3. Caractéristiques de la politique industrielle espagnole

Fiche CESE 3499/2012 ES/EN-BP/mdeq/gl/mja .../...
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Comité économique et social européen
Commission consultative des mutations industrielles (CCMI)
"Agir à l'échelon local" dans le cadre de la stratégie Europe 2020
Table ronde du CESE sur la politique industrielle Madrid, 20 et 21 octobre 2011
RAPPORT SUCCINCT DE LA DÉLÉGATION
DE LA CCMI
(MM. van Iersel, Gibellieri et Jírovec)
1. Introduction
Le 4 mai 2011, le Comité économique et social européen (CESE) a adopté un avis relatif à la
communication de la Commission européenne sur la politique industrielle, une des initiatives phares
de la stratégie Europe 2020. L'adoption de cet avis est liée à différentes activités de suivi. À ce titre,
une table ronde consacrée à la politique industrielle a été organisée à Madrid. D'une durée d'un jour
et demi, cette manifestation visait à rassembler les contributions des différents acteurs socio-
économiques les plus représentatifs de l'activité industrielle espagnole, afin d'évaluer le degré
d'engagement des acteurs locaux dans le processus de réforme.
C'est l'Espagne qui a été choisie pour le suivi de l'avis au niveau local, en raison de différents
facteurs: essentiellement, il s'agit d'une des grandes économies de la zone euro, mais qui est
particulièrement touchée par les effets de la crise économique. D'autre part, elle présente, à titre de
référence, un plan spécifique de politique industrielle, destiné à relancer une politique industrielle
compétitive.
La table ronde comprenait trois volets, consacrés respectivement aux institutions, aux partenaires
sociaux et aux autres parties intéressées. Chacun de ces trois volets était ensuite fractionné en une
série de rencontres. En amont, les participants avaient reçu un questionnaire en plus de la
communication de la Commission et de l'avis du CESE destiné à leur donner des orientations sur
les sujets abordés pendant la réunion. Le présent document constitue un compte rendu succinct des
résultats du débat et ne doit pas être considéré comme un procès-verbal des réunions.
2. Contexte économique
À partir du début des années 1990, l'économie espagnole a connu une décennie de croissance, qui a
permis une phase d'expansion. La contraction de l'économie qui a suivi la première crise financière a
été aggravée en Espagne par l'éclatement de la bulle immobilière, car ce secteur constituait depuis la
fin des années 1980 le grand moteur de la croissance du pays. Le boom immobilier a pris de l'ampleur
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grâce à la liquidité du crédit et à la stabilité de la monnaie unique. Quand les liquidités ont commencé
à manquer, le résultat immédiat a été a) une contraction de l'économie et b) une augmentation
spectaculaire du chômage, qui est passé d'un taux autour de 11 % en 2000 à 23 % en 2011 (50 % pour
le chômage des jeunes).
À première vue, ce processus et ces données chiffrées semblent s'inscrire dans le contexte de crise
mondiale, aggravée par la crise de la dette souveraine dans la zone euro. D'aucuns pourraient penser
que l'Espagne fait partie du groupe de pays payant les conséquences d'une expansion démesurée et du
manque de contrôle des critères de convergence de la zone euro ces vingt dernières années. Cette
conception est néanmoins éloignée de la réalité, étant donné que pendant cette récente décennie
d'expansion économique, l'Espagne a été l'un des rares pays à respecter fidèlement les critères de
convergence économique, avec une politique budgétaire de stabilité, anticyclique, et un excédent
budgétaire qui a permis de réduire la dette publique jusqu'à 37 % du PIB. De plus, son système
bancaire, bien que pas exempt de dysfonctionnements, n'a pas eu besoin d'être renfloué par l'État.
Qu'est-ce qui est arrivé à cette économie en pleine expansion depuis les années 1990 jusqu'au début
de la crise en 2008 qui enregistrait d'excellents résultats et respectait les critères de convergence
économique imposés par la zone euro? Comment expliquer une chute si importante de l'activité
économique, et des niveaux de chômage trois fois plus élevés que dans certains pays européens?
Premièrement, l'économie espagnole souffre de déséquilibres structurels qui trouvent leur
origine dans un faible niveau de productivité et de compétitivité, chroniques depuis
plusieurs décennies, et dans un tissu industriel atomisé. Ces défaillances ont été en
quelque sorte "évacuées" pendant la période de reprise économique qui a accompagné
l'entrée de l'Espagne dans l'Union économique et monétaire et l'augmentation des
investissements étrangers qui a eu lieu, alimentés par la faiblesse des taux d'intérêts
bancaires et l'envol des secteurs industriels liés à la construction de logements
résidentiels, laquelle a progressé de manière exponentielle jusqu'à atteindre 17,9 % du
PIB en 2007 (alors même que son poids réel dans l'économie était beaucoup plus élevé,
soit jusqu'à 39 % en incluant le secteur des services en lien direct avec le logement).
