CHAPITRE 4 : L’ÉCONOMIE DE L’EAU EN MÉDITERRANÉE
1. LES ACTEURS ET LES STRUCTURES ECONOMIQUES DE L’UTILISATION DES
EAUX
A un ou plusieurs titres tous les méditerranéens sont des acteurs de l’économie de l’eau,
mais en jouant des rôles variés et multiples. Ils ne se répartissent pas seulement suivant
les secteurs d’utilisation passés en revue pour décrire les demandes en eau (Chapitre
3), mais aussi suivant leur position et leur fonction dans les filières d’utilisation, elles-
mêmes sectorielles ou pluri-sectorielles : aménageurs et autorités de gestion,
producteurs (d’eau) distributeurs, usagers « consommateurs » d’eau comme bien de
consommation ou comme facteur de production, opérateurs de service d’assainissement
et d’épuration, usagers in situ, sans oublier ceux dont l’activité, avec ou sans usage
d’eau, influence le régime ou les qualités de l’eau dans le milieu (les pollueurs dont on
veut faire des payeurs…).
L’état est, à peu près partout, un acteur majeur de l’économie de l’eau, principal
investisseur et tuteur de nombreuses autorités de gestion locales ou régionales, comme
d’organismes publics ou paraétatiques sectoriels (office d’eau potable ou d’irrigation,
producteurs d’hydroélectricité).
Les usagers sont en grande majorité desservis (en eau potable, en eau d’irrigation), à
l’exception assez générale des irrigants exploitant de l’eau souterraine et de la plupart
des usagers industriels au Nord.
Les usagers domestiques sont naturellement de beaucoup les plus nombreux puisqu’ils
comptent la quasi-totalité des populations accrue des touristes extra-
méditerranéens, soit des millions d’acteurs. Les agriculteurs irrigants, souvent
associés en communautés (pour l’utilisation d’eau de surface) sont les principaux
demandeurs en volume et ils pèsent aussi par le nombre : 666 000 exploitations
agricoles ou fermes pratiquent l’irrigation sont dénombrées en Italie, 136 000 en France
(1989), dont 43 000 par eau souterraine ; en Egypte les irrigants se comptent par
millions…Leur poids économique est important, bien qu’ils ne contribuent pas au revenu
national, par leur production, dans la même proportion que la part des ressources en
eau qu’ils utilisent (on reviendra sur ce sujet : infra, 5).
Les agents intermédiaires, producteurs-distributeurs ou opérateurs de service
d’assainissement, jouent donc des rôles essentiels, qu’ils soient publics (pour la plupart),
privés ou encore collectifs (syndicats d’irrigants).
Les entreprises privées, productrices-distributrices d’eau potable, voire d’irrigation
délégataires de services publics sont rares ou absentes, à l’exception majeure de la
France et, dans une mesure moindre de l’Espagne ou de l’Italie, mais leur rôle tend à
s’étendre.
Depuis quelques années des établissements publics autonomes (« agences de
bassin… »), qui suppléent l’état en faisant financer par les usagers (redevances)
diverses opérations d’intérêt commun (réduction des pollutions notamment), se sont
développées dans plusieurs pays méditerranéens où leur rôle grandit. Ce sont eux qui
mettent en œuvre les incitations économiques par le jeu des redevances.
Deux types de structure économique d’utilisation des eaux coexistent ainsi dans les
pays méditerranéens :
Des filières d’acteurs à fonction distinctes –aménageurs, producteurs- distributeurs,
usagers-« consommateurs », opérateurs d’assainissement et d’épuration ou
drainage– liés par des échanges plus ou moins marchands. Elles réunissent le plus
grand nombre d’acteurs, notamment la quasi-totalité des millions d’usagers
domestiques, une grande partie des irrigants, beaucoup d’entreprises industrielles