CHAPITRE 4 : L’ÉCONOMIE DE L’EAU EN MÉDITERRANÉE
4-1
Chapitre 4 : L’ECONOMIE DE LEAU EN MEDITERRANEE
Table des matières
PREAMBULE .................................................................................................................... 4-2
1. LES ACTEURS ET LES STRUCTURES ECONOMIQUES DE LUTILISATION DES EAUX ..... 4-3
2. DES CHARGES ECONOMIQUES LOURDES EN CAPITAL ET CROISSANTES .................... 4-4
3. UN BIEN ECONOMIQUE TRES PARTIELLEMENT MARCHAND ....................................... 4-5
3. 1. Les coûts et les prix ................................................................................................................................. 4-5
3. 2. Les tendances ............................................................................................................................................ 4-7
4. L’EAU DANS LES ECONOMIES NATIONALES MEDITERRANEENNES COMBIEN COUTE
LEAU AUX MEDITERRANEENS ? ...................................................................................... 4-8
5. LES CRITERES ECONOMIQUES DALLOCATION DES RESSOURCES ............................ 4-11
6. EAU ET DEVELOPPEMENT ......................................................................................... 4-13
7. L’ « EAU VIRTUELLE » : FACTEUR DE REDUCTION DES DISPARITES DE RESSOURCES
ENTRE LES PAYS MEDITERRANEENS ? ............................................................................ 4-16
Liste des tableaux
Tableau 4-1. Répartition des quantités d'eau utilisées en Espagne (1995) suivant les modes
d'approvisionnement ............................................................................................................................................ 4-5
Tableau 4-2. Quelques repères sur les coûts et les prix moyens d'eau distribuée dans les pays
méditerranéens ...................................................................................................................................................... 4-7
Tableau 4-3. Comptabilité nationale de l'eau en Espagne - Année 1991, en milliards de pesetas, (chiffrage
arrondis) - En 1991: 1 peseta ~ US$ 0,01 ....................................................................................................... 4-9
Tableau 4-4. Comptes de l’eau en France, 1999, en M FF courants .................................................................. 4-9
Tableau 4-5. Dépenses dans le secteur de l'eau au Maroc en 1994 ................................................................. 4-10
Tableau 4-6. Classement des pays méditerranéens suivant les quantités d’eau utilisée (pour tous usages)
et leur richesse économique par habitant (1995) ....................................................................................... 4-14
Tableau 4-7. Importations et exportations d’ « eau virtuelle* » par les pays méditerranéens (moyennes
1995-1999) estimées par A.Y. Hoekstra et P.Q. Hung (2000) ................................................................ 4-18
Liste des figures
Figure 4-1. Relations entre coûts et prix moyens d’eau distribuée dans quelques pays méditerranéens
Années 1990’ .......................................................................................................................................................... 4-6
Figure 4-2. Exemples de décroissance de la part de l’irrigation sur les demandes en eau totales entre
1970 et 2000, dans plusieurs pays méditerranéens .................................................................................... 4-13
Figure 4-3. Relations entre les demandes en eau totales (prélèvements, productions) par habitant et les
PNB par habitant, suivant les populations et les PNB de 1995, dans les pays méditerranéens. ..... 4-14
Figure 4-4. Variations, entre 1975 et 2000, du ratio demandes en eau annuelles totales/PNB dans les
pays méditerranéens, en m3/US$ ................................................................................................................... 4-16
CHAPITRE 4 : L’ÉCONOMIE DE L’EAU EN MÉDITERRANÉE
4-2
PREAMBULE
Faut-il parler d’« économie de l’eau » dans les pays méditerranéens ou de « l’eau dans
les économies méditerranéennes » ? ces formules traduisent deux visions à peine
complémentaires sur les mêmes réalités. Rappeler l’importance et la place de l’eau dans
la « vie économique », comme bien de consommation et facteur de production d’abord,
c’est énoncer un truisme.
En Méditerranée autant qu’ailleurs, l’eau est indispensable à la vie humaine,
domestique, rurale et urbaine, comme à de multiples activités productrices. En
Méditerranée plus qu’ailleurs elle est indispensable à l’agriculture et au développement
du tourisme : sa disponibilité conditionne fortement les deux activités économiques
spécifiques majeures de la région. La revue précédente des demandes en eau (Chapitre
3) l’a montré.