Deuxièmement, il s'agit d'un modèle de croissance qui souffre de déséquilibres
spécifiques et est centré depuis le milieu des années 1990 sur la demande intérieure et la
construction (secteur avec une productivité et une capacité d'innovation faibles), ce qui
fait qu'un grand nombre de secteurs industriels et de services connexes se sont concentrés
sur la demande intérieure du marché immobilier résidentiel (ciment, acier, céramiques,
chimie, meubles, biens d'équipement, appareils électriques, etc.). L'éclatement de la bulle
immobilière en raison de la crise financière est devenu critique avec la crise de la dette
souveraine et le manque de crédits pour les entreprises.
Troisièmement, la création et l'expansion de grandes entreprises mondialisées et
hautement compétitives dans certains secteurs (tourisme, banque, infrastructures,
télécommunications, environnement, transports, etc.) n'a pas compensé le faible niveau
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d'activité économique dans d'autres secteurs caractérisés par un tissu industriel très
atomisé, des entreprises de petite taille et une concentration sur des secteurs traditionnels
qui dépendent largement de la demande intérieure.
D'autres facteurs ont contribué significativement à détériorer la situation: les aides
directes de l'Union européenne (politique agricole commune et Fonds structurels et de
cohésion) ont baissé de manière substantielle à partir de 2005 en raison de l'intégration de
nouveaux pays dotés d'une agriculture importante et de taux de PIB par habitant très
inférieurs au reste de l'Europe, qui ont fait augmenter sur le plan statistique le niveau de
revenus de régions d'Espagne pourtant peu développées.
Il s'agit d'un tableau général. Le Pays Basque constitue par exemple un cas particulier dans ses
approches en matière de politique industrielle ces dernières décennies: il a réussi à développer et à
moderniser un tissu industriel déconnecté du secteur de la construction et spécialisé dans la
fabrication de biens industriels, à partir d'une mise en réseau de PME, de centres technologiques et du
système financier, avec des taux élevés d'exportation.
Il convient de signaler qu'il y a eu un changement de gouvernement en Espagne en novembre 2011.
Ainsi, la table ronde sur la politique industrielle a lieu en plein climat pré-électoral, caractéripar le
manque d'activité et de prise de mesures de fond les mois précédents et par une incertitude quant à la
continuité des mesures adoptées par le gouvernement sortant.
Le nouveau gouvernement sorti des urnes lors des élections du 20 novembre 2011 a approfondi les
mesures lancées par le gouvernement précédent pour contrecarrer la crise de la dette souveraine et
relancer la productivité et la compétitivité. Les premières mesures adoptées sont conformes aux
recommandations du Conseil européen et visent à redresser les finances publiques en suivant la voie
déjà adoptée par le gouvernement antérieur:
contraction des dépenses publiques dans toutes les administrations publiques. Sachant que
des objectifs sont fixés pour réduire le déficit à très court terme, les coupes sont
particulièrement sévères dans certaines communautés autonomes et consistent notamment
en des réductions d'emplois publics, d'investissements et de prestations de services de
base, comme le secteur public de l'éducation et de la santé. Dans le cadre de ces coupes
budgétaires, les objectifs de croissance dans des secteurs clés pour favoriser les objectifs
de la stratégie Europe 2020 seront revus à la baisse;
augmentation des recettes publiques par la lutte contre la fraude fiscale et une hausse des
rentrées d'impôts: à la base, impôt sur le revenu et le capital. La TVA, qui a augmenté de
2 points en 2011, est maintenue à 18 %. Ces mesures sont en butte à de sévères critiques,
car elles font retomber le poids de l'effort fiscal sur les classes moyennes, ce qui fait
baisser la consommation et, partant, le recouvrement des taxes;
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un train de mesures structurelles, qui pour l'instant concernent deux grands domaines: le
secteur bancaire, et une grande réforme du marché du travail.
3. Caractéristiques de la politique industrielle espagnole: évolution récente et inscription
dans le cadre de la stratégie Europe 2020
3.1 Évolution de la politique industrielle de l'Espagne depuis l'intégration de celle-ci dans la
Communauté européenne. Axes d'action principaux et transfert de compétences nationales
vers les gouvernements régionaux des communautés autonomes.
