24 mai: première réaction de
Josep M. Abella
Missionnaire clarétain
QUELQUES QUESTIONS ET QUELQUES PROPOSITIONS
À PARTIR DES RÉFLEXIONS QUE NOUS AVONS ÉCOUTÉES
Pendant que j’essayais de démêler les questions et les préoccupations que suscitait en moi la lecture des
réflexions que nous venons d'écouter, je me suis souvenu d'une lettre d’un jeune Provincial que j'ai reçue il y
a quelques années, dans laquelle il me faisait part des préoccupations qui l’affligeaient et auxquelles il ne
savait pas comment faire face. Je vous en parle parce que je pense que cela peut nous aider à trouver un
équilibre entre, d'une part, l'utopie qui ne peut jamais disparaître de notre horizon et qui nous indique les
objectifs vers lesquels nous devons cheminer et, de l'autre, le réalisme qui nous oblige à chercher les
dynamiques nécessaires pour pouvoir réellement avancer sur la route.
Voici quelques paragraphes de la lettre de ce jeune Provincial: «Je constate que nous vivons des heures
sombres et une tendance à la baisse, aussi bien au niveau de la quantité (nombre de membres, âge moyen,
...) qu’au niveau de la qualité (une vie religieuse, une expérience religieuse, ... affaiblie). Je vois une vie
religieuse qui abonde d'analyses (sociologiques ou de toute sorte), qui est engagée dans mille discours mais
qui n’a pas l'honnêteté, la sincérité pour faire face à la réalité; en cherchant sans fin, certes, et en croyant
trouver partout des explications. D’ailleurs, quand nous analysons, nous ne devons pas agir, les analyses ne
nous changent pas ni nous donnent des solutions. Raisonner, ce n’est pas réagir. Une explication, ce n’est
pas la solution.
Je constate que nous avons parfois tendance à chercher des coupables (tantôt l'Église, tantôt la hiérarchie,
tantôt le monde, tantôt le cularisme, ...). En blâmant les autres, nous éludons la question et nous nous
justifions (en échappant à la responsabilité personnelle). Je vois certains individus et des communautés à la
limite de la distraction, demandant je ne sais quelles gratifications ou je ne sais à quel prix. Les personnes
âgées regrettent, dans la forme et dans la substance, les jours glorieux du passé, alors que nous, les plus
jeunes, nous ne nous sentons pas importants dans un monde et dans une société où la majorité « s’en fiche »
et nous ignore.
Pendant ce temps, nous nous consacrons, entre autres, aux travaux d'entretien, de réparation, de
conservation, d'amélioration... de nos maisons (que le mal de pierre menace) et de nos communautés (qui
doivent toujours avoir la dernière nouveauté technologique sur le marché sous prétexte de je ne sais quel
avantage pastoral). Dans d’autres lieux, nous construisons de nouveaux bâtiments pour accueillir les
nouvelles générations de candidats ou les futures ou nouvelles œuvres apostoliques. Le patrimoine nous
écrase. Entre-temps, nous écrivons, entre autres, des documents (plans, programmes, projets, qui
submergent nos étagères A-t-on jamais eu autant de programmes, de projets et de plans ? Apparemment, le
moment n’est pas venu pour nous de simplement rédiger et dire ce que nous sommes prêts à accomplir et à
faire.
Je ne vois pas de lucidité, de rapidité, de courage, d'agilité, de capacité de réaction... Et, pour couronner le
tout, je ne vois pas des signes clairs de notre identité de religieux. Nous nous occupons de beaucoup de
choses, nous avons des horaires chargés, nous sommes interconnectés au niveau planétaire grâce à
l'Internet et au téléphone mobile, nous avons beaucoup de choses à faire, mais faisons-nous ce que nous
devons faire? Il n’y a aucun signe de sagesse (l'une des traditions de notre vie était la tradition sapientielle),
aucun signe de prophétie moins que nous considérions que tout est prophétie, or, s’il en est ainsi, rien
n’est prophétie), et aucun signe de contre-culture (nous sommes une roue de cet engrenage socio-culturel-
économique, et même ecclésiastique), dans notre vie (personnelle et communautaire) il n'y a aucune trace de
fracture, de rupture avec le reste. Nous vivons tranquillement installés dans un modus vivendi cher,
embourgeoisé, moderne (et ‘à la dernière mode’).»