Malgré cela, l’eau ne constitue, dans la plupart des cas, qu’un intrant mineur parmi les
facteurs de coût de production de biens et services. La disjonction entre sa valeur
d’usage et sa valeur d’échange (marchande) est la question centrale bien connue de
l’« économie de l’eau », et elle n’est pas spécifique à la Méditerranée…
Traiter d’« économie de l’eau » c’est regarder autant ce que les utilisations de l’eau
apportent, comme facteur de développement (et réciproquement ce que ses défauts
empêchent…) et ce qu’elles coûtent en efforts et charges économiques, voir en
sacrifices de biens naturels. C’est embrasser à la fois : les « aspects économiques » de
la maîtrise de l’eau, des approvisionnements en eau et de sa préservation, les
« instruments économiques » (financiers de sa gestion, le rôle et la place de l’eau dans
les économies nationales, les critères et les contraintes économiques des politiques de
l’eau.
Sans revenir sur les rôles de l’eau comme facteur productif dans les différents secteurs
(agricole, industriel, énergétique…) déjà esquissés à propos des demandes (Chapitre 3),
il sera tenté ici de répondre, dans le champ et les conditions propres au monde
méditerranéen, à un certain nombre de questions :
Quelles sont les structures économiques des « systèmes d’utilisation » de l’eau ?
Quels sont les acteurs, leurs rôles et leurs jeux respectifs dans ces structures ?
Consommateurs et producteurs, investisseurs, gestionnaires ?
Quelles sont les charges afférentes à l’eau à sa mobilisation, à sa protection- et
que représentent-elles dans les économies nationales et sectorielles, dans les
budgets des entreprises et des ménages ? Comment sont-elles réparties ? (Quels
rapports entre coût et prix ?) Quelles sont les tendances d’évolution de ces charges
et de leur répartition ?
Quels sont les critères économiques des choix d’allocation de ressource, de niveau
de sécurité face aux risques liés à l’eau, de niveau de conservation de la nature ?
Quels rôles jouent les « instruments économiques » (incitations financières,
subventions et aides, redevances et taxes) dans la gestion de l’eau ? Et les
mécanismes de marché ?
Dans quelle mesure les charges économiques afférentes à l’eau et leur croissance,
notamment en fonction de la raréfaction des ressources disponibles, handicapent-
elles le développement ?
Dans l’état actuel des informations disponibles les réponses sont moins nombreuses et
complètes que les questions. Plutôt qu’un panorama exhaustif, quelques éclairages
seulement peuvent être donnés sur ces sujets.
CHAPITRE 4 : L’ÉCONOMIE DE L’EAU EN MÉDITERRANÉE
4-3
1. LES ACTEURS ET LES STRUCTURES ECONOMIQUES DE LUTILISATION DES
EAUX
A un ou plusieurs titres tous les méditerranéens sont des acteurs de l’économie de l’eau,
mais en jouant des rôles variés et multiples. Ils ne se répartissent pas seulement suivant
les secteurs d’utilisation passés en revue pour décrire les demandes en eau (Chapitre
3), mais aussi suivant leur position et leur fonction dans les filières d’utilisation, elles-
mêmes sectorielles ou pluri-sectorielles : aménageurs et autorités de gestion,
producteurs (d’eau) distributeurs, usagers « consommateurs » d’eau comme bien de
consommation ou comme facteur de production, opérateurs de service d’assainissement
et d’épuration, usagers in situ, sans oublier ceux dont l’activité, avec ou sans usage
d’eau, influence le régime ou les qualités de l’eau dans le milieu (les pollueurs dont on
veut faire des payeurs…).
L’état est, à peu près partout, un acteur majeur de l’économie de l’eau, principal
investisseur et tuteur de nombreuses autorités de gestion locales ou régionales, comme
d’organismes publics ou paraétatiques sectoriels (office d’eau potable ou d’irrigation,
producteurs d’hydroélectricité).
Les usagers sont en grande majorité desservis (en eau potable, en eau d’irrigation), à
l’exception assez générale des irrigants exploitant de l’eau souterraine et de la plupart
des usagers industriels au Nord.
Les usagers domestiques sont naturellement de beaucoup les plus nombreux puisqu’ils
comptent la quasi-totalité des populations accrue des touristes extra-
méditerranéens, soit des millions d’acteurs. Les agriculteurs irrigants, souvent
associés en communautés (pour l’utilisation d’eau de surface) sont les principaux
demandeurs en volume et ils pèsent aussi par le nombre : 666 000 exploitations
agricoles ou fermes pratiquent l’irrigation sont dénombrées en Italie, 136 000 en France
(1989), dont 43 000 par eau souterraine ; en Egypte les irrigants se comptent par
millions…Leur poids économique est important, bien qu’ils ne contribuent pas au revenu
national, par leur production, dans la même proportion que la part des ressources en
eau qu’ils utilisent (on reviendra sur ce sujet : infra, 5).
