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J’ai effectué de nombreuses gardes au sein de différents services d’urgences mais, une, plus particulièrement,
retient mon attention.
Il s’agit d’une garde que j’ai effectuée au cours de mon premier semestre d’internat. Je le rappelle, pour poser la
situation, tant les décisions qui s’en sont découlées furent importantes malgré une expérience clinique
débutante et contre l’avis d’un spécialiste.
Ce soir là, je commençais ma garde comme à l’habitude, enchainant dossier sur dossier, allant de la simple
traumatologie à des cas médicaux plus complexe en passant par de la réassurance de patients quant à leur
état…bref une garde banale. Dans cette hôpital, il n’y a qu’un interne, un senior de médecine et un de chirurgie
en garde ; donc effectif très réduit pour un afflux de patients constant.
Vers 01h du matin mon senior de médecine, le plus gros du travail ayant été effectué, me dit qu’ il va se
coucher. Etant assez autonome malgré tout, je m apprête à débuter cette deuxième partie de la nuit en
confiance, sachant que jusqu’ alors, il ne m était rien arrivé de fâcheux (pour les patients non plus d’ailleurs).
A 01h30 se présente avec son épouse un homme d’environ 55ans avec une violente douleur au niveau du rachis
lombaire. Je prends le dossier, prêt a administrer intérieurement) de la morphine et interroge le patient. Celui-ci
,homme de 55ans sans antécédents particuliers, sans facteurs de risque cardiovasculaire (hormis son sexe bien
sur), de corpulence normale et qui na jamais été a l’hôpital, me décrit sa situation. Il était tranquillement en
train de regarder la télévision, tapis au fond de son canapé, lorsque qu’à 23h une violente douleur abdominale
le prend sans vomissements ni troubles du transit. En creusant un peu, il me dit que cette douleur, non calmé
par la prise d’antalgiques de pallier I, s’est déplacée dans le dos puis est remontée au niveau des omoplates et
du sternum, s’est calmé ensuite pour mieux revenir de manière plus intense au niveau lombaire. Partant tout
d’abord sur une douleur lombaire, au maximum une sciatique, je me retrouve alors devant une séméiologie que
je n’avais jamais encore vu a ce court stade de mon développement médical. L’examen clinique de cet homme
par ailleurs, hormis cette douleur importante, ne retrouvait pas de points d’appel particulier, notamment pas
de souffle cardiaque, des pouls symétriques…de même que l’ECG et la radio du thorax n’étaient pas contributif…
Toutefois et heureusement, il me restait des bribes de ce que j’avais appris pour mon internat et à mon entrée
aux urgences. Très rapidement, je pense alors à une dissection aortique ; je lui prend, seul, la tension artérielle
aux deux bras, l’équipe de nuit ayant décidé qu’il ne s agissait que d’un lumbago comme on en voit tant… Et là :
asymétrie tensionnelle d’environ 50%.
Mes doutes se confirment : douleur intense et asymétrie tensionnelle. N’écoutant que mon courage et après
avoir tenté de soulager le patient par de la morphine, j appelle mon senior et lui expose mon point de vue. Il me
répond : « Ecoute, si tu pense à une dissection, et ça en a l air, je ne servirais pas à grand-chose, appelle le
cardio ».
Déconcerté mais vaillant, j appelle alors le cardiologue de garde et celui-ci m’assure qu’il va passer… qu’il va
passer ; on parle tout de même de dissection aortique. Je le rappelle une demi-heure après, et enfin il arrive soit
45 min après mon premier appel, il est trois heures.
A son arrivée, le cardiologue examine le patient et rend le verdict : ce patient a un lumbago hyperalgique qu’il
faut traiter par AINS. Il me prend à part en me disant en plus que de toute façon, là dissection c’est rare et que
les signes que je lui avais énoncés n’étaient pas spécifiques. Bon, en tant que premier semestre, novice, seul face
au cardiologue de garde qui gère l’USIC, je me tais. J’en parle tout de même au senior de chirurgie qui était là et