On ne peut guère affirmer que cette lettre est l’expression d’un optimisme excessif. Nous avons même
l'impression que, tout en décrivant une situation qui d’une certaine manière existe - du moins sous certains
aspects -, il ne saisit pas une réalité qui est pleine de signes extraordinaires de fidélité à un idéal qui a marqué
la vie de nombre de nos frères et sœurs, et qui a trouvé et trouve encore des expressions très différentes dans
la géographie variée de nos Instituts. Nous connaissons tous un nombre important de frères qui ont une
qualité humaine et spirituelle qui nous surprend toujours. Nous avons vu l'engagement courageux de tant de
nos confrères qui vivent chaque instant de leur vie en se donnant généreusement à ceux vers qui ils ont été
envoyés. Nous avons été enrichis et confortés par le témoignage de nombreux frères âgés qui, ayant vécu
pleinement leur vie, aujourd’hui récoltent et partagent les fruits de cette paix et sagesse qui sont des dons de
l'Esprit. Nous sentons l'enthousiasme des jeunes qui rêvent de nouveaux projets au service de l'Église et du
monde. La vie consacrée est aujourd'hui, comme toute autre réalité, pleine de lumières et d'ombres. Quoi
qu'il en soit, nous continuons à croire, avec humilité et réalisme, qu’elle exprime toujours, malgré toutes ses
limites et ses imperfections, cette primauté de Dieu qui crée la liberté dans le cœur et l'engagement à la tâche
de l'édification du Royaume. Et cela est tout aussi vrai en Amérique latine qu’en Afrique, en Asie, en Europe
et en Océanie, bien que sans doute avec des expressions différentes. Il me semble important d'affirmer cette
réalité qui est la base des réflexions que nous avons écoutées et qui devrait nourrir le dialogue qui suivra.
Cependant, une infinité de questions continuent de nous harceler, elles nous forcent à persévérer dans notre
quête de voies qui nous fassent sentir la joie de vivre cette forme de vie chrétienne et qui la rendent, à son
tour, «significative», - un mot qui a été mentionné à plusieurs reprises dans les conférences - pour les
personnes avec qui nous partageons la tâche de donner un sens à ce moment historique que nous vivons.
Qu’est-ce que cela suppose et exige en Amérique latine et dans le monde?
QUELQUES QUESTIONS À PARTIR DE CE QUE NOUS AVONS ÉCOUTÉ
Dans sa réflexion, le père Alex Zatyrka nous rappelle l'attitude de Jésus face à la foule « lasse et prostrée»,
sa façon de la regarder avec compassion et sa réponse à cette situation. Grâce à cette façon d’agir de Jésus,
nous découvrons une manière d'être qui manifeste le mystère de Dieu qui est Amour « avec un langage
existentiel accessible à notre entendement humain ». D'où l'invitation à ceux qui ont été appelés à la vie
consacrée à apprendre ce langage à l'école d'une communion profonde avec Jésus, dans laquelle nous nous
con-figurons petit à petit à Lui, en surmontant ainsi la dé-figuration que notre existence a subie à cause de
l'égoïsme. Seule une vie guidée par le dynamisme kénotique de Dieu peut révéler son Amour et aider à
réorienter la vie de chaque personne et de l'histoire humaine selon le plan de Dieu.
C’est certainement notre contribution majeure à un monde beaucoup de personnes vivent prisonnières de
ce cercle vicieux que le père Alex nous indique: a) désorientation et malaise culturel à une époque marquée
par la déception face à l'échec de projets qui semblaient pouvoir répondre aux aspirations les plus profondes
de bonheur et de communion de tous les êtres humains, b) la recherche de solutions rapides et faciles à une
situation qui déstabilise et provoque l'agitation, que ce soit à travers la consommation, le travail ou mille
autres succédanés c) la nouvelle expérience de frustration plus radicale du fait de constater que la médecine
ne guérit pas la maladie, au contraire, l’aggrave. La question se pose avec une grande force provocatrice:
comment être de véritables signes d'espérance dans ce contexte? Le mot «espérance» revêt une grande
importance en ce moment historique. Le frère Carlos Gomez Restrepo nous l’a dit : « L'obsession pour la
réussite devrait céder la place à l’espérance qui prend des risques et qui prend le parti de ceux qui
sont exclus de l'histoire et de ceux qui souffrent de l'injustice et du dépouillementIl s’agit d’une
espérance qui naît « de la liberté que donne l'abandon à la Providence de Dieu. » Je pense, cependant, que,
pour être réalistes, il y a deux aspects à considérer.
Le premier, c’est prendre conscience que nous vivons et grandissons dans l’humus culturel du moment. Nous
respirons l'air du moment historique dans lequel il nous a été donné de vivre. La lettre du Provincial qui est
citée au début, nous en avertit. En effet, plus nous sommes conscients du drame que tout cela suppose dans
notre vie, plus nous sommes en mesure d'aider les autres à s’acheminer pour chercher des réponses qui
donnent un sens à leur vie. Nous devons aborder la question, l'étudier, prier et la commenter dans nos
communautés, mais nous avons tant de mal à faire cela! Trop souvent nous programmons des actions sans
bien réfléchir sur ce que nous nous vivons. Pour vivre «en profondeur» - un autre aspect sur lequel les
interventions ont insisté il faut être conscient des circonstances qui nous entourent et nous conditionnent.
Or, sans cette profondeur, tout espoir sera vain.
Le second, c’est la nécessité de développer en chacun de nous la capacité de regarder ce que Jésus nous
enseigne et l'engagement qui en résulte. C’est apprendre à découvrir, au-delà de l'analyse des problèmes
spécifiques auxquels nous sommes confrontés tous les jours, cette «nostalgie» de sens, d'amour, en
définitive, de Dieu, qui continue d’être présente dans chaque cœur humain. J'insiste sur le fait d’aller «au-
delà des analyses», qui sont toujours nécessaires et indispensables, mais qui ne nous fourniront pas la piste
définitive pour nous situer «en religieux» face à la réalité et aux drames de nos frères et sœurs. Le père Alex
lui-même nous l’a dit: comment ces situations « nous touchent-elles » ? Le témoignage du frère Carlos est
éloquent en ce sens.
D’où le premier défi: nous laisser nous « con-former » au Christ. Il s'agit de la «conversion» dont nous parle
le père Alex et qui nécessite une attention particulière afin de cultiver dans la vie ordinaire l'amitié avec
Jésus et récupérer l’importance qu’ont pour lui les dynamiques qui aident à approfondir l'expérience de la
foi, la vie spirituelle. La vie consacrée doit être «mystique» et «prophétique», a affirmé avec insistance la
CLAR. Il s’agit de la vocation à la sainteté, propre à chaque disciple de Jésus, et qui acquiert une urgence
particulière chez ceux qui sont appelés à la vie religieuse. Une sainteté, nous a dit le frère Carlos, «qui nous
ouvre à l'avenir » et «qui nous permet de nous lancer dans de nouvelles aventures, dans l'incertitude et la
possibilité d’échouer ». Une sainteté qui est une expression de confiance dans l'amour de Dieu.
Je pense que nous devons trouver un chemin qui nous aide à créer des convictions profondes dans le cœur de
chaque religieux, en particulier de ceux qui sont maintenant dans un processus de formation. Cela peut
sembler désuet, mais je suis convaincu qu'il est essentiel de récupérer une véritable discipline qui permette de
recréer l'harmonie en chaque religieux, cette harmonie personnelle, profondément enracinée dans
l'expérience de Dieu, qui donne de la consistance et de la souplesse à la personne et la rend capable
d’assumer des engagements sérieux et risqués. Parfois, mes frères me disent que « cela est juste », que c’est
« très théorique », « qu’ils le savent », mais je suis convaincu que c'est la clé pour un véritable renouveau
et la seule force qui peut maintenir l’engagement missionnaire vivant, malgré toutes les difficultés. Je crois
que seule une vie vécue en profondeur sera en mesure d’accueillir et de répondre de façon responsable aux
appels que Dieu nous fait à partir de la réalité.
Nous répétons depuis longtemps le mot «changement». Certaines personnes le craignent et se réfugient dans
les rigidités d'autrefois, qui donnent une impression de sécurité mais sont incapables de transmettre
l'espérance. D'autres se laissent emporter par le courant d'une culture «light» et se sentent exemptés des
efforts visant à acquérir ces croyances et attitudes qui permettent de vivre en profondeur et qui offrent un
soutien à ceux qui se sentent perdus et impuissants.
