CHARLES FOURIER La passion est d’essence divine Égarés dans l’abîme de ténèbres, dans les systèmes politiques et moraux, commençons par chercher un fanal plus sûr que cette prétendue raison qui nous a perdus ; rallions-nous à Dieu, cherchons sa trace dans le dédale. Où trouver parmi nos passions quelque souffle de l’esprit divin ; est-ce dans les fureurs de l’ambition, dans les perfidies administratives et commerciales, dans la vénalité des amitiés, dans les discordes des familles ? Non, la cupidité, le mensonge, l’envie attestent l’absence de l’esprit divin, mais il est une passion qui conserve sa noblesse primitive et qui entretient le feu sacré, les caractères de la Divinité. Cette passion est l’amour, flamme toute divine ; véritable esprit de Dieu qui est tout amour. N’est-ce pas dans l’ivresse de l’amour que l’homme s’élève aux cieux et s’identifie avec Dieu ? Est-il d’amant ou d’amante qui ne divinise l’objet aimé et qui ne croie partager avec lui le bonheur de Dieu ? (…) Que l’amour soit dans l’ordre civilisé un fanal trompeur, c’est un sujet de défiance non pas contre l’amour mais contre la civilisation qui ne se concilie pas avec la passion toute divine ; observons bien à ce sujet que, si je désigne l’amour comme oracle social, c’est sur le bien possible dans les sociétés futures et non dans celle-ci. Charles FOURIER, textes inédits présentés par Simone Debout-Olesziewicz, Revue Internationale de Philosophie, t. XVI, 1962.