Synapses silencieuses dans le bulbe rachidien : Une histoire de fuite?
Bénédicte Balland, Lachamp Philippe, Caroline Strube, Baude Agnès, Jean-Pierre Kessler et
Fabien Tell UMR 6150
La mise en place des synapses excitatrices est souvent décrite comme un phénomène séquentiel
dépendant de l’activité: Au tout début les synapses sont dites silencieuses car elles ne possèdent que des
récepteurs NMDA. Ces récepteurs ionotropiques étant bloqués au potentiel de repos, ils ne s'activent donc pas
lors de la libération synaptique de glutamate; la synapse est dite silencieuse. Ensuite, si la libération de
glutamate est associé à la dépolarisation du neurone post-synaptique (phénomène de pairing de type Hebbien),
cela induit l'insertion de récepteurs AMPA et la synapse devient fonctionnelle.
Nous nous sommes interrogés sur la pertinence de ce modèle au niveau du noyau du tractus solitaire
(NTS). Nous montrons qu'à la naissance (P0), la moitié des réponses synaptiques excitatrices dans le NTS sont
portées uniquement par les récepteurs NMDA. Ces synapses pourraient donc correspondre à des synapses
silencieuses dépourvues de récepteurs AMPA. Leur nombre semble diminuer au cours de la maturation ce qui est
cohérent avec la poursuite de la synaptogenèse en période postnatale dans cette structure. Cependant, une
analyse plus fine montre qu'à P10, il est encore possible de détecter des sites synaptiques potentiellement
silencieux dans des proportions similaires à la naissance. Par ailleurs, l'analyse immunohistochimique montre que
moins de 10 % des synapses sont dépourvues de récepteurs AMPA à P0 et moins de 20 % à P10. Pour tenter de
résoudre cet apparent paradoxe, nous avons développé un modèle mathématique qui intègre la possibilité que
les synapses silencieuses apparentes soient en fait dues à une diffusion trans-synaptique du glutamate. On sait,
en effet, que dans ces conditions le glutamate va sélectivement activer les récepteurs NMDA et donner ainsi
l'illusion de la présence de synapses dépourvues de récepteurs AMPA. La modélisation mathématique de ce
phénomène prédit que l'utilisation d'antagonistes compétitifs des récepteurs NMDA doit produire une diminution
du contenu quantique objectivé par la mesure de la la variabilité des réponses NMDA, c'est à dire une “
disparition” des sites synaptiques activés par la diffusion de glutamate. Cette prédiction a été confirmé
expérimentalement à P0 comme à P10. Ainsi, la majorité des synapses silencieuses dans le NTS serait due au
phénomène de spillover.