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L’école alternative : une réponse à l’épanouissement de l’enfant?
"Dans un esprit d’ouverture à l’innovation et en s’inspirant de plusieurs
courants en éducation, l’école publique alternative a pour mission d’offrir au
jeune un environnement adapté à ses besoins et à ses intérêts. Une équipe
éducative composée d’élèves, de parents, du personnel enseignant et non
enseignant, l’accompagne, pour un développement global, dans la définition
de son identité par le choix de ses propres objectifs d’apprentissage afin de lui
permettre de réussir sa vie et de contribuer à la collectivité élargie."
Réseau des écoles publiques alternatives du Québec
Introduction
Quelle est la place de l’enfant dans l’éducation ? Comment palier à la pression de
réussir à tout prix que vive les jeunes ? La réussite scolaire semble être une réponse à un
avenir prometteur. Si on prenait le temps de comprendre l’enfant, de lui laisser l’espace
dont il a besoin pour apprendre sans le gaver d’information. L’école alternative basée
sur une pédagogie humaniste, et qui place l’enfant au centre de ses apprentissages, ne
serait-elle pas une réponse à cette problématique ? Pour ce faire les professeurs doivent
valoriser le processus et non le résultat dans leur enseignement. N’était-ce pas la vision
de grands pédagogues tels que Montessori, Rousseau, Laban et Freinet qui prônaient la
liberté, l’échange, l’expérimentation et l’émancipation dans leur enseignement ?
En s’appuyant sur divers textes d’auteurs qui se sont intéressés aux différentes écoles de
pensées éducatives, de même qu’à la philosophie de l’enseignement de Rudolf Laban,
nous tenterons d’argumenter pourquoi l’école alternative offre la possibilité à l’enfant
de s’épanouir sans la pression de performer. La danse et la musique seront mises en
lumière pour nourrir ce texte argumentatif.
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Laban et l’école alternative
On pourrait questionner le choix de Rudolf Laban comme personne d’influence et
d’inspiration pour argumenter les bénéfices de l’école alternative alors que celui-ci est
mort en 1958, trois ans après que l’école alternative ait vu le jour au Québec en 1955.
Il est bon de souligner, voire étonnant, que sa philosophie de l’enseignement des enfants
rejoint tout à fait les principes de l’école alternative. Dans son livre La danse moderne
éducative (1948)
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, il va bien au-delà des théories du mouvement. Il explique à travers
une série de propositions pour les enfants et « par le biais de ‘thème de mouvement’,
comment parvenir à éduquer un homme à devenir ce qu’il est ou plutôt ce qu’il pourrait
être. » (Laban, 1948, p.154) La mission de l’école alternative vise elle aussi le
développement de l’enfant, mais dans une perspective beaucoup plus large qui rejoint
celle d’un citoyen du monde. Sept valeurs constituent la philosophie de ce type d’école :
l’implication, la coopération, la responsabilité, l’autonomie, le respect, l’engagement et
la démocratie. La démocratie est la valeur qui se rapproche le plus des principes chers à
l’enseignement de Laban. La définition du REPAQ rejoint tout à fait le type de relation
que Laban entretenait avec ses élèves : « L’enseignant agit comme guide plutôt qu’un
détenteur de l'autorité en privilégiant le consensus. Ainsi, la relation entre l'adulte et
l'élève est perçue comme une relation de réciprocité. » (REPAQ, p.10) L’enseignement
de Laban était non seulement émancipatoire et non autoritaire, mais incroyablement
universel. Il touchait à la théorie étudiée tout en privilégiant un rapprochement avec
l’essence même de l’humain.
Jacqueline Robinson (1922-2000), pédagogue de la danse en France et en Europe, a elle
aussi contribué
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tel que Laban à la démocratisation de la danse et « la réappropriation du
corps de l’enfant dans un but d’expression et de non de performance technique. »
(Raymond, p.16) favorisant ainsi son épanouissement.
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Des recherches menées au cours des années 1950 ont montré que ces thèmes étaient compatibles avec les
théories du développement de l’enfant de Piaget. (p.154)
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Mon enfant et la danse (1975) de Robinson fut utilisé pour le premier programme d’études québécois
(MEQ, 1981) et des guides pédagogiques (MEQ, 1983) (Cité dans Raymond)
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Les précurseurs de l’enseignement alternatif
Pourquoi repenser l’école traditionnelle ? Entre autres parce que les enfants
n’apprennent pas tous de la même manière, qu’ils ont besoin d’être actifs lors de leur
apprentissage et que « l’élève n'est pas qu'un vase qu'on remplit mais un feu qu'on
allume.» (Montaigne) Il devrait pouvoir participer à son éducation et non en être
tributaire. Pourtant si l’on remonte au temps de l’ancienne jeunesse romaine, on dit
qu’elle était debout pour apprendre et non assise.
Quelques siècles plus tard, on verra naître à la fin du XIXe siècle les premières écoles
de l’éducation nouvelle. Celles-ci s’inspireront de la philosophie de Rousseau qui
insiste sur l’importance de connaître et de respecter la nature de l’enfant. Dans son livre
l’Émile, un ouvrage incontournable sur la pédagogie, Rousseau écrit : « L’éducation
doit permettre et favoriser la formation de l’être humain lui-même, l’être humain tel
qu’il est dans sa nature profonde ». Pour Rousseau, « l’enfant doit être actif durant son
apprentissage. » (Vienneau, 2005, p.87) Le professeur doit lui fournir des outils pour
qu’il apprenne par lui-même. S’enchaîneront d’autres fondateurs de l’école nouvelle :
Dewey, Montessori, Decroly, Freinet. Pour ces derniers, l’école devient un lieu
d’apprentissage de vie. La coopération, l’autonomie et le développement personnel
constituent les fondements pédagogiques de ces pédagogues devenus notoires. Les
valeurs qu’ils mettent en lumière rejoignent très peu l’école traditionnelle qui, elle,
favorise plutôt le dressage, le mimétisme et la mémorisation.
