Maastricht pour mettre la dette publique au centre des débats et moins tenir compte des
déficits annuels, afin d’éviter la crise financière de l’un des Etats membres et soutenir la
croissance en Europe. L’argument principal qui a été avancé lors des débats est qu’un pays
ayant un déficit public pendant une courte période ne mettait pas nécessairement son avenir
en péril, contrairement à un pays qui avait une dette publique permanente élevée. Ce débat
soulève ainsi une nouvelle question : creuser la dette publique pendant un certain temps peut-
il être efficace ? Dit autrement, avoir un déficit public aujourd’hui pour rembourser demain a-
t-il un impact sur l’activité économique ?
Cette question a été abordée depuis longtemps dans la littérature économique. De Vauban qui
écrit un livre sur la fiscalité à Turgot qui fonde sa politique de contrôleur général des finances
sur le retour à l’équilibre budgétaire, la force des premiers économistes est de comprendre que
le problème des finances publiques est celui plus vaste de la richesse du pays, de la capacité
de sa population à supporter l’impôt et des rapports que l’Etat par ses emprunts entretient avec
le monde des prêteurs. Plus tard, les économistes classiques ne semblaient pas non plus croire
fondamentalement qu’une politique d’endettement public permettait de stimuler les richesses
de la nation. Adam Smith prônait une intervention publique limitée aux fonctions régaliennes
de l’Etat en vue de laisser les agents privés contribuer par leurs actions à enrichir l’ensemble
de la société. Ricardo en 1817 dans son ouvrage relatif aux Principes d’économie politique et
de fiscalité a été le premier à aborder ce qu’il est convenu aujourd’hui d’appeler le principe
d’équivalence Ricardienne, à savoir le fait qu’un financement des dépenses de l’Etat par
l’endettement est équivalent à un financement par l’impôt. Bien qu’ironiquement, il n’ait pas
cru à ce principe, Ricardo considérait la dette publique comme un des maux de la société (cf.
citation dans Mankiw 2001 p498).
Toutefois, d’autres économistes ont semblé sinon revendiquer les bienfaits de la dépense et la
dette publiques, du moins souligner la concomitance de leur accroissement avec la croissance.
Ainsi, bien avant Keynes, l’écossais James Steuart, économiste du 18ème siècle voyait dans les
emprunts un moyen de remettre en circulation les fonds thésaurisés par des épargnants peu
enclins à les confier à des entreprises privées. Adolph Wagner, à la fin du 19ème siècle
remarqua que la part des dépenses publiques augmentait invariablement avec le revenu par
tête. Selon lui, ce constat s’explique par les nouveaux besoins générés par l’accroissement de
richesses : d’une part des besoins en infrastructures publiques et d’autre part, des besoins de
consommation de biens dits supérieurs, comme les loisirs, la culture, l’éducation, la
santé…qui bien souvent s’avèrent être pris en charge par l’Etat.
Depuis le début du 20ème siècle, de nombreux économistes se sont penchés sur la question de
l’impact de l’endettement public sur l’acticité économique. Keynes (1936) soulignait donc
l’importance de considérer les effets de la dette publique sur le taux de croissance à court
terme. Selon lui, créer du déficit budgétaire pour soutenir l’activité a des effets bénéfiques sur
l’activité lorsque la demande n’est pas suffisante et que les facteurs ne sont pas pleinement
utilisés. Ces conditions sont-elles suffisantes pour que cette affirmation soit vraie ? N’existe-il
pas d’autres cas pour lesquels la dette peut avoir un effet nul, voire négatif sur l’activité ? En
outre, ces effets sont-ils les mêmes à court terme et à long terme ? Plus précisément, s’il existe
des dépenses de l’Etat qui sont bénéfiques en termes de croissance, il convient de se
demander comment financer ces dépenses. Faut-il les financer par des taxes i.e. par les
générations présentes ou par de la dette i.e. par les générations futures ? La question
temporelle revêt une importance cruciale pour répondre à cette question. C’est cette
dimension temporelle qui a structurée la plupart des nombreux débats entre économistes sur la
question de l’effet de la dette publique sur la croissance. C’est donc sous cet angle que nous
allons aborder le problème. Aussi, nous allons adopter la problématique suivante : Dans
quelle mesure la dette publique a-t-elle des effets sur la croissance qui sont différents à court
terme et à long terme ?