Le droit

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INTRODUCTION AU DROIT1
I.
II.
Une introduction : justification du plan.............................................................................. 2
Fondement du droit ............................................................................................................ 3
A. Tentative de définition du droit ...................................................................................... 3
1. Le Droit ...................................................................................................................... 3
a) Un système de mesure ordonné contraignant ......................................................... 3
b) Un mode de régulation sociale ............................................................................... 7
2. Les droits .................................................................................................................. 12
a) Le Droit objectif Vs les droits subjectifs .............................................................. 13
b) Les personnes ....................................................................................................... 19
B. Les fondements du droit ............................................................................................... 23
1. La recherche du juste ................................................................................................ 23
a) L’idéal religieux ................................................................................................... 24
b) La justice au sens d’Aristote ................................................................................ 26
c) L’équité ................................................................................................................ 30
2. L’affrontement des doctrines................................................................................... 32
a) Le jus-naturalisme : Le droit fonde la règle ......................................................... 33
b) Le positivisme juridique ....................................................................................... 37
III.
L’ordre juridique statique et dynamique ...................................................................... 50
A. L’ordre juridique : système hiérarchisé de normes ...................................................... 51
1. La norme : définition et caractère............................................................................. 51
a) Le rôle de la sanction ........................................................................................... 52
b) Dualité de la norme : ............................................................................................ 53
2. Le principe de hiérarchie des normes ....................................................................... 54
a) Un ordre de norme non juxtaposés mais hiérarchisés .......................................... 54
b) Cet ordre est un système qui règle sa propre production normative Légitimité de
la norme juridique : légalité de sa production .............................................................. 56
3. La notion d’Etat de droit .......................................................................................... 57
B. Les actes juridiques modifient l’ordonnancement juridique ........................................ 58
1. La loi au sens large comme norme générale : les Actes unilatéraux au sens du droit
public ................................................................................................................................ 59
a) La loi : Acte juridique collectif unilatéral posant une norme générale ................ 60
b) Acte administratif unilatéral : norme générale ou particulière ............................. 61
2. Le contrat comme norme particulière : norme infra législative .............................. 61
a) Le contrat acte juridique plurilatéral et norme particulière ................................. 62
b) Les Actes unilatéraux en droit privé..................................................................... 65
3. Les actes naturels : Le délits quasi délits et quasi contrat ....................................... 68
a) 1°. Quant à la volonté à l’origine du fait : ............................................................ 68
b) 2°. Quant à la conséquence juridique ................................................................... 68
4. Les acte contentieux : Les décisions judiciaires ....................................................... 69
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Martin Briot septembre 2003 IUT de Paris
IUT Paris GEA
Martin Briot de La Crochais
09.2003
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I.
Une introduction : justification du plan
Cette introduction a pour objet de préciser certains concepts.
Qu’est ce que le droit, qu’est-ce qu’un ordre juridique, qu’est-ce qu’un acte juridique ?
Ce dont on va parler cette année a à faire avec la norme juridique.
Il faut entendre par norme « toute disposition portant règlement de la conduite des sujets
humains » 2.
L e droit se résume
à un ensemble de normes de conduites qui régissent le
comportement d’une collectivité d’hommes et de femmes et qui ensemble forme un ordre
juridique.
Un ordre juridique est un système de norme de conduites de personnes humaines dans une
collectivité soumis à cet ordre : norme contraignante en ce sens que celui qui enfreint la
norme sait qu’il sera sanctionné. Une norme sans sanction n’est pas une norme juridique ( on
reverra cela avec la morale).
Ces normes sont toutes posés par des actes de volontés, appelé actes juridiques, dont les
auteurs sont multiples : une assemblée, un juge, deux personnes.
Les normes sont posées par une autorité à qui ce pouvoir a été reconnu, qui peut donc
l’extérioriser par une procédure : on parle de droit positif pour désigner l’ensemble des
normes posées par les autorités à qui une loi, c’est à dire une norme reconnaît ce pouvoir.
On s’intéressera dans une première partie au fondement du droit et on confrontera le droit à la
justice : recherche des fondements du droit.
On cherchera ensuite à appréhender le contenu de l’ordre juridique : de quoi est-il composé ?
2 Ch. EISENMANN op. cit. P. 681
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II.
Fondement du droit
Fondement veut dire ce sur quoi le droit est assis : pour simplifier l’opposition des doctrine :
le juste ou l’Etat. Ce qui renvoie à l’opposition entre positivisme juridique et jus naturalisme
A. Tentative de définition du droit
1. Le Droit
Que nous enseigne l’étymologie ? Le mot « droit », comme le souligne Planiol3, est une
métaphore. Il vient du bas-latin directum, ce qui au sens propre est une figure de géométrie,
la ligne droite et au sens figuré, métaphoriquement4, ce qui est en ligne droite c’est ce qui
possède la qualité d’être droit ou encore ce qui est conforme à la règle : le droit apparaît
alors comme une mesure qui permet de juger de la conformité d’un comportement humain.
Pour le Littré «le droit est l'ensemble des règles qui régissent la conduite de l'homme en
société, les rapports sociaux».
Cette définition datée ( fin XIX°siècle) met l’accent sur
-
l’existence d’un ensemble de règles qui régit les comportements : le mot régir est
particulièrement fort : cela veut dire gouverner, commander ( regere) :
-
règle => mesure
-
ensemble=>ordre
-
contrainte=> sanction
-
Homme en société et rapports sociaux : le droit est un mode de régulation
sociale.
a) Un système de mesure ordonné contraignant
Mesure
Ordre
contrainte
(1) Système de mesure
(a) Règle : mode de mesure
 Régir une conduite
Régir une conduite c’est régler un comportement par des normes de comportement.
3M.Planiol Traité élémentaire de Droit civil T.1n°1 LGDJ 1905
4 Selon Legendre une métaphore est un déménagement p. 173. Métaphore vient du verbe grec (metapherô) qui veut dire
transporter, déménager, transformer. En rhétorique la métaphore est le transport d’un mot vers une nouvelle
signification ( équivalent latin : translatio cf Legendre le désir politique de Dieu p. 173
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Exactement comme la règle est un moyen de mesurer quelque chose d’autre, le règle de droit
est une règle abstraite qui permet de dire (au sens d’énoncer) une norme de comportement
attendu, afin de juger si un comportement réel d’un individu est conforme. La règle est une
référence, une norme de conduite . la règle crée du normatif : La norme est référence : la
règle est une norme, ce qui fait que pour moi les deux mots sont identiques.
le mot système est ici employé comme synonyme de moyen technique.
Le droit apparaît alors comme une mesure qui permet de juger de la conformité d’un
comportement humain. On met l’accent sur l caractère objectif de la règle.
(b) Mesure : modération
Mais le mot « mesure » a une autre signification : modéré : La sanction est juridique quand
elle est mesurée. On met alors l’accent sur le contenu de la règle, son aspect pas excessif : ni
le trop ni le trop peu. Le moyen terme.
Cette recherche du moyen terme fait immanquablement penser à Aristote pour qui la justice
est vertu et la suprême vertu . or la vertu est médiété, qu’on peut traduire par moyen terme
entre le trop et le trop peu, l’excès et le défaut. « la médiété est modération et l’excès le
dérèglement » parlant de l’action de donner il dit « l’excès et le défaut sont la prodigalité et la
parcimonie »5
Pour Aristote « la vertu est une disposition à agir d’une façon délibérée consistant en une
médiété relative à nous, laquelle est rationnellement déterminée et comme la déterminerait
l’homme prudent »6
Le vice du droit c’est l’excès ou le défaut, le trop ou le trop peu. C’st ce qui explique que le
légal n’étant pas toujours l’égal ( l’égal est pour Aristote le juste ( EAN1131a)) l’équité est
nécessaire pour tempérer la rigueur de la loi.
Bruno Oppetit écrit « le droit est avant tout « médiation entre le juste et le raisonnable, entre
l'individuel et le social, entre le consensus et le conflit » : la douceur du juste et la froideur de
la raison objective, la défense des intérêts particuliers et la nécessité de vivre
harmonieusement en société, la recherche de l’harmonie ( le consensus) et la rigueur du droit
qui tranche par le fer les conflits.
Sériaux nous met en garde contre la raison
en tant que froide raison, le rationnel lui
paraissant mener tout droit à la dictature. Aussi préfère t-il définir le droit par la recherche du
5 Ethique à Nicomaque 6 , 1107b
6 Ethique à Nicomaque 6 , 1107a
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raisonnable, le ni trop ni trop peu en quelque sorte, le rien de trop, une sorte de juste milieu,
une sorte de prudence du droit, la prudence étant une vertu.7
En ce sens ce que l’on a appelé la loi du talion qui nous paraît une loi épouvantable ( tel tu
traites les autres tel tu seras traité) est déjà une sanction mesurée et donc juridique( œil pour
œil dent pour dent ) tel tu me traite tel je te traite : talio : tel selon le Littré) sanction très
différente de la vengeance.
(2) Système normatif : un ordre
le droit est composé de règles qui forme un immense système de référence. En ce sens le droit
est un système normatif. Le droit ne peut s’appréhender indépendamment du système global
qui englobe toutes les normes et ses modes de production. (après Hans Kelsen et l’Ecole de
Vienne) comme un système de normes
Il y a débat chez les juristes sur le contenu de cet ordre.
(a) Ordre comme juxtaposition de règles légales
En principe l’ordre juridique est compris comme l’ensemble des lois qui gouvernent l’état ou
par extension une entité comme une personne morale : on entend par là le droit objectif
auquel on oppose les droits subjectifs ou plus généralement els situations subjectives qui
affectent les personnes.. Il est ainsi classique d’opposer d’une part ce qui relèverait de la loi à
savoir el droit positif , qui serait création de droit, aux situations juridiques des personnes
sujets de droit subjectifs qui naîtraient d’actes et de faits juridiques, qui seraient les moyens
laissés aux hommes pour agir librement. Il y aurait d’un coté les règles générales et de l’autre
les actes et fait juridiques créateurs d’obligations.
Aspect idéologique : la contrainte sociale représentée par l’Etat et la liberté individuelle
représenté par le contrat et la responsabilité.
(b) Ordre comme hiérarchisation de normes
individuelles et collectives
un très grand juriste , probablement le plus important du XX siècle Hans Kelsen mort en
1973, père de la constitution autrichienne , don l’œuvre reste inégalé à ce jour ( cf B. Oppetit,
privatiste français, cf. Michel Troper remarquable publiciste français cf. N. Bobbio( un des
plus grands théoricien du droit italien actuel) envisage le système normatif en tant qu’ il «
englobe la totalité des éléments qui réglemente la conduite des membres d’un groupe, pris soit
7 A. Sériaux, le droit : une introduction, Ellipses p.272.
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collectivement, soit individuellement ». c’est dire que les normes générales et les normes
particulières font partie du système juridique.
(3) L’ordre juridique est un ordre de contrainte étatique :
Régir une conduite c’est régler un comportement par des normes de comportement dont la
violation est sanctionnée. Par qui l’Etat. il pose directement ou indirectement les règles et les
sanctionne
(a) Un ordre de contrainte
« Le droit est essentiellement un ordre de contrainte. Il prescrit un certain comportement en
attachant au comportement opposé à celui qui est obligatoire un acte de contrainte comme
conséquence » écrit Kelsen dans « théorie pure du droit »(Dalloz p. 28) . Ainsi celui qui a
engagé sa parole sait ce qu’il en coûtera s’il ne l’exécute pas. Celui qui cause un dommage
par sa faute ( son comportement démesuré) sait qu’il devra compenser l’outrage par une
compensation financière afin de rétablir l’équilibre de départ, rompu par son comportement.
En effet la règle de droit, par son caractère de généralité et de coercition, s'applique de
manière rigide même si ce caractère obligatoire de la règle comporte des nuances 8 . Les
normes sont « les dispositions sur la conduite des hommes, sur leurs actions ou leurs
abstentions » selon Eisenmann. En latin norma veut d’ailleurs dire équerre et, au sens figuré,
règle, ce qui s’impose issu d’un commandement, d’une volonté.
(b) Normes juridique et autres normes sociales
Telle norme sociale n’est pas une norme juridique parce que sa violation n’entraîne aucune
sanction.
Exemple dans la constitution9 l’affirmation d’un droit au travail.
L’obligation morale est un simple engagement pris devant la conscience comme l’est la
promesse politique ou la promesse amicale, obligation sociale : cela relève du for interne, le
tribunal de la conscience.. ( for : tribunal) car aucune loi ne statue que sa violation est
sanctionnée par une réparation. L’obligation juridique relève du for externe , du tribunal des
8Il existe en effet des règles impératives auxquelles on ne peut déroger et des règles supplétives qui pallient les
carences de la volonté. Les sanctions en cas d'irrespect ne sont pas univoques. On distingue l'exécution, la réparation et
la punition.
9 La Constitution du 4 octobre 1958 est le texte fondateur de la Ve République. Adoptée par référendum le 28 septembre 1958, elle organise
les pouvoirs publics, en définit leur rôle et leurs relations. Elle est le quinzième texte fondamental (ou le vingt-deuxième si l'on compte les
textes qui n'ont pas été appliqués) de la France depuis la Révolution Française. Norme suprême du système juridique français, elle a été
modifiée à dix-sept reprises depuis sa publication par le pouvoir constituant, soit par le Parlement réuni en Congrès, soit directement par le
peuple à travers l'expression du référendum. A la révision du 22 février 1996, la Constitution était subdivisée en quinze titres, soit un total
quatre-vingt-six articles et un Préambule. La révision du 28 juin 1999 ajoute un alinéa et un article, soit désormais seize titres, quatre-vingtneuf articles et un Préambule. Ce dernier renvoie directement et explicitement à deux autres textes fondamentaux : la Déclaration des Droits
de l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789 et le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946
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hommes. Un code de bonne conduite n’entre en principe pas dans l’ordre juridique sauf si la
loi en fait une source de contrainte.
il n’y a aucune opposition de nature entre les normes quelles qu’elles soient car ce qui définit
la norme de conduite c’est qu’elle est la condition d’une sanction : elle conditionne un
comportement par la menace d’une sanction en cas de violation de la norme.
b) Un mode de régulation sociale
Le droit peut être défini ainsi «le droit est l'ensemble des règles qui régissent la conduite de
l'homme en société, les rapports sociaux»10. Cependant les rapports sociaux ne sont pas tous
régis par les règles normes juridiques. Tout n’est pas droit.
Deux choses de Bobbio : la sphère du normatif est vaste
(1) Le droit : régir des rapports sociaux en sanctionnant les
comportements déviants
(a) Rapports sociaux :
En effet la règle permet de mesurer la droiture d’un comportement vis à vis d’autrui. Le droit
énonce des normes sociales : ces normes concernent la vie en société ou dans la cité :
-
droit dans la cité ou droit de la cité d’où droit civil car civil vient de civitas , cité.
-
Le droit civil était désignait tout le droit romain selon Legendre : chaque chose à
sa place et civiliser renvient à « appliquer au monde le droit civil en promouvant
la règle de raison » ( legendre leçon IV p. 115.Le
jus civil s’opposait
initialement au jus gentium l’un «étant le droit applicable à un peuple indépendant,
l’autre composé par des règles communes à tous les peuples donc proche de ce
que l’on entend par droit naturel.( Aujourd’hui droit civil s’entend comme droit
privé et s’oppose à droit public)
L’idée alors est la suivante : le droit est une technique d‘organisation sociale. il permet une
forme de contrôle social. Le droit est instrumentalisé : le droit est un moyen : Le droit n’est
pas une fin pour les positivistes kelseniens.
« sa spécificité réside dans l’usage de moyens coercitifs pour amener les membres d’un
groupe social à faire ou à ne pas faire quelque chose. » ( bobbio op. cit.p. 223). A ce titre il
peut idéalement favoriser la paix sociale.
10 le Littré
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(b) Ordre social : Ordre comme opposé à désordre
Le but assigné au droit a souvent été la paix sociale. C’est une conception que même les
positivistes admettent. Ainsi Kelsen écrit-il « le droit est sans conteste un ordre favorisant la
paix » (cité par N. Bobbio op. cit. p. 222) la paix étant défini comme un « état d’où est absent
l’usage de la force » si bien que le droit pacifie cette communauté qui repose sur lui »
Mais rien n’empêche que le droit serve d’autre fins : ainsi l’ordre nazi nous apparaît comme
un ordre barbare. L’ordre soviétique aujourd’hui avec ses conséquences effroyables en terme
de vie humaine est jugé aussi par beaucoup comme un ordre barbare au regard des valeurs que
les peuples européens par exemple partagent.
Duguit voyait la fin du droit dans la nécessaire solidarité qui doit unir les hommes.
c’est un mode de régulation sociale des collectivité humaine. Il est présenté comme cela par
ceux qui créent les normes générales.
Attention cependant à ne pas se cacher l’aspect idéologique de cette affirmation : il est facile
de s’abriter derrière ces objectifs pour justifier une règle qui tout au contraire crée la guerre.
« Notre décision est justifiée car nous voulons la paix ».
Cette paix étant le suprême bien Hobbes jugeait que étant donné la nature humaine faite de
compétition pour la richesse la seule façon de l’assurer était d’abandonner par un contrat tous
ses droits au souverain qui est la métaphore de l ‘Etat.11
Rousseau défend l’idée d’un contrat social plus équilibré qui préserve la liberté du sujet face
au souverain.
Un exemple :
11 Starting with the premises that humans are self-interested and the world does not provide for all their needs,
Hobbes argued that in the state of nature, without civil society, there will be competition between men for wealth,
security, and glory. The ensuing struggle is Hobbes's famous "war of all against all," in which there can be no industry,
commerce, or civilization, and the life of man is "solitary, poor, nasty, brutish and short." The struggle occurs because
each individual rationally pursues his or her own interests, but the outcome is in no one's interest.
How can this disastrous situation be ended? Not by an appeal to morality or justice; in the state of nature these ideas
have no meaning. Yet, we want to survive and we can reason. Our reason leads us to seek peace if it is attainable but to
continue to use all the means of war if it is not. How is peace to be obtained? Only by a social contract. We must all
agree to give up our rights to attack others in return for their giving up their rights to attack us.
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la loi du talion. Si l’on repend l’exemple de la loi du talion, cette loi est profondément une loi
mesurée permettant d’atteindre la paix sociale en mesurant la réparation au dommage.
Ceci par opposition à la vengeance qui veut tirer le sang du sang et qui vise à imposer à celui
qui est auteur d’un mal un plus grand mal, on voit que la conséquence est le risque de
désordre entendu comme anarchie ou désordre entendu comme entropie dans la théorie des
systèmes (von bertlanffy) « tout système est un ensemble d’éléments liés par des relations »
12 : les contradictions du système peuvent conduire à sa paralysie et à son effondrement dans
la mesure où le nombre de contraintes du système devient supérieur à ce quels théoriciens des
systèmes appelle le degré de liberté.
« La peine de mort » est encore préférable à la loi du Talion car la peine de mort sera
prononcée à la suite d’un procès par le système Etatique et non par la victime.
Le droit est limité : il n’envisage que le for externe, les rapports à autrui. On ne peut parler de
norme de comportement ou de conduite qu’en référence aux autres individus aux autres
hommes sauf à dire que ces normes sont valables aussi pour l’homme dans son for interne et
le droit ne va pas jusque là.
(2) L’ordre moral
L’ordre moral est aussi un mode de régulation sociale et il a des rapports étroits avec l’ordre
juridique en ce sens que il pose un devoir être très contraignant : seulement la sanction n’est
pas étatique mais se traduit par la réprobation sociale.
(a) La sanction
On dit souvent que la désobéissance à la règle morale n’a pas de sanction, et ce serait ce point
qui permettrait de distinguer la règle de droit de la règle morale.
« L'une des différences majeures entre Droit et morale tient au fait que le non-respect de la
règle de droit est généralement assorti d'une sanction, alors que celui d'une règle morale
relève de la seule conscience de l'individu » écrit le prof. J-F Barbiéri)
Cela renvoie à une distinction célèbre entre le for interne et le for externe. Le but ultime de la
morale est la vertu (quelles règles adopter pour être vertueux) qui permet de dicter la conduite
interne de l’homme. Ainsi dans le décalogue (Moise qui reçoit la loi sur le mont Sinaï) il est
dit « tu n’adultéras pas » : ceci est une règle de comportement envers autrui. En revanche plus
12 J. Lesourne les systèmes du destoin dalloz économie p. 45
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loin il est dit : « tu ne convoiteras pas, ne désireras pas la femme de ton compagnon » : ceci
est une règle morale car l’acte ne sort pas de la conscience : la conduite stigmatisée ne se
traduit pas en acte.
