Les déterminants du niveau du taux d'intérêt
Depuis le mois de septembre 2007, la FED s'est efforcée de contenir les répercussions de la crise des "subprimes" sur
l'activité économique en réduisant plusieurs fois son taux directeur, qui a ainsi baissé au total d'un point, de 5,25 % à
4,25 %. En revanche, la BCE, si elle a refinancé massivement les établissements de crédit européens impliqués dans
cette crise, n'a pas opéré de baisse générale de son taux directeur, maintenu à 4%, prêtant ainsi aux critiques du
Président français […]
Le taux d'intérêt est le taux de rémunération d’un crédit (NB : ne pas confondre l'intérêt et le taux d'intérêt). On peut
éventuellement mentionner la diversité des taux d’intérêt (selon l'échéance ou le montant du crédit, son caractère
négociable, l'emprunteur, le prêteur etc…) dont les niveaux sont interdépendants. Le sujet, formulé au singulier, invite
à se pencher sur le niveau du taux d'intérêt sans développer cette diversité.
- Le taux d'intérêt est-il une variable endogène ou exogène ? La banque centrale peut-elle alors l'utiliser comme
instrument de politique monétaire ?
- Le taux d’intérêt est-il une variable monétaire ? Son niveau dépend-il au contraire des « fondamentaux » de
l’économie, c’est à dire de données de base de la sphère réelle ?
Nous verrons d’abord que jusqu’à Keynes, l’analyse économique a considéré le taux d’intérêt comme une variable
d’ajustement sur le marché des capitaux. Nous nous pencherons ensuite sur la volution keynésienne, qui a soulevé
la question d’une interaction entre sphère réelle et sphère monétaire par l’intermédiaire du niveau du taux d’intérêt.
C’est autour de cette question que se sont cristallisées jusqu’à aujourd’hui les orientations divergentes des politiques
monétaires, comme nous le montrerons dans un dernier temps.
Le taux d'intérêt comme variable réelle d'ajustement sur le marché des capitaux :
A) La demande de capital
A la suite d'A. Smith, les économistes classiques posent que le taux d'intérêt "suit" le taux de profit. Les déterminants
de son niveau ne donnent donc pas lieu à une analyse spécifiques, mais sont rapportés aux lois de la répartition,
qu'elles soient "naturelles" ou sociales. Constatant une baisse du taux d'intérêt dans le long terme, les économistes
classiques la mettent en relation avec une baisse du taux de rendement du capital accompagnant le processus de
croissance sous l'hypothèse de rendements d'échelle décroissants (Smith, Ricardo), ou résultant de la concurrence
entre capitalistes (Marx).
La théorie néoclassique isole les déterminants du niveau du taux d'intérêt, qui rémunère les services productifs du
capital et ne découle plus d'une théorie de la répartition.. Du côté de la demande, le taux d’intérêt est égal à la
productivité marginale du capital. Le niveau du taux d’intérêt se fixe de façon à ajuster l’offre et la demande de capital
sur le marché des fonds prêtables (cf. Clark). Micro ? Néo class productivité marginale du capital Clark
B) L'offre de capital
Du côté de l’offre, le taux d’intérêt est la rémunération de l’abstinence (de la renonciation à la consommation
présente). En se privant aujourd’hui, on peut consommer plus demain. Lorsque le taux d’intérêt augmente, l’effet-
substitution dominerait l’effet-revenu et l’épargne augmenterait (il est possible d'intégrer ici un schéma)
L’hypothèse sous-jacente est qu’il n’est pas rationnel d’épargner sans placer, comme l’épargne est entièrement prêtée,
l’épargne est donc entièrement une offre de capital. L’idée qu’un agent économique conserve sous forme de monnaie
non rémunérée une partie de son épargne est incongrue dans ce cadre d’analyse. Le taux d’intérêt n’est pas une
variable monétaire. La théorie (néo)classique du taux d'intérêt est donc liée à une représentation dichotomique de
l'économie.
C) Portée et limites de l'analyse du taux d'intérêt comme variable réelle
- Comment alors rendre compte des fluctuations du taux d'intérêt ? L'analyse néoclassique distingue pour cela le
taux d'intérêt réel du taux d'intérêt nominal, qui incorpore l'inflation (Fisher) ; ou encore le taux d'intérêt naturel
stable autour duquel oscille le taux d'intérêt courant, qui se fixe sur le marché monétaire (Wicksell).
- Faits stylisés en faveur de la théorie (néo)classique : le taux d'intérêt réel varie dans les pays développés depuis
la seconde guerre mondiale dans une fourchette de quelques points (toujours inférieur à 10%, rarement gatif) ; le
taux d'intérêt nominal est bien positivement corrélé au taux d'inflation ; les écarts internationaux de taux d'intérêt
reflètent les risques inhérents aux investissements dans les différents pays (ainsi les taux d'intérêt sont plus élevés
dans les pays en voie de développement.
