Le médicament : un produit pas comme les autres Le médicament n'est pas, dit-on, "un produit comme les autres". Quelle est "sa" différence ? Le médicament participe d'une intention thérapeutique dont le principe premier est : "d'abord, ne pas nuire". C'est pourquoi le médicament "produit de santé" particulier doit apporter des garanties spécifiques à ses utilisateurs et notamment : - la preuve de son efficacité, de ses bénéfices attendus comme supérieurs aux risques encourus ; - une fabrication contrôlée ; - une "traçabilité" des diverses opérations réalisées, de l'achat des matières premières à la mise à disposition du produit à un malade parfaitement identifié…. Ces garanties sont organisées par la loi et une série impressionnante de textes réglementaires qui codifient : Qu'est-ce qu'un médicament ? Les "médicaments", chacun pense les connaître, ne serait-ce que pour avoir bénéficié, un jour, de leurs actions thérapeutiques. Il faut savoir que le médicament répond à une définition précise. Des procès se succèdent depuis des années concernant des produits dits "frontière" pour savoir s'ils sont ou ne sont pas des médicaments. Cette définition est donc essentielle. Elle permet de différencier les médicaments d'un grand nombre de produits qui voudrait tirer avantage de son "auréole" sans pour autant se soumettre aux conditions drastiques imposées par la loi et requises pour bénéficier de son statut. La définition du médicament est donnée par le Code de la santé publique. (Art. L 5111-1 du Code de la santé publique) "On entend par médicament toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l'égard des maladies humaines ou animales, ainsi que tout produit pouvant être administré à l'homme ou à l'animal en vue d'établir un diagnostic médical ou de restaurer, corriger ou modifier leurs fonctions organiques". Cette définition est européenne. La loi française reprend, en effet, la directive de la Communauté européenne 65/65/CEE du 26 janvier 1965. Important : cette définition "fait" le médicament. Contrairement à une idée trop souvent répandue, le "statut de médicament" attribué à un produit n'est pas lié à la détention d'une autorisation de mise sur le marché (AMM) délivrée par l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) ou l'Agence européenne du médicament mais à l'adéquation de ce produit à la définition ci-dessus. Un produit peut-être un médicament par fonction ou par présentation. Le médicament par fonction La définition du médicament affirme qu'il s'agit de "toute substance ou composition présentée comme". La jurisprudence a explicité cette notion de présentation. Il peut s'agir d'une présentation explicite aux yeux de tous dans la mesure où le produit est accompagné d'indications thérapeutiques. Le produit est qualifié de médicament dès lors qu'il est utilisé dans le but d'une modification des fonctions organiques. Le médicament par présentation La notion de médicament par "présentation" peut être moins évidente. Sont retenues par les tribunaux, en cas de contestation, comme base de qualification du produit comme médicament : l'indication d'une posologie, une forme éventuellement pharmaceutique classique (comprimé, gélule, sirop…) Du fait de leur présentation ou de leur composition, des produits peuvent être considérés, aux plans législatif et réglementaire, comme des médicaments. Citons comme exemples : des produits présentés comme cosmétiques mais dont la composition fait état de substances thérapeutiques actives ; des produits diététiques qui présentent des propriétés particulières utilisées en thérapeutique diététique ; des substances utiles à la réduction de comportements à risque (patch ou gomme à la nicotine, méthadone) Tous ces produits figurent sur une liste ad hoc publiée au Journal officiel. Conséquences pour la sécurité sanitaire et les fabricants Une qualification de "médicament" impose à son fabricant le respect de la législation et de la réglementation pharmaceutique (preuves scientifiques des allégations thérapeutiques, procédures d'assurance qualité, réglementation). Conclusion Pour obtenir la qualification de certains produits en "médicaments" l'Ordre des pharmaciens est conduit à engager de nombreux procès pour exercice illégal de la pharmacie avec comme objectif de réduire le charlatanisme, au bénéfice de la santé publique. La dispensation des médicaments Le Code de déontologie des pharmaciens (Art. 5015-48 du Code de la santé publique) fait obligation aux pharmaciens d'officine et aux pharmaciens des hôpitaux d'assurer, dans son intégralité, l'acte de dispensation du médicament. De quoi s'agit-il ? Le pharmacien doit associer à la "délivrance" des médicaments - acte physique - un acte intellectuel consistant en : - une analyse pharmaceutique de l'ordonnance médicale si elle existe ; - la préparation éventuelle des doses à administrer ; - la mise à disposition des informations et conseils nécessaires au bon usage des médicaments. Le pharmacien a un devoir particulier de conseil lorsqu'il est amené à délivrer un médicament qui ne requiert pas une prescription médicale. Toutes les délivrances de médicaments "sur ordonnance" doivent être transcrites sur un registre spécial (l'ordonnancier) et comporter en outre le nom du prescripteur et les coordonnées du patient. A chacun de ces "enregistrements" est affecté un numéro qui doit être reporté sur l'ordonnance ainsi que sur la spécialité dans un cadre prévu à cet effet. Cette procédure constitue un élément important de traçabilité pour des médicaments nécessitant une surveillance particulière. "L'opinion thérapeutique" L'acte de dispensation des médicaments est donc essentiellement un acte intellectuel. Aucune "pièce" ne venait jusqu'à présent témoigner de sa réalisation. D'où la proposition de la "commission qualité" du Conseil central de la Section des pharmaciens d'officine de l'Ordre d'introduire dans la pratique officinale une notion nouvelle appelée : "l'Opinion pharmaceutique". Il s'agit d'un avis motivé du pharmacien, établi sous sa responsabilité, portant sur la pertinence pharmaceutique d'une ordonnance, consigné dans l'officine et communiqué par écrit au médecin lorsqu'il invite à la révision ou fonde le refus de la délivrance ou la modification de sa prescription. La dispensation à domicile Si le malade est dans l'impossibilité de se déplacer, notamment en raison de son état de santé, de son âge ou de situations géographiques particulières, les médicaments prescrits peuvent être dispensés à domicile par le pharmacien de ville. La distribution des médicaments La distribution des médicaments est assurée par une véritable chaîne pharmaceutique continue. Cette chaîne est constituée d'établissements pharmaceutiques : les dépositaires, les grossistes-répartiteurs, les officines de pharmacie. Ces trois catégories d'établissements sont placées sous l'autorité de pharmaciens responsables ou titulaires obligatoirement inscrits auprès de l'Ordre des pharmaciens. Les dépositaires Les dépositaires assurent la distribution de médicaments dont ils ne sont pas propriétaires. Ils peuvent ainsi agir pour le compte d'un ou de plusieurs fabricants. Ils sont tenus de respecter un code de bonnes pratiques. Les grossistes-répartiteurs Au contraire, les grossistes-répartiteurs sont propriétaires de leur stock. Ils achètent, stockent et "répartissent" (autrement dit, vendent en gros et au détail) des médicaments sans les transformer. Comme les dépositaires, les grossistes-répartiteurs sont tenus de respecter un code de bonnes pratiques. Le Code de la santé publique impose aux grossistes-répartiteurs cinq obligations très strictes : avoir le statut d'établissement pharmaceutique et être dirigé par des pharmaciens, desservir toutes les officines de pharmacie de leur secteur, livrer tout médicament de leur stock dans les 24 heures, référencer au moins 90% des médicaments et accessoires médicaux, détenir en permanence un stock suffisant pour satisfaire au moins 2 semaines de consommation. Un contrôle très organisé Remarquons que les fabricants, dépositaires et grossistes-répartiteurs ne peuvent distribuer les médicaments qu'à d'autres entreprises ou organismes autorisés à les distribuer ou à des personnes habilitées à les dispenser. Le législateur a ainsi voulu s'assurer, à tous les niveaux, que le médicament, "produit pas comme les autres", ne serait pas détourné de son usage adéquat, cela sous la responsabilité et le contrôle de professionnels compétents, inscrits à l'Ordre. De plus l'ouverture d'un établissement ou des modifications concernant son équipement sont subordonnées à une autorisation préalable du ministre chargé de la Santé. Une illustration de cette sécurité assurée par l'ensemble de la "chaîne de distribution" est notamment offerte par la mise en place d'une traçabilité permanente des lots de fabrication des médicaments, rendant ainsi possible la diffusion d'informations importantes, voire les retraits d'urgence de lots incriminés. Les officines Les officines ne sont pas à proprement parler des entreprises de "distribution". Ce sont des établissements pharmaceutiques auxquels sont réservées "la dispensation" au détail des médicaments, l'exécution des préparations dites magistrales et officinales ainsi que la vente des plantes médicinales. Elles assurent aussi la vente de dispositifs médicaux et de nombreux accessoires et de produits d'hygiène. Elles constituent donc le dernier maillon de cette chaîne. Comme pour les autres établissements, la création et le transfert des officines sont réglementés. Les médicaments sans AMM On retiendra quatre catégories de médicaments dans cette situation : Les médicaments bénéficiant d'une autorisation temporaire