Les Lettres persanes de Montesquieu Activité Support Contenu et questions posées Objectifs Contextualisati on Introduction Brainstorming, rappel de la matière déjà vue en classe : le XVIIIème, le siècle des Lumières, la philosophie, Montesquieu, Les Lettres persanes. Cette matière vous a-t-elle intéressés ? Pourquoi ? Première lecture de la lettre XXX des Lettres persanes Lecture orale Vocabulaire Que pensez-vous du texte à cette première lecture ? Impression positive ou négative ? Pourquoi ? De quoi s’agit-il dans ce texte ? Qu’avez-vous compris ? Y a-t-il des incompréhensions ? Que pouvons-nous dire des éléments paratextuels ? Faire appel à des connaissances antérieures, récupérer le « déjà-là » et contextualiser la séance Identifier les lieux du texte qui posent problème de compréhension et suscitent des interprétations, exprimer ses premières impressions sur un texte, observer les éléments paratextuels. Prendre conscience de sa manière de lire, porter sur le texte une appréciation personnelle Comprendre et interpréter un texte littéraire Seconde lecture Lettre XXX des Lettres persanes Mise en commun et analyse détaillée Observation des habits persans du XVIIIème siècle Actualisation (si trop de temps) Images de Persans de l’époque Texte d’ Azouz Begag Consigne : Lisez individuellement le texte et notez vos réflexions, commentaires… Soulignez un passage qui vous frappe, noter un mot dans la marge… Qu’avez-vous noté ? Comment se structure le texte ? Quelle différence y a-t-il entre les deux paragraphes ? Analyse approfondie du texte Observation d’une des nombreuses couvertures de l’œuvre de Montesquieu : quel effet provoque-t-elle ? Ce texte vous parle-t-il ? Quels thèmes soulevés sont-ils encore actuels ? Lecture orale du texte d’Azouz Begag Compétence Duré e 5’ 10’ FICHE 4 : Lire le texte littéraire 3’ 20’30’ Donner une dimension visuelle au texte lu 2’ Mettre en relation des textes d’hier et d’aujourd’hui, percevoir l’universel et l’intemporel dans un texte littéraire 5’ Introduction (Contextualisation) Montesquieu (1689-1755) est un philosophe du XVIIIe siècle issu de la noblesse. A cette époque, le philosophe est un homme de combat, qui lutte pour l’exercice de la liberté de pensée, pour la liberté de religion, pour la liberté individuelle contre la pratique de la torture et de l’esclavage… La raison est prônée comme meilleur moyen d’accès au bonheur et est presque divinisée. Montesquieu est, comme beaucoup d’autres philosophes de son époque, « Les Lumières », piqué par une curiosité universelle. Il s’intéresse à la science, au social, à l’histoire et à la philosophie du droit (L’Esprit des lois)… Ces lettres (publiées en 1721) sont pour Montesquieu une manière plaisante et implicite de critiquer son époque. Ce roman épistolaire (très à la mode au XVIIIe) est paru anonymement pour éviter la censure et pour faire croire à son authenticité (comme Les Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos). Rica et Usbek sont deux persans partis de Isaphan et arrivés récemment à Paris. De là, ils envoient de nombreuses lettres à leurs amis qui abordent de nombreux thèmes : débats religieux et politiques, réflexion sur le théâtre, sur la situation des femmes et la hiérarchie sociale… Les Lettres persanes sont une critique sociale, une critique des mœurs contemporaines et sont présentées de manière piquante (ironie…) car le point de vue sur la France est adopté par un voyageur, qui est étranger aux valeurs françaises. 1/ Première lecture Vocabulaire : - Extravagance : état, comportement de ce, celui qui est extravagant, déraisonnable, à la limite du bon sens - Tuileries : fabriques de tuiles. Ici, endroit précis situé à Paris. - Lorgnettes : lunettes pour voir de loin - Physionomie : expression, aspect du visage. - Compagnie : ici, ensemble de personnes, généralement réunies dans un but précis. Ce texte présente la curiosité des habitants de Paris à travers le regard d’un Persan. Le thème est annoncé dès la première phrase. Rica écrit ses impressions sur la vie à Paris à Ibben, resté au pays. Tout le monde veut voir les Persans mais c’est une curiosité superficielle et passagère, une mode. S’ils quittent leur costume exotique, plus personne ne s’intéresse à eux (est-ce une pensée archaïque selon vous ?) Notons la date : « le 6 de la lune de Chalval ». Ces lettres, datées à l’aide du calendrier persan, permettent d’ajouter trace d’exotisme à l’œuvre de Montesquieu. 