Histoire du Maghreb colonial (1830-1950) Cours de C. Verdeil Notes de M. Erpelding
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Histoire du Maghreb colonial (1830-1950)
La colonisation du Maghreb
1re séance (jeudi 8 octobre) : Le Maghreb au début du XIXe siècle (1) : aspects politiques
Introduction générale
- Questions posées par l’historiographie (étude de l’écriture de l’histoire)
Comment les historiens écrivent-ils l’histoire ?
Quels documents utilisent-ils ?
À quels outils ont-ils recours ?
Comment ont-ils interprété un sujet donné ?
Sous l’emprise de quelle(s) idéologie(s) ont-ils écrit l’histoire ?
- Historiographie de l’histoire coloniale
Marquée pendant longtemps du point de vue du colonisateur : histoire de
conquêtes, de rivalités entre grandes puissances, relégation des « indigènes » à
l’arrière-plan
Changement avec l’histoire postcoloniale (Post-Colonial Studies : US, UK, Inde)
o 1er sens : histoire écrite « après la fin du colonialisme »
Insistance sur la persistance des conséquences de la colonisation après
la fin officielle de celle-ci
o 2e sens : renversement de perspective
Valorisation du point de vue des colonisés, vus comme des acteurs à
part entière de l’histoire
Accent mis sur les relations entre les colonisés et le colonisateur
Question de l’implication des colonisés/de leurs élites dans le
processus colonial
Valorisation de la langue des colonisés et des documents écrits dans
cette langue
But : « essayer de mettre l’Europe à la périphérie »
Prise en compte des relations entre les colonisés et d’autres acteurs
que le colonisateur
Dépassement du cadre de l’État-nation
Valorisation des migrations, pèlerinages et autres flux humains
Intérêt pour les conséquences de la colonisation sur le colonisateur (p.
ex. arrivée de matières premières, connaissance du monde, etc.)
Connected History
Échanges, circulation humaine
Négociations
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o De manière générale, l’on notera que l’historiographie française est encore
très peu postcoloniale
I. Entre suzeraineté ottomane et souveraineté
1) Les régences : des liens lâches avec l’empire ottoman
- Pays concernés : Algérie, Tunisie, Tripolitaine
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- 1515-1517 : conquête ottomane du Proche-Orient
- XVIe siècle : conquête ottomane du Maghreb
- Lexique
Bey : collecteur d’impôts pour le compte du sultan
Diwân : assemblée de notables qui gouverne avec le bey
a) Algérie
- 1518 : prise de pouvoir à Alger par le corsaire Khayr-ed-din (Barberousse), originaire
de Mytilène (donc non-arabe)
Le sultan de Constantinople le reconnaît comme bey et lui envoie une milice
ottomane
Khayr-ed-din étend ses conquêtes sur toute la côte algérienne, sauf à Oran, qui
reste sous domination espagnole
Ce régime dure un siècle
- XVIIe siècle : la milice refuse le bey nommé par le sultan, et élit son propre régent, le
dey
L’empire ottoman, désireux de ne pas perdre tout contrôle sur le pays, confirme
le dey et lui donne le titre honorifique de pacha (ce titre est également porté par
d’autres dignitaires, comme le wâli, etc.)
En retour, le dey verse un tribut au sultan afin de payer la milice ottomane
Après une période de troubles, ce régime se stabilise au XVIIIe siècle
o Le dey est élu par la milice (absence de dynastie)
o Grande période de guerre de course
- Fin de cette période au début du XIXe siècle
Contexte
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L’on évitera de confondre « Tripoli de Barbarie » (ancienne appellation occidentale de la capitale actuelle de
la Libye) avec « Tripoli de Syrie » (la ville de Tripoli au Liban).
