Chapitre IV
Perspectives philosophiques sur la laïcité
RAWLS, le défenseur le plus cohérent de l’idée suivant laquelle les questions de justice doivent être séparées des
questions concernant la vie bonne.
le concept de contrat social suppose quelle que soit l’interprétation particulière que l’on en donne, une volonté des
individus, vivant dans un hypothétique état de nature, de mettre fin à l’insécurité, à l’imprévisibilité et à la violence.
…que l’Etat n’appartienne pas à quelques-uns mais, résultant d’un contrat dont tous sont parties, constitue la
« chose de tous » .
c’est HOBBES qui a introduit dans la philosophie politique les changements les plus radicaux …confronté au 17ème
siècle à une guerre civile extrêmement violente dans laquelle les conflits religieux s’incarnaient politiquement de la façon
la plus brutale…
La tolérance selon HOBBES et LOCKE
la solution hobbesienne est bien connue : comme les conflits religieux proviennent d’interprétations divergentes des
Ecritures, l’Etat imposera une lecture officielle de ces dernières.
Hobbes se montre pessimiste quant à la possibilité d’atteindre la vérité ultime en matière morale , dans son livre
Léviathan (1651) il indique qu’il n’existe pas de souverain bien tel que l’avait imaginé Aristote. Bref, pas de
métaphysique rationaliste possible pour accorder les esprits sur la vie bonne. Mais pas d’unité religieuse non plus,
comme le montrent les horribles combats qui déchirent l’Angleterre…
il faut donc construire le politique, qui doit monopoliser l’exercice légitime de la violence pour faire cesser les
guerres, sans se référer à la vie bonne (= à l’époque : l’interprétation correcte des Ecritures pour s’orienter dans
l’existence.
L’Etat cesse d’être le jouet des confessions , il devient souverain en absorbant la dimension spirituelle. Mais cette
domestication des Eglises s’opère au détriment de la liberté individuelle, car pour atteindre l’indivisibilité de la
souveraineté, il apparaît nécessaire à Hobbes d’éliminer toute liberté d’expression.
Hobbes définit l’homme de façon très matérialiste et mécaniste comme essentiellement motivé par la tendance à la
conservation de soi (= d’éviter la mort)
le point de vue de LOCKE est très différent. Il ne considère pas l’état de nature comme le règne de la pure violence…
au contraire, la loi de la nature, qui est la loi de Dieu, gouverne les hommes dans l’état de nature. Il se fait qu’à un certain
moment, des institutions s’avèrent nécessaires pour protéger la vie, la liberté et la propriété des individus.
mais Locke réserve aux individus un droit de résistance à l’oppression dans le cas où le pouvoir institué par le pacte
social deviendrait tyrannique. L’Etat au service de tous n’est légitime qu’à ce titre et perd tout droit s’il viole lui-même
les clauses du contrat.
mais à propos de la notion de tolérance, Locke innove également de façon radicale, notamment par rapport à Hobbes :
dans ses Letters on toleration , il part de l’idée suivant laquelle la multiplicité des approches de la Bible, mais
également les approches juive et païenne, devraient être permises.
il souligne que la contrainte (le fait d’imposer une conception de la vie bonne) agit sur la volonté, non sur la croyance
ou la conviction. On ne peut, par l’usage de la force, imposer une croyance. Le salut est une question individuelle, de
conscience et d’intime conviction …
pour Locke, c’est la loi divine qui unit les hommes et fournit la base de leur engagement. Les associations religieuses
doivent être protégées dans leur liberté d’action pour autant qu’elles restent privées et se cantonnent au domaine spirituel.
Locke refuse la liberté aux athées : non parce qu’ils formeraient, comme les catholiques, une instance politique
affaiblissant la loyauté due à l’Etat, mais dans la mesure où, ne croyant pas en Dieu, ils sont selon lui incapables
d’engagement.
la philosophie politique de Locke apparaît dès lors comme bien plus « citoyenne » que celle de Hobbes : la
séparation de l’Etat et des Eglises y fonctionne de façon beaucoup plus libre et active, mais à la fois moins radicalement
et ceci pour deux raisons :
1° chez HOBBES , tout le laos se trouve exclu de la possibilité de discuter librement et publiquement des
orientations de la vie bonne : l’Etat impose une religion officielle.
2° chez LOCKE les catholiques et les athées sont incontestablement discriminés par rapport aux associations
protestantes privées…de plus il est nécessaire pour accéder à la pleine citoyenneté de croire en Dieu. Locke
marque de la façon la plus nette son opposition à l’idéologie du compelle intrare…
Pour Hobbes, c’est par intérêt bien compris que je respecte les droits d’autrui et non par conviction profonde, par
engagement intime.
la liberté constitue pas le moyen d’autre chose, fût-ce le bonheur de tous le laos, mais une fin en soi.
ce n’est qu’en définissant la liberté comme valeur première, la valeur de toutes les valeurs, qu’on donnerait à
une laïcité pensée jusqu’au bout de ses implications un fondement philosophique solide. Ce point de vue consiste à
dire qu’une orientation de vie imposée par la violence ou la persuasion clandestine n’est pas véritablement prise en
charge par l’individu.