Les facteurs institutionnels de la croissance

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Faculté de Sciences Economiques
Histoire Economique 1° année LMD
2012 – 2013
Edith Maillot
Syndhia Mathe
Amna Mezni
Lamara Hadjou
Thème n° 4
Les facteurs institutionnels de la croissance
Question 1 : Quel est le rôle de l’Etat dans la vision classique ?
Question 2 : Définissez ce qu’est une institution ? Quelle est sa relation avec les
coûts de transaction ?
Question 3 : Quels sont les principaux facteurs institutionnels ayant favorisé l’essor
industriel en Angleterre ? Précisez les autres facteurs de la croissance
économique anglaise ?
Question 4 : Evaluez à travers des exemples concrets l’impact des facteurs
institutionnels sur les résultats économiques ?
Avant propos
Ce thème consacré aux facteurs institutionnels de la croissance aborde la question
clé du rôle des institutions dans le développement économique. Les théoriciens de
l’économie classique ont mis au centre de leur analyse le capital et le travail. Depuis
l’article précurseur de R. Coase en 1935 et ses prolongements dans les années
1970/1980 par des auteurs importants comme O. Willamson et D. North, le rôle des
institutions est de plus en plus considéré, comme un facteur essentiel du
développement à côté des autres facteurs comme le capital et le travail. Les
institutions sont définies comme un ensemble de règles formelles et informelles
contribuant à la régulation des comportements et donc de l’activité économique. Leur
qualité et leur degré d’efficacité sont déterminants sur les résultats économiques des
nations. Les études empiriques se sont largement développées et montrent qu’il y a
un effet significatif des institutions sur les performances. Le rôle de l’Etat et du
système de croyance sont ainsi au cœur des réflexions économiques
contemporaines.
A travers les textes assemblés, les étudiants bénéficieraient d’une introduction
consistante à ce thème, important de la réflexion économique. L’exercice de
dissertation se veut un moyen de développer la réflexion critique des étudiants.
Question 1 : Quel est le rôle de l’Etat dans la vision classique ? (textes 1 et 4)
Pour les théoriciens de l’école classique, et notamment Adam Smith, le fondateur de
la science économique moderne, le rôle de l’Etat doit se limiter aux fonctions
régaliennes (police, armée et justice). Les principes du laissé faire ou de la main
invisible ne doivent en aucun cas être contraints par une intervention de l’Etat. Celuici doit au contraire faire le nécessaire pour garantir un fonctionnement optimal du
marché, seul pouvant assurer la prospérité.
Assurer un cadre légal et institutionnel favorable à la paix et au commerce : il
s’agit de protéger les individus et leurs biens contre les injustices et de veiller au
respect de la propriété, favorable à l’essor d’une économie capitaliste de marché.
Défense du territoire contre les agressions extérieures : C’est la fonction la plus
importante à l’époque, dans un contexte marqué par l’instabilité, les conflits et les
guerres.
Développer et entretenir l’infrastructure de base (routes, ports) et les services
publics (écoles, hôpitaux…) : que les entreprises privées ne peuvent assurer, en
raison de leur faible rentabilité.
Question 2 : Définissez ce qu’est une institution ? Quelle est sa relation avec les
coûts de transaction ? (Textes 2 et 5)
Par institution, il faut entendre, l’ensemble des règles et des normes qui régulent les
comportements. La nature de ces institutions (favorables ou non au libre échange et
à la démocratie) influe sur le type de système économique en vigueur (libéral et
démocratique, libéral non démocratique, autoritaire, interventionniste…). Les
économistes institutionnalistes (Coase, Veblen, North) qui étudient les interactions
entre le comportement des individus et les institutions distinguent deux types de
grandes institutions : Les institutions formelles (règles écrites comme la constitution,
les lois, les chartes…) et les institutions informelles (règles non codifiées comme les
traditions, les croyances, les normes, les conventions…).
Les coûts de transaction (Coase, Willamson) sont l’ensemble des coûts préalables
(recherche d’information, incertitude, insécurité…) à la réalisation des transactions
(opérations économiques). La nature des institutions influe directement sur l’ampleur
des coûts de transactions. De bonnes (performantes) institutions permettent de
réduire fortement les coûts des transactions. Des coûts réduits facilitent et favorisent
les transactions et donc l’activité économique. Institution
Coûts de transaction
Croissance et développement.
