Apathie • Repli sur soi • Perte d’intérêt • Démotivation Causes des troubles comportementaux Causes environnementales ou affectives - hospitalisation non acceptée, non préparée - inconfort de position ou vestimentaire - entrave - maltraitance - inadaptation au milieu - ennui ou sensation d'abandon, manque de visite - sur-stimulation ou excès de visite - situation conflictuelle (famille, soignant) - frustrations Causes médicales - confusion +++ - pathologie infectieuse - affections neurologiques - maladie métabolique - maladie cardiovasculaire - douleur - fécalome - rétention aiguë d'urine - déshydratation - handicap psychomoteur - handicap sensoriel Causes iatrogènes HAUT RISQUE : analgésiques, opioïdes, antiparkinsoniens anti-dépresseurs, benzodiazépines, corticostéroïdes, lithium RISQUE MOYEN : alphabloquants, antiarythmiques, antipsychotiques, bêtabloquants, digoxine, AINS RISQUE FAIBLE : antiasthmatiques, antibactériens, anticonvulsivants, IEC, inhibiteurs calciques, diurétiques, antagonistes H2 Conduite à tenir Identifier le trouble comportemental. Interroger le patient et les proches. Evaluer l'intensité du trouble, la sévérité et la périodicité. Repérer les facteurs externes éventuellement déclenchants. Définir si le trouble est aigu ou chronique. Rechercher une cause curable par un examen physique minutieux et la pratique éventuelle d’examens paracliniques. Traiter le trouble selon son étiologie, si possible. Actions sur l'environnement et les habitudes de vie Adapter le lieu de vie en maintenant des repères familiers en créant une ambiance apaisante, en favorisant l’orientation et la sécurité, en organisant l’espace. Combattre la désafférentation sociale, l’isolement dans la promiscuité, la rotation des soignants. Former les aidants à la prise en charge des troubles comportementaux. Valoriser le soin relationnel. Limiter la contention physique et chimique. Chez le sujet dément Proscrire les attitudes de rejet, d’infantilisation, de réprimande, de mise en échec Organiser la vie du patient en aménageant des périodes de stimulation et des périodes de repos tout en maintenant une certaine routine Aménager l’environnement pour créer un univers apaisant, maîtrisable par le malade Renforcer le comportement adéquat pour maintenir la fonction, accompagner sans assister. Réhabiliter par la stimulation cognitive et orthophonique, utiliser les thérapies d’orientation dans la réalité. Mais aussi... Guidance des aidants : - écouter, guider, soutenir pour aider à verbaliser angoisse et culpabilité - informer sur les troubles comportementaux pour mieux les prévenir et éviter la maltraitance - préparer l’entrée en institution Hospitalisation de répit : - hébergement temporaire, accueil de jour, hôpital de jour, vacances avec associations de famille... Approche pharmacologique L'agressivité • Trop souvent traitée par des neuroleptiques ou des benzodiazépines qui - altèrent profondément les capacités cognitives restantes - sont sources de somnolence et de chutes - sont anhédoniques, d’efficacité limitée - peuvent entraîner des complications somatiques. • Il faut leur préférer des médicaments comme la buspirone (Buspar®), la carbamazépine (Tégrétol®) et l'acide valproïque (Dépakine®). • L’agressivité étant souvent ponctuelle et réactionnelle, il n’est pas licite de laisser ces médicaments au long cours. L'agitation • Ne doit pas non plus être traitée par les neuroleptiques. • Les benzodiazépines pourront calmer des agitations anxieuses. • On pourra utiliser aussi la carbamazépine, le propranolol ou la buspirone. • Les stéréotypies motrices ou verbales (déambulation, cris...) répondent bien aux ISRS. L'insomnie • Répond bien aux hypnotiques de nouvelle génération type zolpidem (Stilnox ®) ou zopiclone (Imovane®). • Des petits moyens non médicamenteux sont souvent