LES DEPUTES - Général Bonaparte, maintenant que vous êtes glorieusement rentré d'Égypte, voulez-
vous accepter de devenir notre Premier Consul?
NAPOLEON - Moi… mais…
LA MUSE - Oui, il accepte et, pour vous témoigner sa reconnaissance, il va tout de suite passer les
Alpes pour sa seconde campagne d'Italie. N'est-ce pas?
NAPOLEON - Tu crois… Tu me fais prendre des risques!
LA MUSE - Nulle part il ne se sent mieux qu'à la tête de ses troupes.
NAPOLEON – Il faut donc bien que j'y aille, puisqu'elle le veut! Je passe les Alpes et - en effet, ce
coup-ci, ça marche! - je vous apporte la victoire de Marengo sur un plateau!
LA MUSE - Bravo! Jamais tu n'as été si glorieux!
NAPOLEON - Jamais je n'ai eu aussi chaud! Mais laisse-moi maintenant, il me faut remettre un peu
d'ordre dans l'État… Mais qu'est-ce que cette nouvelle délégation qui s'avance vers moi?
LES FRANÇAIS - Monsieur le Premier Consul, la Nation, toute éblouie de vos victoires et de vos
talents, vous prie d'accepter aujourd'hui le titre d'Empereur des Français.
NAPOLEON - Je ne sais si je dois… Je suis tellement… J'aurais bien voulu…
LA MUSE - Hypocrite! Accepte, mais pose tes conditions? Par exemple que ce soit le Pape qui vienne
en personne à Paris pour la cérémonie de ton sacre.
NAPOLEON - Moi, je n'aurais pas osé! Mais en fait, cette couronne, que finalement je me suis posé
moi-même sur la tête, je trouve qu'elle me va bien. Oui, vraiment. Merci, ô ma muse.
- 3 –
LA MUSE - Et maintenant que tu as tout pouvoir, occupe-toi des Anglais!
NAPOLEON - Oui, c'est vrai que j'ai une revanche à prendre sur Aboukir....
LA MUSE - Camp de Boulogne: l'Angleterre à portée de main… Eh bien qu'est-ce que tu attends?
NAPOLEON – Non, j'ai réfléchi: les Anglais, après Trafalgar, c'est trop risqué...
LA MUSE - Froussard! Alors attaque les Autrichiens et les Russes, qui complotent contre toi à l'autre
bout de l'Europe. Quand on a des qualités de stratège, il faut les montrer…
NAPOLEON - Si tu le veux, j'y vais … Donc, au fin fond de l'Autriche, tout près de la Russie : la
victoire d'Austerlitz… L'affaire est réglée. Maintenant la paix, la paix, la paix! Je veux la paix!
LA MUSE - Aurais-tu peur, grand Empereur?
LA MUSE - Non, mais laisse-moi un peu souffler: j'en profiterai pour finir de réorganiser mon
gouvernement, nommer des ministres… Les voici justement qui viennent en délégation…
LES MINISTRES - …Et surtout, Majesté, pour venir à bout de la tâche que vous nous avez confiée,
nous n'aurons pas peur d'aller sur le terrain…
LA MUSE – Tous les mêmes! Fais attention… Pendant que tu t'occupes des affaires intérieures, ça
s'agite un peu partout en Europe. L'Angleterre, l'Espagne, l'Autriche encore, et la Russie.
NAPOLEON - Mon Dieu, que faire?
LA MUSE – Comme si tu ne le savais pas, ô Napoléon: la guerre, la guerre, la guerre!
NAPOLEON – Dis donc, mais c'est que je suis en train d'y prendre goût: Iéna, Eylau, Wagram… Mais
quel est ce blessé qu'on m'amène?
LA MUSE - Ne t'inquiètes pas, laisse tomber…
NAPOLEON – Je veux voir. Mais c'est mon ami le maréchal Lannes. Il va mourir.
LANNES - Oui, Napoléon, c'est moi, ton maréchal Lannes… Tu as vaincu mais tu aimes trop la
guerre et tu te prépares à de grandes fautes! Arrête : ton ambition est insatiable, elle te perdra…
LA MUSE - Ne fais pas attention: il commence à délirer!
- 4 –
NAPOLEON - De toute façon, maintenant que j'ai épousé la fille de l'Empereur d'Autriche, je ne
crains plus rien. Que dites-vous, Talleyrand?
TALLEYRAND - Je crains que les rois ne vous pardonnent pas la mésalliance à laquelle ils ont été
obligés de consentir. Prenez garde!
LA MUSE - Ce Talleyrand est un oiseau de mauvais augure.
NAPOLEON - Il a raison bien souvent cependant… Il me faut être prudent.
LA MUSE - Non. S'il faut continuer à nous battre, nous continuerons. Et tu vas justement aller frapper
les Russes rebelles au cœur même de leur Empire. Campagne de Russie…