Techniques d`enquêtes C`est le rapport des sciences au terrain, le

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Techniques d’enquêtes
C’est le rapport des sciences au terrain, le recueil et l’interprétation de données sociales.
On différencie techniques d’enquêtes quantitatives et techniques d’enquêtes qualitatives.
Pour quantifier quelque chose, il faut commencer par le définir qualitativement, donc la frontière
entre les deux termes est avant tout pédagogique.
Ex de techniques d’enquêtes : entretien, observation, enquête de terrain, statistiques de l’Etat...
2 écoles : - holistes ; la société détermine l’individu, plutôt quantitatif
- Individualiste ; c’est l’individu qui construit la société dans laquelle il vit, plutôt qualitatif
Aujourd’hui, cette distinction est un peu obsolète car tout le monde s’accorde à dire que nous vivons
dans un monde hybride où l’individu est l’image d’une société mais aussi acteur, constructeur de
celle-ci (sociologie constructiviste cf. Philippe CORCUFF, chez Nathan, les nouvelles sociologies).
D’autre part, on ne peut pas appliquer des techniques, des « recettes » sans théorie ; une hypothèse
de départ, une question, une thèse en tête. .. Il nous faut une démarche scientifique.
Les techniques d’enquêtes sont tributaires de l’épistémologie puisqu’il s’agit d’une philosophie des
sciences qui réfléchit à la formation et aux conditions de validité des énoncés scientifiques.
Sommaire
I. INTRODUCTION : Rapport entre Science Politique et science ............................................................ 3
§ 1 : Qu’est-ce que la science ? La science politique en est-elle une ? ............................................... 3
A. Les critères de la science dans les sciences dures....................................................................... 3
B. les différences entre la science politique comme science sociale et les sciences dures : .......... 4
C. Les convergences entre la science politique comme science sociale et les sciences dures ....... 7
§2. Les conséquences du statut scientifique de la science politique .................................................. 9
A. Les étapes de la démarche intellectuelle : le « fait conquis, construit, constaté » .................... 9
B. Quelques outils intellectuels propres à la science politique ..................................................... 11
II. Eléments de méthodes qualitatives .................................................................................................. 12
§1 : L'entretien .................................................................................................................................. 12
A. Différents types d’entretien ...................................................................................................... 13
B. La relation enquêteur/enquêté................................................................................................. 14
C. Quelques conseils pratiques ..................................................................................................... 15
§2 : La méthode biographique .......................................................................................................... 16
A. Histoire de la biographie en science social ............................................................................... 16
B. Critique de « l’illusion biographique » (Bourdieu) comme préalable à l’utilisation des
biographies .................................................................................................................................... 17
C. Conséquences : l’attention aux reconstructions identitaires et aux relations entre les
trajectoires individuelles et leur environnement de la réflexion sur l'illusion biographique : ..... 17
D. Quelques conseils techniques ................................................................................................... 18
§3 : L’observation .............................................................................................................................. 18
A. Intérêts et problèmes de l'observation en sciences sociale ..................................................... 19
B. Les différents types d'observation selon le rapport enquêteur/enquêté ................................ 19
C. La systématisation de l'observation comme condition de scientificité .................................... 20
§4 : Le travail sur archives ................................................................................................................. 21
A. Statut de l'histoire par rapport à celui de la sociologie et de la science politique ................... 22
B. La définition du fait historique .................................................................................................. 22
C. Conditions de l'utilisation de l'archive ..................................................................................... 22
III. Eléments de méthodes quantitatives............................................................................................... 23
§1 : La construction de données quantitatives : le questionnaire .................................................... 23
A. La conception du questionnaire ................................................................................................ 24
B. Les règles du questionnement .................................................................................................. 25
C. L'exploitation du questionnaire ................................................................................................ 26
§2 : Usages de la statistique en sciences sociales ............................................................................. 27
A. La production statistique comme objet sociologique ............................................................... 27
B. Précautions pour l'utilisation préalable des statistiques .......................................................... 27
I. INTRODUCTION : Rapport entre Science Politique et science
§ 1 : Qu’est-ce que la science ? La science politique en est-elle une ?
On peut avoir des doutes légitimes si on la compare avec les sciences dures (physiques, chimie,
maths...) :
- Il n’y aurait pas de lois universelles, pas de liens de causalité évidents, on ne peut pas prévoir
un résultat = faible capacité de prédiction
- Les sciences sociales sont beaucoup moins créditées d’une valeur scientifique par l’opinion
publique
- Flotte l’idée d’un apport subjectif qui pourrait invalidés les données de départ
A. Les critères de la science dans les sciences dures
Dans la pensée grecque, le mot science revêt 2 aspects ; elle s’oppose à la technique (réalisations
faites grâce à la science) et à la doxa (l’opinion).
Elle s’oppose à la technique d’abord car les réalisations que permet la science ne sont pas des
sciences. Souvent, l’opinion croit plus en la technique qu’en la science. Aujourd’hui, à l’époque de la
postmodernité1, il y a une sorte de désaffection désabusée de la science. En effet, il subsiste
beaucoup de problèmes non résolus qui entraine cette méfiance, cette perte de foi. Cela est dut en
partie à un certain relativisme des progrès apportées par la science mais aussi parce que parfois,
celle-ci n’est pas synonyme de progrès dans l’opinion (ex : les OGM, la génétique, le nucléaire...)
Elle s’oppose ensuite à la doxa, l’opinion ; hypothèse dégagée à l’époque de PLATON, dans son
dialogue avec PROTAGOAS. Ce dernier estime que l’être humain est la mesure de toutes choses,
quelles sont telles qu’elles apparaissent aux hommes (la température serait fixée par exemple selon
les personnes, selon si elles sont plus ou moins frileuses).
Platon, lui, estime au contraire que la démarche scientifique doit justement rompre avec les
préjugés, les sensations, l’opinion en somme (ce n’est pas par ce qu’on a l’impression, la sensation
que le soleil tourne autour de la Terre, que ceci est vrai...)
Aujourd’hui c’est la conception de Platon qui l’emporte, appuyé plus tard par Aristote pour qui la
science est universelle et donc différente de l’opinion.
Pour avoir une définition plus récente, BARTHOLY disait dans son petit précis d’épistémologie que
« la science est une connaissance discursive, établissant des rapports nécessaires entre les objets
d’un langage, entre les phénomènes physiques et entre les faits humains. »
« Rapports nécessaires » : déterminismes, liens de causalités.
« Connaissance discursive » : dans quelle mesure la Sc. Po est-elle une science au sens de la
physique ? (faits humains/faits physiques)
1
On distingue trois époques : l’époque empirique jusqu’à la Révolution, l’époque de la modernité, des lumières
à la fin de la 2nd guerre mondiale et l’époque de la postmodernité.
La vérifiabilité est enfin une composante essentielle de la science ; ce qu’on ne peut pas vérifier
empiriquement n’est pas scientifique.
Pierre FAVRE dans le traité de ScPo sous la direction de LECA et GRAWITZ, 1986 parle de la
méthodologie scientifique. Pour lui, « la scientificité est une réitération possible à des fins de
vérification de la démonstration menée. La possibilité de départ est construite comme vérifiable ».
De même, Karl POPER parle de « vulnérabilité empirique », de « falsifiabilité de la science » ; une
proposition n’est alors science que si on peut démontrer sa réfutabilité ou sa possible amélioration.
C’est pour cela qu’il existe toujours un contrôle des pairs, de la communauté de chercheurs qui
permet un certain cumul du savoir. Le chercheur s’inscrit dans un cycle scientifique pour ne
s’attacher qu’aux problèmes non résolus. Et pour combler ces vides, il faut commencer par se poser
les bonnes questions de départ.
Mario BUNGE dans son livre Epistémologie, a cerné 9 étapes à respecter dans la démarche
scientifique d’une recherche :
1. Découvrir le problème
2. Poser ce problème de façon précise
3. Rechercher les connaissances concernant le problème
4. Essayer de résoudre le problème à l’aide de ces connaissances
5. Inventer de nouvelles idées
6. Arriver à une solution possible
7. Chercher les conséquences qu’entrainerait la solution obtenue
8. Vérifier la solution, la mettre à l’épreuve
9. Corriger les hypothèses
On retombe alors sur la pensée de Karl POPER qui estime que la recherche est impossible en faisant
table rase du passé. Au contraire il faut connaître ce passé et s’en imprégner pour en extraire un
problème non résolu.
On peut distinguer deux types de raisonnements :
- Raisonnement hypothéticodéductif (raisonnement qui part des théories)
- Raisonnement inductif : raisonnement qui part du terrain.
B. les différences entre la science politique comme science sociale et les sciences
dures :