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o Lutte européenne accrue contre la course, vue comme entrave au commerce
maritime (lequel joue un rôle-clef dans le contexte du libéralisme
économique)
o Déclin relatif de l’empire ottoman
A partir de 1816, le dey s’émancipe de la milice
o Il se réfugie dans la kasbah d’Alger, et emploie une milice formée de Kabyles
et de descendants d’unions mixtes entre Turcs et Arabes (les Kouloughlis) en
lieu et place de la milice turque, qu’il supprime
o Le tribut n’est plus payé au sultan
o Virage dynastique
Toutefois, cette émancipation contribue également à affaiblir le pouvoir du dey
o Celui-ci ne peut plus compter sur la milice turque
o Le renouveau de l’islam confrérique en Afrique du Nord, à la suite duquel
certaines tribus refusent de se soumettre au pouvoir fiscal du dey, constitue
un autre facteur d’affaiblissement du dey
b) Tunisie
- 1574 : la Tunisie passe sous domination ottomane
- Mouvement inverse de celui constaté en Algérie
Le bey supplante le dey au XVIIe siècle
Le bey de Tunis réussit à fonder une dynastie
- Dynasties
Mouradites (le premier représentant de cette dynastie était un renégat
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corse)
Husseinites (à partir de 1705, jusqu’à la création de la République moderne)
- Allégeance au sultan
Monnaie frappée à l’effigie du sultan
Prêche du vendredi fait au nom du sultan
Différence avec l’Algérie : absence de tribut
c) Tripolitaine
- XVIe siècle : les Ottomans y envoient un pacha
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Terme désignant les Non-Arabes convertis (de force) à l’islam, souvent d’anciens captifs, victimes de la guerre
de course.
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- 1711 : la Tripolitaine tombe entre les mains des Karamanli, dont le premier avait
assassiné le pacha, dynastie qui reste au pouvoir jusqu’en 1835, lorsque les Ottomans
reprennent le pouvoir
2) Un État souverain : le Maroc
- Dirigé par un sultan, dont la généalogie remonte jusqu’au Prophète
Il est donc charif et exerce un pouvoir religieux
Désignation
o Soit, le sultan désigne son successeur avant de mourir
o Soit, sa famille le fait après sa mort
Le sultan doit cependant également se faire reconnaître par les élites locales
o Cela se fait au cours d’une cérémonie connue sous le nom de ba’ya
(prestation de serment)
Problème récurrent : désignation de plusieurs sultans concurrents
o 3 sultans entre 1793 et 1796
o Le vainqueur, Moulay Slimane, gouvernera jusqu’en 1822
- Fermeture économique
Interdiction aux sujets du sultan de voyager en Europe
Difficulté d’installation pour les Européens (presque pas de consulats)
Très peu de commerce
3) Bilan
- Un État : le Maroc (sultanat ne dépendant pas de l’empire ottoman)
- Tunisie : entité également très affirmée
- Algérie : « ventre mou » du Maghreb (Daniel Rivet
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)
- Tripolitaine : reprise en 1835 par les Ottomans)
II. États et tribus
- Un État faible au Maroc et en Algérie
Pas d’administration centrale
Pas de fonctionnaires
- Attributs de l’État
Police
Impôts
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Toutes les citations de cet auteur sont extraites de son ouvrage : Le Maghreb à l’épreuve de la colonisation,
Paris, Hachette Littératures, 2002, 459 p.
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1) Un pouvoir collecteur d’impôt
a) Algérie (voir carte p. 11)
- Subdivisions territoriales
Un district administré par le dey : dar-es-soltan (Alger et ses environs)
Quatre districts (beyliks) administrés par des beys nommés par le dey
Beyliks divisés en watan dirigés par des caïds
- Système d’affermage de l’impôt
Beys nommés par le dey, doivent lui faire allégeance en se rendant régulièrement
à Alger
- Pouvoir limité des beys
Aucune famille de beys (charge non héréditaire)
Souvent déplacés, destitués, voire exécutés
- Administration du dey
Diplomates
Khnaznadji : chargé du trésor, et donc aussi du paiement de la milice
b) Maroc (cf. carte p. 11)
- « Le sultan règne partout, mais ne gouverne que par endroits. » (Daniel Rivet)
Bled makhzen : territoire contrôlé par le sultan (impôts et police)
Bled as-siba : zone qui échappe à son contrôle (le sultan y est reconnu comme roi,
mais non obéi)
Les contours de ces territoires sont fluctuants, dépendant des allégeances des
différentes tribus
- Toutefois, le pouvoir symbolique et le prestige du sultan restent important, y compris
dans d’autres pays (p. ex. l’Algérie)
2) Le rôle des tribus, alliées ou adversaires de l’État
- Qu’est-ce qu’une tribu ?
Définition simplifiée : groupe de personnes se référant à un même ancêtre
Entre plusieurs centaines et plusieurs milliers de personnes (en moyenne 10 000 à
15 000)
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