Les sceptiques à l’égard de l’école alternative
Toutes les nouvelles façons de faire n’échappent pas à la critique. Il est important de
spécifier que l’école alternative n’est pas conçue pour tous les enfants. Un enfant ne
sachant pas s’organiser et ne faisant pas preuve de motivation intrinsèque aura
beaucoup de mal à suivre. Certains enfants ont besoin de structure et de balises sans
quoi ils sont perdus. Dans une école alternative, l’enfant est totalement responsable de
ses apprentissages et de ses échéances. Il sera donc amené à subir les conséquences d’un
éventuel laisser-aller. Des études ont pourtant démontré les bienfaits de l’école
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alternative. À l’île, une équipe de chercheurs universitaires (2001) a observé, sur une
période de cinq ans, une école qui s’est prêtée au modèle Freinet dans le but de mesurer
les bienfaits d’un tel système sur des enfants de différents milieux plus défavorisés.
Certains chercheurs étaient convaincus que l’école alternative était plus favorable aux
enfants de classe moyenne qu’aux enfants des catégories populaires. « Globalement,
l’école s’est relevée par rapport à la situation antérieure : augmentation des élèves
inscrits, diminution de la violence, meilleure intégration des élèves en souffrance, moins
de craintes, moins de peurs. » (site, p.2) L’étude a démontré que la pédagogie Freinet
amène des effets positifs, y compris sur les élèves de milieux culturels les plus distants
de l’école.
Ceci dit, il faut se rappeler que le contexte familial et social influence sur l’efficacité de
l’école alternative. Si les parents ne sont pas en mesure d’assumer une coéducation,
c’est malheureusement l’enfant qui en souffre.
L’école alternative a t-elle encore sa place ?
La question se pose puisque la réforme scolaire se rapproche de plus en plus de la
pédagogie alternative en ce qui a trait au respect des différences, de l’apprentissage par
projet et du partage des pouvoirs pour une pédagogie humaniste qui place l’enfant au
centre des apprentissages. Le professeur renseigne d’avantage qu’il enseigne. Selon
Beaudry, et Pallacios (2000) l’école alternative se distingue par la place qu’elle fait à
l’enfant. L’enfant est aussi important que l’enseignant. La différence au niveau de la
gestion de projet est qu’à l’école alternative le jeune est libre de choisir son projet alors
que dans un contexte traditionnel le projet est dicté par l’enseignant. Nous verrons plus
tard que le fait que l’élève puisse choisir son projet a un impact considérable sur la
motivation de celui-ci.
Comment apprend l’enfant à l’école alternative?
L’apprentissage est un processus interpersonnel, un processus social. Pour que le jeune
puisse apprendre, il doit se trouver dans ce que Vygotski (1985) appelle « la zone de
développement proximal. » L’élève n’apprend pas seul, il a besoin des autres.
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Dans un contexte alternatif, l’enfant pense, décide et fait des choix en gardant toujours
en tête la notion d’esprit d’équipe. Il est amené vers une didactique de type réflexive
plutôt qu’explicative. Par exemple, à l’école alternative on s’intéresse au pourquoi plus
qu’au comment et à la construction des connaissances plutôt qu’à l’application de
technique. L’enfant est constamment en relation avec les autres afin de concrétiser ses
apprentissages.
La façon dont l’élève apprend est déterminante selon Britt-Mari Barth
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(2000). C’est
pourquoi la notion de participation au sein de la classe devient très importante.
L’auteure précise que participer requiert « un engagement à la fois affectif et cognitif. »
La participation est un élément clé et fondamental de l’éducation qui entraîne
inévitablement la motivation. L’élève est souvent plus motivé s’il considère la matière
et les activités qui lui sont proposées comme utiles et intéressantes
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. Il doit aussi avoir
l’impression qu’il a une certaine part de responsabilité dans le déroulement de ses
apprentissages et qu’il sera donc tributaire de ses échecs ou réussites. L’enfant qui
participe activement prend conscience de ses capacités intellectuelles. Il bâtit petit à
petit sa confiance et se donne des outils qui lui permettront d’acquérir plus aisément
d’autres connaissances.
Puisque qu’à l’école alternative l’enfant participe activement à son développement, il
fait appel à ce que l’on nomme les méthodes actives. Claude Dauphin (2011) décrit le
fondement de cette méthode ainsi : « faire de l’enfant le centre et le moteur même de sa
propre évolution au lieu de le conditionner à une logique rationnelle et contrôlée
d’adulte. » (2011, p.18) Ces mots résument précisément ce que l’école alternative
prône.
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Mme Britt-Mari Barth, professeur à la faculté d’éducation de l’Institut Supérieure de Pédagogie à
l’Institut Catholique de Paris
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On pense ici au garçon perdu dans la forêt dans l’Émile de Rousseau. Il ne comprend l’importance
de l’astronomie qu’à partir du moment où il en a réellement besoin.
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