En vérité dire qu’il n’y a pas de sanction est contestable car la réprobation sociale peut être
assimilée à une sanction. Cette analyse est d’autant plus courte que la réprobation sociale
vient bien de l’extérieure mais il est vrai qu’elle ne se traduit pas par une sanction organisée.
En ce sens cette réprobation est une sanction inorganisée.
On peut admettre que l’ordre juridique est ainsi un ordre de contrainte qui se distingue de
l’ordre morale :
Le droit « c’est à dire comme un ordre normatif qui cherchent à provoquer des conduites
humaines en rattachant aux conduites contraires des actes de contrainte, socialement
organisés.. »
« ..alors que la morale , elle , est un ordre social qui n’établit pas de semblables sanctions,
mais dont les sanctions se trouvent uniquement dans l’approbation des conduites conformes
aux normes et la désapprobation des conduites contraires aux normes, la force physique
n’entrant par conséquent absolument pas en ligne de compte »13
(b) Science morale, science juridique, science
naturelle
La science morale et la science juridique (qui décrit les normes juridiques en émettant des
propositions juridiques)se rapprochent par un même type de raisonnement que Kelsen résume
en disant qu’une condition et sa conséquence sont posées par l’homme alors que dans les
sciences de la nature la relation entre la condition et la conséquence sont posées par la nature :
la science juridique et la science morale s’expriment de la même façon : si A est alors B doit
être.
Ainsi la morale peut impliquer que si quelqu’un vous rend service, vous devez lui marquer de
la reconnaissance et vous ne le ferez peut-être pas ; la proposition juridique peut dire que si un
vol est commis le voleur doit être puni mais il ne le sera peut–être pas .
On confronte ainsi à une attitude réelle, qui existe, l’attitude normée attendue par le droit ou
la morale, attitude qui doit exister, et l’on vérifie qu’il n’y a pas de différences : on porte un
jugement. S’il y a une différence, la conséquence est une sanction.
13 H. Kelsen théorie pure du droit p. 86
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10
Et ceci diffère radicalement des sciences de la nature(physique, biologie..) ou la proposition
est :si A est, B est ou sera :si le fer est chauffé, il se dilatera. Dans la science de la nature le
principe qui la domine est un principe de causalité, ce qui n’est pas le cas dans la morale ou le
droit. Kelsen parle de principe d’imputation14:
La règle juridique posée par les hommes ou la règle morale posée par les hommes attribuent à
une condition une conséquence, rattachent arbitrairement à une attitude une autre attitude.
(c) L’avoir et l’être
Le rôle du droit est ainsi modeste « le rôle du droit est d’attribuer à chacun le sien »(M. Villey
philosophie du droit Dalloz N° 35)commentant Aristote.
Le philosophe chrétien Gabriel Marcel(1889-1973) résume cette idée en disant que le droit ne
touche pas au monde de l’être qui est mystérieux, il a trait au monde de l’avoir(cité par m.
Villey philosophie du droit Dalloz N° 36). Cette approche est critiquable si le monde de
l’avoir est réduit au monde des choses matérielles. En effet le droit permet une répartition des
richesses matérielles mais aussi des richesses symboliques comme les charges politiques et
les honneurs au sein de la société.
(d) Morale et droit enfin s’interpénètrent
La norme est porteuse de morale par exemple comme le rappelle un auteur: « la plupart du
temps, à la norme pénale correspond une norme morale ».
Il est incontestable que le droit reflète pour partie la morale d’une époque, qui s’exprime dans
l’adhésion à des valeurs dont l’origine est certes souvent religieuse même si ceux qui suivent
ces prescriptions ne se reconnaissent pas dans les églises qui les prônent.
Ceci ne veut pas dire que« le droit est par essence moral »15. Cela veut dire simplement qu’il
est possible, voire probable, que le droit reflète dans maints aspects des présupposés moraux.
Si on admet que la morale a pour objet le bien, il est douteux que le législateur ne tente pas
d’approximer « le bien » et qu’il édicte des règles contraires à la morale dominante, au risque
de constater la totale inefficacité de la règle édictée.
14 H. Kelsen théorie pure du droit p 133
15 Kelsen Op. Cit p. 93
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Or l’efficacité d’une règle de droit tient au fait qu’elle est respectée et qu’en grande partie les
hommes adoptent la conduite qui est attendue d’eux, laissant la justice sanctionnée les
comportements minoritaires déviants de la norme.
Si une règle heurte la morale d’une grande majorité d’une collectivité, il est fort à parier que
la règle sera transgressée et l’adoption d’un tel comportement empêchera toute sanction. Il ne
suffit pas d’édicter une règle pour la rendre efficace.
2. Les droits
Le législateur par l’élaboration de lois oblige les individus ou les groupes d’individus réunis
au sein de personnes morales à suivre une certaine conduite, un comportement sous peine
d’être sanctionné. A ce titre il crée des normes de conduite abstraites et générales : citons les
règles commandant l’incapacité, le mariage, la responsabilité, la filiation etc … L’ordre
juridique serait alors identifié au droit objectif.
Une thèse classique voit coexister au coté du droit objectif visant le bien commun, les règles
minimales admises par tous et auxquels tous doivent se plier, des droits subjectifs reconnus
aux individus, délimitant une zone de pouvoir individuel, expression de la volonté
individuelle permettant de donner à certains des prérogatives qui obligent les autres à les
respecter.
L’ordre juridique est compris alors comme l’ensemble des lois qui gouvernent l’Etat : on
entend par là le droit objectif auquel on oppose les droits subjectifs ou plus généralement les
situations subjectives qui affectent les personnes. D’un coté le Droit étatique, de l’autres les
droits des personnes. Prérogatives de l’Etat contre prérogatives des individus.
La règle sociale qui instaure un ordre social, une solidarité contre les règles que les individus
se donnent librement, expression de leurs intérêts égoïste. Autorité contre liberté.
Comme les règles que les individus se donnent, ils le font par des contrats on en est venu à
opposer la loi au contrat, lequel exprimerait la volonté libre des hommes de se donner leur
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propres lois16. La loi s’est longtemps dissociée du contrat dans l’esprit des auteurs par son
caractère de souveraineté. La loi est l’expression
de la volonté générale, le contrat
l’expression de volontés particulières.
Et comme les contrats sont des actes juridiques on a longtemps assimilés les droits subjectifs
aux actes juridiques et opposé les règles légales d’un coté, le Droit, et les actes juridiques de
l’autre, les droits.
a) Le Droit objectif Vs les droits subjectifs
On oppose à la prérogative de la puissance publique de créer le droit les prérogatives des
individus, le Droit objectif comme opposé aux droits subjectifs. On parle classiquement de
droits subjectifs pour mettre l’accent sur les prérogatives des individus.
On peut définir le droit subjectif comme « puissance attribuée à une volonté par le droit
objectif, une faculté de vouloir reconnu par le Droit »17 .
Le dictionnaire Capitant le définit le droit ( avec un d minuscule) comme « prérogative
individuelle reconnue et sanctionnée par le Droit objectif( avec un D majuscule) qui permet à
son titulaire de faire, d’exiger ou d’interdire quelque chose dans son propre intérêt ou parfois
dans l’intérêt d’autrui »
Prérogative, puissance,Exiger, interdire, les mots portent et emportent l’idée de pouvoir,
comme espace discrétionnaire qui permet d’impose sa volonté à autrui.
(1) Premier aspect : le pouvoir de la volonté
Le droit implique et impose une hiérarchie18 : A la disposition du titulaire qui peut en user
ou pas, l’exercer ou y renoncer il donne un pouvoir sur autrui
Avoir un droit c’est toujours avoir un droit sur autrui, droit que l’on peut opposer à autrui, : il
s’inscrit dans une relation à l’autre, le rapport juridique. Une prérogative c’est ce qui permet
de passer avant les autres, impliquant l’existence d’un pouvoir ou d’une autorité sur les autres.
MICHAELIDES-NOUAROS dit qu’en dernier analyse « le droit subjectif n’est qu’un rapport
juridique entre deux personnes en vertu duquel le titulaire du droit peut exiger de l’autre le
16 L’homme n’est pas libre car la représentation des normes dans son esprit a pour effet des actes de volonté qui
provoque la conduite adoptée cf kelsen TPD p. 130.
17 Léon Michoud la théorie de la personnalité morale LGDJ 1924 n°32
18 Etymologie : de hieros, sacré et arkhia, commandement. Cf.0 dictionnaire étymologique de la langue française
Notion d’ordre( rang classement cf saint augustin : un degré procède d’un autre degré, qui lui est supérieur par cette
conséquence même qu’il en est l’origine.
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respect de ses obligations reconnues par
la loi » (l’évolution de la notion de droit
subjectifp.217)
le droit est puissance c'est-à-dire pouvoir et du coup espèce de liberté, à la discrétion du
titulaire. Le doyen Ripert écrivait qu’un droit subjectif est un pouvoir « qui courbe le débiteur
devant le créancier »19, pouvoir qui dérive de la grande loi de l’inégalité : ces droits ont dans
ce sens une force considérable, un certain absolutisme que seul l’abus de leur utilisation peut
limiter.
La définition initiale introduit donc la volonté comme facteur primordiale du droit : le sujet
de droit ou le titulaire a des droits qui caractérisent sa situation particulière dans une société
donnée. Il peut modifier sa situation juridique en mobilisant ses droits par des actes de
volontés, les actes juridiques.
La volonté du titulaire du droit est l’élément essentiel, le droit subjectif étant un pouvoir de
volonté ( Savigny) qui lui donne les moyens d’agir et de se projeter dans le monde et le
protège contre l’intrusion du droit objectif(ce pouvoir de volonté dans la pensée de Saviny est
la zone de liberté de l’individu par rapport au droit objectif )
On peut parler de droits à la condition que le titulaire de ce prétendu droit peut en disposer ou
y renoncer par un acte juridique valablement. Ces prérogatives, le sujet est libre d’en disposer
et ce serait pour Roubier la condition pour être considérer comme un droit.
« ce qui
caractérise le droit subjectif c’est qu’il est approprié par le titulaire de ce droit qui peut en
disposer, par voie de transfert à une autre personne ou même par voie de renonciation
c’est à cette seule condition qu’on peut parler d’un droit comme d’un bien susceptible
d’appropriation.
Exemple : Le prétendu droit à la vie n’en est pas un et Roubier de prendre l’exemple de la
convention passée avec un médecin afin qu’il donne la mort et dispose de son corps pour des
observations scientifiques et de dire que la convention serait nulle, radicalement comme
illicite.
(2) Deuxième aspect : le Droit objectif
L’accent est mis sur un deuxième facteur qui est la sujétion des droits au Droit objectif, la
relation fondamentale qui existerait entre le Droit objectif et les droits dont jouissent les
19 Abus ou relativité des droits Rev .crit. de leg. Et de jur. 1929 p.33)
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personnes physiques et els collectivités personnifiées que sont les personnes. Si le droit est un
pouvoir, il naît de la règle objective. Il n’y a de droits qui ne nous appartiennent qu’autant que
une norme positive, les encadre, les normalise et les limitent. Nos droits singuliers n’existent
que parce que le droit général (la règle ) nous les accordent. Ou encore le petit droit n e
prospère qu’autant que le grand Droit le protège. Je n’ai un droit et ne peux exiger mon droit
qu’autant qu’en effet mon droit est bien fondé en Droit. « Au commencement était la règle »
écrit Jean Carbonnnier dans flexible droit, d’où découlent dans une relation d’antériorité et de
causalité nos droits. Ce serait ce que j’appelle la légalité du droit.
Ces droits n’existent qu’autant qu’ils sont reconnus par des lois de la collectivité, c’est à
dire le droit objectif.
(3) Troisième aspect lié au précédent : l’intérêt
(a) L’intérêt
Cette définition fait apparaître un troisième facteur bien mis en valeur par Léon Michoud 20:
l’intérêt protégé. « Le droit subjectif est l’intérêt protégé par la volonté » écrit Michoud( 179
n° 74A)
Le professeur Capitant définit le droit subjectif ( 1923) comme « un intérêt matériel ou moral
protégé par le droit objectif qui donne à cet effet à celui qui en est investi le pouvoir de faire
les actes nécessaires pour obtenir la satisfaction de cet intérêt. »
Conséquence : le droit serait composé de deux éléments : la volonté et l’intérêt :
L’intérêt c’est ce pourquoi ce droit a été reconnu. Le droit objectif a reconnu la légitimité de
cet intérêt et le hisse au niveau du droit.
En ce sens l’adolescente n’a pas le droit d’obtenir la pilule du lendemain, le couple
homosexuelle n’a pas le droit d’adopter un enfant. C’est que le <droit ne reconnait pas la
légitimité de leur intérêt.
(b) L’intérêt avant la volonté
« Nous définissons donc le droit subjectif : l’intérêt d’un homme ou d’un groupe d’hommes
juridiquement protégé au moyen de la puissance reconnue à une volonté de le représenter et
de le défendre »21
20 Léon Michoud la théorie de la personnalité morale LGDJ 1924
21 Michoud la théorie de la personnalité morale LGDJ 1924
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Pourquoi ce droit reconnu ici et ce défaut de droit là? Droit d’adoption reconnu aux couples
hétérosexuels et refusé aux couples homosexuels ?
Ces deux auteurs mettent l’accent sur l’intérêt avant la volonté, prenant partie dans le débat
qui a opposé au XIX° siècle Savigny
(la volonté libre) à Ihering( l’intérêt) 22. Cette
conception a été reprise par une partie de la doctrine française ( par exemple Hauriou23).
« La loi protège non la volonté mais l’intérêt que cette volonté représente » écrit Michoud (
Op. cit n°47). Certes la volonté à coté de l’intérêt est un élément essentiel mais c’est un peu
secondaire car elle n’est pas la cause du droit. Et voilà la conclusion : « Le droit est ainsi
composé d’un élément interne l’intérêt reconnu par le droit objectif et un élément externe la
volonté qui permet de défendre cet intérêt
(c) Mais quel intérêt : l’intérêt particulier ou
l’intérêt général ?
L’existence d’un intérêt légitime justifie la naissance du droit qui en est alors le moteur :
Quel intérêt ?
-
intérêt de la société en générale ( la recherche du bien commun) pour fonder la norme
légale,
-
intérêt d’un groupement d’individus au sein d’une collectivité partielle (intérêt social
pour fonder l’action des dirigeants d’une collectivité personnifiée),
-
intérêt individuel à caractère égoïste même : il n’est pas besoin pour certain que
l’intérêt privé servent l’intérêt général, il suffit que la poursuite d’intérêts particuliers
soient utiles.
Pour beaucoup les droits subjectifs ne sont pas discrétionnaires, absolues. Ils sont relatifs
s’inscrivant dans la nécessité de vivre ensemble en coopérant à la paix sociale : on parle
alors de solidarité. Les droits subjectifs ont une fonction sociale, l’utilité ne pourrait être
seulement individuelle : c’est ce qu’un immense juriste Josserand a appelé la fonction
sociale des droits. Ceci justifierait que le Droit puisse les modifier à loisir en raison même
du bien commun.
22 Pour cet auteur -1818-1892- (L’esprit du droit romain) le droit est un intérêt juridiquement protégé.
23 Hauriou –1856-1929-(précis de droit administratif)
reprend cette définition :un intérêt individuel socialement
garanti
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(d) L’abus de droit
Tout droit s’accompagne d’un devoir : ne pas abuser de son droit, « ne pas en user dans une
pensée illégitime pour nuire à autrui »24Abuser de ces droits peut être une faute lorsque ce
droit est utilisé uniquement pour nuire à quelqu’un. Le titulaire du droit détourne le droit de sa
finalité. En revanche lorsque ce droit est utilisé dans ses limites et que son effet est de nuire à
quelqu’un il n’y a pas d’abus : par expulsion d’un occupant d’un squat.
(4) Typologie des droits subjectifs
Attention ce texte qui suit n’est pas de moi : il est d’ailleurs particulièrement
indigeste. Il faut que je trouve le temps de faire un truc qui me convienne.
Droits patrimoniaux et extrapatrimoniaux
Les droits patrimoniaux
Les droits patrimoniaux font partie du patrimoine du sujet de droit. Ils sont dans le commerce
juridique, ce qui veut dire que l'on peut en disposer librement.
Les droits patrimoniaux sont évaluables en monnaie, ils ont une valeur d'échange et peuvent être
cédés ou échangés ; ils sont également transmissibles aux héritiers et saisissables par les créanciers.
Les droits patrimoniaux constituent des biens. Juridiquement la notion de bien ne se limite pas à la
propriété des choses corporelles ; elle inclut aussi les créances, les droits d'associés et les droits de
propriété intellectuelle qui sont des biens incorporels
Les droits extrapatrimoniaux
Les droits extrapatrimoniaux sont attachés à la personne mais ne font pas partie de son patrimoine.
Ces droits n'ont pas de valeur pécuniaire.
Les droits extrapatrimoniaux sont indisponibles ; ils ne sont pas dans le commerce juridique.
Leur régime, contraignant, fait peu de place à l'autonomie de la volonté, c'est à dire à la liberté
24 Rappelons que Gaillard de manière limpide, à propos de l’abus de droit, écrit que « le défaut d’utilité personnelle
suffit à justifier la condamnation de l’usage du droit »50 et il ajoute que c’est une présomption simple que peut
combattre le défendeur en rapportant l’absence d’intention de nuire. On notera que Gaillard a raison de souligner que
le titulaire d’un droit subjectif reste libre d’en user à sa guise, en faire un usage égoïste ou en faire un usage
altruiste : il n’y a pas de fonction sociale des droits et l’abus pour cet auteur n’est qu’un tempérament « un
correctif » apporté « pour des raisons morales »(..) à l’absolutisme des droits subjectifs»n°33 E. Gaillard)
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individuelle, du fait de la place prégnante de l'ordre public en ce domaine.
Trois catégories de droits extrapatrimoniaux peuvent être identifiées :

Les droits civiques et politiques, les droits du citoyen, le droit de vote...

Les droits de la personnalité, c'est à dire l'ensemble des attributs que la loi reconnaît à tout être
humain, droit à la vie, à l'intégrité corporelle, au nom, à l'honneur, à la vie privée, à l'image...

Les droits dits " de famille " ; entre époux : droit et devoir de fidélité, d'assistance et de
cohabitation ; entre parents et enfants : droit et devoir de garde, de surveillance et d'éducation…
Les droits extrapatrimoniaux sont incessibles, intransmissibles aux héritiers et insaisissables par les
créanciers.
Droits réels, personnels et intellectuels
Les droits réels
Le droit réel est un droit portant sur une chose (res en latin signifie chose) ; il confère à son titulaire
un pouvoir direct et immédiat sur une chose, sans l'entremise d'une autre personne (ainsi, le
propriétaire d'une maison peut la vendre, la louer ou l'habiter à sa guise).
Les droits personnels
Le droit personnel, appelé également droit de créance, est le droit qu'a une personne, appelée
créancier, d'exiger d'une autre personne, le débiteur, une certaine prestation (faire ou ne pas faire
quelque chose, payer une somme d'argent…). Pour le débiteur, la créance est une dette ou encore
une obligation.
Le Code civil repose sur une classification vieillotte des obligations :

Les obligations de donner dont le débiteur s'engage à transférer au créancier un droit réel sur
une chose qui lui appartient. Ces obligations sont aujourd'hui largement théoriques, car dans la
vente, le transfert de propriété (qu'il ne faut pas confondre avec la livraison) s'opère par le seul effet
de la volonté des parties.

Les obligations de faire qui imposent une action, un comportement : obligation de payer,
obligation de livrer, obligation d'exécuter des travaux, d'accomplir un travail salarié…

Les obligations de ne pas faire sont les obligations pour lesquelles le débiteur s'interdit d'agir,
ainsi de l'obligation de non concurrence...
LES DROITS DE PROPRIETE INTELLECTUELLE
Les droits de propriété intellectuelle se répartissent en deux grandes catégories :

Les droits de propriété industrielle qui regroupent d'une part les droits sur les signes distinctifs (en
particulier les marques), d'autre part les droits sur les créations (brevets d'invention, dessins et
modèles…).

Les droits de propriété littéraire et artistique (droits d'auteur) qui sont aujourd'hui appliqués
également aux logiciels, aux bases de données et aux oeuvres " numériques " ou " multimédias ".