Il y a d'abord des différences dues au statut des objets observés ; les objets de travail sont
soit des humains, soit des configurations historiques particulières, soit des concepts qu’il ne
faut pas transformer en chose.
Le problème quand on travaille sur des concepts est qu’ils n'existent pas, ils ne peuvent être
transformés en chose (objectivisme ou essentialisme).
Exemple : l'État, la bourgeoisie, les élites.
Les objets ne sont jamais les mêmes, ce sont des configurations historiques particulières. Les
mêmes phénomènes ne se reproduisent jamais à l'identique (Tentation aujourd'hui de
comparer la crise avec celle de 1929 par exemple).
Il y a bien des lignes causales, indépendantes (démographie, géographie, économie) qui se
croisent, mais il n'y a jamais d'équation parfaite.
Beaucoup de chercheurs considèrent que la science politique est une science historique car
les mêmes faits ne se reproduisent jamais (le nazisme est différent du fascisme et la
révolution française et différent de la révolution russe).
Les objets ne sont pas des grenouilles mais sont des humains ; ils bougent, résistent à
l'objectivation (ils n'ont pas envie d'être traités comme une chose). Ils résistent à
l'observation, ont des réactions, ont de la réflexion (une part d'observation les mots
difficiles). Aussi, parce qu'on vit dans une société cultivée, l'homme prend les théories des
sociologues pour s'en faire siennes et l'appliquer dans sa vie.
Anthony GIDDENS s'interroge sur nos sociétés. Pour lui, la caractéristique fondamentale de
nos sociétés et la « réflexivité » ; le savoir total de la société ne ferait qu'augmenter grâce à
ce qu'il appelle la double herméneutique ; d'un côté, les acteurs sociologiques s'approprient
le savoir scientifique et ses théories pour s'en servir dans la sphère sociale. De l'autre, ses
théories scientifiques sont elles-mêmes fondées sur le savoir commun.
Cela donne des sociétés Hyper intellectuelles.
Exemple : dans les années 50, René REMOND écrit Les droites en France : il distingue alors
trois types de droite : la droite légitimiste (antirévolutionnaire), la droite bonapartiste
(accepte la révolution mais envisage l'autorité) et la droite orléaniste (droite libérale).
Aujourd'hui cette théorie scientifique est fréquemment reprise par la société tout entière et
ce sont des termes qui restent très usuels.

Pierre Favre estime que : « beaucoup de travaux en sciences politiques ne sont pas
hypothéticodéductifs mais reposent uniquement sur une démarche empirique et inductive
et ont tendance à mélanger corrélations et causalités ; beaucoup sont irréfutables, on ne
peut jamais vraiment leur donner tort, ils ne sont pas vérifiables. »
D'autre part, Bourdieu déplore qu'aujourd'hui « ils soient plus rentables de faire des grandes
théories abstraites, qui passe bien à la télé, plutôt que d'humbles travaux empiriques ».
Exemple : la théorie de l'intérêt de l'homme à agir qui estime que l'homme est réglé en
fonction de ses intérêts. Cette théorie est irréfutable : on peut démontrer qu'il y a un intérêt
à faire une action désintéressée, il y a un intérêt à ne rien faire...

De plus, en Sciences Politiques, il y a une faible capacité de prédiction, lié à l'absence de lois
universelles.

Le poids des intérêts sociaux sur la science politique limite aussi souvent son statut
proprement scientifique.

La science politique est une science du pouvoir qui a dévoilé certains mécanismes arbitraires
: la domination symbolique, la domination politique...
Comment ne pas croire que la sphère politique ne se sert pas de la science ? Marketing,
sondages, procédures de participation, communication...
Le savoir de la science politique est repris par les politiques ; cette proximité entre la science
et le pouvoir limite aussi son statut de science (au moins dans l'opinion publique).
Exemple : les demandes sociales et les commandes publiques des administrateurs courent le
risque d'être instrumentalisées par les pouvoirs publics.
Robert MERTON : « l'administrateur utilise les sciences sociales de la même manière qu'un
poivrot utilise un bec de gaz ; pour s'appuyer plutôt que pour s'éclairer ».
À l'inverse, une science sociale critique peut se voir reprocher de remettre en cause la
démocratie.
Toute une branche de la sociologie, critique, qui parle de fiction de la démocratie
représentative, en mettant le doigt sur les inégalités des postes, s'est vue reprocher d'aller
contre la démocratie.
Dimitri GAXIE en 1978, écrit le cens caché ; il mesure quel est la part de population dans les
collectivités et institutions. Derrière l'idéologie démocratique (chacun sa voix, sa place...), les
collectivités démocratiques reproduisent les inégalités sociales (économiques, sexuels...)

En science politique, il n'y a aucuns déterminismes causales linéaires du type A+B=C.
Il n'y a que des lignes causales indépendantes qui à un moment donné se rencontrent.
Quel est la différence entre expliquer et comprendre ?
- Expliquer : c’est rechercher des causes est ainsi des conséquences.
Émile Durkheim dans les règles de la méthode sociologique en 1895, défend l'idée
qu'il faut fonder les sciences sociales comme les sciences dures. C'est un père
fondateur de la sociologie explicative : il recherche des causes efficientes ; théorie
plutôt quantitatives (statistiques).
-
Comprendre : en sciences sociales il n'existerait pas de relation de causalité mais il
faudrait se résoudre à comprendre, c'est-à-dire trouver les raisons que se donnent
les être humains à leurs actions.
Le père fondateur de la sociologie compréhensive, Max WEBER, défend cette théorie
en 1920 dans son traité économie société. Il faut rechercher comment les acteurs
vivent leurs actions, comment ils la comprennent, comment elle leur donne un sens ;
théorie plutôt qualitative (entretien) :
« Les sciences sociales relèvent de la culture et de l'esprit, par opposition aux
sciences dures qui elles ne sont pas limitées par l'homme ».
Il ne faut ainsi pas chercher à imiter les sciences dures, celles de la nature ; les
sciences politiques sont un type de science différente et indépendante.
Il faut connaître le point de vue de Jean-Claude PASSERON, célèbre sociologue, qui a
écrit le métier de sociologue avec BOURDIEU (entre autre).
-
Aujourd'hui, il tient une position ferme contre l'épistémologie naturaliste, c'est-àdire le fait de rapprocher les sciences sociales et les sciences de la nature. Selon lui, Il
faut se détacher du modèle des sciences expérimentales qui sont radicalement
différentes des sciences sociologiques historiques contextualisantes :
Le cumul des connaissances n’existerait pas ; on est toujours en train de détruire la
position passée de quelqu'un.
De plus, la réfutabilité est impossible en sciences sociales ; elle dépend toujours du
contexte, de spécifications spatio-temporelles.
On ne peut s'appuyer sur un corpus physico-chimique valable indépendamment de
coordonnées spatio-temporelles.
On ne peut pas épuiser les variables ; il n'y a que des équivalences temporelles entre
différents variables. Les assertions en science politique dépendent toujours du
contexte.
C. Les convergences entre la science politique comme science sociale et les sciences
dures

Les sciences dures ne sont pas si dures que ça. Pour qu'un énoncé soit formulé comme
scientifique dans les sciences dures, il faut :
1. Que les conditions soient réunies dans le laboratoire de recherche
2. Qu'il y ait une véritable collaboration entre tous les chercheurs
3. Qu'ils aient une véritable réceptivité au niveau du public
Voir Callon et Latoux, la vie de laboratoire ; les sciences dures seraient bien basées sur la
méthode sociologique.

Quelques caractéristiques de la science politique la rapprochent des sciences dures :
 le modèle du raisonnement scientifique est bien le même que dans les sciences dures
il y a une vraie démarche scientifique (référence à Mario Bunge précédemment).
Exemple avec le modèle du halo, proposé par Pascal Perrineau : cette théorie dit que
le lieu commun, c'est que l'immigration provoque le vote FN. Lui, soulève
l'hypothèse que peut-être que c'est à cause de ceux qui côtoient les immigrés, qui
ont peur, qui ne les connaissent pas...
Cela pose l'hypothèse que c'est dans les communes proches des quartiers à
population forte en immigrés que le vote FN est le plus fort. Il récolte des résultats
empiriques : si les résultats ne montrent pas la corrélation entre ses bureaux de vote
et leur proximité avec ces quartiers forts en immigrés, alors hypothèse est fausse.
Ici, l’hypothèse a marché. Sinon, on affine l'hypothèse.
 La cummulativité, défendue par Passerond (cf. préc.). Elle n’est pas aussi grande que
dans les sciences dures, mais il y a des théories qui continuent à être exactes et qui
datent d'il y a des dizaines d'années déjà.
Ex : Lazasfeld, sociologue américain, montre dans les années 50, la réceptivité limitée
aux médias. Les médias vont façonner le monde ; les médias consolident les
croyances, conforte les travaux inaugurant toute une sociologie de la réception des
médias.
Exemple : Michelat et Simon : théorie sur le comportement politique : ils fournissent
un modèle d'explication classique du vote par des variables sociologiques,
économiques, sociales et religieuses.
Certes l'augmentation de l'électorat flottant existe, mais il y a un vrai variable
religieux qui ne faut pas négliger. Souvent la politique de la religion catholique
favorisera le vote à droite.
 Il existe aussi certaines lois de causalité dans les sciences sociales, moins que dans les
sciences dures, mais qui permettent une sorte de prévisibilité.
Exemple : la formation de l'État de Norbert Elias qui montre que, à la sortie de la
féodalité, des entités de force équivalente dans un territoire se battent les unes
contre les autres, pour qu'il ne reste plus que deux ou trois identités fortes, qui sont
égales, et qui se partageront le pouvoir (La dynamique de l'Occident).
 La science politique tout un art de voir une vraie rupture avec le sens commun, avec
les apparences.
Même si on travaille sur des objets de la vie commune (et non pas des atomes, des
molécules, des choses invisibles à l'œil nu...), l'essentiel de la bonne science politique
n'est pas inductif mais déductif : « la science ne vient pas du réel, elle y va » (Gaston
Bachelard). Cette rupture, donnée en sciences dures, doit être forcé en sciences
politiques pour se détacher des apparences.
 La science politique est un savoir éclaté et pointu, qui implique éventuellement un «
désenchantement du monde » (Max Weber) : dans son livre le savant et le politique,
où il distingue l'homme politique professionnel et l'homme politique de science, il y
voit deux vocation inconciliable : « parler de vocation scientifique aujourd'hui, c'est
d'abord souligné l'éclatement et la spécialisation de la recherche, c'est une condition
essentielle de la scientificité. »
Max Weber pense que le politique a une vision globale, alors que le scientifique doit
avoir une vision pointue, spécialisé de la société sur des questions très étroites. Il
oppose alors la « libido scienti » (la soif de science) et « la libido dominanti » (la soif
de domination du politique).
Faire de la science, c'est abandonner ses rêves de grandeur intellectuelle, pour un
savoir parcellaire. C'est d'ailleurs ce qui va opposer le politologue, homme de
politique avec des grandes étendues intellectuelles, qui passent à la télé et qui a de
grandes théories (BHL et compagnie) et le politiste, vrai chercheur dans son
laboratoire.
Max Weber dit que la science politique « est incapable de trancher dans les conflits
de valeurs » : la science politique ne donne pas de vérité, il y a une « compatibilité
des multiples points de vue possibles » mais en même temps, la neutralité
axiologique du chercheur ne doit par hiérarchiser les jugements de valeur.
En science politique, le chercheur va laisser tomber ses intérêts axiologiques. C'est-àdire que son point de vue spécifique, dépendant d'une signification culturelle, il va le
mettre de côté pour pouvoir travailler sur quelque chose. Par exemple, il est possible
qu’un militant de gauche travaille sur le Front National, et qu'un anarchiste travail
sur l'État. On doit à Max Weber s'être neutralité axiologique.
 En sciences sociales, la réflexivité de l'individu contemporain est une caractéristique
centrale : le chercheur doit toujours avoir un retour critique sur son travailler sur luimême.
« La sociologie de la sociologie permet de mobiliser, contre la science ce faisant, les
acquis de la science déjà faite » (Bourdieux)
On retrouve la Karl Popper : « la principale utilité dans les sciences sociales, ce n'est
pas la prédiction des éclipses. Parallèlement, l'attitude des sciences sociales n'est pas
fonction de sa capacité de prédiction de l'histoire. »
Il n'y a donc pas de prévisibilité sur mais bien une prévisibilité relative.
Il n'y a certes pas de répétition empirique, expérimentale, mais certaines prédictions
sont possibles dès qu'elles ne sont pas trop ambitieuses. Il a des mécanismes qui
donnent quelques prévisions.
Exemple : le mécanisme de la grève de la faim : le gréviste au bout de la grève de la
faim est trop faible et les représentants de celui-ci vont faire plus de compromis car
ils s’inquiètent pour la santé du représenté...
De plus, et même en sciences sociales, une forme d'expérimentation sociale est
possible : pensons à sept études de Milgram en 1974, sur la capacité à obéir à un
ordre, sur la pression d'un groupe :
Le professeur milligrammes pris un groupe d'étudiants comédiens A et un groupe
d'étudiants testeurs B. il s'agit d'un test de mémoire. Les étudiants A doivent
répondre à des questions et s'ils se trompent ils sont punis par une décharge
électrique simulée (il n’y a pas vraiment d’électricité), décharge que contrôlent les
étudiants B. au fil du jeu, la punition augmente, et le professeur Milgram incite les
étudiants du groupe B à continuer l'expérience le plus loin possible. Sans savoir qu'il
s'agissait de fausse décharge, 78% des étudiants testeurs ont continué au-delà de
300 V, ce qui est bien suffisant pour amener la mort.
Cette expérience a prouvé que, par des ordres donnés par un enseignant, sous la
pression, l'homme était capable d'annihiler toute sa raison, sa responsabilité, jusqu'à
donner la mort à quelqu'un d'autre ! Si on le décharge de toute sa responsabilité,
l'homme est capable de repousser ses limites et les limites du raisonnable, comme si
sa raison avait été complètement détruite.
§2. Les conséquences du statut scientifique de la science politique
A. Les étapes de la démarche intellectuelle : le « fait conquis, construit, constaté »
Gaston BACHELARD : « le fait scientifique est conquis, construit, constaté ». Cette phrase a été reprise
par Bourdieu dans l'équipe de sociologues. Expliquons ces trois mots :
 « Conquis » : contre le savoir immédiat, le principal obstacle du sociologue. On a
l'impression de connaître mieux Mai 68 que la marche des planètes par exemple,
mais c'est parce que l'ont dit que ces objets sont sociaux ; on a l'impression qu'ils
sont proches de nous ; on a l'impression de leur intime, de vivre sans cesse avec eux
et donc de les comprendre. C'est pour ça que le sociologue donne parfois
l'impression de compliquer des choses que tout le monde maîtrise et
paradoxalement de données des lieux communs que tout le monde pense acquis.
C'est le danger de se placer à la fin de l'histoire ; parce que l'objet a été analysé sous
tous les angles, on pense que c'est un acquis.
De plus, il faut se méfier car nous vivons dans un monde de catégorie. Mais les
catégories sont difficiles à cerner. Elles sont différentes selon l'espace, le temps, le
juge... Par exemple la jeunesse est difficile à cerner, pour l'INSEE ce sera les jeunes de
18 à 25 ans alors que pour la monarchie de juillet, on était jeune très tard.
Toute catégorie est sujette à controverse. On peut même débattre sur la catégorie
hommes femmes, théorie de Queer.
Et pourtant, derrière ces définitions légales, il y a de véritables enjeux. Allocations
familiales, RMI, droit de vote, départ à la retraite...
Conquérir, c'est utilisé une définition de départ, une définition de travail qui
permettra de rompre avec les classifications officielles et avec les impressions issues
d'observations directes depuis la petite enfance.
Le fait sociologie doit être traité comme une chose, de façon indépendante de ces
manifestations individuelles. La définition de départ doit dépendre donc de critères
visibles. Il faut se mettre à l'abri de contamination externe.
Exemple : Durkheim et sa définition du suicide, les mots sont importants : « tous cas
de mort qui résulte directement ou indirectement d'un acte positif ou négatif (se
laisser mourir de faim est aussi un suicide) accompli par la victime elle-même et
qu'elle savait devoir produire ce résultat ».
Bachelard : « moins une idée précise, plus l'on trouve de mots pour l’exprimer ».
Un autre moyen de rompre avec l'illusion du savoir immédiat, c'est les statistiques
qui font apparaître des régularités : c'est l'objectivation statistique qui n'apparaît pas
dans le discours des acteurs.
Un autre moyen de rompre avec l'opinion s'est d'oublier tout ce que l'on sait de
l'objet étudié ; étudie un lieu connu comme si on étudie un endroit totalement
inconnu.
Exemple : ABELES (ethnologue politique) étudie les parlementaires en faisant table
rase de ses connaissances sur eux.
 « Construit » : on va élaborer un certain nombre de propositions sur un objet. On
articule différent éléments pour faire parler l'objet d'études, lui donner des points
de repères. La science est un artefact (Bachelard), monde de proposition sur un
objet. Bachelard nous met en garde contre certains dangers lorsque l'on contre un
objet :
 les faux syllogismes
 l'abduction : écarter un élément (sans essence, ma voiture ne marche
pas : ma voiture ne marche pas : donc ma voiture n'a plus
d'essence).
 Les préjugés sociaux (référence à Lazarsfeld enquêtes sur les soldats
américains au lendemain de la seconde guerre mondiale).
 Le danger de l'ethnocentrisme. L’ethnocentrisme et à la sociologie ce
que l'égoïsme et aux relations individuelles. Travailler sur un objet en
utilisant des critères propres à notre environnement, tout ramenait
aux valeurs de son groupe culturel.
 « constaté » : trois types d'enquêtes : les faits constatés, les données données, les
données construites.
Les données données, notamment les statistiques d'État ; avec ce problème que ce
n'est pas le chercheur lui-même qui choisit les catégories. Ce sont déjà des
phénomènes sociaux. Dimension très conservatrice des statistiques. Les
changements de catégorie sont très lents dans le temps (exemple du chef de famille).
Les livres, les archives, les discours politiques, la presse, les sondages, les
témoignages. Toujours le même problème : comme ce n'est pas le chercheur qui les
produit, il faut prendre le temps de se poser des questions sur ces sources.
Les données construites : travail plus artisanal : quoi ?, qui ?, comment ? C'est-à-dire
se fixer entre le qualitatif, le quantitatif ou bien le composite.
Le quantitatif, c'est produire des chiffres alors que le qualitatif s'est plutôt produire
du langage.
Les fréquences, les taux, les nombres s'opposent aux mots, à l'activité du langage
pour décrire l'objet.
C'est une opposition qu'il faut relativiser aujourd'hui puisqu'il n'y a plus de combat
des chefs. Dans les enquêtes quantitatives, l'interprétation du réel se fait en amont,
pour une enquête qualitative, l'interprétation du réel se fait en aval.
Enquête extensive : si elle couvre une vaste population dans un large secteur.
Enquête intensive : moyens répétés divers qui s'accumulent dans un lieu restreint et
sur une population réduite.
B. Quelques outils intellectuels propres à la science politique
Les idéaux types chez Max Weber :
C’est un instrument qui sert à la connaissance des faits sociaux ; construction éloignée de la réalité.
On construit des idéaux types en accentuant un point de vue unilatéral. Les idéaux types
extrêmement célèbres chez Max Weber sont ceux de domination, de légitimation.
Pour la domination, il y a un double discours de construction : dominations extérieures (ordres
donnés) domination intériorisée (ordres acceptés). Trois types de domination :
1. une domination traditionnelle, puisés dans des coutumes, des habitudes, sanctionnées par leur
validité immémoriale.
2. une domination légale rationnelle, celle de la loi, par la croyance en la validité des textes, en la
hiérarchie des normes, dans un Etat de droit.
3. une domination charismatique, situation de séduction en reconnaissant aux dominants des
qualités exceptionnelles.
L'observation de Weber sur le terrain, en poussant un point de vue, pour en mesurer l'écart avec la
vérité est donc construire des hypothèses.
Ex : Champagne utilise Goffman dans Asile où il donne le type idéal de l'institution totale. Il en
observe plein : l'hôpital, la prison, le couvent, les camps de concentration et en sort des traits
communs pour avoir une définition de l'institution totale :
« un lieu de résidence de travail ou en grand nombre d'individus, placée dans la même situation,
coupée du monde extérieur pour une période relativement longue, mènent ensemble une vie récluse
dont les modalités sont explicitement et minutieusement réglés ».
Champagne nous dit qu'à partir de ce type idéal, on peut essayer de comprendre la spécificité des
différentes institutions : par exemple, pourquoi l'institution militaire est tolérante par rapport à la
sexualité alors qu'elle est fortement réprimée dans la plupart des autres.
Les idéaux types servent donc à voir l'écart entre l'objet étudié la réalité. C'est un guide pour la
construction des hypothèses.
Ce ne sont pas des typologies. C'est une fixation cohérente à laquelle la situation et l'action est
comparée et mesurée. On ne s'en sert pas pour faire du classement, car ce ne serait que reprendre
les catégories du réel mais sans les comprendre. Attention à ce que les idéaux types ne soient pas
repris par les acteurs qui en font des typologies et qui permettent leur heuristique.
Variations concomitantes chez Durkheim :
C'est un raisonnement par comparaison. On prend un phénomène social pour le comparer à d'autres
phénomènes sociaux.
La réalité sociale est extérieure à l'individu, il s'oppose à eux ; c'est une démarche explicative qui
passe par l'identification d'une cause efficiente, c'est-à-dire interpréter les variations qui affectent un
objet social dominé en les ramenant aux différences constatées dans l'action de toutes les variables.
Toute la méthode de la comparaison statistique descend de la démarche de Durkheim.
II. Eléments de méthodes qualitatives
§1 : L'entretien
L'entretien se consacre au point de vue des acteurs, et se distingue en cela de l'objectivation
statistique. Cf. Ecole de Chicago, dont H. BECKER et ses travaux sur la sociologie de la déviance.
Méthode liée à l'ethnométhodologie, approche des savoirs ordinaires, qui repose sur l'id »e selon
laquelle les individus sont la source des faits sociaux.
L'entretien est un procédé d'investigation scientifique qui investit un processus de communication
verbale pour recueillir des informations en fonction des objectifs de la recherche. Il vise à réduire au
maximum l'effet d'imposition de problématique, par le biais de questions ouvertes et, surtout, par
l'intermédiaire d'entretiens non directifs (END).
MICHELAT 1975, dans un article de la RFS : plaidoyer en faveur de l'END, utilisé pour la première fois
par le psychothérapeute ROGERS. L'objectif de l'END consiste en effet à faire ressortir les perceptions
du sujet avec une intervention minimale de l'enquêteur, qui doit se résoudre à l'empathie.
MEYER : la boutique contre la gauche, MICHELAT et SIMON : classes, religions et comportements
politiques.
L'entretien repose sur une représentation culturaliste du social qui pose que chaque individu
cristallise les symboles, représentations, valeurs de son groupe. Ce qui implique que l'on favorise la
compréhension au détriment de la causalité.
A. Différents types d’entretien

Selon le moment de la recherche :
- Entretien exploratoire : vise à construire une vue générale, à élaborer la structure d'un
questionnaire par exemple.

Selon le degré de liberté laissé aux interlocuteurs (forme des questions etc.), liberté dont
dépend la profondeur des réponses. --> du plus libre au moins libre.
- L'entretien psychiatrique / analytique : liberté totale laissée à l'interlocuteur. Répétition des
entrevues dans le temps. Visée thérapeutique.
- END : relances minimales et toujours dans le respect des catégories utilisées par l'enquêté, de son
lexique etc.
- entretien guidé : contient un guide de questions non formulées à l'avance mais dont les thèmes
sont définis a priori.
- Entretien centré : se consacre à une expérience particulière, un événement singulier, ce qui
suppose un choix précis des personnes contactées ainsi que des objectifs ciblés.
- Entretien à questions ouvertes : questions précises suivant un ordre prévu.
- Entretien à questions fermées : questionnaire standardisé, dont le contenu et le cheminement sont
définis à l'avance.
- Entretien directe et indirecte :
Directe : question explicite : « êtes-vous allé voter »
Indirecte : question qui peut avoir plusieurs sens : « qu'avez-vous fait dimanche? »
- Entretien de groupe : recueille une parole collective dans une interaction de groupe. Cf. Le ghetto,
de LAPEYRONIE. C'est un mode d'entretien complexe à mettre en œuvre et sujet et sensible à la
censure des enquêtés.
- Entretien de groupes préexistants : risque de l'inhibition.
- Entretien de groupes expérimentaux, réunis pour la circonstance.
Cf. TOURAINE et son travail sur les nouveaux mouvements sociaux qui, par le biais des entretiens de
groupes, se donnait pour objectif de leur faire prendre conscience de leur dimension politique.
B. La relation enquêteur/enquêté
A. les résistances de l'enquêté
L'entretien met en présence des individus qui ne se connaissent pas.
Quels sont les motivations du point de vue de l'enquêté ?

Il y a des facteurs de résistance, plutôt négatif :
 l'inquiétude du « pourquoi moi ». Donc l'idéal c'est d'être recommandé pour
désamorcer cette question.
 L'idée que chacun pense de l'autre et ce que chacun pense que l'autre va penser de
lui. Là aussi désamorcer les choses le plus possible pour que les gens parlent
vraiment d’eux. L’idéal est d'être dans une tenue physique adéquate. Atténuer les
effets de distance sociale. Mieux vaut être le plus neutre possible et pour cela, être le
plus proche de l'enquêté.
Bourdieu, La misère du monde, interviewe que des classes sociales avec des
intervieweurs du milieu social questionné.
 Le mécanisme de défense par la fuite : il ne faut pas insister
 la rationalisation : l'effet de halo. Rationaliser des pratiques qui ne le sont pas et qui
ne devraient pas l'être. Si l’enquêté a des discours et des pratiques incohérentes, ce
n’est pas forcément négatif. Désamorcer par des choses personnelles.
 L'effet de projection : on parle des autres pour parler de nous. On attribue aux autres
ses propres attitudes. C'est un trait important à désamorcer en ramenant toujours
l'interviewer à lui-même, à son expérience.
B. les facteurs positifs de l'enquêté, à renforcer :
 les réflexes de politesse
 le désir plus ou moins conscient d'influencer ; que l'enquête peut, même
indirectement, amener un changement heureux, une transformation quelconque et
que la question pose un problème qui l'intéresse lui. Dans ce cas, il faut utiliser cet
état d'esprit (mettre des sigles, des recommandations...). Il faut formuler les choses
de telle façon à ce que ça intéresse l'enquêté. Il faut formuler notre problématique
d'une manière plus attractive.
 Le besoin de parler, de communiquer, et plus ou moins consciemment d'être
compris. Il faut donc il y trouve une attraction, il faut valoriser sa parole.
 Rassurer l'enquêté (travail anonyme, qu'est-ce qu'on attend de lui ?). Il faut être
empathique, sans le juger, lui autoriser à dire ce qu'il veut (même si c'est des propos
racistes, sexiste...) Il faut être sympathique, chaleureux, il ne faut pas adopter une
attitude moralisatrice : il peut dire des énormités.
Le besoin d'approbation de l'enquêter est tel qu'il peut inconsciemment déformer la
vérité selon ce qu'il croit être le point de vue de l'enquêteur.
Comment manifester sa compréhension en dehors de l’hexis corporel (l'apparence physique).
Par le regard, l'acquiescement, le hochement de la tête, les expressions. Il ne faut pas hésiter à
reprendre ce que dit l'enquêté en l'expliquant sans le déformer : « vous voulez dire que... ». Préférez
le comment plutôt que le pourquoi qui est plus agressif.
Pour un entretien avec les dominants, il faut chercher un entretien plutôt par des responsabilités
sociales, par sa fonction professionnelle, et après en cours d'entretiens, plutôt à la fin, interrogé sur
des détails biographiques plus personnels.
Il faut préparer les détails pratiques : l'enregistrement est prévu, il faut demander du temps (environ
une heure)...
C. Quelques conseils pratiques
Avant, pendant et après l'entretien que faire ?
Avant l’entretien :
 préparer le matériel : un magnétophone (vérification des piles), prendre du papier et un stylo
 sélection de l'échantillon : qui va-t-on chercher interviewer. Attention à ne pas faire de
quantitatifs honteux, c'est-à-dire un échantillon le plus représentatif possible. Il vaut mieux
interviewer moins de personnes, mais les plus différentes possibles. Il faut laisser tomber le
rêve de la représentativité exhaustive.
 Choisir une question de départ. Restés imprécis quand on lance l’entretien. Il ne faut pas
donner sa propre thématique de recherche, sinon ça modifiera trop les réponses, ça
orientera trop l'enquêté. On ne doit pas donner ses mots-clés de recherche.
 La prise de contact : il faut se faire recommander par quelqu'un, insisté sur la dimension
centre de recherche, CNRS... Prévenir avant que ça sera enregistrer pour ne pas choquer, ne
pas donner la consigne/parler d'abord du professionnel avant du personnel.
 Préparer des notices biographiques (si possible) pour avoir des éléments en amont sur la
personne interrogée, voir pourquoi pas un repérage ethnographique (lieu de l’interview,
endroit de vie...)
 Le lieu de l'entretien : est-ce que la personne vous invite chez elle ? Pourquoi au contraire
elle ne veut pas. Il faut éviter de l'inviter dans un de vos milieux. Utilisez plutôt des lieux
neutres, comme un café.
 Il faut prévoir une grille de questions relativement souples.
Pendant l’entretien :
 Sympathie, compréhension, « comment » plutôt que « pourquoi », utilisation de l'anecdote
très importante...
 Il faut se poser des questions sur ses relations avec l'enquêter. Il faut quand même imposer
son timing, son fil conducteur et bien savoir ce qu'on recherche pour éviter de se faire mener
en bateau.
Après l’entretien :
 retranscription, fiches biographiques nouvelles, fiches objectives d'entretien (lieu, condition
de l'interview...). Il faut tout noter, les hésitations, les comportements, au plus proche de ce
qui était dit, sans que ça devienne illisible et inutilisable.
 Il faut écouter plusieurs fois l'entretien.
 en sortir des idéaux types pour appuyer l'hypothèse de la recherche. Comprendre la
signification de ce qui n'est pas des mots (hésitations, bafouilles, silence...).
 Remercier et demander s'il veut une copie de la retranscription.
 On peut utiliser l’entretien comme exemple, comme illustration, comme preuve à l'appui
d’un travail.
§2 : La méthode biographique
On distingue le récit de vie des archives personnelles (analyse documentaire). Cf. PASSERON pour
l'usage de la méthode biographique.
A. Histoire de la biographie en science social
Par rapport à l'entretien, la biographie combine deux éléments : le récit de vie + la documentation
personnelle.
C'est une technique ancienne qui a souvent été remise en cause à propos de sa scientificité.
Les pères fondateurs, l'école de Chicago, avec Thomas et Znaniecki (1918, The polish peasant in
Europe and America), référence importante parce que l'ouvrage est consacré à un jeune paysan
polonais, Vladec, qui émigre aux États-Unis. Il s'agit donc de comprendre le phénomène migratoire et
la reconstruction personnelle qu'elle engage à travers une biographie. Etude de la correspondance
entre Vladec et sa famille, ses carnets de notes, des entretiens répétés.
Madeleine Grawitz montre les innovations de ces deux sociologues, de cet hyper qualitatif.
En France, la biographie va émerger pleinement dans les années 50. Daniel Bertaux écrit un rapport
sur la méthode biographique en sociologie. En science politique, ce sont des travaux particulièrement
utilisés pour les phénomènes de socialisation politique ; Percheron travaillera notamment sur des
histoires de vie pour comprendre la transmission politique dans les familles.
Mais, il y a toujours eu polémique : en quoi la méthode biographique ne serait-elle pas scientifique ?
Il y a un problème de cohérence, l'enquêté d'englober sa vie dans un tout rationnel.
Norbert Elias (Mozart, sociologie d'un génie). On peut donc préférer la prosopographie : la
multiplication des biographies pour plus d'exhaustivité.
Un autre problème : tout à l’air de faire sens, il y a trop d'analyse, de détails, de richesse qui
finalement rende l'analyse complexe à faire, voire stéréotypé. Passerond critiquera cette focalisation
dans toutes les biographies de Hitler : « petit, déjà, il tuait des insectes ce qui induit qu'il devienne
dictateur... ( ???) ». C’est qu'il appelle la pléthore sémiotique.
Autre problème : la temporalité prend place de causalité. Avec du recul, on peut avoir tendance à
voir des faits comme forcément liés par des phénomènes de causalité.
B. Critique de « l’illusion biographique » (Bourdieu) comme préalable à l’utilisation
des biographies
Bourdieu parle de « pouvoir exorbitant d'intelligibilité de la biographie » : la biographie serait un tout
trop cohérent, qui aurait trop de sens : attention au romanesque, à l'excès de sens et de cohérence.
Il ne faut pas mélanger faits avérés et fiction : « le récit biographique est d'abord trop parlant ».
Il y a beaucoup de risques liés à la lecture rétrospective de sa vie (« quand j'étais petit déjà... ») où
tout semble pertinent.
Attention à l'unité de vie : l'unité biologique n'a rien à voir avec la pluralité de caractère d'un
individu. L'entretien favorise une vue cohérente et stable de l'individu, la biographie encore plus,
alors que l'observation montrera plutôt des comportements hétérogènes.
Autre problème : quel lien entre un individu et la société ? Le récit de vie entretient une forme
d'illusions où le microcosme reflèterait le macrocosme.
C. Conséquences : l’attention aux reconstructions identitaires et aux relations entre les
trajectoires individuelles et leur environnement de la réflexion sur l'illusion
biographique :
 L'attention apportée aux reconstructions identitaires : l'attention portée à la présentation
officielle de soi, notamment chez les catégories dominantes. Comment retourner à
l'avantage du chercheur la non-neutralité des sources biographiques ?
Michael Pollack, chercheur sur la structure identitaire dans le cadre d'expériences extrêmes
travaille sur les camps de concentration (L’expérience concentrationnaire), avec une analyse
du silence dans les récits de vie. Le silence renvoie à ce que l'enquêté croit que l'enquêteur
ne comprendrait pas ou n'accepteraient pas. Les récits de vie sont orientés par les
dispositions des individus.
Il faut donc faire attention à la logique interne de l'enquêter, a comment il perçoit sa vie :
une part intellectualisée, une autre imaginaire, une autre oublié...
Il faut aussi faire attention à la logique individuelle : comment se construit le parcours, la vie
de l'individu, ses liens...
Il faut enfin faire attention au parcours individuel comme révélateur de phénomènes sociaux
plus larges.
 Réflexion sur la trajectoire individuelle et l'environnement :
Métaphore de Bourdieu du plan du métro : focaliser sur une vie comme focalisée sur un
trajet sans décrire le plan total, cela n'a pas d'intérêt.
Passerond ajoute que si l'on ne prend que les trajets individuels, on ne prend pas en compte
les mouvements sociaux.
On a un cadre théorique Durkheimien : la description des structures qui précèdent les
trajectoires individuelles (plutôt holistes)
On a un deuxième point de vue qui essaye de voir la biographie comme le produit d'un
double mouvement : celui de l'action des individus et celui du déterminisme social des
structures.
Brigitte Gaïti par exemple, sur la trajectoire de VGE, ne construit pas un idéal type mais
plutôt apprécie dans le concret le jeu des acteurs et leur implication dans le mouvement des
structures politiques de l'époque.
D. Quelques conseils techniques
Il faut connaître parfaitement le contexte dans lequel s'inscrit la vie de la personne interviewée
(géographique, politique, historique...). Il ne faut pas hésiter à le contredire, apporter des éléments
nouveaux, a demandé de plus amples informations.
Néanmoins, il faut acquérir la confiance de l'enquêter, répéter les entretiens dans le temps, pour
obtenir une relation de confiance.
Les études prosopographiques doivent être faites sur un très grand nombre et sur une homogénéité
des trajectoires étudiées pour être intéressantes : il faut privilégier soit la biographie d'un
personnage unique, soit la biographie de plusieurs personnages homogènes.
§3 : L’observation
Technique d'enquête principalement développée par des ethnologues avec Malinowski, auteur
principal : fondée au départ sur des récits de voyage (il a passé trois années dans les archipels
mélanésiens au contact de groupes indigènes) et un renversement des perspectives. Père de
l'ethnologie contemporaine. Observation participante.
 Ethnologie : comprendre le fonctionnement d'une petite société, saisir la logique interne de
micro société. (Voir Abélès ethnologie de l'assemblée nationale)
 Ethnographie : centrer le regard sur les pratiques. Étude avec un FOCUS plus resserré.
Précision de l'objet étudié. Par exemple : les campagnes électorales, observation du porte-àporte.
 Anthropologie : comprendre les sociétés par la méthode comparative. Postulat de base :
unité de l’espèce humaine et problèmes communs à résoudre. La comparaison des sociétés
met en avant ce postulat.
Exemple : Claude Lévi-Strauss dit que l'inceste est un interdit anthropologique fondamental.
A. Intérêts et problèmes de l'observation en sciences sociale
De nombreux travaux attestent le décalage entre ce que disent les gens de leurs pratiques, de leurs
représentations et leurs comportements réels effectifs.
La société étant imparfaitement racontée, il ne reste plus qu'à l'observer.
L'observation est la seule méthode possible pour un certain nombre de sujets : les enfants, la
sociologie de groupe. L'observation d'un groupe est bien plus efficace qu'une série d'entretiens.
Technique qui s'inscrit dans l'évolution des sciences humaines et sociales, technique assez à la mode.
Peut-être qu'au plus près de la société, on a une vérité plus profonde.
Reste inséré dans la dynamique sociale, ce n'est pas une technique distanciée. Elle est au plus proche
des interactions humaines.
Ethnométhodologie, avec notamment GARFINKEL : chaque individu a un savoir de la société au sens
commun et nous le mettons en œuvre par des méthodes ordinaires. Plutôt dans l'idée d'une
continuation entre savoir ordinaire et savoir savant. L'enquêteur objectiviste les comportements
ordinaires.
Par exemple, Goffman avec l'interactionnisme (individualiste) a observé des rites d'interaction
quotidienne. Comment est-ce que les face-à-face se déroulent dans la vie quotidienne. Par exemple :
comment ne pas perdre la face ou ne pas faire perdre la face à l'autre.
L'arrangement entre les sexes, dans les années 60, décrit très finement les interactions entre les deux
sexes et les comportements de non-mixité.
Problèmes épistémologiques liés à la construction des savoirs : comment un savant, avec toute sa
subjectivité, va pouvoir valider son objectivation des comportements. Il y a un risque d'inférence
dans l'observation, d'implication des partenaires. Problème majeur de l'objectivité à cause de la trop
grande implication de l'observation de l'observateur (NORBERT ELIAS, Engagement et dissociation).
Assumer comme point d'appui cognitif ces assertions et sa position d'observateur. Il faut savoir
mettre à distance ce que l'on a observé au plus près. Position d'équilibriste du chercheur.
B. Les différents types d'observation selon le rapport enquêteur/enquêté
On différencie classiquement l'observation directe (assister à une scène sociale) de l'observation
participante (participer activement à un jeu social).

