Le Haut-Canada

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Le Haut-Canada
De l'Acte constitutionnel (1791) à l'Acte d'Union (1841)
Ancêtre de ce qui est aujourd'hui la
province de l'Ontario, le Haut-Canada est
créé par l'Acte constitutionnel de 1791.
Celui-ci sépare l'ancienne Province de
Québec en deux parties : le Haut-Canada
et le Bas-Canada. Dans l'histoire
canadienne, on parle de Haut-Canada et
de Bas-Canada pour la période de 1791 à
1841. Après cette date, les deux
provinces sont unies pour former le
Canada-Uni, et on parlera alors de
Canada-Ouest (Haut-Canada, ou Ontario)
et de Canada-Est (Bas-Canada, ou
Québec). Toutefois, le plus gros héritage
qu'a reçu l'Ontario d'aujourd'hui lui est
venu du Haut-Canada.
L'Acte constitutionnel de 1791 représente
la réponse de Londres à la Révolution
américaine pour ce qui est de
l'administration de ses colonies nordaméricaines. Un lieutenant-gouverneur
est nommé pour chaque province, et il est
assisté par un conseil exécutif, un conseil
législatif et une chambre d'assemblée.
Jusqu'en 1848, au moment où Londres
octroie le gouvernement responsable, le
Conseil exécutif rend compte à Londres
plutôt qu'à la Chambre d'assemblée.
En 1791, le Haut-Canada compte environ
10 000 habitants. La majorité d'entre eux
sont des loyalistes, en provenance des
États-Unis, qui ont grandement profité de
la générosité de Londres. Ils ont fui le
territoire américain lors de la guerre de
l'Indépendance (1776-1783). Voulant
rester fidèle à la couronne d'Angleterre, ils ont quitté ce qui allait devenir les États-Unis et sont
venus s'installer en Nouvelle-Écosse, au Nouveau-Brunswick, et dans la Province de Québec
(comprenant le Québec et l'Ontario d'aujourd'hui). Notons que des Amérindiens et des Français
habitaient également le territoire du Haut-Canada, à cette époque.
Le premier lieutenant-gouverneur du Haut-Canada, John Graves Simcoe, joue un rôle très
important dans l'établissement de la société du Haut-Canada. Il veut modeler le nouveau
territoire sur son Angleterre natale et instaurer l'anglicanisme comme religion d'État. Le moment
où les Américains envahissent le Canada, lors de la guerre de 1812, est également marquant
pour la formation de l'identité du Haut-Canada. Le combat que les anciens colons américains, qui
constituent en grande partie la population du Haut-Canada, livrent à la nouvelle république
renforce les liens qui les unissaient déjà à l'Angleterre.
Le Family Compact, qui dirige la province depuis le début du XIXe siècle, est de plus en plus
contesté à partir des années 1820. Les rébellions de 1837, menées par William Lyon Mackenzie,
sont l'apothéose de cette contestation. Malgré le fait qu'elles aient échoué, elles prouvent que la
population ne partage pas la vision du Family Compact. Des hommes influents comme Robert
Baldwin et Sir Louis-Hippolyte La Fontaine, qui vont diriger de concert un gouvernement de
coalition à deux reprises pendant la décennie suivant l'Acte d'Union, signé en 1841, soit de 1841
à 1843 et de 1848 à 1851, vont réussir à amener plusieurs réformes importantes. Toutefois, les
principaux changements vont être imposés par Londres, qui applique plusieurs des
recommandations faites par lord Durham dans son fameux rapport rédigé à la suite des
rébellions de 1837 et de 1838 dans le Haut-Canada et le Bas-Canada. Une de ces
recommandations mène à la création de l'Acte d'Union en 1841, qui marque la fin du HautCanada et le début d'une nouvelle ère politique, celle du Canada-Uni.
Les rébellions de 1837
Dans le Haut-Canada (comme dans le Bas-Canada d'ailleurs), une partie de la population
critique la façon qu'a l'élite politique de gouverner la colonie. Mentionnons, entre autres pommes
de discorde, les excès de « patronage » politique, le désaccord au sujet des politiques d'octroi
des terres, particulièrement en ce qui concerne les réserves du clergé, les politiques élaborées
en matière d'éducation, les priorités en matière de politiques économiques ainsi que le
favoritisme à l'endroit de l'Église anglicane.
Le parti réformiste prend le contrôle de la Chambre d'assemblée en 1828 et en 1834, mais ne
réussit pas à obtenir les changements voulus. La venue du lieutenant-gouverneur Francis Bond
Head, dans le but de concilier les éléments réformistes, ne donne pas les résultats escomptés.
F.B. Head adopte plutôt une attitude d'affrontement et aide à faire élire des conservateurs. De ce
fait, certains réformistes modérés, comme Robert Baldwin, sont défaits. Cela joue en faveur de
William Lyon Mackenzie et de son approche plus radicale.
Initialement, W.L. Mackenzie voulait faire pression sur les autorités coloniales et sur le
gouvernement en incitant les gens à boycotter les denrées importées, en encourageant les
unions politiques et en entrant en contact avec les réformistes du Bas-Canada. Mais à la fin de
l'été 1837, il abandonne ses tactiques non violentes et s'oriente de plus en plus vers la révolte
armée. Au début de décembre 1837, W.L. Mackenzie et près de 1 000 hommes se réunissent à
la taverne Montgomery, à Toronto, pour tenter de prendre le contrôle du gouvernement. Entre
200 et 300 volontaires et miliciens, gagnés à la cause du gouvernement, repoussent les rebelles.
Trois jours plus tard, entre 1 000 et 1 500 loyalistes marchent sur la taverne et forcent les
rebelles à fuir. C'en est presque fait de la Rébellion. Au cours de l'année 1838, certaines
escarmouches éclatent, mais rien qui ne mette vraiment le gouvernement en danger.
Le rapport Durham et l'Acte d'Union
Lord Durham est envoyé au Canada afin de faire rapport sur les causes ayant mené aux
rébellions du Haut-Canada et du Bas-Canada.
Les trois recommandations principales de son rapport sont l'octroi du gouvernement responsable
aux colonies britanniques de l'Amérique du Nord, l'union du Haut-Canada et du Bas-Canada en
Canada-Uni ainsi que l'assimilation des Canadiens français. Il critique aussi ouvertement les
« cliques » politiques qui contrôlent le pouvoir gouvernemental dans ces deux colonies.
L'impact du rapport Durham est bien différent selon qu'on regarde ce qu'il implique pour le HautCanada ou pour le Bas-Canada. En recommandant l'union politique des colonies, lord Durham
visait à rétablir la paix. Pour ce faire, il croyait devoir assurer, dans les colonies britanniques de
l'Amérique du Nord, une majorité anglaise et loyale, angliciser les Canadiens français et octroyer
la responsabilité ministérielle. En faisant de l'anglais la seule langue officielle du Parlement du
Canada-Uni, l'Acte d'Union protège la culture de la population du Haut-Canada. En accordant
autant de représentants parlementaires au Haut-Canada qu'au Bas-Canada, qui a pourtant une
population plus nombreuse, l'Acte d'Union favorise la vie politique du Haut-Canada. En
recommandant l'assimilation des Canadiens français, le rapport Durham encourage la présence
de Canadiens de langue anglaise en terre d'Amérique. Le rapport Durham ne constitue donc pas
une menace pour le Haut-Canada. Au contraire. On ne doit pas alors s'étonner qu'il y soit bien
reçu. On ne doit également pas s'étonner de la levée de boucliers qu'il provoque chez la
population francophone, principalement dans le Bas-Canada.
Les mesures draconiennes du rapport Durham amènent la population du Bas-Canada à
manifester si bruyamment qu'en 1848, sept ans après l'entrée en vigueur de l'Acte d'Union,
Londres doit reconnaître et accepter l'usage du français. Le rapport Durham conduit également à
la formation d'une nouvelle classe politique. Il s'agit de réformistes modérés qui croient en la
coopération des deux principaux groupes formant le Canada de cette époque. Pour le CanadaOuest, il y aura Robert Baldwin; pour le Canada-Est, ce sera Sir Louis-Hippolyte La Fontaine.
Les gouvernements Baldwin-La Fontaine
Lors de l'élection de 1841, la première sous le régime de l'Union, Londres essaie tant bien que
mal de favoriser les candidats conservateurs. Au Canada-Ouest, Robert Baldwin réussit à faire
élire 26 députés; au Canada-Est, Sir Louis-Hippolyte La Fontaine ne réussit à faire élire que 7
députés véritablement réformistes. Les deux hommes politiques comprennent alors qu'ils doivent
s'associer pour contrer les tentatives de Londres de dicter la conduite de la colonie. Chacun y
trouve son compte. Baldwin veut que les volontés de la Chambre d'assemblée soient respectées.
L Fontaine, de son côté, est d'avis qu'il doit abandonner l'idée d'un État français en Amérique et
jouer le jeu du système politique britannique pour assurer la survie des Canadiens français en
Amérique du Nord britannique.
Baldwin et La Fontaine se soutiennent ainsi mutuellement afin de s'assurer que l'un et l'autre sont
membres de la Chambre d'assemblée et du Conseil exécutif. Favorisés aussi par la présence du
gouverneur Charles Bagot, qui rompt avec la politique de l'ancien gouverneur général, lord
Sydenham, qui bloquait l'accès des francophones au Conseil exécutif, Baldwin et La Fontaine
forment le premier gouvernement de coalition. Cette brève période d'indépendance relative du
Canada-Uni prend fin lorsque, au décès du gouverneur Bagot, en 1843, Charles Metcalfe le
remplace. Celui-ci a la ferme intention de remettre les réformistes à leur place. De ce fait, il est
plus difficile pour les deux parties de la colonie britannique de coopérer.
Mais Baldwin et La Fontaine sont de nouveau appelés à former un gouvernement de coalition, de
1848 à 1851. Le « Grand Ministère », comme il sera convenu de l'appeler, façonnera de manière
importante le système judiciaire et municipal du Canada-Uni. Il réalisera également plusieurs
réformes importantes qui marqueront le paysage politique et social de la colonie.
La responsabilité ministérielle
L'évolution du système politique instauré par l'Acte d'Union culmine avec l'octroi aux colonies
nord-américaines, de la part de Londres, de la responsabilité ministérielle, vers 1848. Les
ministres devront dorénavant avoir la confiance des députés qui siègent à la Chambre
d'assemblée ou démissionner. Cette concession de Londres, grand pas vers la démocratie
parlementaire, est en partie responsable de l'instabilité qui marquera l'histoire politique du
Canada durant la décennie précédant la Confédération, en 1867.
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