d'utilisation (ATU) Supposons une spécialité pharmaceutique dont la demande d'AMM est déposée et dont les premiers résultats des études cliniques laissent entrevoir une bonne efficacité dans une pathologie lourde pour laquelle aucune thérapeutique n'est efficace. Ce médicament peut être éventuellement utilisé, dans un cadre hospitalier. Le statut de ce médicament est toutefois encadré par une réglementation lui accordant une autorisation temporaire d'utilisation (ATU). Autre possibilité justifiant une ATU : l'Agence peut, dans le cas de maladie rare et pour un malade donné, dans des indications précises, accorder une autorisation pour une durée déterminée. Les médicaments préparés à l'officine ou dans les pharmacies hospitalières Ces médicaments n'ont pas l'obligation d'obtenir une autorisation de mise sur le marché. Toutefois, ils répondent à la définition du médicament et à des définitions propres : ce sont les "préparations magistrales", les "préparations officinales", les "préparations hospitalières". Leurs règles de fabrication sont décrites par la Pharmacopée ou le Codex, leurs règles de dispensation sont celles du médicament. Les procédures d'assurance qualité telle la pharmacovigilance s'appliquent. Les médicaments pour essais cliniques Par définition, ces produits pharmaceutiques ne peuvent bénéficier d'une AMM. Leur fabrication est pourtant indispensable aux études et essais nécessaires à cette obtention. Là encore, celle-ci est réglementée (forme, présentation, étiquetage…). Les matières premières Des matières premières, elles-mêmes principes actifs, peuvent entrer dans la définition du médicament. Elles sont décrites, ainsi que leur possibilité d'utilisation dans une indication thérapeutique, dans la Pharmacopée. Elles sont, sauf exception, concernées par la réglementation pharmaceutique, notamment quant à leur commercialisation. Les règles de prescription Certains médicaments peuvent être délivrés sans ordonnance médicale, à la suite d'une simple demande auprès du pharmacien qui vérifiera néanmoins le bien-fondé de la demande et formulera des recommandations et conseils de bon usage (il faut rappeler que, du fait même de leurs propriétés utiles à la santé, aucun médicament n'est anodin, même s'il est délivré sans ordonnance) alors que d'autres, les plus nombreux, exigent la production d'une prescription. Les "règles de prescription", édictées et contrôlées par les autorités de santé publique, sont adaptées au statut des prescripteurs et aux divers types de médicaments. Qui peut rédiger une prescription de médicaments ? Une ordonnance peut émaner de plusieurs professionnels de santé : - médecin ; - chirurgien dentiste ; - vétérinaire ; - sage-femme (dans les limites d'une liste restrictive de médicaments). Trois "classes" de médicaments Les médicaments dits de prescription sont inscrits sur trois listes différentes (I, II, stupéfiants). Les conditions de forme ou de durée de leur prescription peuvent être différentes. L'ordonnance La prescription doit être rédigée, après examen du malade, sur une ordonnance indiquant lisiblement : - le nom du prescripteur, sa qualité, son adresse, sa signature et la date à laquelle l'ordonnance a été rédigée ; - la dénomination du médicament, sa posologie, son mode d'emploi et, s'il s'agit d'une préparation, la formule détaillée ; - soit la durée du traitement, soit le nombre d'unités de conditionnement et, le cas échéant, le nombre de renouvellements de la prescription - le nom, prénom, sexe et âge du malade et, si nécessaire, sa taille, son poids. A noter que, si l'ordonnance est "incomplète", les Caisses primaires d'assurance maladie peuvent refuser le remboursement des prescriptions. Le cas des stupéfiants Lorsqu'il s'agit d'un stupéfiant, la prescription doit être réalisée sur une ordonnance dite "sécurisée". Depuis le 1er octobre 2000, toutes les prescriptions devaient être inscrites sur ces ordonnances sécurisées. Toutefois cette décision est suspendue dans l'attente des résultats d'une concertation avec les organisations professionnelles médicales. Le cas des médicaments à prescription initiale hospitalière Pour les médicaments à prescription initiale hospitalière : la première prescription doit émaner d'un praticien exerçant dans un établissement de santé, public ou privé (dans certains cas, le prescripteur doit exercer dans un service spécialisé), mais les renouvellements de la prescription peuvent ensuite être, sauf exception, assurés par un médecin de ville. Le cas des médicaments d'exception Il s'agit de "certains médicaments particulièrement coûteux et d'indications précises". La prescription doit être rédigée sur une ordonnance spéciale. Selon le cas, le prescripteur peut être n'importe quel médecin, quel que soit son statut, ou bien seulement un médecin exerçant une spécialité particulière (neurologie, par exemple).