Pour vivre dans les lieux de frontière, - et la vie consacrée est appelée à vivre la liminalité il faut être bien
équipé afin de pouvoir prendre ce risque. Pour répondre avec générosité et courage aux besoins énormes de
ceux qui souffrent le plus durement des conséquences d'une société qui vise surtout au profit et à la
domination, il faut une grande liberté d'esprit. Cela nous a été rappelé par les réflexions que nous avons
écoutées.
Con-formés au Christ, nous pourrons nous approcher de ce mode de vie marqué par la «cordialité», qui
révèle l'amour de Dieu et qui, pour cela, guérit, oriente et crée de l'espoir. Je pense que la «cordialité» est la
vertu la plus nécessaire dans un monde comme le nôtre, si compétitif et, au contraire, parfois si superficiel.
Sans tendresse, sans cœur, sans amour, il n'y a pas de prophétie crédible. Une « cordialité », qui n'est pas une
stratégie, mais l’expression de l’amour de Dieu qui est pénétré dans notre cœur, avec lequel nous annonçons
l'Évangile à travers nos paroles, notre vie fraternelle et nos actions et nos projets.
QUELQUES INDICATEURS D’ITINÉRAIRE
Face à tout cela et à partir des réflexions que nous avons écoutées, je me permets de vous proposer quelques
indicateurs d’itinéraire qui peuvent nous aider à donner de la profondeur à notre expérience de vie
consacrée et qui la rendent en même temps significative et porteuse de vie pour tous, surtout pour ceux qui
en ont le plus besoin. Nous pourrons voir ensuite s’ils reflètent l'expérience de nos communautés en
Amérique latine et aux Caraïbes et comparer nos points de vue, en tant que Supérieurs généraux, face à
l'avenir de la vie consacrée et leur mission sur le continent américain.
Un premier point, c’est l'approfondissement de la dimension théologale de notre vie. Si nous n’ouvrons pas
notre vie à la source de laquelle jaillit l'eau de vie, elle ne donnera aucun fruit capable de générer l'espérance
dans notre monde. Dans l'écologie de notre vie, l'eau qui jaillit de cette source est indispensable. Il faut
continuer à souligner le besoin de spiritualité intégrale, qui se nourrit de la méditation de la Parole et de la
célébration de l'Eucharistie, qui se laisser interroger par la vie des peuples et des réalités qui l'entourent. Une
spiritualité qui s'exprime dans une vie vécue avec un « dynamisme kénotique » - selon les termes du père
Alex - qui intègre toujours de façon harmonieuse la « cordialité » et « l'audace ». Il en va de la crédibilité de
notre témoignage. Les mots de cette «dame simple» que le frère Carlos nous a transmis, nous interpellent
tous : «Mon frère, quand vous croyez plus en Dieu, nous croyons plus en vous. » Pour encourager nos frères
à grandir dans cette dimension fondamentale de la vie, comme animateurs de la vie de nos communautés,
nous devons continuer à insister sur l'élaboration d'un projet personnel de vie et de quelques projets
communautaires qui relèvent et assument ces préoccupations. Ce n’est qu’à partir de que notre vie sera en
mesure de soulever la question sur Dieu et donner témoignage de la primauté du Royaume. Je rappelle ce le
document de la Ve Conférence du CELAM à Aparecida dit aux religieux: « Sur un continent où se
manifestent de sérieuses tendances à la sécularisation, également dans la vie consacrée, les religieux sont
appelés à donner un témoignage de l’absolue primauté de Dieu et de son Règne » (Document d'Aparecida,
DA 219). Je suis convaincu, cependant, qu’il faut insister sur ce point non seulement à cause de « la situation
de sécularisation croissante», mais aussi pour maintenir vivant le sens de notre vie et remplir de signification
les activités que nous menons. Le témoignage de certains de nos frères, qui ont confirmé par le don de leur
vie leur dévouement à Dieu et aux frères, continue de nous encourager et de nous mettre en question. Nous
ne devons jamais oublier la mémoire de nos martyrs.
