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Dette publique et croissance
Alexis PARMENTIER
Bibliographie :
Ouvrages a priori intéressant sur la question :
CAE, 2004, Réformer le pacte de stabilité et de croissance, N. 52 : pas nécessaire pour cette
leçon mais intéressant pour les problèmes de mesure de la dette (dette implicite et explicite) et
sur les règles à mettre en place en Europe.
Bernard Landais, Leçons de politique Budgétaire, De Boeck : Très bien, citations au début,
beaucoup de choses sont dedans
Mankiw, 2001, Macroéconomie, De Boeck, chapitre 15 : bien pour les problèmes de mesure
et pour présenter les problèmes principaux
Burda et Wyplosz, Macroéconomie, De Boeck, on peut s’en passer pour cette leçon.
Hairault, Analyse Macro, T2, chapitres 16, 17 et 18, assez technique même si les intro
(notamment du chapitre 18) sont biens.
Artus et Morin, Macroéconomie Appliquée, PUF : chapitre 4 : pas mal fait et les principales
questions sont abordées en peu de pages.
Les entrées du Jessua : croissance éco, croissance optimale, déficit budgétaire, dette
extérieure, seigneuriage ne servent pas vraiment, l’entrée Equivalence Ricardienne est pas mal
Elmendorf et Mankiw, Government debt, Handbook of Macro, 1999 : Très bien pour
l’équivalence ricardienne, chapitre 24.
St Paul, revue éco 94
COUPPEY- SOUBEYRAN J. (sous la direction de) Dictionnaire de l'économie Encyclopedia
Universalis et Albin Michel, 2007
David Romer, Macro approfondie
Voir aussi Article de d’Autume dans Politique Macro dans le Béraud et Faccarello.
Introduction
La dette publique constitue-elle un moyen efficace pour stimuler la croissance ? Le grand
emprunt Sarkozy sur lequel réfléchissent deux anciens premiers ministres français témoigne
de la croyance de certains hommes politiques dans une réponse positive à cette question.
Pourtant, les différents traités européens ont décidé d’encadrer le plus strictement possible le
recours aux déficits publics et donc à la dette publique en vue de favoriser la croissance. Cette
contradiction ne s’applique-t-elle qu’à la France ? Il semble que cela ne soit pas le cas puisque
de nombreux pays européens, notamment l’Italie et la Belgique ont un endettement public
nettement plus important que celui de la France. Avant d’étudier les sources de ces
contradictions, il convient de préciser ce qu’on entend par dette publique.
D’après le Pacte de stabilité et de croissance européen, la dette publique se définit comme
l’ensemble des engagements financiers bruts des administrations centrales (Etat) et locales,
des collectivités locales et des régimes de sécurité sociale. Comment évolue cette dette
publique en fonction de la croissance du PIB ? Si la croissance est faible, la dette publique
exprimée en pourcentage du PIB augmentera mécaniquement. Mais la croissance affecte
également la dette publique par le biais de son impact sur le déficit public. Lorsque la
croissance est plus faible, les recettes fiscales diminuent et les dépenses liées aux
indemnisations sociales augmentent si bien que le flux d’engagement, le déficit public, se
creuse et la dette publique s’accroît. Aussi, l’analyse des liens entre dette publique et
croissance ne peut se passer d’une étude des liens entre le flux, le déficit public, et la
croissance. Les cents débats ayant trait à une réforme du pacte de stabilité et de croissance
européen ont d’ailleurs souligné de tels liens. Cette réforme visait à amender les critères de
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Maastricht pour mettre la dette publique au centre des débats et moins tenir compte des
déficits annuels, afin d’éviter la crise financière de l’un des Etats membres et soutenir la
croissance en Europe. L’argument principal qui a été avancé lors des débats est qu’un pays
ayant un déficit public pendant une courte riode ne mettait pas nécessairement son avenir
en péril, contrairement à un pays qui avait une dette publique permanente élevée. Ce débat
soulève ainsi une nouvelle question : creuser la dette publique pendant un certain temps peut-
il être efficace ? Dit autrement, avoir un déficit public aujourd’hui pour rembourser demain a-
t-il un impact sur l’activité économique ?
