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Le sous-emploi et la demande effective
L’analyse d’un sous-emploi de masse et involontaire est au cœur de la perspective keynésienne qui se développe
durant les années 1930. Elle contribue à une remise en cause profonde mais pas complète du discours des auteurs
«classiques» entendus par JM Keynes comme les économistes qui acceptent la loi de Say et la régulation
automatique par le mécanisme des prix. Tout en reprenant certains enseignements de l’analyse classique, Keynes
montre qu’un équilibre de sous-emploi dans le système capitaliste est inéluctable, qu’il tient à l’insuffisance du
niveau de la demande effective et que sa réduction suppose la mise en œuvre de politiques économiques
conjoncturelles actives. Keynes élabore sa théorie en discutant préalablement la version achevée de l’analyse «
classique », à savoir celle de AC Pigou.
Nous suivrons un cheminement similaire avant de nous interroger sur les prolongements contemporains des
analyses du maître de Cambridge.
I : Le prix du travail détermine l’emploi et la production : une analyse en termes de marchés
A - L’offre de travail est une fonction croissante du salaire réel
a : Présentation de la courbe d’offre individuelle (document 1)
Rappels :
-L’offre de travail émane des salariés.
-L’ école néoclassique rassemble des économistes depuis le milieu du 19ième qui ont tous en commun de croire
aux vertus du marché, de procéder à des analyses marginalistes, de déterminer la valeur à partir de l’utilité
marginale d’un bien, d’accepter la loi de SAY (toute offre crée sa propre demande donc ce qui compte est les
conditions de la production) et le plus souvent de retenir les hypothèses de la CPP.
-La concurrence est pure quand on a :
-Atomicité parfaite de l’offre et de la demande (chaque agent est trop petit pour influencer seul le marché).
-Transparence des marchés (parfaite connaissance des prix et des quantités proposées).
-Homogénéité des produits (produits parfaitement équivalents et substituables).
-La concurrence est parfaite quand on a :
-Libre accès au marché (pas de barrière technologique, douanière etc…).
-Parfaite mobilité des facteurs de production (possibilité sans limite d’entreprendre ou d’abandonner une activité
économique).
b : présentation de la courbe d’offre globale de travail (de marché)
On fait l’hypothèse simplificatrice que chaque individu propose un travail de nature strictement identique (cf
hypothèse d’homogénéité). Cela donne la possibilité d’agréger les courbes d’offre individuelles pour obtenir la
courbe d’offre de marché. Elle est la «somme» des courbes d’offre individuelles et a la même forme (fonction
croissante du salaire réel).
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B - La demande de travail est fonction décroissante du salaire réel (document 2)
a : Présentation de la courbe de demande de travail individuelle
Rappels :
-La demande de travail émane des entrepreneurs.
-La productivité marginale du travail se définit comme la variation de la production consécutive à la variation de
1 unité de la quantité de travail utilisé (1 heure, 1 salarié …).
-Par hypothèse simplificatrice, la productivité marginale est positive mais décroissante Donc, chaque unité
supplémentaire de travail permet une augmentation de la production mais de plus en plus faible. Si chaque
travailleur supplémentaire permet d’accroître la production dans des proportions toujours plus faibles, cela doit
se retrouver sur la relation entre la productivité marginale et le salaire et finalement entre la demande de travail
(DL) et le salaire.
b : Présentation de la courbe de demande globale de travail
Les demandes de travail individuelles concernent un travail homogène, à nouveau on a la possibilité de sommer
pour obtenir la courbe de DL de marché.
C - équilibre du marché du travail et sous-emploi
a : Présentation de la notion d’équilibre du marché du travail
D’après les néoclassiques et en particulier selon A .C Pigou, le marché du travail est toujours en équilibre si les
hypothèses de la CPP sont vérifiées. Un éventuel ajustement (relatif à une évolution sur le marché du capital ou
sur celui des produits) est automatique et garantit un retour à l’équilibre dès lors que la parfaite flexibilité du
marché du travail est respectée. L’ajustement est le résultat d’un processus de tâtonnement orchestré par un
commissaire-priseur. Aucun n’échange n’est réalisé tant que le commissaire priseur ne propose pas le prix qui
permet d’avoir OL = DL
Remarques :
-Ce sont les fluctuations de W / P qui permettent l’ajustement. Concrètement, il suffit que W (le montant de la
feuille de paie) diminue pour qu’un décalage se crée avec l’évolution des prix tel que W / P diminue.
-A l’équilibre, on a la double égalité DéUm = W / P = Pml.
-L’ajustement peut partir d’une situation de sous-emploi comme de sur emploi.
-L’équilibre du marché du travail néoclassique est compatible avec un sous emploi volontaire. Il est le fait de
travailleurs qui préfèrent les loisirs à l’activité pour le W / P proposé.
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b : Le chômage involontaire selon les néoclassiques
Un chômage involontaire est envisageable pour les néoclassiques et il a toujours pour explication l’imparfaite
flexibilité du salaire réel soit au final, le non-respect de l’une ou l’autre des hypothèses de la CPP.
Parmi les situations les plus courantes, on a :
-Les syndicats, l’Etat lorsqu’il impose un Smic, un système d’allocations chômage, empêchent la flexibilité de
W / P.
-Les procédures législatives contraignantes sur les embauches mais surtout sur les licenciements créent une
rigidité sur les quantités d’où la possibilité de voir croître le coût du travail unitaire (CTU = coût du travail /
valeur de la production).
-L’insuffisance de mobilité géographique du travail génère la baisse du niveau de concurrence entre les salariés
et donc réduit la flexibilité de W / P.
Synthèse sur l’analyse néoclassique
Une situation de CPP, étant donné la forme des courbes OL et DL, garantit l’existence et la stabilité d’un
équilibre de plein emploi ce qui est compatible avec un chômage volontaire. Un chômage involontaire est
envisageable mais suppose la non-vérification de la CPP. Pour améliorer la situation de l’emploi, il convient
alors de renforcer la flexibilité du marché du travail ce qui revient à s’approcher davantage de la CPP. On montre
là, la portée normative du modèle néoclassique. On remarque aussi que W /P détermine le niveau de l’emploi
(N) et pour une technique donnée, le niveau de la production.
II : l’emploi est déterminé par le montant de la demande effective
A : Keynes critique l’analyse néoclassique
fiche auteur
a : La rigidité des salaires n’explique pas seule le chômage (document 3)
D’après les néoclassiques, si le chômage s’élève durant les années 1930, cela tient à la fixité des salaires
nominaux dans un contexte de déflation. Le résultat est non seulement que W / P ne diminue pas mais surtout
qu’il augmente. Le chômage de masse s’explique alors par un coût du travail trop élevé et doit trouver sa
solution dans l’austérité salariale. Tel n’est pas l’opinion de Keynes.
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b : les salaires nominaux sont rigides à la baisse (document 4)
On rappelle que selon les néoclassiques, un marché du travail concurrentiel permet la double égalité suivante :
DéUm = W/P = PmL
Pour que l’emploi augmente, il faut et il suffit que W/P diminue (condition préalable et suffisante) ce qui génère
la baisse du chômage involontaire (et la hausse du chômage volontaire). Le marché du travail harmonise les
plans des travailleurs et ceux des entrepreneurs puisque tous réagissent à W/P. On a une baisse de DéUm et de
PmL jusqu’à ce que la double égalité soit vérifiée. Selon Keynes, la situation est plus complexe.
B : présentation de la relation entre la demande effective et l’emploi
a : Le principe de la demande effective (document 5)
L’auteur précise que Deff est déterminée au point de rencontre entre la courbe de demande globale et la courbe
d’offre globale (donc pour un niveau d’emploi Ne). Aussi, est-elle le montant du produit attendu (défini comme
la somme du coût de production et du profit) égalisant le montant des recettes juste suffisant pour qu’aux yeux
de l’entrepreneur, il soit envisageable de produire.
En effet, la courbe de demande globale est la représentation graphique de la fonction D de demande globale et la
courbe d’offre globale est la représentation graphique de la fonction Z d’offre globale.
D = produit attendu de l’emploi de N personnes (recettes monétaires espérées par les entrepreneurs pour l’emploi
de N personnes)
Z = produit nécessaire pour justifier l’embauche de N personnes, (recette monétaire minimum pour justifier
l’emploi de N personnes).
D est une fonction croissante de N puisque la demande augmente avec la masse salariale mais elle croît à taux
décroissant relativement à :
-La baisse de W/P puisque P augmente avec N tandis que W reste constant au moins jusqu’à un certain niveau de
N.
-La consommation peut présenter un phénomène de saturation.
Z est une fonction croissante de N puisque la production (et donc les coûts de production), étant donné la
technique, ne peut augmenter qu’avec le développement de l’embauche. Elle croît à taux croissant relativement à
l’hypothèse des rendements décroissants sur le travail comme sur le capital (même si W est constant, la hausse
de la production alors que les rendements sont décroissants génère la hausse du CTU). En fait, la hausse de P
accompagne celle de N ce qui d’ailleurs est nécessaire pour qu’il y ait baisse de W/P. (cf courbe de Phillips)
L’auteur précise que « ceci constitue l’essentiel de la TG ». Cela tient au fait que :
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-La détermination du niveau de l’emploi est radicalement différente de celle proposée par les néoclassiques (
N est déterminé par l’équilibre du marché du travail) même si les prix ne sont pas fixes contrairement à ce que
l'on trouve dans l'analyse ISLM ou la théorie du déséquilibre..
-On introduit les anticipations des entrepreneurs (sur les recettes futures) tandis qu’ils évoluent dans un contexte
de CPP selon les néoclassiques.
Remarque :
Le profit de l’entrepreneur (ou de l’ensemble des entrepreneurs représentatifs si on procède à l’analyse au niveau
global) n’est pas maximum en Ne mais plutôt en N*. L’écart maximal entre Z et D pour un niveau d’emploi N*
correspond au profit anormal maximum (ou profit d’aubaine maximum); le profit normal (jugé comme suffisant
par l’entrepreneur) étant intégré dans le prix de l’offre globale.
« Ceci étant, si pour un certain volume de l'emploi N le "produit" attendu est supérieur au prix de l'offre globale,
c'est-à-dire si D est supérieure à Z, il y aura un mobile qui incitera les entrepreneurs à accroître l'emploi et, s'il le
faut, à élever les coûts en se disputant les uns aux autres les facteurs de production jusqu'à ce que l’emploi ait
atteint le volume qui rétablit l'égalité entre Z et D ». TG.
Le passage de N* (ou de tout autre N avant Ne) à Ne s’explique par la motivation des entrepreneurs à se partager
le profit anormal (ou profiter le plus possible de conditions de marché favorables). Un mécanisme concurrentiel
sur le marché des biens ainsi que sur la demande de travail (pas sur le marché du travail) intervient dans la
détermination du niveau de l’emploi.
Synthèse graphique
On part du graphique de gauche
La bissectrice présente toutes les situations d’équilibres du marché des produits. Cette droite représente tous les
cas où DG = revenu (cas classique)
L’écart entre DG et C est le montant de l’investissement (par hypothèse simplificatrice I = constant). Pour le
montant de revenu atteint par cette société, on détermine C et DG. On constate qu’il y a équilibre sur le marché
des produits. On reproduit cette situation pour la période à venir d’où la détermination de la production à
réaliser, celle de la quantité de travail à utiliser, les niveaux du salaire réel et du sous-emploi.
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