efficaces (activité physique, promenade, café le midi, vin le soir, suppression de la sieste). Les délires et les hallucinations • Seule indication à l’emploi des neuroleptiques. • Les «doux délires» doivent être respectés. • Les nouveaux neuroleptiques dits «atypiques» devront être préférés car ils ont peu d’effets extrapyramidaux et sont habituellement bien supportés. • Notre préférence ira à la risperidone (Risperdal®) à petites doses Enfin ….. Certains troubles comportementaux, directement liés à la maladie d’Alzheimer, se corrigent par l’emploi de médicaments anticholinestérasiques. LES AUTRES DEMENCES Démences Fronto Temporales troubles mnésiques au 2nd plan troubles de l’humeur, du caractère et du comportement souvent révélateurs et prédominants : - négligence physique précoce et des conventions sociales - désinhibition comportementales (hypersexualité, familiarités..) - hyperoralité (gloutonnerie, conso excessive de cigarettes et alcool) comportement d’utilisation et d’imitation - distractibilité, impulsivité - dépression, anxiété, idées fixes - indifférence affective - amimie (inertie, aspontanéité) troubles du langage : o réduction progressive du langage o écholalie et persévérations o stéréotypies verbales et palilalie pas de désorientation spatiale pas de troubles praxiques atteintes sévères des fonctions exécutives troubles sphinctériens TRAITEMENT Aucune médication n'a l'AMM pour la démence fronto-temporale, mais le comportement peut être amélioré par des agents sérotoninergiques. Le peu de déficit cholinergique ne peut faire espérer un bénéfice des anticholinestérasiques. La prise en charge du patient et de sa famille reste nécessaire. Démences curables : Etiologies Hydrocéphalie à pression normale (HPN), HSD causes métaboliques et carentielles : o troubles hydroélectrolytiques (hypoNa, hypoCa, hyper Ca, hypoglycémie prolongée....) o hypothyroïdie o carence en folates ou vitamine B12 causes toxiques : essentiellement médicamenteuses (BZD, TC, NL ...), alcoolisme chronique cause tumorale : démence par atteinte du système limbique causes infectieuses : o abcès cérébral o méningoencéphalite herpétique, syphilitique, Lyme, VIH... DIAGNOSTICS DIFFERENTIELS Les deux principaux sont : - la confusion - la dépression Syndrome confusionnel état aigu, transitoire et réversible troubles de l’attention au 1er plan, perplexité anxieuse recrudescence nocturne et inversion du rythme nycthéméral signes physiques (insomnie, fièvre, déshydratation, oligurie, agitation, hypotension...) Syndrome dépressif : troubles mnésiques 2nd à un trouble de l’attention, désintérêt pas de troubles du langage cependant peut être un mode d’entrée dans la démence Causes des symptômes confusionnels Interventions chirurgicales : surtout s'il y a eu anesthésie générale et réanimation Troubles hydro-électrolytiques : surtout hypo- ou hypernatrémie, déshydratation Troubles endocrino-métaboliques : diabète (hyper- et hypoglycémie), hypo- ou hyperthyroïdie, hypercalcémie, malnutrition et avitaminoses (vitamine B12, folates), encéphalopathie hépatique ou respiratoire, hyperazotémie, anémies. Atteintes cérébrales : tumeurs, accidents vasculaires cérébraux, hématomes sous - duraux, état de mal non convulsif, méningites et hémorragies méningées. Infections : urinaires, respiratoires, septicémiques. Affections cardiovasculaires : insuffisance cardiaque, troubles du rythme, infarctus du myocarde, hypertension et hypotension artérielle. Rétention urinaire, iléus, fécalome, diarrhées. Médicaments : anticholinergiques (antidépresseurs, correcteurs antiparkinsoniens), traitements cardiovasculaires (diurétiques, méthyldopa, propanolol, digitaliques), benzodiazépines (surtout à demi-vie longue), cimétidine, antispasmodiques atropiniques, antalgiques centraux, dopathérapie, antimitotiques