2/ Analyse détaillée Le premier paragraphe est ponctué de termes relatifs au regard « je fus regardés », « tous voulaient me voir »… Il met ainsi en scène un Persan regardé, admiré et très sollicité dans le Paris où il vient d’arriver. Le thème du regard est souvent utilisé au passif. Le Persan subit malgré lui tous ces regards. L’auteur dénonce ici l’impolitesse des Parisiens qui, emportés par leur curiosité, en oublient leur savoir-vivre. Montesquieu leur reproche leur indiscrétion. Ils le dévisagent, ont besoin de sensations fortes. C’est pour cela qu’ils prennent presque ce Persan pour un envoyé de Dieu en feignant de croire qu’il vient du ciel. Montesquieu montre que la curiosité est universelle : tous âges et sexes confondus veulent voir le Persan. On voit ici une gradation des termes, du plus sage au plus naïf : « vieillards, hommes, femmes, enfants ». L’auteur accentue ce thème de la curiosité : « lorgnettes », « je voyais mes portraits partout ». Nous sommes ici dans une situation de mise en scène (le monde comme théâtre, thème déjà ancien). Les Parisiens sont présentés comme les curieux, les spectateurs. Le lecteur est lui-même plongé dans une mise en scène multicolore, sonore et chorégraphiée (« les femmes même faisaient un arc-en-ciel nuancé de mille couleurs, qui m’entouraient »). Une certaine effervescence entoure le Persan tout au long de la lettre (« boudronnement »), accentué par les fréquentes hyperboles (« tout le monde », « cent », « mille », « partout »). Cette mise en scène n’est possible que grâce au costume : l’ambiance et l’action de chaque scène dépend du costume porté par le Persan (d’abord persan puis européen). L’importance de ce costume permet à Montesquieu de dénoncer le culte de l’apparence, culte qui provoque l’apparition d’idées toutes faites chez le Parisien. Ainsi, grâce au parole d’un Parisien rapporté au discours direct (« il faut avouer qu’il a l’air bien Persan », « Comment peut-on être Persan ? »), l’auteur nous montre implicitement l’étroitesse d’esprit du Parisien qui se prend pour le modèle, la référence et se demande comment on peut-être autre chose que ce qu’il est. Ce procédé ironique amène le lecteur à se demander « Comment peuton être français ? ». De plus, l’allusion au monde parisien tel une petite comédie compare indirectement les Parisiens à des acteurs (ne sont pas seulement spectateurs), des personnes qui se cachent derrière un masque. Comment réagit le Persan face à ces comportements ? Il est flatté, étonné. Face à cette curiosité exagérée, cette impolitesse de la part des Parisiens, le Persan se contente de sourire, d’être poli. Mais ce sourire est ironique. On pourrait croire à une certaine forme de vanité (« très bonne opinion ») mais il est gêné de toute cette attention (« ne laissent pas d’être à charges » = sont difficiles à supporter) Le Parisien, par orgueil et vanité, veut prouver qu’il s’y connaît, qu’il connaît le monde persan (« Il faut avouer qu’il a l’air bien persan »). Il est ainsi présenté comme un être frivole1, qui est bien dans sa chambre et qui ne s’intéresse pas aux autres cultures : il reste enfermé dans sa culture, s’y sent bien et ne montre pas de désir d’aller voir ailleurs. Le Persan est ici le porte-parole de l’auteur qui élabore une satire des Français. Il fait passer son esprit critique à travers les étrangers (qui ont du recul). Un étranger a assez de distance pour percevoir les caractéristiques propres à une culture. Le texte est empreint de la fausse naïveté du Persan. La phrase « Chose admirable ! » nous montre son étonnement face au comportement parisien qu’il ne comprend pas. Son étonnement est également prouvé par des phrases négatives qui renforcent le ton ironique du locuteur : « je ne me croyais pas », « je ne me serais jamais imaginé ». Dans le second paragraphe, grâce à sa lucidité et à sa sagesse (« je ne me croyais pas un homme si curieux et rare »), il formule une hypothèse au conditionnel pour savoir si l’attention des Parisiens n’est basé que sur son habit de Persan. Le résultat est donné par la suite : « libre de tous les ornements… bouche ». L’expérience réalisée par le Persan lui permet de faire des observations objectives et de valider son hypothèse. Cette organisation montre que la pensée de Montesquieu est basée sur l’utilisation de la raison, principe prôné par les philosophes des Lumières, pour comprendre le monde et ses mystères. Conclusion Montesquieu invite ici à la tolérance et à l’adoption des points de vue qu’on appellerait aujourd’hui interculturels. Le Parisien se prend ici comme modèle et adopte une vision ethnocentriste de sa propre culture. Il ne pense pas que l’étranger peut représenter une richesse et montre son étroitesse d’esprit. Montesquieu, par cette critique, aborde la notion de relativisme (notion qui naît au XVIIIème siècle avec l’esprit critique. Cette doctrine considère nos mœurs, notre religion…comme relatives au pays dans lequel nous vivons. A l’époque, cette idée est révolutionnaire). En 1 Qui est superficiel et s’attache à des choses futiles. contrepartie, Montesquieu montre qu’il existe aussi une bonne curiosité, celle du Persan, qui est doté de nombreuses qualités (intelligence, humour à l’égard de soi, juste estime de soi, curiosité), contrairement aux Parisiens, qui ne se soucient pas de découvrir l’Homme dans ce qu’il a d’universel. Vous sentez-vous personnellement touché par ce que nous apprend Montesquieu ? Comment ? Pourquoi ? Un autre cas de relativisme culturel : Béni ou le paradis privé, d’Azouz Begag Bibliographie - PLOQUIN, Françoise, Littérature française : Les textes essentiels, Paris, Hachette, 2008. Littérature : Référentiel, 3e/6e, Bruxelles, De Boeck, 2003. LAGARDE, A et MICHARD…XVIIIe siècle. Encyclopédie Universalis 2007, version informatique. Site internet consulté - http://www/litterales.com