
batellerie ou de voiturage, surtout) ; mais l’économie ferroviaire devient en quelques
décennies un énorme acteur de l’expansion en injectant d’énormes doses de lubrifiant
dans les circuits industriels (accélération de la diffusion du charbon, des matériaux
lourds, etc.). Elle s’offre elle-même en débouché gigantesque à l’industrie :
locomotives et wagons, rails, bâtiments des gares et entrepôts, combustible-charbon
– et l’économie des travaux publics en est profondément stimulée (construction des
voies, ponts, tunnels), la diversification de la Société de construction des Batignolles
(locomotives) vers les travaux publics en étant un signe. Le chemin de fer participe à
la restructuration de l’espace économique : quartiers des gares dans les grandes villes,
naissance de villes autour des gares (Saint-Pierre-des-Corps, etc.) ou autour des
plates-formes ferroviaires (gares de triage, nœuds ferroviaires, ateliers de
maintenance), mise en valeur de territoires dans les pays neufs ou émergents
(transcontinentaux américains, Transsibérien, Pékin-Hankéou, Amérique latine) ou
dans les pays en cours de colonisation (réseaux africains, etc.).
L’économie ferroviaire se constitue en ‘système technique’ car, au-delà de son
développement organique, ses innovations et ses consommations intermédiaires (les
productions que son fonctionnement nécessite) contribuent aux mutations de
beaucoup de branches industrielles et au remodelage du mode de production et de
l’organisation du mode de vie, avec des prolongements jusqu’à la deuxième
révolution industrielle (poursuite de l’extension des réseaux, mise en place des
chemins de fer d’intérêt local, boum des tramways).
C. Un appareil économique d’Etat s’est-il déjà constitué ?
Sans évoquer ici l’histoire de l’administration publique ni les fonctions
régaliennes civiques, notons que des embryons d’appareil économique d’Etat
prennent corps. Il s’agit souvent de surveiller l’industrie (mines, carrières, machines à
vapeur) et les transports, pour limiter les risques d’accidents. L’Etat gère l’économie
des concessions (chemins de fer, messageries postales, canaux, gaz) – mais, dans de
nombreux pays, les collectivités locales assument une part importante de cette
responsabilité (Allemagne, par exemple, avec les régies de services publics) et assure
la tutelle du domaine public et des équipements qui s’y ancrent (ports, etc.).
N’oublions pas le boum des services douaniers et fiscaux, pour prélever une part des
sommes générées par les flux commerciaux, et la force des services postaux et
télégraphiques (44 000 salariés aux PTT français en 1886, 178 000 en 1936).
2. La deuxième révolution industrielle a-t-elle été marquée par
l’hégémonie de l’industrie sur le tertiaire ?
Il pourrait sembler que le tertiaire n’ait guère été un élément moteur de la
deuxième révolution industrielle, dominée par la grande industrie, la grande
entreprise industrielle et les systèmes fordien et taylorien ; les capitaines d’industrie
(comme les maîtres de forges) sont les vedettes de l’histoire économique de ces
années 1880-1970. Parmi les cent premiers groupes (par le chiffre d’affaires)
mondiaux en 1973, une seule société tertiaire apparaît (le transporteur américain par
car, Greyhound… De 1880 à 1920, la population active industrielle reste en France
supérieure à celle du tertiaire ; celle-ci ne l’emporte que légèrement dans les années
1920-1960, l’écart ne se creusant que dans les années 1970.
Situation de l’emploi en France (en milliers) (source :INSEE)