CHAPITRE IV : LE LANGAGE : SENS ET VERITE INTRODUCTION

CHAPITRE IV : LE LANGAGE : SENS ET VERITE
INTRODUCTION :
S'interroger sur le langage, c'est s'interroger sur la pensée. Le terme grec
« logos » veut dire le discours, la parole, la pensée, la raison (argument) et le langage.
Aristote, dans la Politique, définit l'homme à la fois comme « animal politique » et
« animal doué de logos ».
=> Comment doit-on déterminer le rapport entre le langage et la pensée ?
Si on conçoit la pensée comme inséparable d'un langage, on peut considérer
que la maitrise du discours est le préalable indispensable à toute pensée rationnelle. C'est
aussi ce que signifie le terme de logos. Le discours possède à la fois un sens et une
valeur de vérité. Le sens du discours ne se confond pas avec la vérité. En effet, les
affirmations fausses ont un sens (ex : le tableau est blanc). La logique se définit comme
l'étude de la cohérence du discours. Elle implique ainsi de valoriser la vérité contre le
sens. Passer d'un discours signifiant à un discours vrai implique une décision
philosophique. Par exemple, lorsque l'on passe d'un discours mythique à un discours
scientifique.
Michel Foucault, L'Ordre du discours, p. 16-18
Michel Foucault s'interroge sur l'origine de la volonté de vérité qui caractérise la
philosophie, la science et toute la culture occidentale. Il montre que la notion de vérité a
pris un sens nouveau à partir du moment on se préoccupe d'avantage de ce que dit le
discours, plutôt que de ce qu'il est/fait. La vérité en elle-même possède un caractère
objectif qui n'est pas discutable, mais le fait de rechercher la vérité de façon exclusive
correspond à une attitude qu'il est possible de situer historiquement. Volonté de vérité
suppose l'exclusion du discours qui ne vaut que par son autorité : la poésie, la rhétorique,
la politique, et la religion. Foucault établit ainsi un partage entre le discours du mythe et
celui de la philosophie. La vérité du mythe tient à ses efforts de signification et à l'adhésion
qu'il entraine. La vérité du mythe est liée à une tradition. La position de la philosophie qui
s'est affirmée depuis Platon consiste à distinguer le vrai du faux en rejetant du côté de
l'imaginaire et du fictionnel tout énoncé qui ne peut pas être contesté de sa propre preuve.
On peut considérer que le problème fondamental de la philosophie est celui que
pose le langage : Comment dire « l'essence des choses » ? (Ref : allégorie de la caverne).
Cela revient à produire un langage significatif et vrai.
=> Comment se constitue le sens du langage ?
=> Quelles sont les conditions de possibilité dans le discours pour la
vérité ?
=> Comment faire du langage quelque chose de significatif et vrai ?
I. STRUCTURE DU LANGAGE ET CONSTITUTION DU SENS
Le langage et la faculté à signifier. On peut définir l'homme comme l'animal qui
possède le langage. Cette aptitude se concrétise dans la formation d'une langue. On peut
définir la langue. On peut définir la langue comme un fait social. Elle se caractérise
comme un ensemble structuré de signalisations.
=> Comment expliquer que les mots appartenant à une langue déterminée
aient un sens ?
L'idée selon laquelle les mots découle des choses a un caractère illusoire
(cratylisme). Selon Cratyl, les mots ont un lien naturel avec les choses qu'ils désignent.
=> Le sens des mots est-il motivé ?
La diversité des langues semble nous montrer que le sens des mots n'est pas
naturel mais plutôt conventionnel.
=> Comment les structures de la langue permettent-elles de définir le sens
des mots ?
Dans sa définition de la langue, Saussure (feuille 2a) dit que c'est une
institution sociale qui possède une existence positive (réelle → en faire l'expérience). C'est
pourquoi la linguistique doit se définir comme une science de la langue. LA langue peut
être décrite par l'association d'une image auditive à un concept. C'est précisément la
nature de ce lien qui fait l'objet de l'étude de Saussure. Le signe linguistique constitue
l'élément de la langue. Il permet de définir la nature de la signification. Le signe
linguistique ne définit pas le rapport entre le nom et la chose. En effet, cela nous
amènerait à sortir du cadre de l'étude de la langue. On en viendrait à parler de ce qui
définit la vision du monde d'une culture donnée. C'est pourquoi le signe linguistique est
défini comme le rapport entre concept et image linguistique. En effet, on reste ainsi
entièrement dans le domaine de la signification, c'est à dire dans le cadre des faits de
langue.
Le signe linguistique se définit comme une « entité psychique à deux faces »
(matérielle et intellectuelle). On peut ainsi diviser le signe en signifiant (matériel) et signifié
(intellectuel).Parler une langue c'est être capable d'associer du sens à des sons : des
signifiés à des signifiants. Le rapport qui unit le signifié a signifiant est à la fois arbitraire et
conventionnel.
La langue est conventionnelle parce qu'elle est un fait social. Ce ne sont pas
les locuteurs qui décident du rapport entre signifié et signifiant. Ce lien est pourtant
arbitraire, ce qui signifie qu'il n'y a pas de motivation dans le rapport entre signifié et
signifiant. La diversité des langues permet de constater l'arbitraire du signe linguistique.
Aucune langue n'est plus expressive qu'une autre. Il n'y a pas de rapport naturel entre
signifié et signifiant.
=> Comment peut-on expliquer qu'un sens particulier soit attribué à un
mot donné ?
(feuille n°2b) : Selon Saussure, on peut définir la langue comme « un
système de différences sans termes positifs ». La langue est constituée par le
découpage qu'elle fait à la fois dans les sons et les sens. Il n'est pas possible d'envisager
des idées en dehors d'un usage quelconque de la langue. L'articulation des significations
correspond ainsi à l'articulation du matériel sonore, phonique. finir précisément des
idées et définir des mots distincts suppose d'établir des différences. C'est pour cela que
Saussure affirme « qu'il n'y a dans la langue que des différences ».
syntagme : ordre de succession
paradigme : ordre de substitution
(feuille n°2c) : comprendre le sens d'un mot c'est le situer à l'intérieur de la
langue. Pour cela il faut définir ce qui est dit, à la fois à travers l'ordre de la succession des
syntagmes, et à travers l'ordre de substitution défini par des paradigmes.
La langue est un système de différences en termes positifs.
=> peut-on considérer la musique comme un langage universel ?
Mallarmé prend acte du caractère conventionnel des langues. Mais cela ne
signifie pas qu'il soit impossible de finir une parole originale et expressive au sein des
conventions qui sont celles de la littérature ou de la communication. On peut considérer le
poète comme celui qui s'efforce de restituer à la langue une expressivité qu'elle n'a pas
naturellement. Mallarmé remarque la contradiction des sonorités des termes « jours » et
« nuit » et leur signification. La tache de la poésie est de rémunérer le défaut des langues.
La poésie est donc simultanément une pensée et une musique : en exprimant
musicalement une idée, on parvient à redonner à la langue un caractère expressif. C'est
pourquoi la langue poétique peut se définir comme une évocation. La littérature apparaît
comme une pratique de la langue différente de la communication et d'y oppose. En effet,
dans l'acte de la communication, les mots sont échangés de façon purement
conventionnelle. On peut ainsi comparer l'échange linguistique et commercial. Une
communication efficace suppose la transparence du médium employé. Au contraire, la
littérature implique une attention portée à la langue elle-même. Il faut prendre conscience
du défaut des langues pour être capable de leur restituer un caractère expressif. Ainsi la
parole du poète peut nous donner un accès à la pensée. En effet il est impossible de
penser en dehors d'une langue donnée. C'est pourquoi le travail de la pensée doit
consister à se approprier la langue, c'est à dire à sortir des conventions préétablies de
la communication.
II. LA LOGIQUE COMME LANGUE IDEALE
=> Comment peut-on définir la vérité d'une proposition ?
On peut distinguer la vérité matérielle d'une proposition de la vérité formelle
d'un raisonnement :
mathématiques : vérité du contenu de l'information. Elle suppose un rapport à une
expérience ou un objet
formelle : cohérence d'un raisonnement purement logique.
Syllogisme : raisonnement qui permet de tirer une conclusion de 2 prémisses.
La validité du syllogisme repose sur la présence d'un moyen terme qui permet
d'établir la nécessité de la conclusion tirée des deux prémisses. Un syllogisme bien
construit garantit la cohérence du raisonnement sans tenir compte de la vérité matérielle
des propositions qui le constituent. La validité logique est indifférente au contenu des
propositions. La logique permet de connaître la pensée, pas de connaître la réalité.
=> Quelle est l'utilité de la logique si elle n'étend pas le domaine de nos
connaissances ?
Aristote remarque dans les Réfutations Sophistiques que les langues
naturelles comportent des ambigüités qui nécessitent l'établissement d'un modèle logique
qui permet de les corriger. Le sophisme est un raisonnement apparent fondé sur les
ambigüités contenues dans la langue naturelle, pour produire des confusions ou des
contradictions. Ex :
- Affirmes-tu être ce que tu affirmes être ?
- Oui.
- Affirmes-tu que l'arbre est ?
- Oui.
- Tu affirmes être un arbre.
Sais-tu ce que tu apprends ?
- Oui
- Donc tu n'as pas besoin d'apprendre
- Non
- Donc tu n'as rien appris.
Le sophisme repose sur la confusion qui s'établit entre la langue et la réalité.
Les structures grammaticales sémantiques ne sont pas le reflet de la réalité. Il faut tenir
compte du fait que la langue est un instrument qui nous permet de symboliser les choses
à travers les catégories générales. On ne peut pas exprimer le réel dans sa singularité.
Leibniz, au XVIIIème siècle, a imaginé l'idée d'une « caractéristique
universelle », c'est à dire d'une langue qui permettrait le calcul de n'importe quel
problème. Il suffirait ainsi d'exprimer un problème selon les caractères de ce calcul pour
en obtenir automatiquement la résolution. La logique apparaît ainsi comme une forme
automatique de penser. Elle n'est jamais fondée sur un recourt à l'intuition.
Intuition sensible : ce que l'on voit
intuition intelligible : ce que l'on comprend
évidence : terme cartésien on a une vision naturelle de la vérité. La vérité se définit
comme « une lumière naturelle » (Descartes) qui nous permet de percevoir
spontanément la vérité.
La clarté caractérise l'idée qui possède un objet véritable. La distinction désigne
le fait que nous connaissons suffisamment une idée pour le pas la confondre avec aucune
autre. Toute évidence rationnelle est une idées claire et distincte. Selon Descartes, la
certitude repose sur la perception d'un esprit qui voit la vérité avec évidence. C'est
pourquoi Leibniz reproche au concept cartésien d'évidence son caractère subjectif. Au
contraire, l'idée de logique définit le raisonnement indépendamment de tout esprit qui le
pense sans aucun rapport à une réalité psychologique.
« automatisme spirituel » (Leibniz) = machine à produire la vérité.
Blanchet (feuille 4) définit la notion de logique symbolique en montrant qu'elle
se fonde sur une idéographie entièrement motivée. Les structures de la langue logique
sont l'expression adéquate des relations logiques elles-même. On doit donc considérer
l'élaboration d'une logique formelle comme une étude des relations logiques. Ainsi la
définition des connecteurs logiques dans la logique des propositions permet la définition
exhaustive des relation qui peuvent exister entre deux propositions.
Quand on établit la table de vérité des relations logiques, on définit chaque
connecteur par une certaine configuration des valeurs de vérité. On peut alors calculer la
valeur de vérité d'un raisonnement sans jamais faire référence à l'intuition qu'on peut avoir
de la signification de chaque relation. La pensée logique se définit ainsi comme un pur
calcul. On s'aperçoit que ce calcul permet d'étudier toutes les relations pouvant exister
entre deux propositions. Cela signifie que la logique parvient à définir les limites de ce qui
peut être pensé. On peut remarquer dans les cas de la tautologie et de la contradiction
définissent la nature du raisonnement logique. En effet on peut considérer qu'un
raisonnement est logique puisque sa valeur de vérité est indifférente à la vérité des
propositions qui la constituent.
Le fait que tout raisonnement logique soit purement tautologique revient à dire
que la logique est vide de sens : elle n'est qu'une structure (selon Wittgenstein, il faut
distinguer ce qui est dépourvu de sens, c'est à dire ce qui est absurde et ce qui est
vide de sens comme la logique). La logique exclut la contradiction (colonne 16 : quand
tout est faux). On peut ainsi définir les lois élémentaires qui portent sur une seule
proposition en partant de la loi de contradiction.
La loi de la contradiction définit ainsi le domaine de ce qui est logiquement
pensable. Tout ce qui est contradictoire est absurde (faux). La logique en tant que langue
idéale définit la grammaire de la pensée. Elle permet de tracer la limite entre ce qui est
pensable, et ce qui est absurde.
III. LE PROBLEME DU LANGAGE PRIVE ET LES JEUX DE LANGUE
On peut montrer que la question de signification suscite de nombreux
paradoxes car il est presque impossible de répondre à la question « quelle est la
signification d'un mot? »
Cela correspond au problème que pose l'existence d'un métalangage. Cela se
présente dans des paradoxes comme celui du menteur qui est fondé sur la confusion
entre le niveau de l'énoncé et celui de l'énonciation.
Epiménide le Crétois dit « Tous les Crétois sont menteurs ». Quand on
s'efforce de définir la signification de ce que nous disons comme étant la traduction de
notre pensée, on présuppose l'existence d'une espèce de langage privé. Si la langue n'est
pas une traduction de la pensée et donc si notre pensée ne peut pas se concevoir comme
une espèce de langue privée, cela signifie que l'on ne peut pas définir le sens d'une
affirmation en fonction d'une intention qui serait quelque chose de purement
psychologique. (paragraphe 368, Wittgenstein, « comme un rêve de notre langage »).
Cela signifie que l'on ne peut pas expliquer la signification de ce que nous disons en se
référant à une expérience intime.
Si toute affirmation trouvait son sens par rapport à une pensée privée, aucune
communication véritable ne serait possible. On aboutirait à une situation solipsiste. Par
ailleurs, on peut considérer que c'est d'avantage la langue qui nous permet de donner une
signification à ce qui est senti. Ce n'est pas la pensée qui donne son sens à la langue.
Wittgenstein montre qu'il est impossible de se référer à une intériorité subjective pour
définir ce qu'est la signification. En effet, une telle intériorité est insaisissable et donc
incommunicable. Parler doit donc se concevoir comme le fait d'appliquer une certaine
règle. Comprendre la signification d'un mot c'est concevoir la règle qui nous permet de
faire fonctionner ce mot dans une situation donnée. Dans le paragraphe 202,
Wittgenstein remarque qu'il n'est pas possible de seulement croire obéir à une règle. En
effet, une croyance subjective n'est pas suffisante pour définir une règle. Seule la pratique
montre en quoi elle consiste. De même il n'est pas suffisant de définir la signification par
ce que nous croyons signifier. Seule la pratique d'un jeu de langage nous permet de
montrer ce qu'est la signification de ce langage. Wittgensteincrit la multiplicité infinie
des jeux de langage (paragraphe 23) pour montrer qu'ils correspondent à ce qu'il appelle
notre « histoire naturelle » : le parler du langage fait partie d'une activité ou d'une
forme de vie. La réflexion sur le langage apparaît par conséquent comme une réflexion
sur la nature de l'existence humaine. Pour Wittgenstein, il n'est pas possible de dissocier
le langage du contexte social dans lequel il est pratiqué. Ce n'est pas une pensée
intérieure qui peut définir la signification de ce qui est dit. C'est plutôt le fonctionnement
d'une certaines pratique (d'un jeu de langage) qui témoigne d'une compréhension
mutuelle.
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