
Page 5.
c. Une convergence problématique et ses conséquences négatives
Jusqu’à présent, dix-sept pays respectant ces critères ont été acceptés dans la zone Euro à leur demande. Mais la
Grèce avait maquillé ses comptes publics et le pot-au-rose a été découvert trop tard. Pays gangréné par la corruption
(beaucoup de Grecs ne payaient qu’une partie de leurs impôts, encouragés par des inspecteurs complaisants moyennant
« dessous de table »), la Grèce s’était déjà beaucoup endettée et a continué à être très mal gérée. Sa dette a fini par faire
peur aux prêteurs, qui ont arrêté de prêter, ou alors à des taux d’intérêt trop élevé. La Grèce, qui empruntait à la fois
pour faire de nouvelles dépenses et pour rembourser ses anciennes dettes avec de nouvelles dettes, s’est retrouvé en
situation de faillite publique : elle ne parvenait plus à rembourser ses prêteurs et n’arrivait plus à payer ses
fonctionnaires et faire les travaux publics essentiels pour ses infrastructures. Par contamination, cela a touché les autres
pays de la zone euro, et l’euro lui-même.
Mais il peut y avoir des problèmes de convergence même en-dehors de la zone euro. Ces dix dernières années,
l’Union européenne s’est considérablement élargie, avec dix pays supplémentaires en 2004 et deux en 2007. Ces pays,
souvent des pays de l’est de l’Europe, comme la Pologne, la Hongrie, la Roumanie ou la Bulgarie, sont des pays au
niveau de vie nettement plus bas que celui de l’Europe de l’Ouest et même du Sud. Certains observateurs considéraient
comme urgente leur adhésion, car ils risquaient d’entrer dans la zone d’influence américaine. Mais faire entrer des pays
relativement pauvres dans une Union plutôt riche a généré un certain nombre de problèmes.
1) Par solidarité, il a fallu réorienter une partie des aides du budget européen (en grande partie financé par les pays
les plus riches) vers ces pays pauvres, ce qui a généré des tensions – d’ailleurs, les pays comme l’Allemagne ou la
France ou diminué leurs financements.
2) Mais un autre problème, plus gênant, s’est posé, celui du dumping. A la base, le dumping est un terme qui
désigne une concurrence déloyale (quant une entreprise vend son produit au-dessous de son coût de production pour
nuire à ses concurrents – elle perd provisoirement de l’argent mais va attirer tous les clients à elles en « tuant » ainsi la
concurrence). Au niveau des Etats, le dumping peut être fiscal ou social :
- Dumping fiscal : dans certains pays nouveaux entrants dans l’Union européenne, les impôts prélevés sur les
entreprises sont très faibles – cela permet aux entreprises de ces pays de pratiquer des prix très bas et donc de
concurrencer de façon « injuste » les anciens Etats de l’Union.
- Dumping social : de la même façon, dans beaucoup de ces pays, les salariés sont très mal payés, il n’y a pas
de salaire minimal ou il est très bas, tandis que les cotisations sociales sont très faibles.
Beaucoup de salariés, syndicats ou entreprises d’Europe occidentale ont ainsi souffert de cette nouvelle
concurrence dans le cadre du grand marché intérieur.
Tout ceci a généré des tensions et, au-delà, des problèmes économiques pour une partie des pays de l’Union
européenne. En France, on a ainsi beaucoup parlé du « plombier polonais », salarié de son pays, payé aux normes
polonaises, susceptibles de venir travailler en France en concurrençant les plombiers français. On a aussi beaucoup
parlé d’un pays plus ancien dans l’UE mais qui a attiré les entreprises européennes à coups d’énormes cadeaux fiscaux
et s’est ainsi considérablement enrichi en quelques années au détriment des autres : l’Irlande.
3. Des politiques macro-économiques moins libres
L’un des grands changements, enfin, qu’introduit l’UEM dans la vie des Etats européennes, c’est qu’il n’est
désormais plus possible de mener les politiques conjoncturelles de la même façon qu’auparavant. Les politiques
monétaires sont passées sous le contrôle de la BCE, tandis que les politiques budgétaires sont de plus contrôlées par le
Conseil européen et la Commission européenne. Voyons pourquoi, et quel problème cela peut poser.
a. La politique monétaire : une politique unique… qui pose problème
On a évoqué les avantages d’une monnaie et d’une politique monétaire uniques (section 2.B.). Mais une telle
situation peut aussi poser problème.
1er exemple. Avant le passage à l’euro et au contrôle de la BCE sur la politique monétaire, un pays pouvait décider
d’utiliser seul la politique de change ou la politique monétaire pour améliorer sa situation. Il trouvait que son
commerce extérieur était trop déficitaire parce que ses entreprises n’exportaient pas assez ? Il pouvait abaisser le taux
de change de base de sa monnaie ; ainsi, il devenait moins cher d’acheter de sa monnaie avec une autre ; cela diminuait
le prix des produits fabriqués dans le pays pour les acheteurs étrangers ; cela relançait donc ses exportations. Mais
désormais, un pays de la zone euro ne peut plus utiliser l’arme du taux de change par rapport à ses partenaires de la
zone, car il n’y a tout simplement plus de change (tous les pays de la zone ont la même monnaie…). Et il ne peut non
plus rien faire vis-à-vis des pays extérieurs à la zone car ce n’est pas lui qui contrôle le taux de change de l’euro : c’est
la BCE, et celle-ci le laisse flotter – régime de changes flexibles.