Un deuxième point, c’est l'invitation à assumer notre responsabilité ecclésiale avec joie et humilité, avec
beaucoup d’audace et de générosité. Aparecida est un point de référence fondamental à cet égard. Dans une
Église qui se veut «disciple et missionnaire», la vie consacrée a pour mission de témoigner « de manière
démesurée » les aspects fondamentaux de cette suite et de se mettre au service de cette mission avec une
« gratuité complète» et avec « beaucoup d’audace ». Il faudra se situer aux frontières de l'évangélisation,
même s’il faut abandonner les autres positions caractérisées principalement par la pastorale ou maintenues au
nom d'une tradition qui ne correspond plus aux nouveaux défis qui se posent à la vie consacrée et à
l'évangélisation en général. Où devrions-nous être et comment? Que devrions-nous quitter et pourquoi? Cela
nous demandera un grand effort de discernement et un sens profond de communion avec l'Église locale, en
restant toujours conscients et fidèles aux charismes que nous avons reçus pour l'enrichissement de l'Église
tout entière.
Faisant écho à « Vita Consecrata » (cf. VC 51), Aparecida a demandé à la Vie Consacrée d’être un
instrument de communion « tant à l’intérieur de l'Église comme dans la société » (cf. DA 218). Vivre avec
passion la mission évangélisatrice avec ceux qui ont reçu d'autres vocations et qui exercent d'autres
ministères est une tâche importante. Il nous appartient de choisir une véritable communion ecclésiale, qui sait
s’ouvrir à ce que l'Esprit dit à l'Église particulière par la voix de tous ceux qui en font partie, qui sait
discerner avec liberté d’esprit et qui n’a pas peur de s'engager, en assumant tous les risques que cet
engagement peut entraîner. Nous devons participer activement à toutes les instances des Églises particulières.
En tant que religieux, il nous appartient de soutenir le dynamisme prophétique des Églises particulières avec
un engagement généreux pour la mission, fondé sur une profonde confiance en Dieu et sur le soutien
fraternel de la communauté. Dans le cadre des projets missionnaires des Églises particulières, nous devrions
veiller à ne pas perdre de vue des frontières sociales, culturelles et géographiques pour mettre nos charismes
au service de la vie et de la mission de l'Église précisément elles se trouvent. En outre, nous sommes
appelés à être la mémoire permanente de l'universalité de l'Église, aussi bien en rendant présente la réalité
d'autres églises dans la vie de l'Église latino-américaine, qu’en canalisant l’envoi missionnaire de frères et
sœurs latino-américains au service d'autres églises et d'autres peuples.
Le troisième point que je propose, c’est la nécessité d'assumer notre responsabilité face à la participation
aux processus de prise de conscience des nouveaux sujets émergents dans la société latino-américaine: les
peuples autochtones, les Afro-Américains, les femmes, les jeunes, etc. Comment pouvons-nous tenir compte
de cette prise de conscience dans nos institutions et dans nos programmes, dans notre vie et dans nos
structures? Un gros effort de réflexion théologique est fait pour chercher des herméneutiques qui nous
permettent de saisir les valeurs de ces groupes et la façon de les exprimer et de les intégrer dans les grands
processus de changement que vivent la société et l'Église. Tout d'abord, nous devons les connaître et les
apprécier, nous laisser interroger par eux et les appuyer à travers nos attitudes et nos activités. La vie
consacrée a toujours été présente parmi les peuples autochtones et afro-américains. Nous travaillons avec une
véritable passion au service des jeunes et nous nous sommes engagés dans de nombreux projets pour la
promotion de la femme, en particulier les religieuses. On nous demande peut-être aujourd’hui de revoir ces
modes d’être présent. C’est un chemin que nous sommes appelés à parcourir avec toute l'Église et la société
latino-américaine elle-même. Le document d'Aparecida saisit la situation de ces groupes émergents (cf. DA
88-97, 48, 51, etc.) et identifie quelques défis à relever. Il s’agit de défis qui demandent une réponse
multiple: dans le domaine de la réflexion théologique, de la pastorale et de l’organisation ecclésiale et
sociale. Je pense qu’ils nous invitent aussi à réviser les processus de formation et l'ouverture et l'engagement
de nos propres institutions par rapport à ces groupes. Le frère Carlos nous a dit que sa réflexion est née de
ses «pérégrinations à la recherche d’horizons pour les jeunes et pour les pauvres » et, par conséquent, nous a
indiqué que la proximité est nécessaire. Il sera bon d'examiner quelles sont les questions que soulève notre
partage avec eux et quelles sont les réponses que nous donnons ou que nous sommes prêts à donner.
Un quatrième point dont il faut absolument tenir compte, c’est renouveler avec détermination l'option pour
les pauvres et la justice. C’est un point de référence fondamental dans la définition du chemin de la vie
religieuse en Amérique latine et aux Caraïbes. Le document d'Aparecida affirme que «c’est l’un des aspects
qui marquent la physionomie de l’Église latino-américaine et caribéenne » (DA 391). Paul VI avait écrit dans
l'encyclique Populorum Progressio que l'Église « tressaille » à l'appel angoissé des peuples qui vivent dans
des situations d'injustice et lance un appel à tous à répondre avec générosité et courage à cette situation (cf.
PP 3.) Ce «tressaillement» ou cette «émotion» face à la réalité de l'injustice vécue par des millions d'êtres
humains est le premier pas vers un engagement sérieux pour la justice et la paix. Comment la situation des
pauvres et des exclus continue-t-elle de nous toucher? Sommes-nous vraiment concernés au point qu’il nous
est impossible de rester tranquilles, sans rien faire? Ces pauvres et ces exclus ont-ils un visage et un nom
pour nous-mêmes, au-delà des images que transmettent les médias ou des déclarations de principe que nous
faisons dans nos documents? Le frère Carlos a partagé avec nous sa préoccupation à cet égard. Cependant,
nous connaissons tous les admirables témoignages de tant de nos frères qui consacrent leur vie à
accompagner sous maintes formes ceux qui vivent dans des situations de pauvreté et d'exclusion, partageant
leurs espérances et leurs luttes. Cette option exige que nous révisions continuellement notre position et notre
manière d'être présent et nous savons que cela rencontre toujours des résistances. Il nous invite à aborder la
question concernant le sens des vœux et la dynamique de nos communautés. Sommes-nous capables de
dialoguer sur ces thèmes et d’assumer dans la vie quotidienne ce qui la caractérise en ce moment historique
en Amérique latine et aux Caraïbes? On nous demande également d’introduire dans les processus éducatifs
ces éléments théoriques et ces expériences concrètes nécessaires afin de maintenir la priorité de cette option
pour les exclus et la justice, qui ne peut cesser d'exister en Amérique latine. Accompagner les jeunes dans la
formation afin qu'ils puissent faire un choix mûr et radical en ce sens est une tâche qui exige beaucoup du
formateur et de la communauté en général. Nous devons faire une proposition « crédible ». Les observations
du frère Carlos confirment cette nécessité.
Par ailleurs, cette option nous conduit à rechercher la collaboration de ceux qui visent à transformer le
monde selon le plan de Dieu. Pourquoi avons-nous tant de mal à donner une forme plus concrète à cette
collaboration dans nos projets communautaires et pastoraux? On nous demande une ouverture au sens
œcuménique et avec d’autres groupes qui travaillent à partir de ces autres traditions religieuses ou qui
s’inspirent didéaux humanistes en faveur des exclus et de la justice. Je pense que nous avons fait beaucoup
de progrès dans cette direction, mais que nous devons continuer à approfondir cette voie.
L'Amérique latine vit depuis quelques années des changements sociaux et politiques importants. Quelle est
notre position face aux nouveaux mouvements politiques à partir de notre identité de religieux? Quelles sont
les préoccupations nouvelles qui nous affligent? Comment préserver notre fidélité non négociable aux
valeurs évangéliques et être critiques face à toutes les formes d'abus vers lesquelles peuvent dériver ces
mouvements ou ces propositions? Nous vivons un moment qui exige beaucoup de discernement personnel et
communautaire, et cela n'est possible que si nous maintenons vivante la communion avec Jésus. Revenons au
premier indicateur d’itinéraire. Ce n'est qu'à partir de l'expérience d'une profonde spiritualité que nous
pourrons maintenir la liberté face à n’importe quelle idéologie. Il y a toujours le danger de se tromper dans
1 / 7 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !