TOLLÉ
« Le contrat nouvelle embauche : soutien des PME, tollé syndical ». Une fois encore, c’est le titre du
Monde qui nous fournit notre sujet… Il faut dire que ce mot de « tollé » est repris par toute une partie
de la presse…
Mot étonnant, souvent mal compris, à l’origine et à la forme bizarres. Un « tollé » est un cri de
protestation véhément, indigné, et surtout collectif… C’est un cri qui s’échappe de mille bouches en
même temps, comme un mouvement de foule sonore…
De là, l’expression presque toute faite « tollé général ». Et en effet, le mot induit cette idée d’un bel
ensemble dans la protestation, dans la réprobation. Et donne également l’idée d’une indignation
subite, spontanée, d’une réaction qui n’était pas convenue, pas prévue, pas organisée, et qui surgit
subitement…
Alors, d’où vient-il ce mot étrange qui se termine bizarrement par un « é », et ne semble relié à aucun
autre mot de la langue française ? Il n’est pas aussi orphelin qu’il y paraît… Et il vient bien du latin,
mais, d’un verbe latin qui n’a rien à voir avec son sens…
Tollere, en latin, veut dire porter… puis emporter, emmener avec soi. On le trouve en latin classique et
en latin chrétien… On nous parle bien de l’agnus dei, l’agneau de Dieu, qui a emporté, a pris avec lui
les péchés du monde, qui tollit peccata mundi.
Mais, c’est d’une autre citation des Evangiles que vient le sens actuel du mot. Le peuple hébreu
demande à Ponce Pilate, qui représente le pouvoir romain, de crucifier le Christ… de l’emporter.
Emporte-le, Tolle, en latin. De là, ce mot qui désigne une clameur publique, collective, dans un
contexte et une signification qui ne sont pas ceux où on trouve le mot aujourd’hui…
Avons-nous des synonymes ? Pas exactement… Les clameurs sont bien plus vagues. Simples cris –
sans écho particulier– qui peuvent exprimer la colère, la peur, la vengeance…
Alors on a bien « huée », mot étrange, qui s’en rapproche davantage. Drôle de mot aussi, dont
l’origine est expressive, sonore, comme un sifflement… « Huer » a eu un sens tout à fait précis et
spécial, dans le vocabulaire de la chasse à courre… Mais, dans la langue d’aujourd’hui, il désigne,
comme le « tollé », une clameur de réprobation. Alors quelle différence ?
Le « tollé » est une réponse à une proposition, à une ouverture, à une idée, alors que la « huée » fait
moins partie d’un dialogue. On ne réagit pas à une idée, on condamne, on rejette quelqu’un pour ce
qu’il est, ce qu’il a fait…
L’apparition d’un homme politique particulièrement impopulaire lors d’une manifestation peut susciter
des huées… Un sportif peut quitter un stade sous les huées… ou un artiste, la scène… En général, le
mot s’emploie là, au pluriel, et on utilise la préposition « sous », comme si c’était des projectiles
infamants qu’on jetait… comme si notre pauvre sportif sortait sous une pluie de tomates…