Question 3 : Quels sont les principaux facteurs institutionnels ayant favorisé l’essor
industriel en Angleterre ? Précisez les autres facteurs de la croissance économique
anglaise ? (textes 3 et 4)
Pour beaucoup d’historiens de l’économie, comme Bairoch, North et Brasseul, les
facteurs institutionnels sont à l’origine de l’épanouissement industriel de l’Angleterre
au 19ème siècle. C’est d’abord la stabilité politique de l’Angleterre qui est évoquée
comme élément essentiel de son industrialisation. Le respect de la propriété privée
qui devient sacro-saint, encourage l’épargne, les innovations, l’investissement et
l’incitation à l’enrichissement. L’Ethique (croyance) protestante favorable à
l’individualisme, au progrès, au goût de l’effort et du risque. La traduction de cette
éthique par une série de règles formelles protectrices (protection de la propriété,
des brevets…) et incitatrices à l’initiative économique. La société britannique dresse
moins de barrières entre les classes sociales (aristocrates, bourgeois). Les
progrès réalisés dans l’éducation, avec une société alphabétisée à près de 50 %
au début du 19ème siècle, ont favorisé l’émergence d’une société ouverte aux savoirs
et à l’innovation. La mentalité anglaise semble-t-il plus axée sur la résolution des
problèmes pratiques, aura permis une évolution favorable à la construction de
nouvelles machines.
Les autres facteurs de la croissance en Angleterre sont liés à l’accumulation du
capital et le travail, l’étendue et la densité des marchés intérieur et extérieur, les
facteurs géographiques (insularité qui protège contre les invasions, système de
transport facilité par les réseaux de canaux et maritimes, coût du foncier…), les
dotations en facteurs de production (fer et charbon) et les pénuries relatives en
ressources traditionnelles (bois, terres, matières premières…).
Question 4 : Evaluez à travers des exemples concrets l’impact des facteurs
institutionnels sur les résultats économiques ? (Texte 5)
Les nombreuses études empiriques de ces dernières années, montrent que les
résultats économiques des nations, mesurés en termes de PIB par habitant, sont
étroitement liés à la qualité des institutions. L’étude de Hali Edison (2003) montre un
effet sur trois plans :
Effet des institutions sur le revenu : l’amélioration de la qualité des institutions
induit un revenu plus élevé. L’exemple des pays de l’Afrique subsaharienne est
assez parlant. Si la qualité institutionnelle de ces pays rattrapait celle des pays
asiatiques émergeants, leur revenu par habitant s’élèverait de près de 80 %.
Effet des institutions sur pouvoir d’achat : les institutions ont un effet important
sur la croissance annuelle du revenu par habitant. L’étude d’Edison montre que
institutions proches de la moyenne des pays développés permettraient à l’Afrique
subsaharienne d’accroitre sa croissance annuelle de près de 4,5 points.
Effet des institutions sur la stabilité de la croissance : l’étude d’Edison montre
que les institutions ont un effet remarquable sur la stabilité de la croissance. Une
meilleure qualité institutionnelle aura pour effet de réduire les écarts significatifs de la
croissance, de près 16 % pour les pays de l’Afrique subsaharienne.
Dissertation
Existe-il un modèle unique d’institutions favorables au développement ?
Le courant néo-institutionnaliste dans sa diversité d’orientation idéologique
(orthodoxe ou hétérodoxe) a le mérite d’avoir renouvelé et remis au devant de la
scène, à partir des années 1970/1980, les facteurs institutionnels et leur rôle dans la
croissance économique. Douglass North a joué un rôle considérable à ce titre, avec
sa relecture de l’histoire économique du monde occidental, sous le prisme
institutionnaliste. Il a mis l’accent sur la complexité du processus de développement
économique, qui demeure une énigme, malgré les connaissances et les efforts
accomplis. Il est admis que la croissance économique ne dépend pas seulement du
stock de capital physique et humain. L’ensemble des règles institutionnelles
(formelles et informelles) qui encadrent et orientent l’activité économique joue un rôle
significatif. Elles ont permis aux pays capitalistes de réaliser une croissance intense
et un développement soutenu. Les échecs de transposition du modèle institutionnel
occidental dans les pays d’Afrique et d’Amérique Latine, nous mènent néanmoins à
nous interroger sur l’unicité de ce modèle. Nous structurons notre travail en deux
parties. La première partie montre que la croyance de l’existence d’un unique modèle
institutionnel favorisant le développement est une utopie. La deuxième partie nuance
notre premier propos en montrant que certes, il n’existe pas de modèle unique, mais
qu’il y a un certain nombre de principes qui doivent prévaloir.
1. L’existence d’un modèle unique d’institutions efficaces est une utopie
Les institutions du monde capitaliste occidental ont certes permis un développement
significatif, mais elles sont loin de constituer un modèle unique, en raison, de leur
diversité au sein même de ces pays, mais aussi de l’échec des modèles d’institutions
transposés dans les continents africains et d’Amérique latine.
1.1. Complexité du processus de développement économique et institutionnel :
o L’histoire du développement des sociétés occidentales interpelle sur la variété
des facteurs responsables : géographiques ? Politiques ? Economiques
(Marché, dotation en facteurs) ? Institutionnels ?
o Les institutions ayant prévalu en Angleterre au 19 ème siècle expliquent semblet-il l’avance prise par ce pays. Les principes du libre échange, de
l’individualisme et de la propriété privée sont au cœur du système
institutionnel capitaliste. Faire respecter ces principes par les moyens
réglementaires a été un moyen favorisant l’efficacité économique. Mais
comment explique que l’avance prise par l’Angleterre a été rattrapée par
d’autres pays européens, et même dépassée par les USA et par la suite par
l’Allemagne et le Japon ?
o Les institutions sont des constructions sociales propres à chaque société.
Comment expliquer qu’une diversité de contextes (comme entre le Japon et
l’Europe), de systèmes institutionnels formels (lois, règlements…) et informels
(valeurs, traditions, croyances…) ont conduit à un développement
comparable ?
1.2. Echec de la transposition du model institutionnel capitaliste (cas des pays
en développement d’Amérique Latine et d’Afrique) :
o Depuis les années 1980, les institutions internationales comme le FMI et la
Banque mondiale tentent de promouvoir le modèle institutionnel occidental,
dans les pays en développement.
o L’expérimentation de ces modèles dans ces pays a conduit à des résultats
très mitigés voir même à des situations de crise aigues.
o Les arrangements institutionnels calqués du monde occidental s’avèrent peu
adaptés aux contextes des pays en développement. Les traditions et les
croyances spécifiques à chaque pays sont hermétiques aux changements à
court terme.
o Pour Douglass North (2003) « Les institutions apparues dans le monde
occidental…ne doivent pas nécessairement être copiées fidèlement dans les
pays en voie de développement. La clé est dans la structure incitative qui est
créée, non dans l’imitation servile des institutions occidentales ».
2. Il existe néanmoins un certain nombre de règles institutionnelles
indispensable au développement
Améliorer les performances économiques signifie abaisser les coûts de production et
de transaction à travers un système institutionnel efficace qui évolue et qui s’adapte.
2.1. Au niveau des systèmes intentionnels formels :
o Un régime politique (et juridique) stable, consensuel et efficace
o Des institutions de qualité, incitatives et qui s’adaptent aux changements
o Des règles crédibles de protection des individus, de la propriété, des contrats,
des organisations et des relations d’échange
o Un système de droits de propriété assurant de faibles coûts de transaction
2.2. Au niveau des systèmes de croyance et de valeur :
o
o
Normes informelles limitant le degré de liberté des acteurs politiques
Intériorisation des normes favorisant la liberté, la propriété et le libre
commerce
o
Evolution des croyances et des valeurs et lutte contre les préjugés, les
inerties et les traditions jugées révolues
Conclusion
Comme le montre Douglass North, il n’existe pas de modèle institutionnel unique
favorable à la croissance, mais il y a un certain nombre de principes qui doivent
prévaloir : structures politiques et économiques stables et favorables à l’activité
productive, crédibilité des lois et de l’engagement de l’Etat à protéger les
organisations et les relations d’échange, transformation des mesures coercitives en
normes intériorisées, protection des droits de propriété individuels et des contrats,
assurer un système qui réduit les coûts de transaction et favorise l’efficacité
économique…
Bibliographie
Douglass North., 2005. Le processus du développement économique, Editions
d’Organisation, Paris, 237p.
Hali Edison., 2003. Qualité des institutions et résultats économiques, Finances &
Développement, p35-37.
Oliver E. Williamson., 1994. Les institutions de l’économie, InterEditions, Paris,
404p.
Jacques Brasseul., 2010. Petite histoire des faits économiques, des origines aux
subprimes, Edition. Armant Colin, Paris, 320p.
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