Résumé des faits

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Euthanasie
Résumé des faits
Il s’agit du cas d’une femme âgée de 60 ans, atteinte de démence liée à
l’alcoolisme et qui est sous curatelle. Elle n’est plus capable de discernement. Sa
qualité de vie s’est gravement détériorée depuis 3 ans. En raison de son état agité,
des mesures de contention ont dû être prises, qu’elle soit couchée ou dans un fauteuil roulant. Elle est nourrie au moyen d’une sonde.
En raison d’une pneumonie, elle a dû être hospitalisée. Après avoir reçu des soins
(respiration artificielle), elle a pu réintégrer le home médicalisé. Le médecin-chef aimerait l’accord de l’AT pour qu’en cas de nouvelle pneumonie on ne prenne aucune mesure de survie.
La personne n’a pas laissé de dernières volontés ou de directives anticipées. Elle n’a
plus de contacts depuis longtemps avec ses enfants et son mari dont elle vit séparée
depuis de nombreuses années.
Mes questions:
a) Si de nouvelles mesures de survie (respiration et alimentation artificielles) à
quel moment l’AT peut-elle donner son accord pour que l’on interrompe ces
mesures ? Doit-elle obtenir l’accord du mari dont la personne vit séparée depuis de nombreuses années ou des enfants qu’il faudrait retrouver ? Selon
quels critères l’AT doit-elle statuer (2e avis médical, autres)?
b) Les proches peuvent-ils décider en lieu et place de l’AT, même s’ils n’avaient
plus de contacts avec la personne depuis des années ?
c) Dans le cas présent, l’AT pourrait-elle, à la demande du médecin du home,
décider à l’avance, en se fondant sur la qualité de vie actuelle de la personne, si des mesures de survie doivent être prises ou ne pas être prises ?
Demande de certificat médical, décision selon quels critères ?
Considérants (extraits)
(…)
2. En tant que curateur selon l’art. 394 CC, vous êtes également compétents pour
l’assistance personnelle. Cela comporte la sauvegarde de l’ensemble des intérêts liés à la personnalité et se détermine selon les besoins individuels de la personne concernée, en sauvegardant sa liberté personnelle, son autonomie dans
sa manière de concevoir son existence ainsi que sa dignité humaine (Affolter,
Rechtsfragen aus dem Alltag der persönlichen Betreuung,. AJP 1998 p. 649 ; traduction française « Aspects juridiques et questions quotidiennes découlant de
l’assistance personnelle en droit de tutelle », RDT, 1998 p. 231 ss). Si la personne
n’est plus capable de discernement, c’est à vous qu’il appartient de sauvegarder ses intérêts personnels, ce qui comporte notamment les soins de santé, la protection de l’intégrité physique et psychique et la sauvegarde de la dignité hu-
maine.
L’autorité tutélaire ne doit intervenir dans des questions liées à la fin de vie que
lorsque la personne n’a pas de représentant légal et que des décisions capitales
doivent être prises à son sujet, décisions que les médecins ne peuvent prendre
seuls. En pareil cas, l’autorité tutélaire doit soit nommer un représentant (curateur
selon l’art. 392 CC), soit décider elle-même dans les cas considérés comme clairs
et pouvant être facilement réglés (Schnyder/Murer, Berner Kommentar, N 36 zu
Art. 392 ZGB; E. Langenegger, Kreative Lösungen bei vormundschaftlichen
Massnahmen, Referat am IRR der Universität St. Gallen vom 28. Mai 2004).
Dans votre cas, vous êtes déjà curateur; recourir à l’autorité tutélaire n’est pas
nécessaire, car les décisions en matière de santé n’appartiennent pas aux affaires nécessitant le concours des autorités de tutelle selon les art. 421 et 422 CC
(exception : le consentement pour la stérilisation de personnes interdites et incapables de discernement selon l’art. 6 de la loi sur la stérilisation qui est entrée en
vigueur le 1er juillet 2005).
3. Il s’agit ici d’une décision à prendre concernant la vie ou la mort, c’est-à-dire de
la question de savoir si et, si oui, dans quelles circonstances en cas de prochaine
maladie avec risque mortel est-il possible de renoncer à des mesures de survie,
lorsque la patiente ne peut plus exprimer d’avis valable juridiquement parce
qu’elle est considérée comme incapable de discernement. Le droit fédéral ne
s’exprime pas (encore) à ce sujet, contrairement à certaines législations cantonales. Votre patiente, si elle est soignée et hospitalisée dans le canton de Berne
est soumise à la législation bernoise. Celle-ci prévoit à l’art. 36 de la Loi sur la santé publique :
Art. 36 [Teneur du 6. 2. 2001]
15. Traitement de personnes en fin de vie
1
Les professionnels de la santé doivent apporter les soins nécessaires aux personnes en fin de vie en tenant compte des souhaits de ces dernières. La volonté
d'un patient ou d'une patiente qui exige l'abandon de tout traitement ou de toute
mesure visant à le maintenir en vie doit être respectée.
2
Le Conseil-exécutif détermine par voie d'ordonnance en se fondant sur les normes
reconnues dans l'ensemble de la Suisse les conditions médicales requises pour, à
titre exceptionnel, renoncer aux mesures visant à maintenir un patient ou une patiente en vie même sans son consentement exprès.
Il faut ensuite se référer à l’ordonnance cantonale sur l’euthanasie et le diagnostic de la mort (RSB 811.06) qui fait référence aux directives de l'Académie suisse
des sciences médicales sur l'accompagnement médical des patients en fin de
vie ou souffrant de troubles cérébraux extrêmes. Ces directives ont été remplacées par les directives sur le traitement et l’accompagnement de patients souffrant de troubles cérébraux extrêmes, approuvées par le sénat de l’ASSM le 27
novembre 2003. Constituent par ailleurs des bases pour les décisions en matière
de mesures de survie les directives et recommandations pour la prise en charte
de patients et de patientes en fin de vie (2004) ainsi que les directives relatives au
traitement et à la prise en charge de patients âgés en situation de dépendance
(2004)1, également édictées par l’Académie suisse des sciences médicales.
4. Fondamentalement, la décision en matière de mesures médicales appartient au
corps médical. Si un individu est en mesure de faire valoir son droit à
l’autodétermination et d’exprimer son avis de manière éclairée, ses décisions
concernant son corps l’emportent sur toutes les décisions de médecins. Si,
comme dans votre cas, la personne concernée n’est plus capable de discernement, les décisions relatives à sa vie et sa santé touchent les droits strictement
personnels qui, en partie, ne souffrent pas de représentation, c’est-à-dire ne peuvent être sauvegardés par un représentant légal tel qu’un tuteur ou un curateur.
Ainsi, ces représentants ne peuvent explicitement, en tant que représentant, accepter que l’on tue ou mutile, ou alors ils ont besoin du consentement de
l’autorité tutélaire de surveillance (cf. l’exception ci-dessus concernant la stérilisation et concernant le consentement du représentant légal à une interruption de
grossesse, art. 119 al. 3 CP). En revanche, ils jouent un rôle important pour le personnel médical, afin que, sur la base des directives précitées, une décision responsable puisse être prise. Par là, il ne s’agit pas pour les médecins de se décharger de la décision sur le représentant légal, mais de trouver ensemble quel
acte médical correspond le mieux au bien du patient dans la situation donnée,
en tenant compte de sa conception de la vie et de ses valeurs. Dans ce sens,
pour la prise de décision selon les directives relatives au traitement et
l’accompagnement de patients souffrant de troubles cérébraux extrêmes, les directives et recommandations pour la prise en charge de patients et de patientes
en fin de vie ainsi que les directives relatives au traitement et à la prise en charge
de patients âgés en situation de dépendance de l’ASSM, prévalent en résumé
les règles suivantes lorsque la patiente n’est plus capable de discernement :
a. Il faut examiner si la patiente a rédigé des directives anticipées, a désigné un représentant chargé de participer aux décisions dans le domaine médical ou si un représentant légal a été nommé (comme vous
en tant que curateur).
b. Les objectifs thérapeutiques déterminent la manière de procéder.
c. Les bases de la décision sur les buts (et le lieu) du traitement et de la
prise en charge sont l’état et le pronostic concernant la durée et la
qualité de vie ainsi que la personnalité et la volonté présumée de la
patiente.
d. Lorsqu’une maladie est dans un stade très avancé et qu’une mesure
de survie ne fait que prolonger la souffrance, les buts du traitement
peuvent être redéfinis. L’influence de la mesure thérapeutique sur le
maintien en vie et la qualité de vie doit être pris en considération et le
traitement peut, le cas échéant, se concentrer sur des soins palliatifs.
e. Dans la prise de décision, l’expérience et le point de vue des personnes de référence les plus proches de la patiente ainsi que de
l’équipe soignante doivent être pris en compte. Dans les situations
complexes, les solutions doivent être trouvées de manière interdiscipli-
Cf. à ce sujet C. Tritten, Les directives médico-éthiques et recommandations de l’ASSM relatives au traitement et à la prise en charge des personnes âgées en situation de dépendance, in : RDT 2005 p. 70 ss
1
naire et selon la volonté de la personne concernée, ses idées, buts,
souhaits et besoins.
f. Les décisions ainsi prises devraient être acceptées et si possible assumées par toutes les personnes impliquées.
g. Des commissions d’éthique clinique peuvent être associées au processus de décision.
h. Compte tenu du processus de mort inéluctable, la renonciation à des
mesures de survie ou l’arrêt de telles mesures peut être justifié ou indiqué. Lors de la prise de décision, des critères tels que le pronostic, le
succès prévisible du traitement dans le sens de la qualité de vie ainsi
que la charge provenant de la thérapie proposée jouent un rôle.
i. La dernière décision incombe au médecin directement responsable.
Un protocole des décisions qui entraînent l’arrêt de mesures de survie
doit être rédigé de manière à ce que les décisions soient compréhensibles après coup.
j. Si, selon les médecins, la personne désignée par l’autorité ne prend
pas les bonnes décisions, l’autorité tutélaire peut être saisie (art. 418 et
420 al. 1 ainsi que art. 445 CC).
5. Dans votre situation, résultent les conclusions suivantes :
a. L’autorité tutélaire ne doit pas être impliquée, car en tant que curateur
vous êtes compétent pour participer à la prise de décision avec le corps
médical.
b. Les proches parents qui ne se sont jamais sérieusement souciés de la patiente ne doivent être associés que s’ils peuvent apporter une contribution
à la prise de décision. Ce sera le cas, lorsqu’ils peuvent apporter de meilleures informations que le reste de l’entourage sur la volonté présumée de
la patiente. Le point de vue personnel des proches n’est en règle générale
pas déterminant.
c. Les décisions doivent être documentées. La meilleure façon de procéder
est un procès-verbal établi par le corps médical, car la décision finale fera
partie du dossier médical.
d. Les critères déterminants ont été présentés au ch. 4 a – 4 j.
Kurt Affolter
Licencié en droit, avocat et notaire
Gléresse, 21 juin 2005
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