L'observation directe : observer, décrire, participer à la vie sociale. Idée d'une durée. Être
présent sur la scène sociale ordinaire, sans droit d'entrée. Il faut néanmoins pouvoir négocier
son droit d'entrée sur le terrain. Il faut obtenir une autorisation par les « gardiens » des
institutions, les « gate keepers ».
DUBOIS, La vie au guichet, observation des interactions au guichet de la CAF mais présentée
aux agents comme stagiaire, donc pas perçu comme observateur par les observés.

L'observation participante : l'observateur participe au point de s'intégrer dans le groupe est
et se faire oublier en tant qu'observateur, mais doit rester présent en tant qu'individu. On
peut être déclaré ou non, externe ou interne.
L'observateur participant externe (OPE) vient du dehors : conditions normalement du
chercheur. Rôle extérieur à l'observation.
L'observateur participant interne (OPI) est d'abord un acteur du groupe observé. Il part d'un
rôle d'acteur et doit mettre à distance un univers quotidien, il doit devenir chercheur. Cela
peut poser des problèmes déontologiques importants mais on accède à des infos plus
profondes.
En tout cas, le plus important est d'être accepté par le groupe avec un risque important : si
l'observateur participe trop, il peut être amené à prendre parti et perdre la confiance des
autres. Au contraire, en restant extérieur, neutre, s'abstenant de rendre des jugements, en
rendant service aux besoins mais sans excès, il est probable que sa présence soit bien
tolérée. Il faut en faire assez mais pas trop. Participer aux activités quotidiennes mais sans
excès. Ne pas s'identifier totalement au groupe.
Ce sont les travaux par exemple de BECKER, sur les consommateurs de cannabis et les
musiciens de jazz ou de VACKAN, sur les clubs de boxe nord-américains, Corps et âmes.
L'attitude de l'observateur joue un rôle. La durée doit être suffisamment longue pour la
compréhension et pour que ses compagnons s'habituent à l’observateur. Attention à ne pas
s'habituer aux façons de vivre et de réagir du groupe. Si les choses vont de soi, leurs
singularités disparaissent et on ne voit plus rien : il n’y a plus de distanciation. La solution est
de partir quelques jours et de revenir avec un œil neuf.
Ambiguïté de l’entrée sur le terrain : moment où l'on débute l'enquête ou moment où on est
accepté comme observateur ?

L'observation masquée : l'observateur joue un rôle dans une société (SDF, militant du FN...).
Il y a risque de réaction de défiance, de colère de la classe observée...
C. La systématisation de l'observation comme condition de scientificité
Qu'est-ce qui distingue l'observation scientifique de la simple impression : c'est l'observation
systématique. Il faut un recueil systématique des comportements.
Il y a deux types d'observation selon leur type de systématisation :
 l'observation d'exploration : non systématisée. C'est une accumulation de données pour
répondre à un sujet. L'observation flottante pour saisir des phénomènes caractéristiques.

L'observation de diagnostic : les hypothèses sont émises, les observés choisis, les variables
mesurées.
Les observations seront rangées dans ces catégories préétablis de comportements et les résultats
expliqués d'une façon plus ou moins quantitative.
La complexité des comportements est telle que l'observation d'exploration ne peut amener une
systématisation dans des catégories.
Cependant, avec l'accumulation de données, la répétition aidant, les enquêteurs vont pouvoir faire
des catégories concernant des séries de problèmes qui se retrouvent de manière récurrente. C'est
une sorte de continuum entre l'exploration et le diagnostic.
Quand on établit des catégories précises, on est prêt pour les traiter quantitativement.
Il est une autre manière de recueillir l'information : le journal de terrain. Dès qu'on observe un fait,
on le retranscrit tout de suite pour éviter toute déformation. Le journal de terrain est au plus près,
sans laisser passer le temps et sans refuser d'observer certains objets : dissocier le projet
d'évaluation du projet d'explication. Dans le journal de terrain on ne fait que décrire précisément :
c’est le matériel brut à l'appui de la thèse.
Il faut être sensible aux effets de halo : idée d'une impression dominante que l'on applique à tous les
sujets observés, qui écraserait toutes les réalités. Il ne faut pas se focaliser sur les temps forts en
laissant de côté les routines.
Il faut réduire l'inférence, c'est-à-dire la façon dont on s'implique dans l'observation. Il faut se
demander par quel filtre se passe la subjectivation ; il faut voir les choses en fonction des contrastes
ou des liens avec ce que l’on a déjà vécu :
Les filtres sensoriels (l’ouïe, la vue, le toucher...)
Les filtres épistémiques (les cadres de la connaissance).
Les filtres liés à l'habitus primaire et à l'habitus secondaire : liés à la socialisation ordinaire ou liée à
l'acquis de la vie active.
Il y a deux types d'observation : narrative (racontée avec précision) et attributive (avec une grille
préétablie qui découpe la réalité et affecte directement l'observation des catégories).
Deux opérations fondamentales :
 La subjectivation (point de vue subjectif de l'observateur) et l’objectivation (dénoter le réel
par des mots, le rendre visible les logiques souterraines du réel).
 L'observation a donc cette particularité d'être insérée dans la vie sociale, où le chercheur doit
être en équilibre entre subjectivation et objectivation.
§4 : Le travail sur archives
On parle de méthode non réactive, dans le sens où leur étude ne les modifie pas. Méthode très
utilisée au XIX°. Parmi ses objets : processus de politisation (DELOYE, travail sur les « râtés de la
politisation », « Ecole et citoyenneté, travaux également sur les manuels de moral et d'instruction
civique des écoles publiques et catholiques). Cf. aussi travaux d’OFFERLE sur la professionnalisation
politique. Voir aussi GARRIGOU, in Le vote et la vertu.
A. Statut de l'histoire par rapport à celui de la sociologie et de la science politique
Frontières histoire/sociologie politique ne sont pas évidentes : cf. sociohistoire du politique et
histoire du temps présent...
L'histoire peut aussi être perçue comme un recueil, une collection de faits et d'événements, dont la
sociologie se servirait pour établir des lois générales, d'une manière hypothético-déductive. Pour
PASSERON, on ne peut jamais abstraire d'un ph. Social ou politique des lois générales. Ecole des
annales, fondée par BLOCH et FEBVRE, constitue une rupture majeure dans l'histoire de l'histoire,
dans le sens où elle refuse l'histoire événementielle qui pose comme facteur de changement
historique le seul facteur personnel. Pour ces deux historiens, l'histoire doit se consacrer au temps
long, s'intéresser aux évolutions des structures économiques (évolution du prix du blé par exemple
!). Objets : histoires des mentalités, de la folie, de la sécurité, des peurs etc.
B. La définition du fait historique
Combats pour l'histoire, FEBVRE, 1953 : contre « l'histoire historicisante », contre une histoire qui
ferait l'exposé de faits révélés par les archives, posant que la définition des faits historiques ne va pas
de soi, que les faits ne peuvent parler d'eux mêmes. Le fait historique doit être construit par
l'écriture de l'histoire.
LE GOFF, le fait historique n'est jamais donné mais construit. VEYNE, in Comment on écrit l'histoire,
pose qu'il n'existe pas de fait historique élémentaire, le fait renvoyant à un nombre défini d'intrigues,
dont l'auteur est l'historien. L'histoire est un roman vrai.
Pour ces auteurs l'événement historique existe mais elle se définit par la différence, l'événement se
détachant sur fond d'uniformité. Cela amène donc à s'étonner de ce qui semble aller de soi.
En résumé, il s'agit donc, pour les historiens autant que pour les sociologues, d'adopter une attitude
réflexive, l'histoire ne pouvant échapper à son caractère de relecture du passé au travers des
modèles interprétatifs du présent. Par, exemple, si on a tendance aujourd'hui à privilégier l'analyse
économique, la généalogie a été beaucoup plus opératoire aux XVIII°/XIX°. D'autre part, l'événement
doit tout au plus être considéré comme construit, saisi partiellement dans l'archive.
C. Conditions de l'utilisation de l'archive
Archives sont des documents publics (nationaux, régionaux, locaux) ou privés. Un historien doit
toujours citer ses sources.
Mais l'histoire doit-elle se limiter au travail d'archive ? Le document pose d'importants problèmes à
l'historien :

quel document retenir ?

L'écrit, majoritaire, suffit-il ? Risque d'exclusion de points de vue, de groupes --> constitution
d'une histoire du pouvoir (BLOCH). Etant entendu que l'absence de traces, d'archives, dit
également quelque chose.

Disponibilité des sources écrites peut être problématique : délais de consultation des
archives administratives etc. ce qui amène les historiens à plaider pour « une extension de la
quête documentaire » (LE GOFF). L'exemple de l'archéologie atteste le fait que le recours à
de nouveaux matériaux débouche sur une redécouverte de l'histoire. L'histoire ne doit donc
pas se limiter à l'archive.
A. FARGE, in le Goût de l'archive, défini l'archive en tant qu'ensemble de documents quelque soit leur
forme ou leur support matériel dont l'accroissement s'est effectué de manière organique,
automatique, dans l'exercice de l'activité d'une personne physique ou morale, privée ou publique, et
dont la conservation respecte cet accroissement sans jamais le démembrer. »
En tant que données données, les archives ont été établies selon les principes de classements qui ne
sont pas ceux du chercheur, ce qui tend à imposer certains événements de l'histoire. VEYNE parle de
l'histoire en tant que « lutte contre l'optique imposée par les sources ». D'où nécessaire critique des
sources :

Ne pas les prendre au pied de la lettre = ne pas céder au « romantisme de l'archive ». Se
rappeler que le document écrit reflète le point de vue de son auteur.

Faire parler les archives c'est faire dire à leurs auteurs ce qu’ils voulaient dire mais aussi ce
qu'ils ne voulaient pas dire.

Problème de l'authenticité du document, tout en sachant que le faux a souvent un intérêt
analytique qu'il convient d'expliquer. Problème de la datation.

Notion de critique interne, interprétation de la signification du doc, son exactitude, étude de
son contexte de production, des motivations de ses auteurs etc. Un document ne peut
devenir une source de travail qu'après une critique active.
III. Eléments de méthodes quantitatives
Voir COMBESSIES, in La méthode en sociologie. Toute mesure établit une relation spécifique et
l'objet statistique est entièrement déterminé par l'interaction entre la mesure et un opérateur
mathématiques. Les chiffres ne parlent pas d'eux-mêmes et sont construits, produits, fruits des choix
de l'enquêteur.
§1 : La construction de données quantitatives : le questionnaire
Le questionnaire n'est pas un sondage d'opinion dans le sens où il ne cherche pas à appréhender des
opinions, à trouver LE chiffre qui parle, mais plutôt à dénombrer le plus précisément possible. Il se
situe dans une sociologie explicative, posant que les faits sociaux sont en dehors des faits individuels
(filiation avec DURKHEIM). DE SINGLY, qui a travaillé sur le « coup de foudre » par le questionnaire
fait ressortir « des papiers d'identité sociale » qui établissent notamment une écrasante majorité de
couples dont les deux membres sont appartiennent à des CSP similaires ou proches.
Deux grandes parties dans un questionnaire : les pratiques, puis les marqueurs sociaux (« les papiers
d'identité sociale »), l'objectif du questionnaire étant, in fine, d'établir des liens de corrélation entre
les deux variables et d'approcher au plus près possible de la causalité.
A. La conception du questionnaire
D'abord : sélection de l'information pertinente. Le questionnaire exige un travail de définition
préalable fin et exhaustif.

Définir le champ de l'enquête : à qui le questionnaire se destine-t-il ? Cf. notamment
PASSERON et son travail sur les artistes peintres --> comment définir les critères constitutifs
du statut d'artiste ?

Définir la thématique sur laquelle on travaille : exemple d'un travail sur la prudence. Qu'estce qu'un comportement prudent ? Quels indicateurs, quelles variables significatives ? A
savoir que plus le nombre de variables retenues est grand et plus on a de chance de cerner
un problème dans toute sa complexité.

De ces deux premières étapes on tire des questions capables de répondre à notre hypothèse
de travail.
Cf. Baudelot et Establet, in Allez les filles, sur les inégalités scolaires garçons/filles. Question :
pourquoi les filles, plus performantes, sont-elles orientées vers des filières moins valorisées ?
Explication en terme de « goût pour les mathématiques », plus grand chez les garçons que chez les
filles (variables : lectures, usage de la calculatrice etc. etc.).
Dans l'avant questionnaire penser à :

Lire les travaux déjà réalisés sur notre sujet

Ecouter ce que les acteurs disent de leurs pratiques, notamment par l'intermédiaire de pré
entretiens, dans le but d'élaborer une vue exhaustive du problème posé.

Elaborer un questionnement théorique qui servira à la construction du questionnaire.
In La distinction, de BOURDIEU, distingue dans son analyse les systèmes de classement d'une part et
les conditions d'existence d'autre part, au travers de 25 questions. cf. aussi LAHIRE, in la culture des
individus, dissonances culturelles et distinction de soi, reprend les travaux de BOURDIEU sur la
distinction.
Les variables :

biologiques (sexe et âge)

capitaux scolaires, sociaux, culturels et économiques, voir notamment grilles PCS de l'INSEE,
même si elle est critiquée par les sociologues, qui estiment que la catégorie sociale est avant
tout une construction cognitive. D'où succession de question visant à cerner la catégorie
sociale de l'interviewé :

position actuelle --> temps complet ou partiel?, femme au foyer?,
chômeur inscrit ou non ? Etc.

travailleur indépendant ou non ?

Salarié de l'Etat ou d'une collectivité locale ?

Dans quelle entreprise ? PME ? Multinationale ?

Baudelot utilise quant à lui des indices de conjugalité qui prennent en
compte les situations respectives des deux membres du couple.

Profession des parents, milieux d'origine.

Capital scolaire --> dernier diplôme obtenu, année d'obtention

Capital économique --> patrimoine, montant, type de logement,
épargne etc.

Les questions sur la vie privée, situation de couple etc.

indicateurs de la vision du monde social : religion (pratique, fréquence
etc.), politique (situer sur un axe « proximité partisane »)

Variables contextuelles : situation du logement par rapport aux
équipements culturels, composition sociale des écoles avoisinantes.

Variables relationnelles, proches du capital social de BOURDIEU, des
relations, de ressources mobilisables, activités sociale en général.
Les techniques d'échantillonnage :

Aléatoire ? Tirage au sort d'individus appartenant à la population de référence et, en cela,
méthode statistiquement idéale. Mais complexe à mettre en œuvre car suppose l'existence
d'une liste exhaustive de base. Pour tirer au sort on peut par exemple tirer un individu sur
1000, en veillant à ce que ceux ci ne sont pas classés selon un principe et en ayant en tête
que l'ordre alphabétique n'est pas neutre.

Quotas ? Bonne méthode pour repérer grandes différences (sexes, âges) mais peine à
valoriser variables minoritaires. Ce biais peut être rattrapé par l'échantillonnage stratifié et
par le recours au coefficient.
B. Les règles du questionnement
Distinction questions de fait (les pratiques) et d'opinion. Orientation récente préconise la valorisation
dans le questionnaire des questions d'opinion, de représentation et d'argumentation.
Distinction questions ouvertes et fermées.
Veiller à ce que la formulation de la question n'exclue aucune modalité de réponse et à ce qu'elle ne
suscite par le rejet par le vocabulaire employé etc.
Autoriser double ou triple réponses.
Qu'une seule question par question. Testez la compréhensibilité du questionnaire.
Pensez-vous/trouvez-vous/diriez-vous/estimez-vous que etc. , ce qui autorise les personnes à
émettre une opinion personnelle ... mais à tous prix exclure les questions directes.
Favoriser par ailleurs la cohérence expressive.
C. L'exploitation du questionnaire
Etape 1 : le codage, qui permet de passer du langage du questionné au langage numérique. Oui = 1,
non = 2 etc. etc. pour question ouverte : coder a posteriori, selon les critères qui collent le plus aux
réponses recueillies.
Etape 2 : Saisie sur logiciel de traitement stat (SPSS, Sphynx)
Etape 3 : découverte des données :

tri croisé : une variable active/explicative (en ligne sur le tableau), c'est la variable
indépendante, par rapport à une autre variable, dite dépendante et placée en colonne.
La pratique du ski
OUI
NON
TOTAL
CADRES
27.6
72.4
100
PROFESSIONS
INTERMEDIAIRES
27.7
63.3
100
EMPLOYES
20.8
79.2
100
OUVRIERS Q.
10.3
89.7
100
OUVRIERS N.Q.
5.1
95.9
100

Lecture en ligne : une majorité de Français ne fait pas ski. Cadres et PI ont plus
souvent fait du ski que les ouvriers et les employés.

Intérêt des logiciels de traitement stat : dire si une relation de corrélation, voire de
causalité entre deux variables et plus est efficient, dans le but d'aboutir à une
représentation générale, possiblement graphique, de situations d'interdépendances
complexes.
§2 : Usages de la statistique en sciences sociales
A. La production statistique comme objet sociologique
Stat = données données, stat d'Etat, dont on peut se servir en tant que sociologue. Mais la socio doit
garder un esprit critique vis à vis d'elle, en la restituant « dans le continuum multiforme des
constructions sociales ». Les stats constituent une construction sociale en ce qu'elles sont établies à
partir de critères définis a priori, relatifs à une époque, un contexte etc. Ces modalités de
construction doivent retenir l'attention la plus grande du sociologue.
Notion de « classes d'équivalence », d'Alain DESROSIERE
Derrière toute construction stat on peut repérer des enjeux politiques.
L'appareil stat d'Etat est donc pour objectiver ce qui est déjà dans le monde social : la stat, elle
reprend les catégories juridiques existantes. HERAN, par la notion d'accommodation stat, met en
évidence le temps que met la stat à intégrer dans ses catégories les évolutions sociales. Cf. INSEE,
INED vis à vis du comptage ethnique des personnes ou du recensement religieux. Les débats qui ont
suivi à la publication de ce projet d'enquête ont abouti sur la question « de quelle couleur vous
diriez-vous? ». Craintes inhérentes à l'existence du SNS, service national de la stat, en 41, qui
recensait les juifs en Algérie d'abord, puis dans l'hexagone. Stats ethniques sont en outre très
utilisées dans les pays anglo-saxons, en faveur des politiques de discrimination positive.
Par ailleurs comment catégoriser l'appartenance l'ethnie ? Origine des parents ? Jusqu'à quel degré ?
Le métissage dans tout ça ? Quelles frontières pour qualifier l'appartenance ethnique ?
En fonction des définitions retenues on arrive à des résultats très fluctuants, d'où importante du
travail de catégorisation.
Artefact : variations de la mesure sont imputables aux caractéristiques de l'instrument plus qu'à
celles de l'objet mesuré.
Biais stat : variations dues au seul instrument
Précaution : à prendre pour éviter les erreurs, ne pas prendre les chiffres pour argent
comptant !
B. Précautions pour l'utilisation préalable des statistiques
Ne pas confondre corrélation et causalité : une relation parallèle n'est pas forcément signe d'une
relation d'interdépendance. L'analyse de régression (test du Khi 2) permet de déceler si une variation
entre deux variables s'explique par une relation de causalité, au regard d'un effectif donné.
Distribution d'une population
Fréquence : rapport entre une classe d'effectifs et l'ensemble de la population, s'exprime en base
100 (pourcentage) ou 1 (proportion).
Calculs de base : indice de valeur centrale :

La moyenne : peut être trompeuse, car ne nous dit rien de la distribution de la population.

La médiane : valeur d'une variable qui divise la population étudiée en deux effectifs de part
égale.

Le mode : caractère le plus fréquent d'une variable
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