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b) Les personnes
(1) Notion de personne
Etymologie de personne : persona (masque)
Parler de personne a un sens que l’étymologie permet de découvrir. Le masque de théâtre. La
personne n’intéresse le droit ( ou n’entre dans la vie juridique) non pas parce qu’elle est faite
de sang mais en tant que jouant un rôle dans la société. On pourrait dire que tout ce qui
intéresse le droit c’est la fonction du sujet de droit. Tout sujet de droit devient en tant que
personne un acteur social : il suffit qu’il ait uen volonté, un intérêt à défendre pour que le droit
objectif le reconnaisse en tant que tel.
On parle de l’état des personnes pour désigner la situation juridique des personnes, titulaires
d’un complexe de droits et d’obligation, les devoirs, les charges, ayant un statut par les
pouvoirs qui sont les siens :
- situation dans la cité : politique, professionnelle
- situation dans la famille
M. Hauriou, qui inspire un remarquable partisan de la réalité des personnes morales,
Michoud, écrit ceci :
« la personnalité juridique est comme un masque appliqué sur un visage. Le visage c’est la
personnalité subjective proprement dite, le moi humain qui est dans l’individu mais le droit
n’a pas la prétention de mouler exactement la réalité humaine subjective. Il ne s’attache qu’à
l’une des manifestations du moi : la volonté ; c’est la seule qui l’intéresse parce que, bien que
la racine en soit subjective, les effets se projettent au dehors sous la forme d’actes. Or le droit
n’entend régir que les actes extérieurs » (Hauriou, de la personnalité comme élément de la
réalité sociale p. 18) c’est presque une fiction, « une œuvre en partie factice » en ce sens que
sur « la physionomie agitée »
de l’homme ( faites de « volitions intermittentes »
changeantes » « contradictoires ») « le droit a appliqué un masque immobile » p. 19 Hauriou,
de la personnalité comme élément de la réalité sociale rev. Gén. du droit , de la législation et
de la jur. 1898 )* voir à ce propos la remarquable e analyse de Kelsen pour qui la notion de
personnalité est une fiction.
C’est une notion purement juridique. Il désigne un être réel ou fictif tel que des droits
subjectifs lui sont attribuées.
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Les êtres humains sont des personnes mais les êtres fictifs , les collectivités humaines
rassemblée par un même objet peuvent
aussi être
des personnes dès lors qu’elle
s’institutionnalise ( statut organe objet intérêt) .
Ceci est particulièrement intéressant car cela permet de détacher la collectivité des personnes
qui la compose : ses droits ne sont pas ceux dfes personnes qui la composent.
(2) Sujet de droit
Le mot « personne » désigne un sujet de droit en tant que titulaire de prérogatives qu’elle
peut opposer aux autres et à l’Etat.
On parle de personnalité juridique pour désigner l’aptitude à être sujet d droits et
d’obligations »( P. Guiho cours de droit civil intro p. 225)
L’être humain a cette personnalité dès sa naissance et la perd à sa mort ou à sa disparition. En
revanche la personne morale être fictif pour certain , réel pour d’autre , ne l’acquiert qu’à la
suite d’un reconnaissance par l’Etat. ( une exception cependant : les comités d’entreprise)
(a) Ambiguïté de la notion de sujet.
Sujet au prime abord renvoie à Assujetti mais s’oppose à objet. Le sujet n’est pas objet : la
chose est objet de droit , le chien est objet de droit : le sujet en tant que sujet peut avoir une
activité juridique.
Parler de sujet postule la liberté du sujet.
Il est aussi libre : celui qui soumis au droit peut agir librement pour défendre ses droits , les
exercer, en disposer : bref est apte à orienter son destin , à prendre des initiatives : il n’est pas
objet. C’est le sujet de droit face à l’Etat : « le droit postule la liberté du sujet » écrit un
auteur ( E Gaillard le pouvoir en droit privé p.214)
(Hypostasie du sujet qui exaspère Kelsen : parler du sujet de droit a une fonction idéologique.
Cela permet d’affirmer l’indépendance des homme par rapport à l’Etat qui doit alors les
respecter
(3) Le débat autour des personnes morales
« Pour la plupart des juristes du XIX siècle le point de départ de la théorie de la personnalité
juridique se trouve dans l’axiome que l’homme seul est un sujet de droit. » n° 5( cf . théorie
de la fiction) . dès la fin du XIX ° siècle par réaction à l’emprise que l’Etat faisait peser sur
les personne morales et pour les libérer s’est affirmer l’idée que la personne morale était
comme la perosnne physique un véritable sujet de droit
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(a) La théorie de la fiction, thèse étatiste : l’homme
seul est un sujet de droit
Thouret dans son célèbre discours du 23 octobre 1789 distingue entre les individus
réels et ce qu’il appelle dans un langage qui fleure l’ancien régime « les corps ». Cf
Michoud p. 411 note 1 qui dit qu’on trouverait difficilement un exposé plus précis du
système de la fiction
« Il faut distinguer entre les personnes, les individus réels et les corps qui( <<…) forment des
personnes morales et fictives. (…) Les individus existent indépendamment de la loi et
antérieurement à elle, ont des droits résultant de leur nature et de leurs facultés propres ;
droits que la loi n’a pas créés mais qu’elle a seulement reconnus, qu’elle protège et qu’elle ne
peut pas plus détruire que les individus eux mêmes .(…) les corps au contraire n’ existent que
par la loi. Pour cette raison elle a sur tout ce qui les concerne, et jusque leur existence même
une autorité illimitée. Les corps n’ont aucun droit réel par leur nature, puisqu’ils n’ont pas de
nature propre. . ils ne sont qu’une fiction, qu’une conception abstraite de la loi, qui peut les
faire comme il lui plait et qui après les avoir faits, peut les modifier à son gré. »
(b) Réalité des personnes morales : thèse libérale
Ceci n’est pas conforme à la réalité, selon Michoud. L’homme n’est pas seul une personne
réelle.
« Nous entendons la réalité, non en ce sens que la personne morale est un être en soi, mais en
ce sens qu’elle contient en elle-même les éléments essentiels de la personnalité juridique
(intérêt et volonté » ) N° 73
Michoud veut que soit élevé à la dignité de droits subjectifs25 les intérêts collectifs et
permanents et il faut donc reconnaître que ces groupements la capacité d’être représentés par
des volontés extérieures des groupements humains »p 111.
En bref les seuls sujets juridiques ne sont pas les hommes.
25 Michoud la théorie de la personnalité morale LGDJ 1924 « Nous définissons donc le droit subjectif : l’intérêt d’un homme ou d’un
groupe d’hommes juridiquement protégé au moyen de la puissance reconnue à une volonté de le représenter et de le défendre » n° 48 p. 103
et le titulaire du droit peut être l’être collectif ou individuel dont l’intérêt est ainsi garanti.
« Le droit subjectif est l’intérêt protégé par la volonté » 179 n° 74A (Michoud se détache d’Ihering dont il reprend la définition en la
complétant)
Le droit subjectif est ainsi composé d’un élément interne l’intérêt reconnu par le droit objectif et un élément externe la volonté qui permet de
défendre cet intérêt. Et rien n’empêche que l’élément volonté ne soit pas exercé par le sujet dont l’intérêt est défendu. Il peut y avoir donc
distinction entre le sujet dont l’intérêt est défendu et le sujet qui exprime la volonté : on rejoint la distinction entre sujet d’imputation et sujet
de puissance. La volonté peut « résider hors du sujet titulaire de l’intérêt » « à condition que la loi reconnaisse le lien entre cette volonté et
cet intérêt et considère bien la première comme une force mise au service du second » p. 178
Michoud conteste que la volonté soit l’élément essentiel et exclusif du droit subjectif :C’est l’intérêt de l’homme ou du groupe (Cf n° 112),
intérêt individuel ou intérêt collectif et cet intérêt doit avoir un certain caractère de permanence: l’existence d’un seul intérêt à défendre
justifie l’existence de droits et de moyens de droit et comme il n’y a pas de droit s sans sujet cela implique que tout groupe défendant un
intérêt soit une personne morale.
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Michoud examine ensuite les conditions de la personnalité.
Deux conditions sont nécessaires pour avoir la personnalité juridique :
-
Un intérêt distinct des intérêts individuels (ce serait l’élément jouissance) « un intérêt
collectif et permanent » 54
-
Une organisation capable de dégager une volonté collective qui puisse représenter et
défendre cet intérêt. N° 53 P. 114 ( ce serait l’élément volonté) : « une volonté
organisé » 54Quel est l’intérêt du groupe ? :
C’est l’intérêt des membres du groupe mais il ne se confond pas avec l’intérêt de chacun des
membres si bien qu’il peut y avoir opposition d’intérêts entre celui d’un membre et celui du
groupe.
Pour l’existence d’intérêt collectif dans l’état et la commune pas de doute : il y a bien un
intérêt distinct des intérêts individuels un intérêt collectif et permanent intérêt que poursuit la
personne morale et qui est digne d’être protégé : si l’état a des intérêts distincts de ces
membres cela saute aux yeux » car l’Etat peut demander des sacrifices à ses membres jusqu’à
leur vie.
Cette personne morale a deux faces : en tant que personne morale de droit public il dirige les
services d’intérêt général et en tant que personne morale de droit privé il exerce des droits
patrimoniaux :
il faut donner un centre à ses intérêts pour leur assurer une représentation :
Superbe phrase : la personne morale naît spontanément « d’une façon habituellement toute
spontanée » « pour donner un centre à ces intérêts, pour leur assurer une représentation »53
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B. Les fondements du droit
Le droit aurait une fin : la justice . En conséquence le juste serait la norme fondamentale qui
permettrait d’étalonner le droit. la sagesse de l’homme( le juste) , L’analyse scientifique de la
société pour sonder ce qu’elle veut, ce dont elle a besoin, par l’usage de la raison devrait
permettre sans cesse de mettre l’ouvrage sur le métier.
Qu’il y ait un droit un delà du droit, les positivistes en doute. Le droit pour simplifier est
affaire de volonté non de connaissance. Il est auto-référencé. Le droit sert de fondement à luimême.
Résumons : « toutes les philosophie juridiques, à la seule exception sans doute du courant
formaliste et normativisme, admettent que l’élaboration du droit suppose que certains résultats
doivent être recherchés, et Ihéring a pu affirmer avec éclat que le but donnait la clé de la
formation du droit » écrit B oppetit26.. « la recherche de la justice apparaît sans doute, de
l’Antiquité à nos jours, comme la constante majeure parmi les différentes fins du
droit »27
1. La recherche du juste
« Il ne semble pas qu’elle serait une loi, la loi qui ne serait pas juste »28
La justice transcende le droit.
La question qui revient est la suivante : cet ordre juridique est-il juste ? Comment savoir si cet
ordre répond à la justice. Poser cette question c’est opérer une distinction entre le système de
normes et le juste, entre le droit positif et le juste.
La justice apparaît alors comme un idéal que le droit positif, composé des normes, cherchent à
reconnaître et à traduire: : le droit aurait donc pour finalité la justice. le bon et le bien.
Le droit en droit romain c’est le ius, le juste. Pour Alain Sériaux la justice « n’est rien d’autre
que la situation dans laquelle tous et chacun des membres de la communauté politique
possèdent effectivement les biens qui leurs sont dus » ( n° 4 le droit : une introduction) : ceux
auxquels ils ont droit. Ce qui renvoie à Aristote.
26 Bruno Oppetit . Philosophie du droit Précis Dalloz n° 17
27 Bruno Oppetit philosophie du droit précis dalloz
28 Saint Augustin, De liberio arbitio, cité par Saint Thomas d’Aquin( somme théologique) IN Bruno Oppetit philosophie
du droit Dalloz p. 43
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La vertu de la justice consiste à attribuer à chacun son droit afin que chacun occupe une
position juste dans le monde ou la société, le corps social. C’est le moyen pour chacun d’être
à sa juste place : le juste apparaît comme un lieu d’équilibre.
Il est significatif que la justice soit représentée par une balance et comme elle produit une
décision, un glaive qui tranche mais entre quoi ?.
.
a) L’idéal religieux
l’idéal religieux et la poursuite de la sagesse
Le jugement de Salomon est l’archétype de la décision juste . Salomon fils de David et de
Bethsabée ; SALOMON subordonné à Dieu, que l’Eternel aima dès sa naissance car il devait
apporter la paix et la tranquillité sur Israël, Salomon qui fut le roi sur tout Israël, celui dont on
loue la sagesse rend la justice au milieu d’un repas royal :
Il est amené à départager deux femmes, deux femmes « impudiques » dit la Bible , réellement
deux prostitués qui revendiquent pour leur le même enfant, ayant accouché à peu d’intervalle
d’un enfant, l’un des deux étant mort et celle ayant retrouvé près d’elle l’enfant mort accusant
l’autre de l’avoir mis sur son sein.
« Apportez moi un glaive, donnez la moitié à l’une la moitié à l’autre » ». Alors la femme
dont le fils était vivant dit au roi : « de grâce seigneur donnez-lui l’enfant vivant mais qu’on
ne le tue pas » mais l’autre dit : « il ne sera ni à moi ni à toi. Coupez. » et le roi reprit : «
Donnez-lui l’enfant vivant et ne le tuez pas car celle-ci est la mère. » Roi 3, 16-27
Dans la tradition
rabbinique c’est le Saint, béni soit-il , celui qu’on ne nomme pas ,
l’innommé, l’invisible , l’inconcevable qui inspire Salomon comme c’est le saint béni soit-il
qui suscite cette épreuve.
Sa décision est juste au plus haut sens du terme car au-delà de la loi, Salomon trouve l’esprit
de la loi : la suprême injustice peut suivre le respect littéral des textes (Cicéron écrit « summa
ius summa injuria » ce qui implique qu’il faut tempérer la rigueur excessive de la loi). N’eston pas scandalisé par le fait qu’une mère jetée en prison pour avoir volé deux croissants afin
de nourrir les siens soit conduite sous l’infamie de la sanction à se suicider. Ne peut-on pas
comprendre l’effarement suscité par le fait que la moitié des prisons françaises soit peuplée
de personnes n’ayant pas commis d’autre délit que de pénétrer illégalement sur le territoire
français ? La sanction ne parait pas atteindre son but.
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24
La décision de Salomon sous une apparence d’équilibre est effroyable mais son sens fait
surgir la véritable mère, celle dont les entrailles parlent et qui préfère renoncer à l’enfant
plutôt que de poursuivre sa mort, poursuivre son droit jusqu’à cette fin absurde: d’un point de
vue contemporain on pourrait dire que c’est alors l’intérêt de l’enfant -tout à fait oublié- que
le juge poursuit en attribuant la garde de l’enfant à celle qui préféra le bien de l’enfant à ce
qu’elle pensait son droit.
Mais ce jugement doit être remplacé dans son contexte biblique comme le fait la tradition
exégétique juive afin d’en mesurer la portée qui est l’idéal de la justice, cet inaccessible qui
fait l’homme grand à l’image de Dieu.
D’abord Il faut souligner comme le fait la glose rabbinique le positionnement des
protagonistes : SALOMON d’un coté, le Roi fils de David, et deux femmes indignes. Tout les
sépare et le jugement rendu égalise les situations. Des prostitués et le Roi sont tous les
serviteurs de Dieu.
On pense évidemment à la tradition chrétienne qui fait surgir dans le désert près d’un puits
l’image de Marie Madeleine qui a « plusieurs maris » à coté du Christ et celle-là qui est
pauvre entre les pauvres est sainte parce qu’elle est pénétrée de Dieu.
Non seulement ces prostitués vont être dignes d’un jugement du Roi , leur affaire relève donc
de l’intérêt du royaume, qui a « à faire » avec la naissance et la transmission, la généalogie
relèverait Legendre, mais le jugement fait apparaître l’une d’elle pourtant prostituée comme
infiniment digne de respect. Ce passage de la bible est aussi non seulement une célébration de
Salomon mais « une célébration de l’être- fut-il indigne et condamné par la société-»29 celle
qui renonce à poursuivre son droit, mais aussi comme un principe politique : On parle alors
dans la tradition interprétative juive de principe de non-indifférence qui va présider aux
destinées du royaume d’Israël et qui conduisit SALOMON, lui le serviteur de Dieu à qui Dieu
a donné « un cœur intelligent »(I Roi 3,9) à régner « sur les cœurs » et plus seulement sur les
hommes.
Dieu donna à Salomon la sagesse, une très grande intelligence, et une étendue de
connaissance comme le sable qui est au bord de la mer » I Rois 4, 29) cité par Cohen p. 57
Cette conception du droit est conforme à la volonté divine : la règle est inouïe, elle fait surgir
le vrai de l’insondable à travers une feinte proprement merveilleuse et glaçante : c’est bien un
29 L. Cohen le Roi Salomon Seuil p. 65
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idéal alors qui est atteint et c’est si vrai que c’est parce que Dieu a envisagé cette aptitude de
l‘homme à atteindre cet idéal qu’il l’aurait créé !
En effet dans la glose rabbinique selon L. Cohen Dieu a regardé dans le futur et il a vu qu’un
tel jugement se déroulerait : voilà pourquoi il a crée l’homme sous une forme duale (deux
yeux, deux jambes deux oreilles etc..) . On peut ajouter que la menace d’écartèlement plie
devant l’idéal d’unité et que tout homme serait alors pris entre ces deux pôles : Division et
unité.
En ce sens aussi Dieu est l’infiniment juste puisqu’il est la mesure de toute chose. C’est
pourquoi Sériaux dit qu’il est l’essence du droit. Pourtant les religions monothéistes insiste
sur le fait que Dieu est amour, que le Christ a fait don de sa personne pour le salut des
hommes et quand on s’interroge sur le sens de cet amour, on comprend qu’il est démesuré :
« la mesure de l’amour est d’aimer sans mesure » aurait écrit Bernard de Clairvaux (cité par
Sériaux n° 50). L’amour divin est sans mesure et c’est l’absolu qui gouverne la règle
religieuse.
Tout cela sépare la règle de droit de la règle religieuse. Si Dieu est un idéal de justice ou la
référence ultime, le droit occidental refuse de soumettre la justice des hommes à la justice de
Dieu. S’exprime alors un concept de laïcité qui sépare le temporel de l’intemporel et
qu’exprime la déclaration des droits de l’homme qui reconnaît la liberté religieuse tant qu’elle
n’interfère pas avec l’ordre public.
b) La justice au sens d’Aristote
Si la justice est réalisée par le droit alors l’ordre juridique permet que chacun soit à sa place.
Pour Alain Sériaux la justice « n’est rien d’autre que la situation dans laquelle tous et chacun
des membres de la communauté politique possèdent effectivement les biens qui leurs sont
dus » ( n° 4 le droit : une introduction) : ceux auxquels ils ont droit
;
Ceci renvoie à une conception aristotélicienne de la justice . « l’homme injuste est celui qui
manque à l’égalité ».. « le juste est le conforme à la loi et donc à l’égal »( EAN 1131a)
Il y a deux espèces de justices « une première espèce est elle qui intervient dans la
distribution des honneurs ou des richesses ou des autres avantages qui se répartissent entre les
membres de la communauté politique( car dans ses avantages il est possible que l’un de ses
membres ait une part ou inégale ou égal à celle des autres) et une seconde espèce est celle qui
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réalise la rectitude dans les transactions privées » ( EAN 1131a) : la justice corrective ou
encore commutative
(1) Justice commutative
On parle de Justice commutative: de commutatio, échange: On peut dire aussi
synallagmatique, fondée sur la réciprocité. selon la justice commutative, on n’envisage pas
l’inégalité naturelle entre les hommes, les parties sont égales au départ et doivent le rester
après l’échange. Le vagabond désocialisé et le dirigeant d’une collectivité doivent être traité
de la même façon. Mais dans quelles circonstances ?
La Justice commutative renvoie aux échanges de biens et services et elle est liée à ce
qu’Aristote nomme les commutations volontaires, les échanges qu’organise le contrat par
l’accord de volontés individuelles. Ici c’est la stricte égalité arithmétique qui est envisagée : il
ne faut pas que l’échange se traduise par un déséquilibre : Chacun doit recevoir l’équivalent
de ce qu’il a donné, peu importe que ce soit un magistrat qui vende ou une prostituée; Dans
cette conception, la justice est un système à somme nulle, fondée sur l'égalité arithmétique
entre les droits antagonistes ou complémentaires : La justice commutative.
Le contrat, en particulier considéré dans sa fonction d'instrument d'échange de biens et de
service, est soumis au principe de justice commutative. C'est l'égalité entre les patrimoines qui
est visée: Il ne faut pas que l'échange détruise l'équilibre qui existait antérieurement, «ce qui
implique que chacune des parties reçoive l'équivalent de ce qu'elle donne»30. Il importe peu
que les personnes contractantes soient dans des situations inégales socialement. On peut aussi
parler de justice contractuelle qui est la justice des échanges marchands.
La justice commutative régit les échanges quelles que soient les différences des individus.
Saint Thomas dans sa somme théologique dit que la justice commutative a " pour objet les
échanges mutuels entre deux personnes " alors que la justice distributive est " appelée à
répartir proportionnellement le bien commun de la société".
(2) Justice distributive
la justice distributive est celle qui répartit honneurs et richesses entre les membres de la
communauté: elle n'est pas soumise à l'égalité mais à la proportion (chacun devant recevoir
selon sa contribution au bien commun, laquelle est fixée par l'ordre immuable de la nature).,
30J.Ghestin , traité de droit civil. La formation du contrat LGDJ 1993 n°243
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La Justice distributive renvoie à la place de l’homme dans la société, à « sa valeur propre » :
c’est elle qui attribue à chacun selon ses mérites au regard du bien commun . On doit tenir
compte « de la valeur propre des personnes » écrit Aristote( EAN V6 p. 228) et il renvoie
selonle régime au fait que certains sont libres et d’autres esclaves( démocratie), ou que
certains sont riche et nobles et d’autres pauvres( oligarchie) soit certains sont vertueux et
d’autres vicieux ( aristocratie)
Cette justice n’est pas une justice arithmétique car
elle est fondée sur une égalité
proportionnelle. Les mérites ne sont pas également distribués.
Conséquence « si les personnes ne sont pas égales elles n’auront pas des part égales » EAN
1131b V6 p. 227) si bien que les « contestations naissent quand étant égales les personnes
possèdent ou se voient attribuer des parts non égales, ou quand, les personnes n’étant pas
égales, leur part sont égale »
On pense à ces sociétés divisées en castes, et singulièrement en Afrique, par exemple, à
Bamako, au Mali, où l’on naît forgeron, travailleur du cuir ou de la viande. Il y a un ordre
immuable de la société sous-jacent à cette justice , ce qui fait que les individus par leur
volonté ne peuvent pas déroger à cette ordre d’autant plus fort qu’il est immémoriale. On part
du principe que chacun est au départ à sa juste place et que l’ordre juridique doit permettre
que chacun soit à sa place, c’est à dire reste à sa place.
C’est donc une égalité de rapport, une égalité géométrique,
que la justice distributive
poursuit.
Parlant de justice distributive, Aristote écrit « le juste en question est ainsi la proportion et
l’injuste ce qui en dehors de la proportion. L’injuste peut donc être soit le trop, soit le trop
peu. Et c’est bien là ce qui se produit effectivement, puisque celui qui commet une injustice a
plus que sa part du bien distribué et celui qui la subit a moins que sa part »31
Mais le trop ou le pas assez par rapport à quoi ?
Plus
loin, Aristote va préciser dans quelle sens la justice distributive - qui est justice
proportionnelle au mérite- doit s’orienter et il le fait en recourrant à la géométrie : soit quatre
éléments, deux hommes, deux choses, et un principe, une inégalité entre les hommes devant
entraîner une inégalité entre les choses, le ratio du premier couple étant égal au ratio du
31 Aristote Ethique à Nicomaque V, 7, 1131. librairie philosophique J. Vrin
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second. « Tous les hommes reconnaissent en effet que la justice dans la distribution doit se
baser sur un mérite de quelque sorte bien que tous ne désignent pas le même mérite, les
démocrates le faisant consister dans une condition libre, les partisans de l’oligarchie, soit
dans la richesse, soit dans la noblesse de la race, et les défenseurs de l’aristocratie dans la
vertu . Le juste est par la suite, une sorte de proportion, la proportion étant une égalité de
rapports et supposant quatre termes au moins » . On comprend que l’ordre de départ fondé sur
une hiérarchie entre les hommes n’est alors pas bouleversé par l’attribution des biens ou des
honneurs au sein de la communauté. Cette justice a à voir avec la distribution du bien
commun et rien avec les transactions privées qui relèvent de la justice commutative.
Selon Aristote32 « le juste distributif des biens possédés en commun s’exerce toujours selon
la proportion dont nous avons parlé (la proportion géométrique) (puisque si la distribution
s’effectue
à partir des richesses communes, elle se fera suivant la même proportion qui a
présidé aux rapports respectifs des membres de la communauté et l’injuste opposé à cette
forme du juste est ce qui est en dehors de la dire proportion).
Au contraire « le juste dans les transactions privées, tout en étant une sorte d’égal, et l’injuste
une sorte d’inégal n’est cependant pas l’égal selon la proportion de tout à l’heure, mais selon
la proportion arithmétique »
(3) Evolution de la notion de justice distributive
Initialement en droit romain, la justice distributive et commutative se complétait : à chacun sa
place dans la société et si un échange a lieu l’inégalité de départ ne doit pas être modifiée,
l ‘échange ne modifie pas cette situation ; tout cela « marche » à la condition de croire qu’il y
a au départ une harmonie naturelle, un ordre préétabli immanent, qu’en bref au départ, dans
un mythique commencement, naturellement la justice est faite. Mais qu’en est –il si l’homme
est mauvais au fond de lui même, si aucun ordre ne préexiste ? quid si l’homme est un loup
pour l’homme à l’état de nature ? ( Cf. Hobbes : le Léviathan)
(a) La discrimination positive
Si tout au contraire on croit qu’au départ règne l’injustice, le droit s’emploiera à créer une
inégalité inverse de droit afin de remédier à l’inégalité de fait : On connaît la pratique
américaine (positive discrimination) qui veut que l’on réserve des quotas quant à l’accès aux
biens et services publics aux « latinos » ou aux noirs américains, par exemple dans les
32 Aristote , ETHIQUE à Nicomaque V, 1132
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universités sans tenir compte de leurs résultats scolaires, afin de lutter contre une
discrimination par
une autre discrimination
inverse, si bien que l’on arrive à cette
extraordianire renversement de situation où un homme objectivement blanc va prétendre être
d’origine noire (arguant d’une ancêtre esclave dans une plantation au XIX° siècle 33) pour
pouvoir accéder plus facilement à un emploi public réservé.
En particulier, le philosophe du droit John Rawls( cf Infra la définition de l’équité), à partir
d’un principe d’égalité des chances, considère qu’un système social juste ne doit pas garantir
« des perspectives plus favorables pour les plus avantagés » et il ajoute « puisque les
inégalités de naissance et de dons sont immérités, il faut en quelque sorte y apporter des
compensations. Ainsi ce principe affirme que, pour traiter les personnes de manière égale,
pour offrir une véritable égalité des chances, la société doit consacrer plus d’attention aux plus
démunis quant aux dons naturels et aux plus défavorisés par la naissance » ( J. Rawls, théorie
de la justice P. 131)le résumant par « un principe de réparation », même au détriment du
principe d’efficacité sociale, « de façon à ce que personne ne gagne ni ne perdre quoi que ce
soit du fait de (..) sa position initiale dans la société » (Rawls p. 132). Le contrat social que
les hommes passent entre eux doit servir leur avantage mutuel commun afin de promouvoir la
coopération de tous à l’ordre social.
Cette conception originale de la justice distributive peut être le fondement de ce qu’on a
appelé la discrimination positive. En effet « sont justifiées les inégalités qui sont à l’avantage
des plus défavorisés »34. Ainsi l’égalité, à la base de la justice, selon Aristote, doit chez
Rawls impliquer une inégalité correctrice des inégalités initiales. Cette conception de
l’égalité, Rawls l’appelle équité ( fairness)
c) L’équité
La justice peut être l’équitable au delà de la norme: ce qu’exprime la langue anglaise par
« fairness » L’équitable apparaît comme un idéal qui tempère la rigueur de la règle
(1) L »équitable comme modération de la loi
Aristote dans l'Ethique à Nicomaque dit que l'équitable tout en étant juste n'est pas le juste
selon la loi mais un correctif de la justice légale" lequel correctif, ajoute Comte-Sponville
toujours interprétant la pensée d'Aristote, "permet d'adapter la généralité de la loi à la
33 ceci est un exemple véridique
34 V. Munoz-Dardé La justice sociale le libéralisme égalitaire de John Rawls Nathan université p. 90
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complexité changeante des circonstances et à l'irréductible singularité des situations
concrètes".
L'équitable selon Aristote "c'est le juste, pris indépendamment de la loi écrite" in
Rhétorique I, 13 livre de poche 1991). En ce sens l’équité tempère la rigueur de la loi afin
d’éviter ce qu’exprime l’adage cicéronien ( de officis) « summa jus summa injuria » ,traduit
par « droit porté à l’extrême, extrême injustice ». il faut tempérer l’application de la loi par la
charité et la miséricorde.
En ce sens celui qui peut le faire , essentiellement, est le juge, ce qu’exprime le professeur
Sériaux identifiant l’équité comme « vertu du juge » et qui voit dans l’équité « la voie royale
de la jurisprudence »
« A propos de l'interprétation des contrats, se manifeste un phénomène général qui imprègne
tout le droit postclassique, sous l'effet combiné du déclin de la technique juridique, de la
philosophie grecque et de la religion chrétienne. Il consiste à opposer à la règle en vigueur
(intitulée ius strictum ) l'argument de l'équité (æquitas) . Cette dernière était conçue par les
jurisconsultes classiques comme faisant partie intégrante du droit. Celse 35 écrit-il« ius est
ars boni et aequi : le droit est l'art du bon et de l'équitable : le droit est l'art du bon et de
l'équitable), dont elle contribue à adapter et assouplir les règles. (Autre interprétation : le
bon renvoyant à la justice distributive, l’équitable à la justice commutative 36)
« Elle va maintenant servir de fondement unique à de nouvelles règles que les empereurs
instaurent en son nom.
Elle va pouvoir aussi être invoquée par les juges afin de repousser l'application de la règle de
droit ou de la volonté manifeste des parties contractantes, lorsque les résultats de cette
application leur paraissent inéquitables ».
35 Publius Iuventius CELSUS (Celse)
Préteur en 106 ou 107 de notre ère, il fut gouverneur de Thrace entre 107 et 117, consul pour la deuxième fois en 129,
enfin
proconsul
d'Asie.
Il
fit
partie
du
Conseil
d'Hadrien.
Son ouvrage principal est un Digeste en 39 livres, mais il est également l'auteur de "Questions", de "Lettres" et de
"Commentaires" . Il y apparaît comme un esprit remarquablement indépendant et sagace, un non-conformiste qui n'hésite
pas à ridiculiser ses collègues par des critiques mordantes. On a aussi retenu de lui des définitions célèbres comme celle
qui vous est proposé.
36 H. Roland et L. Boyer locutions latines et adages du droit français contemporain II L’hermès
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31
(2) Nécessité de l’équité : de l’huile dans les rouages
Selon A. Comte-Sponville "ce serait se méprendre que de rêver d'une législation absolument
juste, qu'il suffirait d'appliquer. Aristote avait déjà montré que la justice ne saurait être
entièrement contenue dans les dispositions générales d'une législation. C'est pourquoi en son
sommet elle est équité: parce que l'égalité qu'elle vise ou instaure est une égalité de droit et
même souvent malgré celle qui naîtrait d'une trop mécanique ou trop intransigeante
application de la loi" 37
(3) Ne pas pousser son droit à l’extrême : l’équité comme
vertu
Toujours Aristote écrivait que " celui qui a tendance à choisir et à accomplir les actions
équitables et ne s'en tient pas rigoureusement à ses droits dans le sens du pire, mais qui a
tendance à prendre moins que son dû, bien qu'il ait la loi de son coté, celui-là est un homme
équitable, et cette disposition est l'équité qui est une forme spéciale de justice et non pas une
disposition entièrement distincte". Comte-Sponville ajoute, parlant de l’équité « justice
appliquée, justice vivante, justice concrète »- justice véritable.
On voit par là que l’équité n’est pas seulement modération de la loi mais bien une vertu
morale, un idéal de justice, ce vers quoi doit tendre toute justice.
2. L’affrontement des doctrines
La règle exprimée est posée, extériorisée. Ce qui est posée est voulu. Le droit positif est ce
qu’ont voulu les hommes pour organiser la collectivité, les règles qu’ils ont exprimées. Mais
n’y a-t-il rien d’autres ?. les partisans du jus naturalisme considère qu’il y a un en deçà du
droit, un idéal à atteindre, alors que les partisans du positivisme juridique identifie le droit à
l’Etat et s’attache à la procédure de création de la norme pour juger de sa validité.
Il y a un droit en deçà du doit positif : c’est ce qui est bon pour l’homme et la société. En bref
on peut juger de la loi en se référant à des valeurs immuables de l’homme. Le droit a un
fondement qui lui est extérieur et qui permet de le juger, ce en quoi l’homme peut trouver sa
liberté et légitimer son droit à la révolte. En un mot le droit fonde la règle. Il y a une finalité
37 A. Comte –Sponville Petit traité des grandes vertus PUF p. 111
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externe au droit : la justice, le bon, le bien et c’est au regard de cette finalité qu’il faut
interroger, questionner le contenu des règles. .
Pour les positivistes, la science du droit doit se borner à examiner les règles sans référence à
leur contenu et à décrire leur mode de production. Le droit n’est qu’un moyen , une technique
d‘organisation sociale. Les finalités du droit sont celles que chaque Etat veut bien lui donner.
Le débat entre positivisme et droit naturel est admirablement et tragiquement résumé dans
l'Antigone de Sophocle.
C'est au nom du droit naturel ( la justice de Zeus) qu'Antigone se révolte contre les édits de
Créon( la justice de l'homme) interdisant d'ensevelir les ennemis de la Cité, dont fait partie un
de ses deux frères, édits injustes en ce sens qu'ils heurtent la conscience religieuse de la
jeune femme et c'est au nom du droit positif que Créon décide de la mener en un lieu désert et
de la murer, vivante.
Créon .- Et tu as osé passer outre à mes lois?
Antigone.- Oui, car ce n'est pas Zeus qui les a proclamées et la Justice qui siège auprès des
Dieux de sous terre n'en a pas tracé de telles parmi les hommes. Je ne croyais pas, certes, que
tes édits eussent tant de pouvoir qu'ils permissent à un mortel de violer les lois divines : lois
non écrites, celles-là, mais infaillibles. Ce n'est pas d'aujourd'hui ni d'hier mais de toujours
qu'elles sont en vigueur et personne ne les a vues naître. Leur désobéir, n'était-ce point par un
lâche respect pour l'autorité d'un homme, encourir la rigueur divine?(...)38.
a) Le jus-naturalisme : Le droit fonde la règle
(1) Evolution des doctrines jus naturalistes:
Le droit préexiste à la règle : il l’engendre : la règle humaine, écrite, a donc un étalon, un
référent, le droit ou le juste, loi non écrite.
Platon relève qu’il y a deux justices politiques, l’une naturelle, l‘autre légale (il y a un droit
naturel et un droit qui ne dérive pas de la nature).
Bobbio : « il existe des règles de conduite dont la validité sert de fondement à celles des
règles de droit positif et qui en tant que telles doivent être obéies de préférence à ces
dernières »39
38Théâtre de Sophocle . Antigone . Classique Garnier 1947
39 Norbeto Bobbio essai de théorie du droit p. 52 lgdj1998
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33
Les tenants du droit naturel admettent fort bien que les règles soient posées mais ils ajoutent
immédiatement qu’elle doivent exprimées ce qui est naturellement bon pour l’homme. En un
mot le droit positif doit tendre asymptotiquement vers le droit naturel. Ou encore on parle de
« positivisation de ce qui est droit »40 pour indiquer que le droit préexiste à la règle à laquelle
elle doit se référer.
La nature à laquelle ces normes sont immanentes est :
-
soit la nature en général, c’est à dire la totalité de la réalité, supposé harmonieuse
fondée par Dieu.
-
soit la nature de l’homme »41 c'est-à-dire sa raison,. D’où une subdivision
dujusnaturalisme historique et contemporain:
Les droits naturels dans le monde terrestre : la loi naturelle

Si les normes sont dans la nature, le monde, un monde plein et probablement un
monde fini, Il y aurait donc une volonté immanente à la nature qui dicterait à l’homme
un comportement, écrit Hans
Kelsen, (remarquable juriste allemand, créateur de
l’Ecole normativiste dite Ecole de Vienne, contestant la notion de droit naturel), et
comme la nature n’a pas de volonté propre, cette volonté ne peut être que la volonté de
Dieu, le grand horloger de l’époque des lumières.

Locke l’exprime parfaitement en disant que « les législateurs s’ils font des lois pour
régler l’action des membres de l’Etat, elles doivent être conforme à celle de la nature ,
c’est à dire à la volonté de Dieu dont elles sont la déclaration »42 Sous-jacent à cette
pensée, la nature est bonne.

Aristote(384-322 A.C.) croyait déjà dans l’harmonie d’un ordre naturel. La loi
naturelle est supérieure à toutes « les lois humaines »
Pour Aristote l’homme est « un vivant politique » : « il est préajusté à vivre
harmonieusement avec ses semblables »43. Et dans la rhétorique il écrit « il y a une
justice et une injustice dont tous les hommes ont comme une divination et dont le
sentiment leur est naturel(..) la loi universelle s’étend en tous sens à travers l’éther qui
40 A. Sériaux, le droit une introduction Ellipses p.68 : le professeur Sériaux écrit que l’injustice peut se glisser dans
l’acte de positiver « ce qui est droit » se ralliant alors à la théorie du droit naturel. Son ouvrage « le droit une
introduction » a été publié en 1997)
41 H. Kelsen théorie générale des normes PUF
42 cité p 23 par Blandine Barret-Krigel dans un ouvrage passionnant « Les droits de l’homme et le droit naturel » PUF
43 F. Tinland, droit naturel loi civile et souveraineté PUF
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règne au loin et aussi à travers la terre immense ». En un mot « la loi n’est pas une
invention de l’esprit humain ni un décret des peuples »( Cicéron)
Les droits naturels dans l’homme
D’un autre coté on peut ne pas adhérer à cette conception : si le monde est vide (et vide de
valeurs), infini, quasi objet mathématique( pensez à Pascal et à son angoisse devant
l’infiniment grand et l’infiniment petit),alors il n’y a pas de loi naturelle, pas d‘harmonie entre
les choses, l’homme ne peut que se tourner vers lui-même pour chercher le juste : On peut
dire que la nature n’est pas tout le monde réel mais seulement la nature de l’homme en ce
qu’il se distingue de l’animal, et la nature humaine est alors fondée dans la raison : le droit
naturel devient un droit rationnel ( ratio en latin, raison). Ce n’est plus dans la nature au sens
large que l’homme découvre le juste c’est au fond de lui-même à l’aide de sa raison (recta
ratio: la droite raison humaine) conduisant à une subjectivation du droit.
Ainsi l’école du droit naturel se subdivise et s’oppose (comme l’exprime la formule « deus
sive natura »).dès le XVII siècle ( Grotius)on se tourne vers l’homme, recherchant sa nature ,
pour fonder le droit. L’homme est un être social. Par la raison il peut perfectionner sa nature.
C’est donc en lui , l’homme, dont la nature est universel et immuable que le droit se trouvera.
La raison se substitue à la loi naturelle. Mais il faut présupposer que l’homme trouve dans la
raison le moyen de distinguer le bien du mal afin de trouver ce qui est bon pour lui dans la vie
en société.
Le droit positif doit donc tendre à trouver cet ordre rationnel.
Cette conception triomphera au XVIII° siècle comme en témoigne l’article 1 du projet de
code civil de l’an VIII : il existe un droit universel et immuable source de touts les lois
positives :il n’est que la raison universelle en tant qu’elle gouverne tous les hommes.
L’homme devient ainsi sujet du droit et fondement du droit (B. Oppetit philosophie du droit.)
Intérêt
Le grand intérêt du jusnaturalisme est de permettre la critique des lois positives et à limiter
leur prolifération. Si l’on dit que les normes justes préexistent à leur expression, on crée un
système de référence qui permet aux personnes soumises à des normes positives d’en
contester la légitimité au nom de la justice qui doit l’emporter sur la légalité. « les lois ne sont
pas justes par le seul fait d’être valides » ( bobbio p. 46)
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En pratique « on doit obéir au lois uniquement lorsqu’elles sont justes » ce qui justifie les
mouvements aux USA de civil desobedience(Henry D. Thoreau, 1817-1862 44.