Les agents intermédiaires, producteurs-distributeurs ou opérateurs de service
d’assainissement, jouent donc des rôles essentiels, qu’ils soient publics (pour la plupart),
privés ou encore collectifs (syndicats d’irrigants).
Les entreprises privées, productrices-distributrices d’eau potable, voire d’irrigation
délégataires de services publics sont rares ou absentes, à l’exception majeure de la
France et, dans une mesure moindre de l’Espagne ou de l’Italie, mais leur rôle tend à
s’étendre.
Depuis quelques années des établissements publics autonomes agences de
bassin… »), qui suppléent l’état en faisant financer par les usagers (redevances)
diverses opérations d’intérêt commun (réduction des pollutions notamment), se sont
développées dans plusieurs pays méditerranéens leur rôle grandit. Ce sont eux qui
mettent en œuvre les incitations économiques par le jeu des redevances.
Deux types de structure économique d’utilisation des eaux coexistent ainsi dans les
pays méditerranéens :
Des filières d’acteurs à fonction distinctes aménageurs, producteurs- distributeurs,
usagers-« consommateurs », opérateurs d’assainissement et d’épuration ou
drainage liés par des échanges plus ou moins marchands. Elles réunissent le plus
grand nombre d’acteurs, notamment la quasi-totalité des millions d’usagers
domestiques, une grande partie des irrigants, beaucoup d’entreprises industrielles
CHAPITRE 4 : L’ÉCONOMIE DE L’EAU EN MÉDITERRANÉE
4-4
desservies et tous les agents intermédiaires ; elles contrôlent la plus grande part
des quantités d’eau utilisées (de l’ordre de 60 % globalement).
Des usagers –exploitants individuels qui s’approvisionnent directement,
principalement les irrigants préleveurs d’eau souterraine et toutes les entreprises
industrielles non desservies. Ces dernières, ainsi que les ménages en habitat
dispersé non raccordés, sont aussi émetteurs d’eaux usées et en charge de la
traiter (assainissement autonome).
2. DES CHARGES ECONOMIQUES LOURDES EN CAPITAL ET CROISSANTES
Indépendamment de la question de leur répartition, examinée plus loin (3), les charges
économiques (financières) afférentes à l’eau se caractérisent, en Méditerranée comme
ailleurs, par trois particularités :
Le poids prépondérant du capital, des investissements à amortir à très long terme
et par conséquent des charges de financement-, lié à l’importance des équipements
d’aménagement, de transport et de traitement des eaux (génie civil, technologie,
développement moderne de l’automation…).
Une part variée, mais souvent appréciable, commune à plusieurs secteurs
d’utilisation (barrages à but multiple), qui pose un problème de répartition.
Sur les coûts d’opération, une part majeure de charges en personnel, du fait de
l’importance de l’approvisionnement par desserte (fonctions de contrôle, d’entretien,
de perception…).
Plus spécifique aux pays méditerranéens sans exclusive toutefois est la croissance
assez générale de ces charges, actuellement et en perspective. Cette croissance tient à
de multiples facteurs, pour la plupart conjugués :
La part croissante des aménagements de maîtrise des eaux irrégulières, pour
mobiliser les ressources, et le rendement décroissant de ces aménagements (les
sites de barrage les plus faciles à équiper et les plus rentables s’épuisent…).
L’augmentation des coûts d’exploitation d’eau souterraine, due aux baisses de
niveau des nappes, aux nécessités d’approfondissement des forages, au relais de
l’artésianisme par le pompage en certains cas (exemple en Tunisie…).
Des « suréquipements » visant à améliorer la résistance aux sécheresses de
certains modes de mobilisation d’eau, afin d’atténuer les risques de défaillance
(captage de réserve, interconnexion de réseaux…), en somme à fonction
d’ »assurance ».
Le vieillissement d’équipements de mobilisation d’eau, de plus en plus nombreux et
mécanisés qui augmente les charges de jouvence par rapport à celles des « travaux
neufs ».