Dans les années 1980 et jusqu'au milieu des années 1990, la politique industrielle espagnole a été
déterminée par la conjoncture politique: la défense et la consolidation du système démocratique et
l'intégration dans la Communauté européenne. Il y a eu principalement trois axes d'action:
la mise en route de mesures de reconversion industrielle. Ce sont jusqu'à 14 secteurs
phares de l'économie (sidérurgie, mines, construction navale, etc.) qui ont connu des
processus d'ajustement et d'assainissement. La politique industrielle s'est concentrée tant
sur la restructuration industrielle que sur la réindustrialisation des zones touchées par les
restructurations;
la privatisation organisée d'entreprises publiques, qui a accompagné le processus de
libéralisation de certains secteurs détenus par l'État (télécommunications, postes,
monopoles du pétrole et du tabac, etc.). Les mesures d'encouragement de ces processus
par les organismes officiels ont eu un rôle fondamental pour permettre de créer des
entreprises avec une masse critique suffisante pour pénétrer les marchés extérieur;
les nouvelles administrations régionales (communautés autonomes) se sont vu attribuer
une compétence totale en matière de conception et d'organisation de la politique
industrielle, et l'administration nationale a procéder à un transfert de compétences et
de ressources pour leur permettre de remplir leur mission. Le rôle de l'État s'est peu à peu
réduit.
Cependant, les politiques macroéconomiques de cette époque, qui visaient à contrôler les taux élevés
d'inflation en appliquant une politique monétaire restrictive, n'ont pas produit tous les avantages
escomptés. Il s'est créé un cercle vicieux qui a touché de plein fouet l'emploi et l'industrie, alors en
plein processus de reconversion. L'industrie avait assaini ses structures de production, mais les
structures des marchés du travail et l'absence de normes d'entreprises conformes aux normes
européennes ont entravé la reprise économique et la compétitivité de l'industrie, laquelle devait être
concurrentielle alors que sévissait la crise économique. De plus, il a fallu plusieurs dévaluations
monétaires pour pouvoir soutenir la compétitivité de l'activité industrielle espagnole, au sens large.
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Au fur et à mesure des progrès de la décentralisation, la politique industrielle s'est rapprochée du
concept de "district industriel", et est devenue plus proche du niveau des acteurs finals: les entreprises.
De cette manière, l'administration centrale espagnole s'est progressivement adaptée au rôle actif joué
par les communautés autonomes et les collectivités locales, et s'est davantage concentrée sur la
coordination d'ensemble et sur la défense et la prise en compte des intérêts industriels de l'Espagne sur
la scène européenne et mondiale.
En dépit de ce qui précède, la plupart des agents économiques ont signalé que la décentralisation
politique en Espagne n'a peut-être pas produit tous les résultats escomptés. De fait, quelques
participants ont montré qu'il existe des preuves que le transfert de compétences entières aux
communautés autonomes s'est accompagné d'effets pervers causés par l'excès de réglementation et la
diversité des activités réglementaires, qui ont un impact négatif sur la production et la gestion des
entreprises, et induisent une charge administrative accrue et une augmentation de l'insécurité
juridique, qui débouchent sur une fragmentation du marché intérieur dans le pays lui-même. À cet
égard, leurs avis coïncident avec les annonces du nouveau gouvernement, qui indiquait dans son
programme électoral qu'un des objectifs clés pour relancer l'activité industrielle serait de rétablir
l'unité du marché.
3.2 La politique industrielle espagnole dans le cadre de la stratégie Europe 2020: Un plan
spécifique de soutien structuré à l'activité industrielle: plan pour une politique industrielle
intégrée à l'horizon 2020.
Il a déjà été observé que l'activité économique/industrielle espagnole présente des déséquilibres
structurels définis qui se sont concrétisés brutalement avec l'irruption de la crise économique actuelle.
Un des déséquilibres majeurs est fondé sur le poids excessif qu'a eu le secteur de la construction dans
la structure productive depuis les années 1990, avec pour effet de centrer une grande partie de la
production industrielle dans des biens et services liés à la construction de logements résidentiels,
activité présentant une faible compétitivité et de bas niveaux d'innovation et de technologie. Le
sentiment des participants est unanime: il est nécessaire de réorienter le modèle de croissance sur une
politique industrielle durable, pleinement compétitive et représentant une part plus importante du PIB
dans le cadre de la stratégie Europe 2020.
En 2009, le gouvernement a adopté un plan d'action intitulé "Plan pour stimuler l'économie et
l'emploi" (dit "Plan E") qui a consisté pour l'essentiel à injecter des fonds dans les différentes
administrations régionales et locales, avec des actions ponctuelles en matière de travaux et de services
publics. Ce plan a été très critiqué par les acteurs économiques car il a contribué à augmenter le déficit
public, qui a commencé à se faire sentir les années suivantes, avec l'apparition de la crise de la dette
souveraine.
Mais l'engagement de parvenir à une économie durable n'a pas été pris avant 2010, avec la loi relative
à l'économie durable (Loi 2/2011), qui comporte des mesures destinées à promouvoir une industrie
durable, y compris des mesures pour améliorer l'efficacité énergétique, conformes aux principes de la
stratégie Europe 2020. Parallèlement à cette première série de mesures a été élaboré un plan
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