Cette question a été abordée depuis longtemps dans la littérature économique. De Vauban qui
écrit un livre sur la fiscalité à Turgot qui fonde sa politique de contrôleur général des finances
sur le retour à l’équilibre budgétaire, la force des premiers économistes est de comprendre que
le problème des finances publiques est celui plus vaste de la richesse du pays, de la capacité
de sa population à supporter l’impôt et des rapports que l’Etat par ses emprunts entretient avec
le monde des prêteurs. Plus tard, les économistes classiques ne semblaient pas non plus croire
fondamentalement qu’une politique d’endettement public permettait de stimuler les richesses
de la nation. Adam Smith prônait une intervention publique limitée aux fonctions régaliennes
de l’Etat en vue de laisser les agents privés contribuer par leurs actions à enrichir l’ensemble
de la société. Ricardo en 1817 dans son ouvrage relatif aux Principes d’économie politique et
de fiscalité a été le premier à aborder ce qu’il est convenu aujourd’hui d’appeler le principe
d’équivalence Ricardienne, à savoir le fait qu’un financement des dépenses de l’Etat par
l’endettement est équivalent à un financement par l’impôt. Bien qu’ironiquement, il n’ait pas
cru à ce principe, Ricardo considérait la dette publique comme un des maux de la société (cf.
citation dans Mankiw 2001 p498).
Toutefois, d’autres économistes ont semblé sinon revendiquer les bienfaits de la dépense et la
dette publiques, du moins souligner la concomitance de leur accroissement avec la croissance.
Ainsi, bien avant Keynes, l’écossais James Steuart, économiste du 18ème siècle voyait dans les
emprunts un moyen de remettre en circulation les fonds thésaurisés par des épargnants peu
enclins à les confier à des entreprises privées. Adolph Wagner, à la fin du 19ème siècle
remarqua que la part des dépenses publiques augmentait invariablement avec le revenu par
tête. Selon lui, ce constat s’explique par les nouveaux besoins générés par l’accroissement de
richesses : d’une part des besoins en infrastructures publiques et d’autre part, des besoins de
consommation de biens dits supérieurs, comme les loisirs, la culture, l’éducation, la
santé…qui bien souvent s’avèrent être pris en charge par l’Etat.
Depuis le début du 20ème siècle, de nombreux économistes se sont penchés sur la question de
l’impact de l’endettement public sur l’acticité économique. Keynes (1936) soulignait donc
l’importance de considérer les effets de la dette publique sur le taux de croissance à court
terme. Selon lui, créer du déficit budgétaire pour soutenir l’activité a des effets bénéfiques sur
l’activité lorsque la demande n’est pas suffisante et que les facteurs ne sont pas pleinement
utilisés. Ces conditions sont-elles suffisantes pour que cette affirmation soit vraie ? N’existe-il
pas d’autres cas pour lesquels la dette peut avoir un effet nul, voire négatif sur l’activité ? En
outre, ces effets sont-ils les mêmes à court terme et à long terme ? Plus précisément, s’il existe
des dépenses de l’Etat qui sont bénéfiques en termes de croissance, il convient de se
demander comment financer ces dépenses. Faut-il les financer par des taxes i.e. par les
générations présentes ou par de la dette i.e. par les générations futures ? La question
temporelle revêt une importance cruciale pour répondre à cette question. C’est cette
dimension temporelle qui a structurée la plupart des nombreux débats entre économistes sur la
question de l’effet de la dette publique sur la croissance. C’est donc sous cet angle que nous
allons aborder le problème. Aussi, nous allons adopter la problématique suivante : Dans
quelle mesure la dette publique a-t-elle des effets sur la croissance qui sont différents à court
terme et à long terme ?
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I. Creuser la dette publique : un moyen de soutenir la croissance à court terme ?
On va chercher à répondre à la question suivante : Dans quelle mesure le déficit public qui
alimente la dette publique affecte-il l’activité économique ? Plus précisément, en dehors
des stabilisateurs automatiques qui creusent la dette, a-t-on des politiques de relance
positives en termes d’activité économique ?
A. La myopie des agents : une condition suffisante pour creuser la dette
publique ?
Aggravation de la dette pour soutenir l’activité lorsqu’il y a sous-emploi : à quelles
conditions est-ce vrai ? Il est nécessaire que les prix soient rigides ou que les
salaires nominaux soient rigides (si les prix sont flexibles).
En économie fermée. Présentation du multiplicateur de base puis des effets
d’évictions (par les prix : certains investissements devenant non rentables,
par les quantités : capture du marché du crédit par les administrations
publiques), effet total dépend si on est dans la trappe à liquidité ou non et
de la valeur de la propension marginale à consommer (Keynésiens vs
Friedman). Mais soutenir l’activité économique est aussi possible sans faire
du déficit : théorème d’Haavelmo. Une façon de limiter les effets
d’éviction est de l’accompagner par une politique monétaire
discrétionnaire. Seulement, cette politique n’est pas forcément possible en
éco ouverte (changes fixes -> plus de politique monétaire).
En économie ouverte : hausse des importations, problème du taux de
change qui peuvent limiter, voire rendre inutile la politique budgétaire. En
outre, malgré une déconnexion partielle entre l’investissement et l’épargne
liée à l’ouverture des économies, l’effet d’éviction reste présent (comme le
montre le paradoxe de Feldstein-Horioka, 1980). En union monétaire, il
convient de coordonner les politiques budgétaires. En effet, si un pays
mène une politique budgétaire expansionniste, il pousse à la hausse les taux
d’intérêts (par l’effet d’éviction ou bien car il contribue à la baisse de la
monnaie de l’ensemble de l’union - si le financement est pour parti réalisé
par des agents extérieurs à l’union cf déficits jumeaux), ce qui engendre
des conséquences négatives sur les autres pays de l’union. C’est d’ailleurs
pour cela que l’UE a instauré des règles dans le traité de Maastricht. Ces
règles doivent d’ailleurs permettre de donner confiance aux agents
économiques, en particulier à la banque centrale indépendante qui pourra
relâcher ses taux d’intérêt et donc stimuler l’activité et réduire la dette (par
la hausse de l’activité mais aussi par la baisse des emprunts nouvellement
contractés pour rembourser la dette existante).
Qu’en est-il lorsque les agents prennent leurs décisions de façon intertemporelle et
n’ont pas forcément des décisions court-termistes ?
B. Les décisions intertemporelles des agents : une remise en cause du
soutien de l’activité par la dette ?
L’article intitulé « Are government’s bonds net wealth ? » de Barro en
1974 a permis de structurer les débats sous un nouveau jour. L’équivalence
Ricardienne (expression de Buchanan 76) part de la vision de Friedman
d’agents qui prennent leurs décisions de consommation sur la base de leur
revenu permanent. Les agents qui ont des anticipations rationnelles savent
qu’ils devront payer des impôts dans le futur pour rembourser le déficit
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d’aujourd’hui. Ils vont donc épargner l’argent injecté par le gouvernement
et le déficit n’a aucun effet sur l’activité, même à court terme. En fait, le
déficit ou la dette n’influencent que le profil de taxes au cours du temps
mais pas la valeur actuelle de l’ensemble des taxes, valeur sur laquelle les
agents se basent pour prendre leurs décisions de consommation (Cf.
Elmendorf et Mankiw, section III).
Mais ce mécanisme ne fonctionne que sous un certain nombre
d’hypothèses : dépenses publiques improductives, marchés des capitaux
parfaits, taxes forfaitaires (non distorsives), horizon de vie des agents infini
(ou ils sont totalement altruistes raisonnement en terme de familles). Si
ce n’est pas le cas alors la dette publique opère de la redistribution entre
générations et donc peut avoir un effet. Elle peut avoir un effet sur
l’activité à court terme (i.e. les agents vont consommer aujourd’hui au
moins une partie de la dette publique générée) quand par exemple :
Elle desserre la contrainte de crédit de certains agents,
tous les agents ne sont pas parfaitement altruistes envers les
générations futures ie quand ils ne prennent pas leur décision en
termes de familles (Diamond 65 : générations imbriquées, Blanchard
85)
Comportements empiriques des agents qui peuvent s’avérer non
rationnels, notamment car les calculs en jeu sont complexes, les
périodes sont longues et il y a une part d’incertitude difficile à
quantifier.
(Cf. Elmendorf et Mankiw, section III.B+ Burda et Wyplosz section
5.5 + Romer 96, section 2.9)
Malgré leur nombre, les études empiriques conduites sur la question
ne permettent pas vraiment de conclure (Cf. Elmendorf et Mankiw,
section III.C).
Transition : Aujourd’hui peu d’économistes croient à l’équivalence
ricardienne. Un symptôme de cette opinion dominante est incarné par le
fait que de nombreux économistes ont appelé lors de la crise au soutien
de l’activité par les Etats et donc au creusement de la dette publique.
Creuser la dette publique serait donc un bon moyen de soutenir l’activité
économique, même si l’ampleur du soutien dépend de nombreux
paramètres et peut varier fortement d’un pays à l’autre. De façon
paradoxale, l’effet néfaste de la dette publique sur la croissance de long
terme semble également faire l’objet d’un consensus.
II. La dette publique : frein ou moteur de la croissance de long terme ?
Cette partie cherche à répondre à la question suivante : quels facteurs affectent le rendement
des dépenses publiques et les coûts de la dette à long terme ?
A. Une croissance mise en péril par la dette publique
Le financement futur de la dette réalisée aujourd’hui peut peser sur la croissance de
demain :
o Les excédents budgétaires (s’il n’y a pas suffisamment de croissance à la base
et qu’on risque un effet boule de neige ie une autoalimentation de la dette)
nécessaires pour assurer le service de la dette et réduire celle-ci peuvent avoir
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des conséquences néfastes. D’une part, s’ils nécessitent l’augmentation des
prélèvements obligatoires : les taxes qui opèrent une redistribution entre les
agents risquent d’avoir des effets distorsifs dans l’allocation des ressources,
des effets soulignés par Laffer peuvent survenir en cas de prélèvements
excessifs (évasion ou fraude fiscale notamment). D’autre part, s’ils doivent être
financés par des réductions de dépenses de sécurité sociale (les dépenses de
santé ou retraites peuvent avoir des effets positifs en terme démographique et
donc sur le taux de croissance). Pas de référence !!!
o Le financement monétaire (Sargent et Wallace, 1981) : seignoriage
(financement des titres par une hausse de l’offre de monnaie) ou taxe
inflationniste (obligations d’Etat non indexées à l’inflation voient leur valeur
diminuer) qui peuvent s’avérer nécessaires si la dette est insoutenable et ainsi
conduire à des situations inextricables comme l’hyperinflation.
o Défaut de paiement : situation extrême mais dont le risque est important
lorsque la dette est financée par des résidents étrangers. Risque de perte de
confiance associée à des fuites de capitaux et nécessité d’augmenter les taux
d’intérêt, voire de faire appel à un prêteur en dernier ressort (Mexique dans les
années 90). Cf. Mankiw 2001, p.502.
Effet d’éviction réduirait l’accumulation du capital privé, engendrerait une baisse
temporaire du taux de croissance (dans le modèle de Solow) et exercerait donc un effet
négatif sur le niveau de production par tête stationnaire (Feldstein 85) (Cf. Elmendorf
et Mankiw, section II.B et IV.B et Mankiw 2001, Chap 7).
Transition : Toutefois, la critique de l’effet d’éviction formulée à l’encontre de la dette
publique n’est pas systématiquement pertinente. Dans le cas plus simple, la règle d’or
(modifiée en intertemporel) nous explique en effet que la croissance est optimale lorsque le
taux d’intérêt est égal au taux de croissance (+ taux d’actualisation) (cf. Phelps, AER 1961).
Or, rien ne garantit que ce soit le cas. Quand les agents ont des comportements de
suraccumulation (situation d’inefficience dynamique), faire de la dette publique permet de
réduire l’épargne privée et au final va permettre d’accroître la consommation par tête de
l’ensemble des générations. Le taux de croissance n’est pas affecté mais l’ensemble des
générations sont mieux. C’est pourquoi toute une littérature s’est interrogée sur le niveau de la
dette optimale. Evidemment, il est difficile de définir ce niveau, notamment car l’évaluation
du taux d’actualisation est extrêmement complexe (Cf. Elmendorf et Mankiw, section III.B +
Romer p91-2 et 96-97 sur la dette optimale+ Mankiw 2001, chap 7 et 8).
B. La dépense publique comme financement des moteurs de la croissance ?
On a vu qu’il existait des inconvénients sérieux au creusement de la dette publique.
Toutefois, nous allons voir que le problème est de savoir à quels emplois la dette est
affectée. Dit autrement, dans quelle mesure la nature des dépenses publiques qui
alimentent la dette publique affecte la croissance ? D’après le courant du Public
Choice, de nombreuses dépenses publiques sont somptuaires et ont vocations à
contribuer à la réélection des hommes politiques. D’après ce courant, ce creusement
de la dette publique n’a pas d’effet positif sur la croissance. Toutefois, comme nous
allons le voir à présent, si elle est affectée à des dépenses structurelles, ses effets sur la
croissance peuvent s’avérer salutaires.
Partons d’une situation il est très difficile, voire impossible de lever de nouveaux
impôts. Cette situation est assez représentative de la plupart des pays développés, des
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