Le développement des transports, notamment à plus grandes distances, souvent
accompagnés de refoulement à coût énergétique appréciable. Par exemple, le
projet du « Great Man made River” en Libye, dans ses deux premières phases, était
chiffré à 25 milliards de dollars. En Espagne les projets de régulation et de transfert
entre bassins du Plan hidrologico nacional de 2000 étaient chiffrés à 450 milliards
de pesetas. Les projets de transfert d’eau de l’Ebre vers les bassins méridionaux
sont chiffrés à 4,2 milliards d’euros.
Les nécessités de traitement de potabilisation plus poussé, sous le double effet des
dégradations de qualités des eaux qui s’aggravent et d’exigences de qualité
accrues.
La progression, bénéfique mais coûteuse, de l’assainissement et de l’épuration des
eaux usées, dont les charges sont d’un ordre voisin de celles de
l’approvisionnement des collectivités en eau potable.
CHAPITRE 4 : L’ÉCONOMIE DE L’EAU EN MÉDITERRANÉE
4-5
L’extension des mesures de protection des qualités des eaux, notamment dans les
périmètres sanitaires des captages d’eau pour l’alimentation, des servitudes
imposées peuvent appeler des indemnisations.
L’expansion des internalisations de coûts externes d’aménagements ou
d’exploitation d’eau, qui augmentent les coûts directs.
3. UN BIEN ECONOMIQUE TRES PARTIELLEMENT MARCHAND
Une minorité seulement des usagers d’eau méditerranéens s’auto-approvisionne en
ayant prise directe sur la ressource : les quantités d’eau dont ils se servent représentent
globalement les 2/5 du total utilisé dans les pays méditerranéens et seulement 30 % si
l’on fait abstraction des centrales thermiques (Cf. Chapitre 3). La plus grande partie
des eaux utilisées est donc bien objet d’échange et délivrée aux usagers
« consommateurs » par des organismes intermédiaires, producteurs-distributeurs,
décrits plus haut. Par exemple, les 2/3 en Espagne (Tableau 4-1) Et pourtant, ces eaux
utilisées ne sont que partiellement livrées dans des conditions de marché, à l’instar
d’autres biens ou services. Alors que leur production, leur transport, leur
conditionnement ont des coûts, directs (et externes), leur service est généralement tarifé
plus ou moins au-dessous de ces coûts ou ne fait l’objet que de « redevance » sans lien
avec les coûts (notamment dans le cas de l’eau d’irrigation à redevance par hectare…),
quand il n’est pas gratuit (l’eau d’irrigation dans certains pays). Cela reflète aussi la
grande inégalité de valeur marchande du service de l’eau suivant les utilisations : en
Méditerranée comme ailleurs, l’eau « bien de consommation » (eau potable
essentiellement) a une valeur marchande très supérieure à celle de l’eau « facteur de
production » (agricole, industrielle), elle-même en grande partie non marchande.
Tableau 4-1. Répartition des quantités d'eau utilisées en Espagne (1995) suivant les modes
d'approvisionnement
Unité: hm3/an
Secteurs d'utilisation
Collectivités
Industries
Agriculture
(irrigation,
élevage)
Energies
(centrales
thermiques)
Total
(eau potable)
Mode
sauf industries
d'approvisionnement
desservies
Desserte par producteur-
distributeur
3 550
1 117
~
19 094
0
23 761
(67,3%)
Auto-approvisionnement
-
1 647
~
5 000
4 915
11 562
(eau
souterraine)
(32,7%)
Total
3 550
2 764
24 094
4 915
35 323
Source: Libro Blanco del Agua, 1998
3. 1. Les coûts et les prix
La palette des « prix de l’eau » distribuée prix du service de l’eau, qu’il s’agisse
d’eau potable, d’eau d’irrigation ou parfois d’eau brute pour usage industriel, révèle une
variété considérable dans les pays méditerranéens. Non seulement en fonction de la
diversité des coûts réels de production, de traitement, de distribution, y compris les
charges spécifiques au financement des investissements (emprunts), mais aussi et
surtout des degrés variés de recouvrement de ces coûts impliqués dans les tarifications.
Le Tableau 4-2 présente quelques données « statistiques » glanées dans les sources
documentaires disponibles. Malgré la signification limitée des coûts ou prix « moyens »
cités par pays, chiffrés sans doute suivant des démarches non homogènes, et qui
masquent la forte dispersion des coûts et des prix réels locaux (même au sein de
chaque unide gestion), malgaussi le lissage monétaire qui traduit mal leurs poids
réels dans le contexte de chaque pays, les écarts entre les prix et les coûts sont patents
particulièrement dans le secteur de l’irrigation (Figure 4-1).
1 / 18 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !