- Elle dessèche tout en même temps l’affectivité du sujet qui se montre
insensible à tout ce qui est étranger à sa passion.
Dès lors, comment oser croire que le passionné puisse être libre ?
b) La passion et la raison.
Après tout ce qui a été dit plus haut, la passion semble s’opposer à la raison, puisqu’elle engendre des
illusions et la perte de la maîtrise de soi.
Ainsi, la passion est apparue pour certains philosophes et moralistes, comme une maladie de l’âme, un
phénomène monstrueux marqué par le dérèglement et la démesure. Démesure forcément contraire à la
sagesse en tant qu’elle s’oppose à la paix de l’âme et à la sérénité. Telle pourrait être la première cause
d’opposition entre raison et passion, en vertu du travail de l’imagination. Et dans ce cas de figure, ne serait-
il pas juste d’admettre une définition de la passion selon la passivité, comme le fit Aristote ?
Mais la passion semble entrer en contradiction avec la raison au nom du raisonnement en tant que tel.
En effet, la passion paraît fausser l’exercice normal du jugement. C’est ce que certains ont appelé, la
« logique passionnelle. »
En effet, la passion mobilisant tout le dynamisme psychologique, elle fausserait le jugement. Le passionné
est quelqu’un qui raisonne énormément, mais … souvent à faux. D’ailleurs, selon la théorie de la ‘logique
passionnelle’, le passionné aurait un raisonnement rigoureux mais les prémices en seraient fausses. En tous
cas, le passionné se montre imperméable à toutes réfutations, et s’il se montre impossible à raisonner.
Pourquoi ? Parce qu’en réalité, ses conclusions sont les postulats de son raisonnement, lequel n’est que la
justification de sa passion.
Ici, la passion retrouve son essence active, et donc son acception moderne. Mais survient alors une autre
difficulté : le passionné est-il conscient de cette passion qui l’habite ? Si oui, est-il pleinement conscient de
tout son mécanisme. C’est en répondant par la négative que les psychanalystes ont opposé la passion à la
raison.
2) LES SOURCES DE LA PASSION.
D’où vient la passion ?
a) Descartes
Descartes établit une distinction stricte :
- Les actions de l’âme sont les volontés. Ces dernières viennent donc
directement de l’âme et ne dépendent que d’elle.
- Les passions sont toutes les pensées excitées dans l’âme sans le secours de la
volonté. Les passions sont tout ce qui n’est pas la manifestation de l’activité
volontaire (perception, sentiment, émotion, …)
Descartes a ainsi établit 6 passions fondamentales (admiration, amour, haine, désir, joie, tristesse.) La
passion est la réaction affective de l’individu qui renvoie aux besoins et aux tendances.
Pour Descartes la passion vient de l’action des « esprits animaux », qui n’est autre qu’un mécanisme
neurophysiologique. Mais l’intérêt d’une telle théorie repose sur cet esclavage de notre âme vis-à-vis du
corps. Il est évident que la passion dérive de la tendance, laquelle dérive elle-même du besoin, d’où une base
biologique nécessaire à la passion. (T.31 p.198)
Mais si l’être désincarné est donc dénué de passion, l’animal complètement dépendant du corps serait
sujet aux passions, ce qui est refusé par beaucoup de philosophes. Ainsi ne faudrait-il pas attribuer une
origine purement mécanique aux passions. Il faut en effet pouvoir expliquer l’individualisation élective de la
passion, et le concours de l’intelligence et de la volonté qu’elle nécessite.
En réalité, Descartes (et toute la philosophie de la Renaissance dans son ensemble) subit là une
influence volontariste et stoïcienne qui s’est répandu depuis dans toute la pensée occidentale, ce qui n’a
facilité les recherches de la psychologie et de la morale. Il faudra attendre la psychanalyse freudienne pour
voir se mettre en place une réaction anti-cartésienne et anti-stoïcienne.
b) La psychanalyse
Bien souvent on simplifie à outrance la théorie psychanalytique en se contentant de présenter la source
de la passion dans l’inconscient. Et plus précisément dans l’enfance oubliée où résiderait tous les complexes
dont nous souffrons ! Ainsi la passion nous conduirait à la répétition des mêmes gestes pour recommencer
toujours la même histoire, comme pour apaiser ce complexe, guérir cette blessure qui sommeille en nous. La
passion ne serait que l’expression des transferts, compensations ou sublimations que nous opérons.