Les références actuelles aux « droits de l’homme » que ne sauraient bafouer le droit positif
sauf à se mettre en porte-à-faux ont un fondement naturaliste.
En bref cela permet de faire de la conscience le crible auquel la conscience doit soumettre
« tout précepte qui se présente comme quelque chose voulu par les autres mais non encor par
nous» comme le relève Bobbio, ce qui permet de faire évoluer le droit.
Naît alors l’idée que les hommes ont des droits subjectifs qu’il faut protéger contre
l’arbitraire du Souverain et par Souverain il faut entendre l’Etat. L’affirmation de droits
subjectifs à coté du droit objectif est une affirmation de la liberté de l’homme dès lors que
l’on ajoute que ces droits sont inaliénables, entendez que le souverain ( l’Etat) ne peut y
porter atteinte.
Les constitutions
Elle aboutit à la fin du XVIII° sous l’influence de l’école du droit de la nature à la
déclaration d’indépendance américaine du 4 juillet 1776 qui affirme que
« tous les
hommes sont créés égaux », qu’ils « sont doués par le créateur de certains droits
inaliénables » parmi lesquels la vie , la liberté, la recherche du bonheur, droits qui doivent
être garantie par les gouvernements.
A cet égard on peut relever dans le préambule de la constitution des références au droit
naturel.
Art. 2. déclaration des droits de l’homme et du C
-
Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et
imprescriptibles de l'Homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la
résistance à l'oppression.
-
Même chose dans la charte européenne . L'Union européenne a son marché désormais
unique. Elle a ses traités, de Rome à Nice, en passant par Maastricht et Amsterdam. La
plupart des États qui la composent ont maintenant leur monnaie, l'euro. Mais l'Union
44 "I became convinced that noncooperation with evil is as much a moral obligation as is cooperation with good. No other
person has been more eloquent and passionate in getting this idea across than Henry David Thoreau. As a result of his
writings and personal witness, we are the heirs of a legacy of creative protest." - Martin Luther King, Jr, from his
Autobiography, Chapter 2
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n'avait pas sa Charte des droits fondamentaux. En l'an 2000, elle l'a préparée, discutée,
rédigée, proclamée le 7 décembre 2000 lors du Conseil européen de Nice45
critique
Noberto Bobbio relève que « personne ne nie qu’il puisse exprimer une exigence, une
proposition de droit futur ; mais tant qu’il n’a pas trouvé la force de se faire valoir, ce n’est
pas un droit dans le sens courant du mot.. » Soulignant que « toute la tradition de la pensée
jus-naturaliste est marquée par l ‘idée que l’homme a la faculté d’établir avec certitude les
règles du juste et de l’injuste( essai de théorie du droit p. 84) il parle d’un « droit naturel
rationnel » qu’il oppose au droit révélé. Mais il souligne qu’il y a différentes conception de la
nature (état de paix ? état de guerre( Hobbes 1651), « l’instinct de l ‘homme est il favorable
ou contraire à la société ? » ), ce qui fait du droit naturel un droit insaisissable, un droit
évanescent tout comme il y a plusieurs conceptions de la raison.
Bobbio résume la critique apportée par le positivisme juridique
à la loi naturelle : ce qui manque à la loi naturelle c’est
précisément ce qui constitue l’élément caractéristique du droit ,
c'est-à-dire l’efficacité. « Le droit naturel est un droit
désarmé »46. On pense à Ihéring (-1818-1892- juristes
allemands du XIX° siècle, père du positivisme juridique qui
écrit qu’une règle de droit sans contrainte « c’est un feu qui ne
brûle pas, un flambeau qui n’éclaire pas »47
b) Le positivisme juridique
Les positivistes n’admettent pas qu'il y ait un droit idéal auquel devrait tendre de manière
asymptotique le droit positif. Les positivistes sont doublement positivistes relève Timsit. Ils se
réfèrent à l’existence du droit positif posé par le législateur et ils se réfèrent à une démarche
scientifique ( le positivisme d’auguste compte . ils s’intéressent au système juridique
composés de normes réels de la déduction desquels, à l’aide d’un raisonnement juridique on
peut arriver à solutionner un cas concret. La séparation est faite entre le droit tel qu’il est et le
droit tel qu’il devrait être. A l’impératif de justice ils opposent l’impératif de légalité.
45 texte de la Charte européenne des droits fondamentaux, de l'Union européenne : proclamation solennelle, Parlement
européen, Conseil de l'Union européenne, Commission européenne, JOCE C 364 du 18/12/2000
46 Noberto Bobbio quelques arguments contre l droit naturel Annales de philosophie politique Puf 1959 cité par B.
Oppetit philosophie du droit P49
47 Cité par Jean Luc Aubert, introduction au droit p. 28
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La légalité se confond avec l’Etat. L’ordre juridique est donc posé par l’Etat et s’identifie à
l’Etat seul capable de fonder l’ordre juridique.
C’est dans ce cadre ordonné que l’homme pourra, à l’aide de sa volonté, façonner le monde :
En ce sens l’homme détaché de la nature devient libre sujet agissant et la volonté humaine
fonde le droit. Le droit devient pouvoir de la volonté. Et c’est sur ce principe que l’on pose
l’idée qu’il faut se plier à la loi même ressentie par tel ou tel comme injuste. Les hommes ne
tiennent leurs droits ( entendez prérogatives) que de la loi parce qu’ils ont renoncé à leur
capacité à faire leur propre droit en la transmettant à l’Etat;.
Pourquoi ce transfert ? ( cf. Hobbes) Il n’y a aucune raison de postuler que la nature est bonne
ou que l’homme est bon ou rationnel. Tout prouverait le contraire ( Rousseau dit quelque part
que l’homme naît libre et partout il est dans les fers).
La nature est hostile48 et l’homme est un loup pour l’homme ( Hobbes), le monde est un pur
chaos dénué de sens que l’homme devrait maîtriser, à quoi il ne peut imprimer sa volonté et
lui donner sens. Il lui faut donc d’abord abdiquer sa liberté au profit de l’Etat, seul apte à
générer des règles de comportement, seul apte à dire quel intérêt est digne d’être protégé par
la loi ou pas. Il n’y a d’ordre juridique qu’étatique. cette abdication par l’homme de sa liberté
est le meilleur moyen de fonder la liberté de l’homme.
C’est dans ce cadre ordonné que l’homme pourra, à l’aide de sa volonté, façonner le monde :
En ce sens l’homme détaché de la nature devient libre sujet agissant et la volonté humaine
fonde le droit. Le droit devient pouvoir de la volonté. Et c’est sur ce principe que l’on pose
l’idée qu’il faut se plier à la loi même ressentie par tel ou tel comme injuste. Les hommes ne
tiennent leurs droits ( entendez prérogatives) que de la loi parce qu’ils ont renoncé à leur
capacité à faire leur propre droit en la transmettant à L’Etat;.
(1) Le positivisme classique : l’Etat fonde la règle
(a) Principes
48pour Hobbes ( philosophe anglais qui a écrit le léviathan) Le fondement de l’autorité politique n’est pas dans la nature mais dans une
convention que les hommes passent avec le souverain à qui il transfère son pouvoir sur toute chose et qui devient le représentant des
hommes et le souverain absolu:
Les hommes par nature mauvais (l’homme est un loup pour l’homme, la nature c’est le conflit généralisé)doivent abdiquer par un contrat,
leur liberté au profit de l‘Etat rationnel( le léviathan), afin d’éviter les guerres civiles. Il n’y a ni ordre naturel ni plan divin auquel on
pourrait se référer pour régler le cours des affaires humaines. l’Etat de nature est une menace pour l’homme qui doit donc en sortir. Rousseau
incontestablement a repris les thèses de Hobbes.
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Le professeur Bobbio définit le positivisme comme le courant de pensée qui n’admet pas qu’il
puisse y avoir une distinction entre droit naturel et droit positif, affirmant « qu’il n’existe pas
de droit en dehors du droit positif »49() posant un principe d’exclusivité, à l’inverse du droit
naturel qui reconnaît qu’il existe un droit positif mais qui affirme « la supériorité du droit
naturel » qui devient alors la norme fondamentale du système.
Le professeur G. Timsit dans son cours d’histoire de la pensée économique considère que le
positivisme classique est assis sur trois présupposés :
-
Un présupposé théologique : la sacralisation de la loi et de l’Etat au dessus duquel
rien n’existe et qui sagement autolimiterait sa puissance. « les lois sont des
commandements humains adressés par des hommes aux hommes et ils revêtent la
forme d’actes élaborés sous certaines formes (législation) par certains organes ( le
parlement) » . la science juridique a pour objet l’étude des lois ( le droit posé, le droit
positif dont on peut trouver la trace dans un recueil. L’Etat dans sa sagesse
s’autolimiterait en se soumettant lui même à des règles de création du droit ( les règles
secondaires)
-
Un présupposé dichotomique : d’un coté les normes juridiques, de l’autre les normes
morales, les normes de courtoisie, les normes sociales, les normes déontologiques (les
codes de bonnes conduite). « il n’y a pas de relation nécessaire entre le droit et la
morale » : une loi peut être conforme à la morale
dominante ou pas. La norme
juridique se caractérise par le fait qu’elle est une norme contraignante dont la violation
est sanctionnée par l’Etat. La science du droit ne porte aucune appréciation sur la
valeur morale d’une loi. Ceci implique qu’elle en se préoccupe pas des raisons qui
justifient telle ou telle loi. Elle se borne à étudier le système de normes que forment les
lois et qui composent l’ordre juridique.
-
Un présupposé syllogistique : une norme serait toujours le produit d’une déduction
logique ( le syllogisme.)
(b) Légitimité de la norme
Dire que la validité d’une norme juridique tient à sa légitimité peut avoir deux significations :
49 N.Bobbio essai de théorie du droit LGDJ p. 39
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-
soit cette légitimité est son adéquation à un idéal de justice, à ce qui est bon pour
l’homme en communauté, au bien commun selon la raison (Saint Thomas d’Aquin50)
et dans ce cas une norme juridique ne peut entrer valablement dans l’ordre juridique
qu’à cette condition, faute de quoi il faut pouvoir résister à la loi injuste ( cf. les
mouvements de désobéissance civile très vivants aux USA cf. Thoreau aux Etats
Unis). On s’intéresse alors au contenu de la norme.
-
Soit comme le relève le professeur N. Bobbio ( p. 43) , « ce qui transforme une
norme de conduite en norme juridique n’est pas le fait qu’elle est tel contenu plutôt
que tel autre, mais la manière dont elle a été produite ou dont elle est exécutée ». Sa
légitimité tient à la légalité de son mode de production, sa conformité à une norme
plus haute, norme que l’on pourrait appeler secondaire, en bref son insertion dans un
ordre juridique.
(2) Positivisme sociologique : le groupe fonde la règle
H Lévy Bruhl, dit que « pour le sociologue le droit est avant tout un phénomène social »51 le
droit est un fait social que le législateur interprète pour en tirer le droit positif. « le droit est un
produit spontanée de la vie sociale »52
Lévy Bruhl définit le droit comme « l’ensemble des règles obligatoires déterminant les
rapports sociaux imposés à tout le moment par le groupe auquel on appartient » .
Ces règles sont des obligations,, qui est « l’élément fondamental du droit » l’homme étant
« étroitement ligoté dans son comportement social »
il se rattache à ce courant positiviste contemporain : l’école sociologique du droit ou encore le
positivisme sociologique..
(a) La sociologie
Selon Max Weber la sociologie est une science qui cherchent à déterminer les lois de
l’activité sociale ; c'est-à-dire l’orientation d’un comportement d’après le comportement
d’autrui, ce qui détermine causalement les comportements des individus ou des masses
d’individus : nous désignons par relation sociale le comportement de plusieurs individus en
50 Saint thomas d’Aquin ( 1225-1272), auteur d’une somme théologique, fondateur de la théorie thomiste du droit selon
laquelle le droit est fondé en raison, la loi humaine étant ouvre de la raison humaine et fondant le droit positif. La
raison spéculative permet de retrouver la loi naturelle, celle qui correspond à l’ordre naturelle des choses., la fin du
droit étant el bien commun ; un idéal à trouver.
51 H Lévy bruhl sociologie du droit que sais je ? PUF 1971 P.22
52 G. Gurvitch (sociologue, promoteur du droit social, auteur de « l’idée de droit social 1932)
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tant que, par son contenu significatif, celui des uns se règle sur celui des autres et s’oriente en
conséquence » p. 58) .
il est à la recherche de régularité, des développements qui se répètent, des lois sociales, des
usages de s coutumes des routines
l’influence de Durkheim, père de la sociologie, qui veut instaurer une science des mœurs. Les
rapports sociaux sont commandés par des lois permanentes en matière sociale, il y a des
moments de ruptures qui réponde à des lois. L’homme à l’aide de la raison scrute la réalité
sociale, les lois naturelles de la société (pensez à la comédie humaine de Balzac) et tente
d’élaborer des règles positives qui n’entrave pas ces lois naturelles sociologiques, voire qui
permet au contraire de leur donner leur plein épanouissement.
Le rapports sociaux font émerger un besoin de règles. On parle de positivisme sociologique
car pour ces juriste le droit est issu des rapports sociaux, qu’il faut étudier : le droit positif ne
fait que les traduire. En un mot les règles ne préexistent pas aux rapports sociaux : elles
naissent des rapports sociaux.
(b) Notion de droit objectif
« le droit qui se forme spontanément dans la conscience des membres du groupe Duguit 53
l’appelle droit objectif » écrit Burdeau dans son traité de sciences politique54 . Pour Duguit
« la loi positive ne crée pas le droit objectif : elle se borne à le constater car il lui préexiste
dans la société »55 Un grand publiciste, G. Burdeau, écrit : « les règles préexistent à leur
consécration par des sources formelles »56
Il faut donc étudier de manière scientifique les besoins de l société, ses aspirations du moment
et les traduire en lois
Cette école s’attache au contenu des normes , à retracer leur nécessité , à expliquer leur
avènements et les raisons de leur remplacement
Car: Selon Michoud, le droit positif, créé par l’Etat , aurait pour mission non de dire le droit
mais de l’interpréter : « celui-ci existe en dehors de lui »: l’Etat ne crée pas ou ne concède
pas le droit : le droit est un fait social qui s’impose à l’Etat: « il le reconnaît et prend sa
défense »57. On parle parfois de droit objectif.
53 Duguit Tr. de dr. Constit. T.1 3°ed
54 T1 LGDJ n° 124
55 B. Oppetit Op. cit. n° 47
56 traité de sciences politique T. II Le pouvoir politique n° 145
57 Michoud la théorie de la personnalité morale LGDJ 1924 p° 108
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Le droit positif traduirait alors le droit objectif.
(c) Le droit phénomène social
Le Droit hisse au grand jour de la vie juridique tel intérêt parce qu’il apparaît à tous ou au
plus grand nombre légitime. ceci explique les droits évoluent avec l’état de conscience de la
société. Cette idée est défendu par ceux qui considèrent que le droit est « avant tout un
phénomène social » ce qui conduit Levy bruhl à définir le droit de la façon suivante : « le
droit est l’ensemble des règles obligatoires déterminant les rapports sociaux imposés à tout
moment par le groupe auquel on appartient » (H. levy-Bruhl Sociologie du droit P ; 21, que
sais-je ? PUF1971) A comparer avec le Littré «le droit est l'ensemble des règles qui régissent
la conduite de l'homme en société, les rapports sociaux».
La différence c’est le mot groupe/ Ce qui émerge c’est l’idée que c’est du groupe dont
émanent les règles de droit.
-
Du groupe et non de l’Etat( positivisme classique et contemporain)
-
du groupe et non de l’homme (la nature humaine) jus naturalisme.
. Alors que le positivisme juridique classique faisait de l’Etat le seul auteur de la norme. La
norme est ici imposée du bas par le groupe social et l’état ne fait que la traduire. Le groupe
social impose ainsi à ses membres une régulation des rapports sociaux.
Ce qui est intéressant c’est que de ce fait dans le société s dites primitives l’état étant
considéré comme inexistant il y a néanmoins des règles que l’on peut étudier. Les sociétés
primitives ont bine un droit que les observations ethnographiques peuvent faire apparaître
comme très complexe.
La règle émerge des groupes sociaux qui se donnent ainsi des règles de fonctionnement et
comme les groupes sont différents de par leur histoire il est alors parfaitement Normal d’une
part que les règles diffèrent selon les latitudes et d’autre part que les nécessités du groupe
changent dans le temps et les lois évoluent.
Ces règles sont donc des faits sociaux qu’il faut donc étudier. L’Etat n’est pas créateur du
droit :il le constate et traduit cette réalité qui soude une collectivité. Comme l’écrit un auteur
« le législateur n’a pas crée la règle : tu ne tueras point. Il s’est borné à la lire dans la structure
humaine. le législateur est un lecteur pour autrui.. »(Aurel David cité par le professeur Timsit
dans son cours d’histoire de la pensée juridque)
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Ainsi un juriste privatiste, Léon Michoud, dit que le droit ne fait que reconnaître la réalité et
la traduire en règles positives58 : Le droit ne fait que seconder, développer rendre, en terme s
juridiques, ce qui existe dans la conception pratique sociale(…) ; il ne fait qu’accueillir une
idée déjà élaborée dans la vie sociale »59. Il s’incline devant un fait sociologique.
Le professeur J-L.Aubert60 reconnaît dans la règle l'expression de la volonté d'un groupe
social, volonté qui ne naît pas du hasard ou d'une révélation divine mais qui exprime une
conception cohérente de l'organisation sociale, volonté qui n'est pas unanime mais qui est
conflictuel, volonté forcément fluctuante puisque le corps social se transforme constamment.
En ce sens la règle est bien l'expression d'un rapport de force exprimant des intérêts opposés
quoique parfois légitimes également. Cette conception est sociologique teintée de positivisme.
C’est ce que, un auteur contemporain, le professeur Calais Auloy fait tout aussi bien
lorsqu’elle prétend que « Le droit est un ensemble de règle dont le caractère indiscutable doit
être éprouvé et découvert, doit s’imposer ou être démontré avec la force de l’évidence,
l’évidence non de la vérité mais de la nécessité (…) seule compte la valeur de la règle, son
évidente nécessité »61 : elle donne une référence méta-juridique : la nécessité. Certes elle
refuse la référence au vrai, ce qui est la conception du droit naturel. Mais elle ne peut accepter
la position positiviste pure qui est celle de Kelsen.
.
(d) Droit objectif et droit positif
En principe droit objectif et droit positif se confondent. Les partisans du positivisme
sociologique (très fort en France chez les privatistes) n’ont pas les mêmes difficultés pour
distinguer Droit positif et droit objectif, dans la mesure où ils admettent fort bien qu’il y un
droit positif en même temps qu’ils considèrent que l’on ne peut pas mettre sur le même pied
les situations juridiques des personnes ( complexe de droits et d’obligations, de libertés et de
pouvoirs) et les lois de l’Etat.
58 L. Michoud, La théorie de la personnalité morale LGDJ 1924 Ce que le Droit protége ce n’est pas l’acte de volonté
c’est son contenu : on n e peut vouloir sans vouloir quelque chose « c’est ce quelque chose qui est l’objet de l a
protection » n°47 « parce que ce quelque chose est conforme à l’idéal que le législateur s’est formé de l’ordre et de la
justice »
59 Michoud Op. Cit . T.1 n° 74B p. 184
60J-L.Aubert Introduction au droit Armand Colin 1992 n°35 à 38
61 M-T. Calais-Auloy le droit à l’occidentale D.1989.VIII.55
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Dès lors Il existerait un droit avant le droit positif , le droit objectif qu’asymptotiquement le
droit positif chercherait à rejoindre , ce droit immergé dans la conscience sociale, dans les
faits sociaux, , qui est « le nécessaire », intimement ressenti comme tel, par la lumière de la
raison. C’est très probablement la position d’Hauriou quoique très nuancée.
Les individus ont intuitivement conscience de la nécessité
d’une sanction socialement
organisée contre « l e manquement à l a loi de la solidarité sociale ».
En un mot le droit objectif s’inscrit dans la conscience des hommes et le droit positif en est la
traduction forcément imparfaite. La norme positive ne vaudrait que dans la mesure « où elles
consacrent la norme objective » écrit Burdeau résumant la pensée de DUGUIT.
(3) Le positivisme normatif Kelsenien62 : la règle fonde le
droit
Pour Hans Kelsen la règle de droit est sans référence à une valeur méta-juridique (Dieu, la
nature humaine ( sous entendu la raison dans l’école du droit naturel)).
(a) Un reversement de perspective :
la norme n’est pas juste ou injuste elle est valide ou pas.
Pour Kelsen le bien ne doit être défini que comme ce qui doit être, ce qui est conforme à
une norme : ce qui est conforme au droit est bien : voilà le renversement de perspective
et non ce qui est conforme au bien est droit.
Il peut donc exister un droit moralement mauvais : une norme juridique peut être considérée
comme valable même si elle contrevient à l’ordre moral. 93 « le point capital » c’est qu’il
n’existe pas une seule morale mais « d e nombreux systèmes moraux »93 et il est possible
qu’un ordre juridique corresponde a à l’ordre moral d’un groupe d’individu dominant
Dire que le droit doit être morale « présuppose une morale absolue, c’est à dire valable en tout
temps et partout »92
« la théorie pure du droit rejette la thèse que le droit est par essence morale »93
« La théorie pure du droit a un caractère anti-idéologique tout à fait prononcé. Elle affirme
cette tendance qui est la sienne dans ce fait que lorsqu’elle décrit le droit positif elle le tient à
l’abri de toute confusion avec un droit « idéal » ou « juste ». Elle veut décrire le droit tel qu’il
est et non tel qu’il devrait être ; elle entreprend de connaître le droit réel et le droit possible et
62 Hans Kelsen( 1881-1973) né à Prague, doctorat 1906 ; professeur de droit public à Vienne, inventeur d’une école
doctrinal, juif, il fuit l’Europe et s’installe aux USA. Cf. théorie pure du droit, traduction Eisenmann Dalloz ; théorie
générale des normes , PUF
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non le droit « idéal » ou « juste ». Elle est en ce sens une théorie du droit radicalement
réaliste, c’est à dire une théorie du positivisme juridique » 63
(b) La norme n’est pas fondée en raison :

Kelsen répond implicitement et de manière parfaitement
pertinente à la position adoptée parles partisans du positivisme
sociologique : L’idée d’une norme immédiatement évidente
présuppose une raison pratique, « une raison qui pose des
normes »: « ce concept est indéfendable parce que la raison a
pour objet la connaissance et non le vouloir ; or la création de
normes est un acte de volonté » HK p. 258
Kelsen écrit dans « théorie pure du droit »( Dalloz 1962) P. 261 « une norme juridique n’est
pas valable parce qu’elle a un certain contenu, c’est à dire parce que son contenu peut être
déduit par voie de raisonnement logique d’une norme fondamentale supposée, elle est valable
parce qu’elle est crée d’une certaine façon(..) d’une façon qui est déterminée par une norme
fondamentale, norme supposée » : « il suit de là que n’importe quel contenu peut être droit »
la norme peut alors être arbitraire.

Il s’ensuit qu’il ne peut exister de normes immédiatement
évidentes »64 ou même à terme après analyse, ajoutons-nous,
mais il s’ensuit aussi que n’importe quelle norme, même la plus
atroce pour l’homme, peut être posée et valablement entrer dans
l’ordre juridique.
(c) La norme juridique et la norme naturelle
La loi juridique diffère totalement d’une loi naturelle. Kelsen
compare la vérité scientifique avec la validité d’une norme pour
opposer les deux. Une règle juridique n’est pas vraie ou fausse à
l’inverse d’une règle scientifique.
Principe de causalité et principe d’imputation
La loi naturelle est soumise au principe de causalité qui permet de dire qu’une chose est vrai
ou fausse.
La loi sociale répond au principe d’imputation qui ne permet que de dire que une chose est
valable ou pas.
63 H. Kelsen la théorie pure du droit Dalloz p 148
64 H. KELSEN : THEORIE PURE DU DROIT.Dalloz
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« les normes, elles, ne sont ni vraies ni fausses ; elles sont seulement valables ou nonvalables »27
Le point est essentiel.
Dans les sciences physiques ou biologiques la relation entre un fait et sa conséquence est
causale : si A est alors B est : principe de causalité
Exemple : une loi naturelle pose que si un fer est chauffé il se dilatera : cette proposition est
vraie toujours vrai dans le temps,correspondant à une vérité naturelle, juste
La loi juridique ne peut se situer sur ce plan Une norme juridique n’a pas à être vraie : il lui
suffit d’être valable.
: La norme juridique dit : si A est Alors B doit être : principe d’imputation
Une norme n’est valide que si un acte l’a posée et si un autre acte ne l’a pas abrogée. Une
norme est valide si elle existe.
On ne peut pas dire que si une norme est posée, un homme s’y conformera. Mieux elle pose
comme principe que probablement certain ne s’y conformeront pas d’où la nécessité d’une
sanction.
(d) Vérité ou Validité de l a norme
La question de la vérité de la norme ne se pose pas au positiviste. Seule compte la question
de sa validité.
Deux aspects à la validité d’une norme.
 Le mode de production de la norme fonde sa validité, on l’a vu.
On pourrait dire que la légitimité de la règle, qui justifie que Socrate boive la ciguë, tient dans
la légitimité de l'autorité qui l'émet, laquelle est fondée sur un principe de légalité. En refusant
de boire la ciguë Socrate détruit l’ordre de la cité.
On retrouve la même chose en matière de cannibalisme : le guerrier vaincu doit être, selon un
rituel, mangé, et s’il se soustrait à la règle il perd la face et sera rejeté de son propre camp.
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L’idéal du cannibale est de manger d’absorber son ennemi ou, vaincu, de trouver une
rédemption dans le fait d’être absorbé par son vainqueur.
Pour les positivistes la loi doit être respectée dès lors qu’une autorité légitime ( mais la force a
sa légitimité !) l’émet et il importe peu que la loi soit bonne ou mauvaise car la loi est
contingente. Le positiviste ne s’intéresse pas au contenu des normes, c’est leur efficacité et les
conditions de leur édiction qui l’intéresse. : il se contente de les décrire : bonne ou mauvaise
ce n’est pas son affaire car elle est bonne à un moment et mauvaise à un autre et selon les
points de vues des uns et des autres.
 Mais aussi le fait qu’elle est respectée par le plus grand nombre : son efficacité
La norme est valide pendant un temps déterminé et elle peut perdre sa validité. Qu’est-ce qui
fait qu’elle est valide : le fait qu’elle soit efficace. Mais qu’est ce qui fait qu’elle est efficace ?
Certains juristes répondent : du fait qu’elle permettre de résoudre les problèmes de la vie
sociale mais c’est une conception qui derechef s’intéresse aux contenus des normes et qui a
des relents de naturalisme : des normes seraient bonnes ou mauvaise selon qu’elle sont aptes
à résoudre les problèmes compte tenu de leur nature : on revient à la nature des choses .
Or La norme ne dépend pas de la nature des choses. Dire que les normes juridiques sont
extraites « de la nature des choses est typique de la pensée jusnaturaliste » écrit Kelsen p. 159
: Le positiviste dit ceci : il suffit pour qu’elle soit valide que le plus grand nombre des
membres de la collectivité respecte cette norme. « la norme tire sa validité de ce qu’elle doit
être observée » écrit Kelsen65).
C'est-à-dire : Si les hommes devant prendre leurs décisions implicitement ou explicitement les
prennent en compte.
Importance du plus grand nombre ( aspect commun avec la monnaie : qu’est ce qui fonde la
valeur de l a monnaie : le fait qu’on y croit , la confiance du plus grand nombre.)
65
H. Kelsen théorie générale des normes puf p. 229
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Peu importe que certains ne les respectent pas. Au fond une norme se définit par le fait qu’elle
ne sera pas observé dans certains cas : c’est d’ailleurs la raison pour laquelle la norme
juridique est toujours accompagnée d’ne sanction faute de quoi ce n’est pas une norme.
Explicitement l’ordre juridique admet que la norme ne sera pas respectée. Pour qu’une norme
juridique soit valable il n’est pas nécessaire qu’elle soit efficace pleinement, en ce sens que le
droit implique tout au contraire que la loi ne sera pas respectée puisqu’il prévoit une sanction
pour stigmatiser cette conduite.
Et même cela est nécessaire :
« il faut toujours qu’il puisse se faire que (la norme ) soit inefficaces, c’est à dire qu’elle ne
soit pas appliquée non suivie dans certains cas. C’est précisément en ce point qu’apparaît la
différence entre loi juridique et loi naturelle .
Si le savant constate qu’un fait qui est en contradiction avec ce que l’on considérait comme un
e loi naturelle , cette loi naturelle doit être abandonnée par la science comme fausse et
remplacée par une autre loi qui accorde avec le fait nouveau découvert.
« Au contraire une conduite contraire aux normes juridique pourvu que sa fréquence n’excède
pas une certaine mesure, n’amène pas la science du droit à considérer la norme juridique
violée par cette conduite comme non valable et par suite à remplacer la proposition de droit
décrivant le droit par une autre »120.
(e) Qu’est-ce qu’un comportement juste ?
En revanche elle fonde le juste en ce sens qu’elle est la référence à l’aune de laquelle on
mesure la justesse des comportements humains.
Dès lors un comportement est juste s’il est conforme à l’un des comportements prescrit
par la norme » p. 235 : c’est bien la règle qui fonde le juste ou le droit.
Refuser de respecter la norme est lié à un jugement de valeur qui rejette la norme. Or il n’y a
de valeur objective que celle qui est posée par la norme. Seule une norme pose une valeur. La
validité d’une norme est invérifiable. La notion de justice n’est qu’une notion morale c’est à
dire une notion « métajuridique » p.158.
Elle s’exprime de la façon suivante : si un comportement contraire à la norme est adoptée
alors une sanction doit être exercée : K parle de rapport d’imputation.
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Il suffit qu’un acte pose une norme qui fixe un devoir-être pour que la norme soit valide, à la
condition cependant que dans les faits cette norme ait été élaboré conformément à d’autres
normes qu’on pourrait appelé secondaire et qu’elle recueille l’obéissance des hommes.
L’efficacité de l’acte est la condition de la validité de la norme.
(f) Dénonciation d’une confusion : refus d’opposer le
droit objectif ou positif et les actes juridiques
Cette conception du droit comme norme remet en cause une conception classique qui oppose
le droit objectif composé de règles légales abstraites aptes à modifier l’ordre juridique,
entrant dans ce qu’on appelle la théorie de la loi, et les actes juridiques qui permettent aux
individus d’acquérir des droits et de contracter des obligations, opposant ainsi au Droit ( le
droit objectif) les droits ( les droits subjectifs).
(i) Tout d’abord négation de l’existence de
droits subjectifs
(ii) Ensuite négation de l’opposition entre acte
juridique qui met en ouvre les droits subjectifs
et loi
Or pour Hans Kelsen et à sa suite, un grand publiciste, Charles Eisenmann, qui a introduit la
pensée de Kelsen en France, cette opposition est comme ce dernier l’exprime« tout à fait
boiteuse »( p. 212). En effet ces notions ne sont pas sur le même plan : l’acte juridique est un
moyen pour créer une norme alors que la règle est une norme .
l’acte juridique est un procédé de création de l’ordre juridique alors que la règle est un
élément de l’ordre juridique. « l’acte juridique est forme ou action tandis que la règle est
fond, produit de l’action »p.213. ainsi pour cette école à la base de toute règle , de droit public
comme de droit privé , se trouve un acte juridique dont l’objet est la création d’une norme :
elle peut être générale ou particulière.
(iii)Le droit science sociale
p. 118 La psychologie, l’ethnologie, l’histoire, la sociologie sont des sciences qui ont pour
objet ce comportement des êtres humains en tant qu’il est déterminé par les lois causales, c’est
à dire en tant qu’il se déroule dans le domaine de la nature, de la réalité naturelle » et du coup
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il n’y a pas d différente entre ces sciences sociales ( qui portent sur le comportement humain,
et les science de la nature comme la biologie ou la physique. « seules diffèrent des sciences
de la nature les sciences sociales qui interprètent la conduite réciproque des hommes non
d’après le principe de causalité mais d’après le principe d’imputation.
Ces sciences ne se préoccupent pas de décrire la façon dont la conduite humaine déterminées
par des lois causales se déroulent dans la réalité naturelle « mais de décrire comment,
déterminée par des normes positives, c’est à dire posées par des actes humains, elle doit se
dérouler » 118
Sont de telles sciences l’éthique, c’est à dire la science de la morale, et la jurisprudence, la
science du droit. On peut les qualifier de sciences normatives, mais en entendant par cette
épithète, non pas qu’elles posent des normes pour la conduite humaine mais – ce qui est tout
autre chose- qu’elles décrivent certaines normes posées par des actes humains, et les relations
entre être humains fondées par ces normes » 119
III.
L’ordre juridique statique et dynamique
On a vu plus haut que l’ordre juridique pouvait s’identifiait au droit objectif qui limitaient
droit s subjectifs. Aux règles légales on oppose les actes juridiques et les faits juridiques qui
crée des obligations pour les particuliers. Le juge dans cette conception n’est que la bouche du
droit (Montesquieu): il interprète les lois, il interprète els contrats en gardant la neutralité
nécessaire, sans prendre partie.
Cette opposition entre le Droit et les droits, la loi et le contrat est classique :
Les juristes classiques soucieux de liberté individuelle se sont méfiés toujours de l’Etat
Minotaure qui, fasciné par son pouvoir, en vient à dévorer les individus et les réduire à l’état
d’esclaves.
Mais d’un autre coté ils étaient conscient qu’une collectivité ne pouvait se perpétuer sans un
minimum de discipline consenti : il y avait un besoin de Droit.
Si les prérogatives individuelles viennent à envahir tout le champ du droit, le lien social se
délite : il faut un minimum de discipline commune et consenti. Opposer Droit et droits permet
d’envisager une double limitation des droits par le Droit et du Droit par les droits.
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A cette conception on peut en opposer une autre.
On peut donner à l’ordre juridique une conception plus large, qui rassemble plutôt qu’elle
n’oppose le droit objectif et les droits, en partant de l’idée de normes juridiques. Un ordre
juridique est un système de normes de conduite de personnes humaines dans une collectivité
soumis à cet ordre.
Acteur public et acteurs privées, tous indistinctement créent des règles normatives, appelées
normes. Pourquoi ce changement de vocabulaire ? parce que le mot règle est dans le langage
classique assimilable aux lois et règlements de l’Etat. Or si les lois et règlements de l’autorité
étatique sont bien des normes de comportement, le contenu des contrats, des décisions
judicaires sont aussi des normes de comportement : Il faut entendre par norme « toute
disposition portant règlement de la conduite des sujets humains » 66.
Dans cette conception qui est la notre les actes juridiques ne s’opposent pas aux règles de
Droit. L’acte juridique est une manifestation de volonté qui permet de modifier l’ordre
juridique : ainsi la loi comme le contrat sont des actes juridiques qui introduisent dans leur
contenu de nouvelles normes qui modifient l’ordre juridique :
Restent qu’il y a un lien de subordination entre les normes, une hiérarchie, qui fonde l’Etat de
droit.
Voilà ce qu’écrit M. Tropper « On doit en effet distinguer avec KELSEN deux types de
relations de subordination entre normes : une relation statique et une relation dynamique.
Dans le premier cas, la norme supérieure prescrit un certain contenu à la norme inférieure,
dans le second, elle se borne à habiliter une autorité à poser une norme inférieure, mais sans
lui prescrire de donner à cette norme un certain contenu. Ce contenu pourra être déterminé
librement par l'autorité subordonnée ».
A. L’ordre juridique : système hiérarchisé de normes
1. La norme : définition et caractère
Il faut entendre par norme « toute disposition portant règlement de la conduite des sujets
humains » 67. Selon Kelsen « Le mot norme exprime l’idée que quelque chose doit être ou se
produire, en particulier qu’un homme doit se conduire d’une certaine façon »68.
66 Ch. EISENMANN op. cit. P. 681
67 Ch. EISENMANN op. cit. P. 681
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a) Le rôle de la sanction
Ihéring (-1818-1892- juriste allemand du XIX° siècle, père du positivisme juridique écrit
qu’une règle de droit sans contrainte « c’est un feu qui ne brûle pas, un flambeau qui n’éclaire
pas »69
Bobbio résume la critique apportée par le positivisme juridique à la loi naturelle : ce qui
manque à la loi naturelle c’est précisément ce qui constitue l’élément caractéristique du droit ,
c'est-à-dire l’efficacité. « Le droit naturel est un droit désarmé »70.
Selon Hans Kelsen Le droit vise à provoquer une certaine conduite en sanctionnant celui qui
s’y refuse. « Le droit est essentiellement un ordre de contrainte. Il prescrit un certain
comportement en attachant au comportement opposé à celui qui est obligatoire un acte de
contrainte comme conséquence » 71. Le droit est alors un système de normes contraignantes.
Le droit pose un devoir être auquel on confronte l’être, c’est à dire la conduite humaine
attendue par rapport à la conduite réelle. Ces normes posent un devoir-être qui
implicitement conduit à envisager que le comportement réel de l’homme, l’être, puisse être
différent de la norme, être non conforme et conduira à la sanction de ce comportement
On dit parfois que la règle prescrit une conduite à l’homme pour son bien ou le bien de la
collectivité. Non : Le droit ne prescrit pas une conduite. il prescrit une sanction si la
conduite posée comme norme n’est pas suivie. La norme intègre l’hypothèse de sa propre
violation
iL ne dit qu’il faut suivre cette conduite. Il dit que si on ne la suit pas le comportement réel
générera une sanction
conclusion
Selon Kelsen« L’ordre juridique institue une obligation à une certaine conduite, prescrit une
certaine conduite - qui est celle d’un être humain- lorsqu’il fait du contraire de cette conduite
la condition d’une sanction » 238
: Une conduite ne peut être dite prescrite que si la conduite contraire est l’administration
d’une sanction.
68H. Kelsen p. 6 Théorie pure du droit Le droit peut être appréhender ( après Hans Kelsen et l’Ecole de Vienne) comme
un système de normes : Les normes sont « les dispositions sur la conduite des hommes, sur leurs actions ou leurs
abstentions » selon Eisenmann.
Le mot norme « englobe la totalité des éléments qui réglemente la conduite des membres d’un groupe, pris soit
collectivement, soit individuellement ». En latin norma veut d’ailleurs dire équerre et, au sens figuré, règle, ce qui
s’impose issu d’un commandement, d’une volonté.
69 Cité par Jean Luc Aubert, introduction au droit p. 28
70 Noberto Bobbio quelques arguments contre l droit naturel Annales de philosophie politique Puf 1959 cité par B.
Oppetit philosophie du droit P49
71 Hans Kelsen , théorie générale des normes PUF p. 28
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b) Dualité de la norme :
(1) Normes coercitives et permissives
Weber écrit qu’il existe un ordre juridique lorsque dans un groupe déterminé se forme un
appareil coercitif. ( bobbio p. 222) c’est trop mettre l’accent sur la norme qui interdit.
La norme impose et prescrit une conduite sous peine de sanction mais elle permet parfois et
habilite souvent c'est-à-dire dote d’autres personne de pouvoir normatif. Elle n’est pas
qu’unterdiction.
Le droit est un système de normes « tout ce qui est , tout ce qui porte réglementation de la
conduite des sujets, c’est à dire toute disposition qui prescrit à des sujets, à des êtres humains
une certaine conduite – on dira en droit qui leur impose une obligation , obligation
d’abstention- ou qui leur permet une certaine conduite(..) qui leur accorde un droit, une
faculté, un pouvoir, une liberté »72.
La norme prescrit un comportement (elle interdit, elle ordonne) mais elle peut
permettre aussi , elle habilite quelqu’un à agir. L’ordre juridique ne fait donc pas que
commander, il peut permettre soit explicitement soit implicitement.
Eisenmann précise que la norme prescrit ou autorise des hommes à se conduire d’une
telle façon : dans le premier cas, elle statue un devoir ( obligation, impératif) dans le second
cas elle statue un droit, un pouvoir, une liberté, une autorisation, une permission ( Eisenmann
p. 681)
En matière de tabac vous l’avez vu : interdiction de fumer ici mais droit là. « L’ordre
juridique règle la conduite humaine non pas seulement de manière positive en proscrivant une
certaine conduite, c’est à dire ne obligeant à cette conduite, mais également de façon négative,
en permettant une certaine conduite par le fait de ne pas la défendre.
le droit peut être apparemment muet : rien ne dit ce que je dois faire quand je marche ou
socialement en matière d’invitation d’un ami ou de comportement amoureux. De là certains
concluent que marcher , l’invitation ou l’amour sont en dehors de l’ordre juridique.
72 Ch. Eisenmann Cours de doctorat 1956 1957 p.348 A la notion d’effets de droit « sans consistance » est substituée la
notion de norme « parfaitement claire et précise »353
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J’en doute . l’absence de norme implique une norme plus générale qu’on peut acter: « Ce qui
n’est pas juridiquement défendu est juridiquement permis »326
Dès lors rien n’échappe au droit . A l’origine de tout comportement se trouve une norme .
(2) Normes générales et particulières
La norme peut être individuelle ou collective.
l’ordre juridique se compose « de normes générales et de normes individuelles »73. la
norme peut régler la conduite d’un homme à l ‘égard d’un autre homme ( c’est une norme
individuelle) ou à l’égard de la collectivité (c’est une norme collective) 7445
non plus les droits subjectifs que l’on assimiles aux actes juridiques et aux faits juridiques ici
et les règles objectives là mais les normes générales d’un coté , les normes particulières de
l’autre.
(a) Normes générales
« Les normes générales que nous appelons les règles de droit s’appliquent à la conduite d’un
groupe abstraitement défini de sujet » Eisenmann 681
(b) Normes particulières
Les normes particulières affectent seulement quelques individus comme celles fixées par un
contrat ou par un jugement. Les normes générales affectent une pluralité d’individus : ce sont
par exemple les lois et les décrets, les arrêtés municipaux.
Les normes individuelles prescrive ou permette un acte unique à un sujet unique , autre
extrême. cf Eisenmann . 682 Ce sont :
-
les contrats les testaments,
-
les décisions et arrêts des tribunaux,
-
les dispositions administrativement individuelles. cf Eisenmann . p. 682
2. Le principe de hiérarchie des normes
a) Un ordre de norme non juxtaposés mais hiérarchisés
« L'existence d'une hiérarchie des normes constitue l'une des plus importantes garanties de
l'Etat de droit. Dans ce cadre, les compétences des différents organes de l'Etat sont
73 Ch. Eisenmann 350.
74 Kelsen théorie pure du droit 45
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précisément définies et les normes qu'ils édictent ne sont valables qu'à condition de respecter
l'ensemble des normes de droit supérieures. Au sommet de cet ensemble pyramidal figure
la Constitution, suivie des engagements internationaux, de la loi, puis des règlements. A
la base de la pyramide figurent les décisions administratives ou les conventions entre
personnes de droit privé. » 75
Cette idée est tirée directement de Kelsen.
(1) Ordre statique, ordre dynamique
Classiquement on dit qu’un ordre juridique est composé de normes contraignantes
juxtaposées.
Or Kelsen renverse la proposition habituelle en disant que « sont des normes juridiques s
celles qui appartiennent à un ordre juridique » ( cf Bobbio p. 212) et ces normes sont
hiérarchisées.
Cet ordre est hiérarchisé en ce sens que les normes sont reliées entre elles , structurés, de
manière descendante : pourquoi le législateur peut il voter les loi : parce qu’il est habilité par
la constitution ? Pourquoi les contractants peuvent –ils le faire ? Parce que le code civil les a
habilités. Pourquoi le juge etc…
« Un ordre juridique n’est pas composé d’un complexe de normes juxtaposées mais d’une
« pyramide » de normes, « une hiérarchie de normes qui sont superposées les unes aux autres,
supérieures et inférieures »76.
Ainsi « le droit est non collection de normes, mais un ensemble coordonné de normes, qu’une
norme ne se trouve jamais seule, mais liée à d’autres normes avec lesquelles elles forment un
système normatif »77 de telle sorte que chaque norme trouve l le fondement de sa validité
dans une norme supérieure78, ce qui conduit à une pyramide de normes.
(2) Nécessité qu’une norme appartienne à un ordre social
pour être norme juridique
75 La documentation Française. http://www.vie-publique.fr/decouverte_instit/approfondissements/approf_003.htm
76 H. Kelsen, théorie pure du droit p.266
77 H. KELSEN : théorie pure du droit .Dalloz p. 257
78 M. Troper théorie générale du droit p. 168, citant Kelsen
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On notera que s’il apparaît aujourd’hui essentiel d’insérer une norme dans un système
pyramidale où toute norme découle d’une norme qui lui est immédiatement supérieure c’est
que la définition de la norme ne suffit à la caractériser comme une norme juridique, qui doit
être obéie comme telle, c’est à dire que le critère de la sanction comprise comme un acte de
contrainte, ne suffit pas à distinguer la norme juridique d’autres normes comme le souligne
Michel Troper. ( pour une théorie juridique de l’Etat LGDG 1994 p. 163 );
En un mot si l’on dit que la règle de droit ne peut être que contraignante, que c’est un
commandement assorti d’une sanction, alors qu’est ce qui distingue la norme posée par le
voleur exprimé par le commandement « si tu ne me donnes pas ta montre, je te tue » de la
norme juridique « si tu me tues , tu vas en prison » ?
Dans les deux cas, les deux propositions ont la forme hypothétique : si A alors B doit être,
forme hypothétique qui caractérise la norme juridique79 -qui pose un devoir être – et la
distingue radicalement de la norme naturelle ( si A est alors B est : si tu chauffes le fer alors il
se dilate) selon Kelsen lui-même. Dans les deux cas la condition de la violation de la norme
posée est une sanction.
En conséquence seule l’appartenance à un ordre juridique hiérarchisé qui s’identifie avec
l’Etat peut rendre une norme valable, efficace, suivi par les hommes, l’Etat ayant les moyens
de la contrainte. Un commandement particulier isolé n’a aucune valeur de norme s’il ne
s’inscrit pas dans cette pyramide.
Bobbio écrit : « pourquoi n’attribuons nous pas un sens objectif de norme juridique à l’ordre
d’un bandit accompagné de menace de meurtre ? Kelsen répond que « s’il ne s’agit que de
l’acte isolé d’un individu isolé il ne saurait être considéré comme un acte de droit , comme
ayant un sens de norme, déjà pour la raison que le droit n’est pas une norme unique, mais un
système de normes , un ordre social , et qu’une norme particulière ne peut être considérée
comme une norme juridique qu’autant qu’elle appartient à un tel ordre » bobbio p. 217
b) Cet ordre est un système qui règle sa propre production normative
Légitimité de la norme juridique : légalité de sa production
La norme titre sa validité de son appartenance à un ordre normatif qui fixe les règles de sa
propre production normative :
79 Jean Luc Aubert introduction au droit Armand colin p. 29
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C’est la différence entre un ordre statique où les normes sont liées par leur contenu et un
système dynamique où les normes sont liées par les modalités de leur production. : les normes
se produisent les unes les autres « par un rapport de délégation d’un pouvoir supérieur à un
pouvoir inférieur »bobbio p. 228 : bref c’est un ordre qui règle sa propre création normative (
bobbio p. 251)
Chacune tire sa validité d’une norme supérieure.
comme le relève le professeur N. Bobbio ( p. 43) , « ce qui transforme une norme de conduite
en norme juridique n’est pas le fait qu’elle est tel contenu plutôt que tel autre, mais la
manière dont elle a été produite ou dont elle est exécutée ». Sa légitimité tient à la légalité de
son mode de production, sa conformité à une norme plus haute , norme que l’on pourrait
appeler secondaire, en bref son insertion dans un ordre juridique.
3. La notion d’Etat de droit
« L'existence d'une hiérarchie des normes constitue l'une des plus importantes garanties de
l'Etat de droit. » 80
« Cet ordonnancement juridique s'impose à l'ensemble des personnes juridiques. L'Etat, pas
plus qu'un particulier, ne peut ainsi méconnaître le principe de légalité : toute norme,
toute décision qui ne respecteraient pas un principe supérieur seraient en effet susceptible
d'encourir une sanction juridique. L'Etat, qui a compétence pour édicter le droit, se trouve
ainsi lui-même soumis aux règles juridiques, dont la fonction de régulation est ainsi affirmée
et légitimée. Un tel modèle suppose donc la reconnaissance d'une égalité des différents sujets
de droit soumis aux normes en vigueur »81.
«Dans ce cadre, les compétences des différents organes de l'Etat sont précisément définies et
les normes qu'ils édictent ne sont valables qu'à condition de respecter l'ensemble des normes
de droit supérieures. Au sommet de cet ensemble pyramidal figure la Constitution, suivie
des engagements internationaux, de la loi, puis des règlements. A la base de la pyramide
figurent les décisions administratives ou les conventions entre personnes de droit privé. » 82
en effet dans la mesure où une norme est crée par une personne qui n’est pas habilité à le faire
, elle est invalide et l’on n’a pas à la respecter. Ainsi Vichy : plus de constitution et pas c’est
80 La documentation Française. http://www.vie-publique.fr/decouverte_instit/approfondissements/approf_003.htm
81la documentation françaisehttp://www.vie-publique.fr/decouverte_instit/approfondissements/approf_003.htm
82 La documentation Française. http://www.vie-publique.fr/decouverte_instit/approfondissements/approf_003.htm
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immoral injuste. Radicalement tous les actes de vichy étaient sans fondement légaux quand le
maréchal Pétain a abrogé la constitution.
B. Les actes juridiques modifient l’ordonnancement juridique
Les actes juridiques sont la source des normes juridiques.
A l’origine des normes de comportement (normes générales ou individuelles) se trouvent des
actes juridiques.
- L’acte est procédure et contenu
« Un acte juridique est un acte qui édicte des normes juridiques »83 l’acte juridique est une
procédure de création de la norme juridique mais il est aussi le contenu de l’acte, la norme. il
faut donc distinguer entre « l’acte juridique-opération d’édiction de normes et l’acte juridique
-ensemble de normes » 84
Ceci est essentielle : la loi est une opération qui permet de créer une norme. De même un
contrat. Le président édicte la loi ou j’ai passé un contrat, renvoie à la procédure opératoire
de création de la norme. Mais quelle est le contenu : ce sont els articles qui figure dans la loi,
les clauses qui figurent dans le contrat. « les actes juridiques sont des opérations prévues par
l’ordre juridique à titre de moyens ( ou procédés) permettant à des sujets de déterminer ses
éléments constitutifs, les normes juridiques »85.
- A quoi sert un acte juridique ? : à modifier l’ordre juridque.
; L’auteur insiste sur le fait que l’acte juridique est un mécanisme opératoire destiné à
produire de la norme ou à la modifier, ce faisant modifiant l’ordre juridique.
Définition issue du dictionnaire juridique Capitant, très proche: « opération juridique
(negotium) consistant en une manifestation de la volonté ( publique ou privée, unilatérale,
plurilatérale ou collective) ayant pour objet et pour effet de produire une conséquence
juridique( établissement d’une règle, modification d’une situation juridique, création d’un
droit etc..)
83 Ch Einsenmann Op cit 352
84 Ch. Eisenmann Cours de doctorat 1956 1957 p.355
85 Ch . Eisenmann cours de doctorat (p.351)
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- Qui est l’autorité créatrice de l’acte , l’auteur ?
Ces actes juridiques sont définis comme toute manifestation d’une ou plusieurs
volontés ayant pour but de produire un effet de droit 86.A l’origine d’une norme87 de
comportement, on trouvera toujours une source qui la fondera, c'est-à-dire un acte posé par
une ou plusieurs volontés humaines, qu’il s’agisse d’une directive européenne, d’une loi
constitutionnelle, d’une loi nationale ordinaire, ou d’un arrêté municipale, d’une décision de
justice ( cour de justice des communautés européennes ou simple tribunal d’instance ) , ou
d’un contrat.
Ils entrent dans l’ordre juridique soit unilatéralement c'est-à-dire qu’ils imposés à
autrui, autocratiquement
ou bilatéralement, démocratiquement, comme étant issus d’un
accord, consentis, ce qu’on appelle la loi des parties.
Annonce du Plan
Il y a en effet deux procédures possibles, « deux méthodes possibles de création des
normes : hétéronomie88 ou autonomie » de la volonté selon que « l’individu, que la norme
liera, participe ou ne participe pas à son élaboration »89. La norme peut régler la conduite
d’un homme à l ‘égard d’un autre homme (c’est une norme individuelle : par exemple la
norme posée par un contrat ou une décision de justice) ou à l’égard de la collectivité (c’est
une norme collective : par exemple une directive, une loi, éventuellement une décision justice
qui fait jurisprudence)90.
1. La loi au sens large comme norme générale : les Actes unilatéraux au
sens du droit public
86 La définition est du professeur Capitant reprise par Ch. Eisenmann. Cf J. Carbonnier pour qui un acte juridique est
« toute manifestation de volontés destinée à produire des effets de droits in droit civil T4 n°11 Puf ; M. Planiol les
définit comme « les actes accomplis uniquement pour réaliser un ou plusieurs effets de droit » n° 265 T1 Droit civil
87 En latin norma veut dire équerre et, au sens figuré, règle, ce qui s’impose issu d’un commandement, d’une volonté.
88 l’hétéronomie cf dictionnaire robert pour hétéronome: qui reçoit de l’extérieur les lois qui le gouvernent L'acte
unilatéral crée une norme pour autrui : il "règle les rapports entre les personnes autre que ses auteurs". C’est un acte
contraignant pour autrui qui entraîne la création d’obligation pour autrui sans leur consentement.
89 H. Kelsen, la théorie juridique de la convention ; Arch. de philosophie du droit et de sociologie juridique 1940 p. 63
90 Kelsen théorie pure du droit 45
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Origine du terme : Le mot loi vient du latin « lex » : « Lex est « ce qui se lit : lex est avec
« legere » dans le même rapport que rex avec regere : la lex est l’acte écrit qui détermine
quelque chose. Ainsi appelle t-on lex contractus les tablettes qui contiennent les conditions du
contrat »91.)
La norme englobe la règle de caractère général désignant « des dispositions qui s’adressent à
un groupe d’individus et qui établissent un règlement permanent durable de la conduite des
membres de ce groupe »92 211, essentiellement des lois
J’entends par lois tout acte unilatéral émanant d’une autorité de l’état qui s’imposent à autrui
et qui modifie les situations juridiques de personnes qui n’ont pas contribuer à l’élaboration
de la norme. Il peut s’agir de la loi votée par le parlement93, d’un décret d’un ministre, d’un
arrêté d’un maire ou d’une autorité administrative agissant par délégation d’un ministre.
a) La loi : Acte juridique collectif unilatéral posant une norme
générale
La loi « dispose ». C’est une norme collective qui s’impose aux membres d’une collectivité
nationale. Elle a le caractère d’un acte juridique unilatéral adopté par une assemblée, en
l’espèce l’assemblée nationale. L’acte est voté par plusieurs personnes à la majorité d’une
assemblée et promulgué par le président de la république. Il y a une pluralité de personnes qui
prennent part à la décision, une opposition et une majorité. Il pourrait être bilatéral. C’est
pourtant un acte unilatéral.
En effet « la raison décisive » de l’unilatéralité « ce n’est pas qu’il est l’œuvre d’une seule
personne », mais c’est qu’il « crée des obligations à quelqu’un, lui, qui n’a pas concouru à
l’acte »94.
La pluralité des volontés, l’existence d’une procédure permettant de faire apparaître un
consentement, n’est pas un obstacle au caractère unilatéral de l’acte. Incontestablement les
91 M. Planiol droit civil T1 Rousseau n° 13 note 1
92 Ch. Eisenmann cours de droit administratif L.G.D.J. p. 211
93 L’auteur de la norme générale est le législateur. En réalité c’est bien l’autorité chargée de la fonction exécutive qui
élaborent ces règles, qu’elle que soit le niveau hiérarchique de cet exécutif : premier ministre ou ministre ou à l’autre
bout , le maire. Le législateur intervient dans le processus de création de la norme mais il n’est pas le seul dans la mesure
où il a rarement l’initiative.
94 Ch. Eisenmann p. 688 ; Vedel et Delvolvé écrivent p.236 « l’acte juridique administratif est adopté en vertu de la
seule volonté de l’administration et s’impose à autrui sans son consentement : c’est à ce titre qu’il est unilatéral ».
Doctrine publiciste : l’acte unilatéral est la décision dont la valeur juridique est indépendante du consentement de ses
destinataires ( Duguis) in E. gaillard le pouvoir en droit privé 221
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députés se sont mis d’accord. Mais cela ne fait de cet acte un acte plurilatéral car ils ne
représentent qu’un seul camp, un seul intérêt.
L’acte est unilatéral dès lors qu’il s’impose à d’autres que ceux ou celui qui est à l’origine par
sa volonté de l’acte. C’est donc l’expression de la volonté d’un sujet qui contraint d’autres
personnes à adopter le comportement qu’il a voulu. Toute personne doté du droit de passer
des actes unilatéraux est ainsi doté d’un pouvoir sur autrui.
On notera que cette conception est propre au droit public. Cependant les privatistes en
subissent très largement l’influence. la loi est une variété d’acte juridique : un acte juridique
unilatéral collectif. La loi est un acte juridique collectif créateur d’une norme générale . Cet
acte s’impose à d’autres sans leur consentement;
b) Acte administratif unilatéral : norme générale ou particulière
Prérogative de la puissance publique : troisième fonction de l’Etat à coté de la fonction
législative et judiciaire. L’administration crée des normes et appliquent des normes.
Comme le dit Chapus « le pouvoir de prendre des décisions s’imposant par la seule volonté de
leur auteur et par conséquent indépendamment du consentement de ceux qu’elles concernent
est un pouvoir remarquable de l’administration » 553 cette prérogative emporte le droit d’agir
et d’imposer sa volonté ! cette prérogative est la première de la puissance publique. Là encore
la décision peut être prise par une seule autorité ou conjointement par plusieurs autorités ce
qui n’enlève rien au caractère unilatérale de l’acte. un acte peut être le fruit de l’accord de
plusieurs personnes distinctes sans cesser d’être unilatéral dans la mesure où il manifeste une
volonté « s’imposant aux administrés sans leur consentement( cf <KOUBI l’acte administratif
unilatéral conjoint)
2. Le contrat comme norme particulière : norme infra législative
La norme ensuite englobe des dispositions
individuelles qui concernent un individu
particulier, « de même essence que les règles générales », éléments de réglementation de la
conduite d’un individu, lui prescrivant de faire ceci ou de ne pas faire cela « dispositions que
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l’on trouve dans les contrats, dans les testaments et dans un grand nombre de ce qu’on
appelle les actes de droit privé »95.
a) Le contrat acte juridique plurilatéral et norme particulière
Un contrat est une variété d’acte juridique : un acte juridique bilatéral. On le définit
classiquement comme un accord de volontés créateur d’obligations conforme à l’ordre public.
« Le contrat se compose de déclarations de volontés concordantes de deux ou plusieurs
individus qui portent sur une certaine conduite de ces individus » p. 256 dalloz Kelsen/
On dit que le contrat est un acte juridique bilatéral parce que sa formation nécessite au moins
un accord entre deux volontés et qu’il est créateur
de normes destinées à régler les
comportements des parties à l’acte .
(1) Le contrat mode de production différent de la loi
La loi comme le contrat sont des actes juridiques en ce sens que par une opération ils
produisent de la norme. Le contrat est créateur de normes juridiques comme la loi.
Deux différences mais de taille :
-
la loi est un acte unilatéral qui s’impose à la volonté de ceux qui sont soumis aux
normes générées alors que le contrat est un acte qui suppose une rencontre de
volontés, un accord de ceux qui se soumettent aux normes qu’ils créent.
(a) Caractère démocratique du contrat, caractère
autocratique de la loi
L'acte plurilatéral a pour but de régler les rapports mutuels de ses auteurs, il est créateur
d'obligations et de droit mutuels. Il ne s’impose en principe pas au tiers : son effet obligatoire
par bonheur n’affectent que les parties. on parle du principe de l’effet relatif du contrat. .
cependant parfois du fait de l’effet de la loi il rayonne au delà du cercle des parties( c’est une
exception96.)
Le contrat s’oppose à la loi car les parties élaborent eux-mêmes la norme à laquelle ils vont se
soumettre. Par opposition à la loi qui s’impose à autrui, le contrat résulte d’un accord entre
des personnes.
95 Ch. Eisenmann, Op. cit. p. 211
96 Kelsen reconnaît cependant que la norme particulière peut parfois obliger des personnes qui ne l’ont pas élaborée :
principe d’autonomie mais l’ordre juridique peut parfois par exception faire rayonner le contrat hors du cercle
contractuel, des contrats étant à la charge ou en faveur des tiers.
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Par opposition à la loi qui s’impose à autrui, le contrat résulte d’un accord entre des
personnes. Alors que l’acte unilatéral a un caractère autocratique on peut dire que l’acte
plurilatéral a un caractère démocratique par opposition à la loi ( caractère autocratique)
(2) L’existence d’intérêts divergents
Certes la loi élaborée par plusieurs naît d’une rencontre de volontés mais les parlementaire
poursuivent un même intérêt.
En revanche les cocontractants
poursuivent des intérêts contradictoires ou divergents.
Reflétant des intérêts opposés, conciliation d’intérêts opposés l’acte est bien bilatéral.
En effet les intérêts sont divergents sinon opposés : ils doivent par une procédure de rencontre
des volontés s’accorder : le contrat est de l’ordre du compromis. Il est plurilatéral car des
intérêts opposés se rencontrent. Si les volontés poursuivent des buts différents cela vise
essentiellement les actes dits (par simplification) bilatéraux tel le contrat, archétype des actes
juridiques, puisque que tout contrat en principe ne naît qu’à la condition qu’au moins deux
volontés se rencontrent et s’accordent.
La bilatéralité implique qu’il y a deux cotés ( latéral vient du latin latus lateris qui veut dire
coté) , deux parties, deux intérêts au moins, qui, opposée initialement, se rejoignent et
s’unissent dans un accord. Le contrat selon Demogue (les notions fondamentales du droit
privé paris A. Rousseau 1911) supposerait l'existence de
volontés opposées d'intérêts
divergents .
Les volontés qui se rencontrent sont au départ antagonistes comme reflétant des intérêts
divergents. Le contrat selon René Demogue97 () supposerait l'existence de volontés opposées
d'intérêts divergents(“ Ce qui caractérise l’acte bilatéral : convention ou contrat, c’est d’être
une transaction entre deux intérêts opposés )
G. Rouhette développe une nouvelle définition du contrat : le droit ne tient pas compte d’une
volonté mais plutôt des intérêts des individus qui sont à la base du contrat définissant le
contrat comme « un acte productif de normes bilatérales… c’est à dire liant deux centres
d’intérêts », alors que l'acte unilatéral se caractérise par l'existence d'un intérêt unique.
97 R. Démogue les notions fondamentales du droit privé paris A. Rousseau 1911 . R. Démogue définissait aussi le contrat à
partir d’un intérêt, compromis entre deux intérêts contraires mais les volontés rassemblées se réunissait autour d’un
intérêt commun : “ Ce qui caractérise l’acte bilatéral : convention ou contrat, c’est d’être une transaction entre deux
intérêts opposés_. Or La transaction est un contrat dont l’objet même est un compromis, une renonciation à quelque
chose où chacun renonce à une partie de ses prétentions. « Dans sa définition du contrat, René Demogue, par l’idée de
transaction, avance déjà cette idée de collaboration » écrit I.Dhainaut_. En effet, quand on transige, c’est bien que l’on
collabore d’où l’idée qu’au cœur du contrat il y a une collaboration et un intérêt commun. D’ailleurs Démogue faisait du
contrat de société l’archétype de tous les contrats.
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ce qui est frappant c’est qu’au départ et même ensuite les intérêts des parties sont divergents. (
volontés concordantes et non concourantes car les intérêts des parties sont forcément
divergents : les volontés ne suivent pas la même ligne , elle s ne voguent pas de conserve , elle
s’opposent dans leur rencontre.
(3) Le contrat subordonné à la loi
C’est par délégation de la loi que des volontés particulières peuvent créer leur propre norme.
On a longtemps mis l’accent sur la volonté individuelle rivale de celle du législateur pour
poser le contrat comme l’égal de la loi, dans une sorte d’hypostasie de la liberté et de la
volonté individuelle, égale de la volonté générale. Cette conception issue du XIX° siècle ne
peut être conservée en l’état.. « il faut abandonner l’idée que la loi et le contrat se tiennent sur
un pied d’égalité dans leur domaine respectif »98 . Si les parties peuvent régler de manière
autonome leur comportement réciproques c’est parce que la norme collective le prévoit et les
autorise . cf 1134 C. civil
Les hommes peuvent créer leur propre norme uniquement parce que la loi les a habilité à le
faire . Ils n’agissent comme créateur de norme que par délégation de la norme collective.
« Les actes portent en intention sur la conduite humaine quand ils ont pour signification soit
d’ordonner (ou commander) cette conduite, soit également de la permettre, et en particulier d
e l’habiliter c’est à dire de conférer à l’autre un certain pouvoir, en particulier le pouvoir de
poser lui-même des normes »99.
-
Si « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites »
selon l’article 1134 C. civ. (une des formules les plus célèbres du code Napoléonien (
1804)), il reste qu’elles sont soumises à la loi. le rôle de la volonté doit être réduit de
fondement à l’état de critère du contrat100, de mode procédural dans le cadre de sa
construction, pour mettre l’accent sur la délégation de « la volonté générale », c’est à
dire une norme générale telle la loi, aux volontés particulière dans le processus de
création de normes. Ainsi le professeur Ghestin peut-il écrire au recueil Dalloz « A
98 Paul Roubier droits subjectifs et situations juridiques Dalloz 1963 p. 412
99 H. Kelsen théorie pure du droit Dalloz 1962 p. 6
100 Ghestin indique « l’accord de volonté est le critère du contrat » écartant la négociation . l’accord de volonté est
réduit à l’état de pocédure. In J. Ghestin la notion de contrat Dalloz 1990 chr. 27 p.150
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partir des observations de Kelsen on peut dire que le contrat tire sa force obligatoire de
la volonté du législateur de le sanctionner »101
La liberté contractuelle est bridée par des dispositions impératives de la loi : il est difficile de
considérer le contrat comme l’égal de la loi. Il lui est soumis.
On ne peut donc opposer le contrat à la loi l’un étant l’expression de la liberté l’autre
l’expression du pouvoir.
Le contrat est donc soumis à la loi : il n’est pas l’égal de la loi puisque c’est par la loi que les
hommes tirent une partie de leur autonomie. A tout moment la loi peut modifier cette liberté
lui porter atteinte. En conséquence en cas de conflit de normes entre la norme crée par les
parties et la norme collective , la norme collective l’emporte : elle entraîne soit l’invalidation
totale du contrat soit son invalidation partielle : la nullité partielle.
En bref il y a une hiérarchie des normes.
b) Les Actes unilatéraux en droit privé
Eisenmann peut écrire alors ceci dans son cours de doctorat (690) sous forme de définition
« Les actes plurilatéraux (bilatéraux ou multilatéraux) sont les actes créant des normes qui
régissent les rapports mutuels de leurs auteurs, c’est à dire statuant des obligations-droits des
uns envers les autres, en d’autres termes des actes créant des normes destinées à régir leur
rapports.
Les actes unilatéraux sont ou bien les actes d’un seul individu, Ou bien les actes de deux ou
plusieurs individus qui ne créent pas des normes destinées à régir leurs rapports » mais autrui.
(1) L’acte unilatéral comme engagement unilatéral de
volonté.
l'acte unilatéral est dit doublement unilatéral comme d’une part émanant d'une seule volonté
et créant « une obligation à la charge de son seul auteur " ( cf Gaillard 74)
Il y a deux significations de l'unilatéralité 102 : « par sa formation il émane d'un seul, par ces
effets il crée une obligation à la charge de son seul auteur ».on parle d’engagement unilatéral
de volonté .
Exemples classiques : le testament , la reconnaissance de paternité.
101 J. Ghestin la notion de contrat Dalloz 1990 chr. 27 p. 147
102 L’engagement unilatéral de volonté M.L. Izorche thèse Aix Marseille 1989.
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C’est l’acte qui ne met en cause qu’une partie, dont les effets n’atteignent que cette partie et
qui n’exprime que le seul intérêt juridique propre de cette partie.
En ce sens l’acte unilatéral s’oppose au contrat qui est présenté comme la conciliation
d’intérêts distincts (cf GAILLARD 221). La donation est un contrat car il nécessite un accord
et affecte deux personnes : le donateur et le donataire.
(2) Existence d’actes unilatéraux régissant autrui en droit
privé
Les privatistes reconnaissent, en droit privé, des situations similaires aux actes administratifs.
La nature de l’acte juridique peut être appréhendée à partir du droit public.
L'acte plurilatéral a pour but de régler les rapports mutuels de ses auteurs, il est créateurs
d'obligations et de droit mutuels.
L'acte unilatéral crée une norme pour autrui : il "règle les rapports entre les personnes autre
que ses auteurs".
En fait selon Eisenmann « la raison décisive » de l’unilatéralité « ce n’est pas qu’il est l’œuvre
d’une seule personne », mais c’est qu’il « crée des obligations à quelqu’un, lui, qui n’a pas
concouru à l’acte »688 103.
Il s’impose à d’autres que ceux ou celui qui est à l’origine par sa volonté de l’acte. C’est donc
l’expression de la volonté d’un sujet qui contraint d’autres personnes à adopter le
comportement qu’il a voulu.
l’acte unilatéral est la décision dont la valeur juridique est indépendante du consentement de
ses destinataires.
(a) Prérogative de la puissance publique
Comme le dit Chapus « le pouvoir de prendre des décisions s’imposant par la seule volonté de
leur auteur et par conséquent indépendamment du consentement de ceux qu’elles concernent
est un pouvoir remarquable de l’administration » 553 cette prérogative emporte le droit d’agir
et d’imposer sa volonté ! cette prérogative est la première de la puissance publique.
103 Vedel et Delvolvé écrivent p.236 « l’acte juridique administratif est adopté en vertu de la seule volonté de
l’administration et s’impose à autrui sans son consentement : c’est à ce titre qu’il est unilatéral ». Doctrine publiciste :
l’acte unilatéral est la décision dont la valeur juridique est indépendante du consentement de ses destinataires ( duguis)
in gaillard 221 ou encore « acte créateur d’une norme dont un des sujets ( par ex l’Etat) n’est pas l’auteur » lefort in G
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(b) Existence d’actes unilatéraux répondant à cette
définition en droit privé
Les privatiste reconnaissent en droit privé des situations similaires.
Alors que dans le contrat les auteurs sont « les adressataires » de la norme qu’ils créent, dans
l’acte unilatéral collectif les destinataires des effets de l’acte , de la norme de conduite créée
ne participent en principe pas à la création de l’acte qui n’est pas destiné à régir « leur rapport
mutuel »;
(i) Acte de pouvoir
C’est pourquoi pour un autre auteur E. Gaillard (sa thèse « le pouvoir en droit privé ») l’acte
unilatéral est dans cette hypothèse l’expression du pouvoir, sa manifestation.
Certes pouvoir du législateur, certes pouvoir de l’autorité administrative, mais aussi pouvoir
de l’assemblée générale autorisant le président à passer un contrat ou du conseil
d’administration refusant une délégation de pouvoir, pouvoir des syndicats signant une
convention collective dont les effets s’appliquent à des personnes qui n’ont pas participé à
l’élaboration de l’acte.
(ii) Acte unilatéral collectif
De même un acte peut être le fruit de l’accord de plusieurs personnes distinctes sans cesser
d’être unilatéral dans la mesure où il manifeste une volonté s’imposant aux administrés sans
leur consentement. voilà l’apport d’EISENMANN. Cet acte est un acte unilatéral collectif :
C’est le cas de l’acte unilatéral collectif tel une loi ou ne convention collective ou une
délibération d’assemblée.
on rencontre ce genre de situation au sein des groupements collectifs privés. L’assemblée
générale émet un acte juridique collectif qui contraint les autres actionnaires minoritaires et
s’impose à la personne morale. Il en va ainsi de tout organe de personne morale. Comme les
organes de représentation ne sont pas les obligés des actes qu’ils prennent mais bien la
personne morale et au de la collectivité qu’elle rassemble on peut assimiler la production
d’actes juridiques unilatéraux au sein des collectivités partielle que sont les groupements
privés à des actes de pouvoirs.
le fait que l’on dise que l’acte du représentant est en fait l’acte du représenté n’étant qu’un
habillage qui permet d’occulter et de déguiser le pouvoir sous l’aimable vêtement
démocratique..
Alors que dans le contrat les auteurs sont « les adressataires » de la norme qu’ils créent, dans
l’acte unilatéral collectif au contraire les destinataires des effets de l’acte , de la norme de
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conduite créée ne participent en principe pas à la création de l’acte qui n’est pas destiné à
régir « leur rapport mutuel »;
3. Les actes naturels : Le délits quasi délits et quasi contrat
. Classiquement on distingue le fait juridique de l’acte juridique par le critère de la volonté.
L’acte est voulu dans sa commission et ses conséquences, le fait n’est jamais voulu dans ses
conséquences : c’est la loi qui lui donne un effet juridique
Voilà ce qu’écrivent les professeurs Flour Aubert et Savaux dans l’acte juridique( A. Colin
n°60) « on définira donc l’acte juridique comme un acte volontaire , spécialement accompli,
dans les conditions du droit objectif, en vue de produire des effets de droit dont la nature et la
mesure sont mêmes voulues. Au contraire le fait juridique est un évènement qui, volontaire ou
non en soi, produit des effets de droit indépendants de la volonté des intéressés »
« les autres actes humains existent en dehors du droit : ils appartiennent à l’ordre de la nature,
au règne des purs faits psychophysiologiques » écrit Einsenmann : ce peut être un
tremblement de terre, une naissance d’un enfant , la mort d’un vieillard, un accident de
voiture.
: « fait quelconque
( agissement intentionnel ou non de l’homme, événement social,
phénomène de la nature, fait matériel) auquel la loi attache une conséquence juridique qui n’a
pas nécessairement été recherchée par l’auteur du fait »104 DEUX ASPECTS derechef
a) 1°. Quant à la volonté à l’origine du fait :
la volonté peut ou non exister à la formation du fait ( un accident de voiture peut être
involontaire ou volontaire, réparer la porte défoncé par les voleurs du voisin absent est
volontaire) . Elle est indifférente.
b) 2°. Quant à la conséquence juridique
l’ordre juridique leur attache certaine s conséquences de droit et en ce sens ils deviennent des
éléments de l’ordre juridique » donc la volonté de l’auteur del’acte si auteur il y a n’envisage
pas directement les conséquences juridques et peu importe même s’il le fait : la loi y a
pourvu.
: la volonté de l’auteur n’intervient pas en principe dans le but poursuivi. Si le fait ( un
calamité naturelle, un accident) a une conséquence juridique (le paiement d’une indemnité)
c’est que la loi , c’est à dire une décision législative ou réglementaire, l’a voulu: si je tue mon
104 G. Cornu, Vocabulaire juridique PUF
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voisin c’est qu’il m’exaspère. si je dois répondre de ce meurtre ( s’il a des conséquences
juridiques) c’est que je risque la prison et une condamnation pécuniaire : il est improbable que
je recherche ce but.
exemple donné : la conduite d’un véhicule,( un acte matériel) l’exercice d’une activité
professionnelle ( donc un acte intellectuel) qui, s’ils comportent une faute et causent un
dommage engageront la responsabilité des agents ; ( p. 360) mais ajoute cet auteur ce n’est
pas leur portée principale. « il n’empêche que ce n’est pas leur portée principale »
Donc ce qui est essentiel dans cette approche est la substitution de la loi (si l’on veut, la
volonté collective) à la volonté individuelle ou les volontés individuelles.
L’acte juridique naît de la volonté individuelle, il est l’expression de la capacité
« légiférante » des individus alors que seule une décision étatique peut attacher une
conséquence juridique à un fait matériel ( un accident) ou intellectuel( une publication
diffamatoire).
L’acte juridique s’oppose in fine à la loi comme source des obligations.
Mais pour aller plus loin cette analyse est trompeuse : car la loi attache aussi des effets au
contrat si bien que la source du contrat est la loi comme la source du délit est la loi.
4. Les acte contentieux : Les décisions judiciaires
Par leurs décisions, décisions juridictionnelles, les juges émettent des jugements qui sont des
actes juridictionnelles, des actes juridiques. Pour Kelsen les juges posent des normes
individuelles, entendez qu’ils posent des normes individuelles qui ne s’appliquent qu’au
parties au procès. Ils appliquent les normes générales, les lois et règlements administratifs, ou
les normes infra législatives que sont les conventions passées entre des parties, la loi que les
parties se sont données.
Le juge applique les normes et crée une norme
Ils appliquent donc soit des normes générales soit des normes particulières et ils posent à leur
tour des normes particulières puisque leur décision pose une norme de comportement. Ils
appliquent l’ordre juridique, jugeant que la conduite contestée est contraire à la norme
générale ou non contraire à cette norme et la décision qu’ils rendent est à son tour une norme
de comportement.
Le juge crée donc une norme particulière
Dans le cas où la conduite est non conforme à la norme posée ils édictent une sanction afin
que la norme soit exécutée. Ce faisant, il crée une norme de conduite qui va s’appliquer aux
parties.
Le juge peut-il créer une norme générale ?
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En principe en droit français non : Art. 5 Il est défendu aux juges de prononcer par voie de
disposition générale et réglementaire sur les causes qui leur sont soumises.
Notre droit prohibe ce que l’on appelle les arrêts de règlements qui permettaient sous l’ancien
régime à des juges de poser une règle générale à partir d’un litige particulier. Seule le
législateur ou une autorité administrative peut poser une règle générale. C’est le principe de
séparation des pouvoirs qui est à la base de cette règle. De ce fait, sous l’influence de cette
théorie, il y a monopole, en principe, de la création de la norme dans les mains d’un seul
organe. La création du droit est donc centralisée. Le juge ne peut en principe qu’appliquer la
norme jamais la créer. C’est notre constitution (qui est la loi fondamentale dans un système de
hiérarchie des normes) qui pose cette règle. Le juge ne serait que la bouche de la loi .
Cependant même dans un système étatique le silence de la loi ou l’inadaptation de la loi aux
faits de société peut obliger le juge à se prononcer en l’absence de norme générale ou l’oblige
on l’a vu à interpréter la loi.
Ainsi en fut-il lorsque le juge fut confronter à des accidents automobiles, accidents causés par
des choses alors que la loi ne prévoyait un système de réparation que pour les accidents
causés parles animaux ou les bâtiments en ruine, choses fréquents à l’époque du Code civil (
1804) : dès lors il crée une règle ex nihilo en s’efforçant de la rattacher à une norme générale,
mais personne n’est dupe, car il trahit la volonté du législateur au nom de sa conception du
droit et de la société, du besoin de droit qu’exprime la société. Le juge alors use de son
pouvoir discrétionnaire que lui reocnnît la loi, d’ailleurs, pour créer une norme.Le même
problème se pose aujourd’hui avec le « E commerce ».
Ce faisant, il crée un précédent. Un tribunal s’est prononcé dans tel sens : il est inévitable que
d’autres tribunaux soient influencés par le raisonnement du tribunal et cela d’autant plus que
la position hiérarchique du tribunal est élevée. Le juge devient malgré lui législateur, surtout
si le législateur laisse faire. Ainsi la question des droits à réparation d’un homosexuel lorsque
son conjoint est blessé ou mort a conduit le juge à décider que l’homosexuel n’avait pas
d’intérêt légitime protégé : qu’il n’avait pas de droit à réparation. Ou encore le juge a-t-il été à
condamné le contrat de mère porteuse ou encore appelé contrat de location d’utérus ;
Dès lors la décision particulière peut être généralisée par les autres tribunaux pour les cas
semblables : un cas particulier peut en effet être généralisé. On dit que la décision en question
a fait jurisprudence. Il en est d’innombrables exemples.
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Ce système de création de norme en dehors du cadre centralisé législatif permet une flexibilité
du droit et son adaptation aux besoins sociaux, ce qui donne un pouvoir important au juge, au
risque d’instaurer un gouvernement des juges.
Cependant un tribunal n’est pas lié par la décision d’un autre tribunal du fait du refus de la
règle du précédent : il peut y avoir divergence de décisions donc de norme :ceci est très
préoccupant pour ce qu’on appelle le principe de sécurité juridique car un ordre juridique
cohérent doit permettre aux hommes qui forment la collectivité soumis à cet ordre d’adapter
leur actions en fonction de cet ordre et donc de se projeter dans l’avenir.
Il est donc indispensable qu’il y ait un phénomène de centralisation de création de la norme :
en un mot qu’un tribunal suprême unifie les normes en cas de divergence : c’est le rôle en
France de la Cour de cassation pour ce qui concerne les décisions judiciaires et le Conseil
d’Etat pour les décisions de l’ordre administratif.
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