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Résumé et commentaires de Mind : a brief introduction (Searle, 2004)
(à étudier avant d’aborder le point 4.2.2 du chapitre 4, p. 39)
Ce livre est la seule introduction générale que Searle ait écrite sur la philosophie de l’esprit.
Toutefois, la plupart des arguments ont été développés ailleurs, notamment dans The rediscovery of
the mind (1992). Le petit livre Liberté et neurobiologie contient aussi un grand nombre des thèmes
récurrents discutés par Searle. Ce livre d’une grande limpidité, très bref (105 pages en format de
poche et typographie aérée) constitue une excellente introduction à beaucoup de thèmes auxquels je
ferai allusion dans ce qui suit. Voici la table des matières de Mind : a brief introduction :
Introduction: pourquoi j’ai écrit ce livre
1.Une douzaine de problèmes en philosophie de l’esprit
2. le tournant matérialiste
3. Arguments contre le matérialisme
4. La conscience - partie 1: La conscience et le problème esprit-corps
5. La conscience - partie 2: La structure de la conscience en neurobiologie
6. L’intentionnali
7. La causalité mentale
8. Le libre arbitre
9.L’inconscient et l’explication du comportement
10. La perception
11. Le moi
Epilogue: la philosophie et la vision scientifique du monde
Dans ce qui suit, je résume et je commente l’introduction et les 5 premiers chapitres du livre.
Les chapitres 8 et 11 ne seront pas traités. Les contenus des chapitres 6, 7, 9 et 10 font déjà largement
partie des matières rédigées du chapitre 4 à partir de la page 40.
1. Résumé et commentaires de l’introduction
La thèse de Searle est que la philosophie de l’esprit contemporaine demeure beaucoup trop
tributaire d’une série d’hypothèses qu’il juge erronées sur la manière dont la conscience et d’autres
phénomènes mentaux sont connectés entre eux et avec le reste du monde. Dans les premiers chapitres,
Searle va argumenter contre les conceptions actuelles d’inspiration dualiste (aussi bien le dualisme de
substance que le dualisme de propriétés), matérialiste, physicaliste, computationnaliste et
fonctionnaliste (et quelques autres). Le problème est qu’aucune de ces conceptions ne permet de
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rendre compte de trois types d’expérience consciente : percevoir une sensation, effectuer une action
intentionnellement et penser à quelque chose.
Le problème esprit-corps. Les objets du monde ont une existence objective. Ils existent
indépendamment du fait que certains organismes peuvent les expérimenter de manière consciente.
Actuellement, nous savons que ces objets sont entièrement constitués des particules décrites par la
physique atomique et qu’aucun vécu qualitatif n’est associé au fait d’être une particule physique,
d’être une montagne, d’être une rose ou d’être une table. Ces faits constituent une invitation à
l’adoption d’une position dualiste : le mental en tant que tel n’est pas physique, le physique en tant
que tel n’est pas mental. Par exemple, on éprouve une légère douleur dans le bras gauche.
Comment l’expérience subjective de cette douleur peut-elle exister dans un monde
entièrement constitué de particules physiques ?
Comment certaines particules physiques qui font partie de la matière cérébrale peuvent-elles
causer une expérience mentale ?
Le problème de la causalité mentale. Comment l’intention de se pincer le bras gauche avec la
main droite peut-elle causer le déplacement des diverses masses corporelles impliquées dans cette
action ?
Le problème de l’intentionnalité de l’esprit. Comment nos pensées peuvent-elles référer à
des objets et des situations de fait dans le monde ? Par exemple, comment peut-on penser à la
situation politique à Pékin ou à Paris ?
Searle termine son introduction en insistant sur deux distinctions qu’il juge très importantes :
Distinction entre les faits du monde qui sont indépendants de l'observateur et ceux qui
sont dépendants ou relatifs à l'observateur
Distinction entre intentionnalité intrinsèque et intentionnalité dérivée
Commentaires : Trois caractéristiques de la distinction objectif-subjectif
1. Distinction entre les faits du monde qui sont indépendants de l'observateur et ceux
qui sont dépendants ou relatifs à l'observateur.
- Les forces, les masses, les particules élémentaires, le système solaire, la photosynthèse, ... ne
dépendent pas de nous pour exister. Tous ces éléments existent indépendamment de l'existence d'êtres
doués de conscience et d'intentionnalité.
- La monnaie, la propriété, le mariage, le gouvernement, le football n'existent qu'en vertu
de notre manière d'envisager, de penser ces notions. Toutes ces notions sont relatives à
l'observateur. Par exemple, une pièce de monnaie n'a de valeur monétaire que parce qu'on
lui attribue cette valeur.
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- Toutefois, les états mentaux des observateurs qui engendrent des faits dépendant de
l'observateur sont eux-mêmes indépendants de l'observateur.
- Donc, c'est le fait que j'attribue une valeur monétaire à la pièce qui fait qu'elle a cette valeur
monétaire, pas son existence en tant qu'objet physique qui est indépendante de tout
observateur.
- Mais, mon état intentionnel, malgré son caractère personnel et subjectif (du point de vue
épistémologique) est aussi un fait indépendant de l'observateur qui existe dans le monde (du
point de vue ontologique, cf. plus bas).
2. Distinction entre intentionnalité intrinsèque et intentionnalité dérivée
Quand il s'agit de l'esprit, il est nécessaire d'effectuer une distinction entre intentionnalité
intrinsèque et intentionnalité dérivée.
- Je connais le chemin pour me rendre de chez moi à mon bureau. Ces informations mentales
sont intrinsèquement intentionnelles. La carte que je vous montre contient aussi ces
informations. Mais le fait que différents symboles puissent référer à des quartiers de la ville et
des rues dérive de l'intentionnalité intrinsèque de l'éditeur de carte et le fait que vous et moi
comprenions cette intentionnalité dérivée dépend de notre intentionnalité intrinsèque.
- Comme la carte, le langage humain dérive aussi son intentionnalité de l'intentionnalité
intrinsèque de l'esprit.
- D'une manière encore plus générale, la distinction ontologie - épistémologie (cf. point 1.1 de
la partie I du cours) doit être continuellement présente à l'esprit quand on lit Searle. Searle
argumente surtout d’un point de vue ontologique, rarement d'un point de vue
épistémologique. Or, la plupart des philosophes des sciences actuels adoptent plutôt un point
de vue épistémologique, souvent de manière implicite.
3. Distinction entre ontologie à la première personne et ontologie à la troisième personne
A la fin du XIX siècle, William James avait, avec raison, insisté sur le caractère
irrémédiablement personnel et subjectif des états mentaux, donc sur ce que l'on peut appeler leur
ontologie à la première personne. Ceci veut dire que nul autre qu'une personne elle-même ne peut
avoir une connaissance détaillée de ses états mentaux. Il s'agit d'une connaissance pour laquelle
chacun d'entre nous est son meilleur expert. On parle aussi de connaissance immédiate, par opposition
à la connaissance qui concerne les objets du monde. Cette connaissance, qu'elle concerne l'individu ou
la science, est médiatisée par l'intermédiaire des organes des sens, d'instruments de mesures, etc. Il
s’agit d’une connaissance objective qui a une ontologie à la troisième personne.
Toutefois, le caractère subjectif des états mentaux au sens épistémologique du terme subjectif
ne doit pas nous faire ignorer que ces états mentaux existent au sens ontologique, au même titre que
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n'importe quel autre phénomène naturel. Il n'est pas certain que cette distinction ait été comprise par
les behavioristes. Au minimum, on peut sans doute affirmer que c'est parce qu'ils n'étaient pas
conscients de cette distinction qu'ils semblent parfois non seulement douter de la possibilité d'avoir
une science des états mentaux (à cause de difficultés réelles de nature épistémologique), mais même
douter aussi de leur existence au sens ontologique (ce qui est absurde). Ce faisant, ils se sont mis dans
une position comparable à celles des philosophes grecs qui, malgré les apparences, niaient la
possibilité du mouvement. Ce faisant, ils niaient l'existence du phénomène. Un grand progrès a été
accompli quand la physique antique a décidé qu'il fallait que la théorie « préserve» le phénomène.
C'est exactement dans cet état d'esprit-là que Searle dit que le caractère privé et subjectif des états
mentaux n'empêchent pas leur existence. Ils sont non seulement subjectifs du point de vue
épistémologique mais aussi du point de vue ontologique. Donc, ils ont une ontologie à la 1ère
personne. Ceci les rend difficiles à étudier, plus que les objets qui ont une ontologie à la 3ème
personne, mais cela ne veut pas dire qu'ils n'existent pas (cf. plus bas résumé du chapitre 4).
2. Résumé du Chapitre 1 : une douzaine de problèmes en philosophie de l’esprit
Dans l’introduction de ce chapitre Searle souligne que contrairement à ce qui se passe dans
d’autres domaines de la philosophie, il y a sans doute en philosophie de l’esprit une différence
importante entre ce que pense le milieu professionnel des philosophes et ce que pense le profane.
Searle suppose que la plupart des gens dans le monde occidental souscrivent à une forme de dualisme.
La plupart des gens pensent qu’ils ont à la fois un corps et un esprit (ou une âme). Ceci s’oppose à la
position de la plupart des professionnels en philosophie, en sciences cognitives, en neurobiologie et en
intelligence artificielle qui adhèrent à une forme ou une autre de matérialisme. D’où vient cet
rupture ? Essentiellement de l’énorme difficulté de sortir des catégories qui nous ont été léguées par
Descartes. La première partie du chapitre s’intitule « Descartes et autre désastres ». Elle énumère 8
problèmes légués par Descartes. A ceux-là s’ajoutent 4 problèmes plus contemporains.
Remarque 1 sur l’étude de la partie II du cours consacrée à Descartes. Je n’interrogerai
pas sur l’intermède historique des pages 22 à 27. Cependant, ces pages méritent d’être lues
parce qu’elles permettent de comprendre le rôle central de Descartes dans la philosophie
occidentale. En particulier, il est important de souligner que Descartes a été éduqué dans une
optique scolastique qui repose essentiellement sur le modèle aristotélicien. Ceci justifie mon
approche dans ce cours qui consiste à écraser le temps en envisageant une continuité
immédiate entre la philosophie d’Aristote qui date du IVe siècle avant J.C. et le XVII siècle.
Remarque 2 sur l’étude de la partie II du cours consacrée à Descartes J’ai cette année
traiter très rapidement de Descartes et mon exposé des pages 28 à 34 du cours est très
insatisfaisant. Vous pouvez laisser tomber la partie sur les passions, pp. 33 et 34. En
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revanche, le rapport entre la figure 3.1 de la page 32a et le modèle aristotélicien de la figure
1.12 p. 18a est très important. En particulier, la boîte imagination de la figure 1.12 est la
même que la ligne imagination de la figure 3.1. Il s’agit de la phantasia d’Aristote, c’est-à-
dire des contenus mentaux tels qu’ils sont présentés à la conscience. S’agissant des contenus
mentaux perceptifs, ils sont en grande partie causés par l’interaction entre le cerveau et le
monde physique. Il s’agit des « présentations » la conscience, représentation si vous
préférez), c’est-à-dire des contenus mentaux riches en propriétés secondaires qui n’ont pas
d’existence réelle. Ce qui a une existence réelle, ce sont les descriptions abstraites de
l’intellect (= la raison, l’entendement). Les capacités cognitives qui nous permettent
d’extraire ces descriptions abstraites ne dépendent pas de l’expérience sensible. Elles nous
sont données à la conception par une intervention divine. L’intervention divine porte sur trois
catégories de contenus mentaux innés : la connaissance de l’existence de Dieu, la
connaissance de sa propre existence en tant qu’être pensant et les connaissance logico-
mathématiques. C’est grâce à ces dernières que dans l’intellect, les objets n’existent pas avec
leurs propriétés secondaires mais seulement avec leurs propriétés primaires, c’est-à-dire leur
description en tant qu’objet occupant un certain espace et ayant une certaine forme
descriptible dans les coordonnées cartésiennes. Donc, au-delà du monde perceptif existe un
monde de la raison basé sur des principes logico-mathématiques. Ces principes rationnels
nous permettent de formuler des jugements, c’est-à-dire des énoncés qui peuvent être vrais ou
faux et qui ne reposent pas sur les images perceptives conscientes mais sur leur interprétation
dans l’intellect.
Remarque 3. La physiologie cartésienne est plutôt farfelue en regard de ce que nous
connaissons maintenant. Toutefois, il faut comprendre que la position cartésienne est une
position strictement scientifique sur le plan de l’explication des phénomènes physiques et
biologiques. Ceci veut dire qu’aucune force obscure n’est à l’œuvre dans les explications de
ces deux catégories de phénomènes. La vie s’explique par des phénomènes mécanistes. En
revanche, en ce qui concerne l’esprit, il est nécessaire de postuler un autre type de substance
et d’autres principes explicatifs. On peut qualifier la position de Descartes de dualisme de
substances, par opposition aux formes plus modernes de dualisme qui peuvent être qualifiées
de dualisme de propriétés. Ceci nous ramène à la première partie chapitre 1 de Searle dont
j’adore le titre.
Descartes et autres désastres
Voici le tableau résumé de la conception cartésienne que Searle fournit avant de s’engager
dans la spécification de huit problèmes de philosophie de l’esprit que nous lègue Descartes.
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