- Critique empirique : Les variations du taux d'intérêt réel ne sont pas négligeables (pour les taux directeurs en
Europe : faibles voire négatifs jusqu'à la fin des années 70, niveau élevé autour de 5 % dans les années 80,
diminuant progressivement jusqu'aux alentours de 2 % dans les années 90, aujourd'hui le taux d'intérêt directeur
nominal est à 4% et le taux d'inflation à peu près de 2 %)
- Critique théorique dite "néo-cambridgienne" (Robinson, Sraffa) met en exergue la circularité du raisonnement
néoclassique : le taux d'intérêt serait égal à la productivité marginale du capital; ce qui nécessite de connaître la
valeur du capital, qui dépend elle même de la valeur actualisée des profits engendrés par le capital, or le taux
d'actualisation utilisé serait le taux d'intérêt…
II) Le taux d'intérêt comme variable monétaire
A) La révolution keynésienne
La demande de monnaie chez Keynes dépend du motif de transaction, de précaution et de spéculation. C’est par biais
du motif de spéculation que le taux d’intérêt « devient » une variable monétaire. L’aversion pour le risque et
l’incertitude entourant l’évolution du future du taux d’intérêt (taux d’intérêt anticipé) expliquent la préférence pour la
liquidité. Le niveau de l’investissement est tel que efficacité marginale du capital = taux d’intérêt du marché.
encore, les anticipations jouent un rôle primordial puisque l’efficacité marginale du capital dépend du rendement
escompté de l’investissement. Il s’agit d’une révolution au double sens du terme (rupture et renversement du
raisonnement) par rapport à l’analyse « classique ».
B) Le modèle IS-LM met en relation le niveau du taux d'intérêt et le niveau de la production
Introduire un schéma commenté : fondements des courbes, signification d'un déplacement le long d'une courbe.
NB : le modèle AS/AD peut être évoqué, mais il n'est pas très intéressant de le développer pour ce sujet, car il
n'explicite pas les variations du niveau du taux d'intérêt.
C) Le taux d'intérêt comme objectif intermédiaire de la politique monétaire
Le modèle IS-LM fonde le policy-mix : le déplacement des courbes IS et LM montrent respectivement que les
politiques budgétaires ont un effet indirect sur le niveau du taux d'intérêt et les politiques monétaires un effet direct.
Les 30 glorieuses marquent un âge d'or des politiques monétaires contra-cycliques qui régulent le niveau du taux
d'intérêt par des procédés plus ou moins directs : encadrement du crédit; réescompte et coefficient de réserves
obligatoires; opérations d'open market, privilégiées aujourd'hui.
Exemples pour illustrer le policy-mix au début des années 90 : rigueur budgétaire et relance monétaire aux Etats-Unis
menées conjointement par Clinton et Greenspan, relance budgétaire et rigueur monétaire en Allemagne.
Les travaux de Stiglitz & Weiss, puis de Bernanke, fondés sur l'existence d'asymétries d'information sur le marché du
crédit, font état d'une certaine viscosité du taux d'intérêt : les politiques monétaires de rigueur / de relance exercent
leurs effets par une restriction / une expansion du crédit, et ne se traduisent pas mécaniquement par une hauss / une
baisse du taux d'intérêt.
III) Le taux d'intérêt comme instrument de politique monétaire
A) D'un taux d'intérêt endogène à un taux d'intérêt exogène
La désintermédiation financière, le décloisonnement des marchés financier et monétaire nous invite de plus en plus à
concevoir la masse monétaire comme endogène : les banques commerciales créent de la monnaie en fonction des
opportunités de crédit, et assurent ensuite leur refinancement sur le marché monétaire et auprès de la banque centrale.
Alors qu'auparavant les banques centrales contrôlaient indirectement le taux d'intérêt via la base monétaire et le
multiplicateur de crédit, aujourd'hui leur influence sur la masse monétaire est réduite, mais elle contrôlent directement
le taux d'intérêt du marché monétaire par les opérations d'open market. Le taux d'intérêt est devenu exogène. Ses
déterminants relèvent alors des décisions de politique monétaire.
B) Règle de Taylor : un taux d'intérêt scientifiquement déterminé…
Taylor montre ainsi que ces décisions relèvent d'une règle valable pour tous les pays. Les fondements théoriques de
cette règle sont les effets réels de la politique monétaire à court terme et ses effets inflationnistes, sa neutralité à long
terme. Les divergences internationales de niveau du taux d'intérêt renvoient alors aux paramètres de cette règle
(préférence plus ou moins marquée pour la stabilité des prix et le dynamisme de la croissance, cf. FED / BCE) ou à
l'environnement de la politique monétaire, qui conditionne son efficacité, en rendant par exemple nécessaire pour une
"jeune" banque centrale comme la BCE de construire sa crédibilité en maintenant un taux d'intérêt élevé.
C) …ou "artistiquement" manipulé ?
- Des effets de réputation peuvent infléchir les variations du taux d'intérêt : les annonces de Greenspan (par
exemple d'une potentielle hausse prochaine du taux d'intérêt) pouvaient ainsi entraîner des modifications des
comportements des agents (par exemple une baisse des cours des titres sur le marché financier) rendant finalement
inutile la mesure initialement annoncée
- Dans les années 70, Hibbs et Nordhaus avaient mis en évidence la dimension politique des décisions de politique
monétaire. Les politiques monétaires souples correspondant à un niveau de taux d'intérêt faible sont plus probables
lorsque le gouvernement est démocrate ou l'année précédent des élections. On peut penser que cette analyse a été
rendue obsolète pour la zone Euro par le traité de Maastricht et les statuts de la BCE, mais qu'elle garde une validité
pour les autres pays.
ouverture possible en conclusion : les divergences transatlantiques quant aux variations du taux d'intérêt ne
s’expliquent pas seulement par des présupposés théoriques, mais aussi par l’ampleur de la marge de manœuvre
conférée à la Fed par la position prépondérante du segment américain sur les marchés financiers mondiaux et plus
largement dans les échanges internationaux. Il nous resterait donc ici à analyser les déterminants du niveau du taux
d’intérêt en économie ouverte, en interaction en particulier avec le taux de change
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