Commentaire de Noël Quesson

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Commentaire d’Evangile par Noël QUESSON
« Parole de Dieu pour chaque dimanche »
Ed. Droguet et Ardant
Luc 15,1-32
L'évangile d'aujourd'hui, si on en fait la lecture complète, comporte les trois fameuses «paraboles
de la Miséricorde», que Luc a regroupées dans son chapitre quinzième... 1) la brebis perdue et
retrouvée...; 2) la drachme perdue et retrouvée...; 3) l'enfant perdu et retrouvé... Ces trois
paraboles, construites sur le même schéma, culminent dans la troisième, qui a reçu le titre
traditionnel de «parabole de l'enfant prodigue».
Les publicains et les pécheurs venaient tous à Jésus pour l'écouter. Les pharisiens et les
scribes récriminaient contre lui : «Cet homme fait bon accueil aux pécheurs, et il mange
avec eux.»
Voici une des définitions de Jésus: « Celui qui fait bon accueil aux pécheurs.» Et c'est aussi une
révélation de Dieu ! «Qui m'a vu, a vu le Père» (Jean 14/9).
Les pharisiens et les scribes étaient des gens très recommandables. Ils étaient réellement
scandalisés par les fréquentations de Jésus. Mais nous-mêmes, nous pourrions passer
complètement à côté de la « Bonne Nouvelle» de ce jour, si nous ne découvrions pas que cet
évangile est dit pour nous, aussi. Serions-nous de ceux qui disent: « Je ne fais rien de mal, je suis
un brave homme, je n'ai pas de péché. »
Pourtant, dans l'épître que nous lisons aujourd'hui, saint Paul nous le répète : « Le Christ Jésus
est venu dans le monde pour sauver les pécheurs, et moi le premier, je suis pécheur» (I Timothée
1/15). Nos liturgies dominicales sont remplies de cette réalité du « salut», du « péché par- donné
». Donnons-nous un contenu concret à ces mots ? Sommes-nous de ces pharisiens qui ne voient
le péché que dans les autres ? Avant d'aller plus loin dans ma méditation, il me faut donc,
paisiblement mais lucidement, reprendre conscience que « je suis» pécheur, en évoquant les
manquements qui marquent mes journées.
Alors, Jésus leur dit cette parabole : « Si l'un de vous a cent brebis et en perd une, ne
laisse-t-il pas les quatre-vingt-dix-neuf autres dans le désert, pour aller chercher celle qui
est perdue, jusqu'à ce qu'il la retrouve ?
Jésus interroge. Il fait appel à l'expérience de ses auditeurs. Qu'en pensez-vous? Qu'est-ce que
vous feriez, vous? Effectivement, aucun berger ne se résigne à la perte d'une seule brebis, mais il
se donne du souci pour la retrouver.
Les philosophes se sont fait de Dieu une idée de stabilité : un Etre Immobile, qui ne change pas...
Et nous voici devant un Dieu qui « bouge », qui se met en campagne pour « chercher» ce qu'il a
perdu! Et Jésus met devant nos yeux ces petits bergers des collines de Galilée qui courent à toute
vitesse, pieds nus sur les cailloux, pour retrouver une bête qui s'est égarée loin du troupeau. Nous
devinons l'obstination de ce gamin, qui « cherche jusqu'à ce qu'il la trouve!» Tel est Dieu...
Aucun homme n'est jamais abandonné par Dieu. Aucun n'est jamais définitivement « perdu»,
puisqu'il est « recherché» continuellement par quelqu'un qui l'aime. Dieu ne se contente pas
d'attendre que le pécheur revienne. Il part à sa recherche.
Il nous faut longuement contempler ce Dieu-là, celui que Jésus nous révèle. Quand on aime,
l'arithmétique n'est plus la même. Alors, il peut arriver qu' « un» puisse égaler « quatre-vingt-dixneuf ». Pour Dieu, chaque homme, chaque femme, a une valeur unique, inestimable. Je la vois,
cette unique brebis qui a fui ou qui s'est perdue. C'est celle-là qui remplit toute la pensée du
berger. Il n'y a plus que celle-là qui semble compter. Nous avons un Dieu comme ça ! Un Dieu qui
continue à penser à ceux qui l'ont abandonné, un Dieu qui aime ceux qui ne l'aiment pas, un Dieu
qui souffre parce qu'une seule de ses brebis lui donne du souci.
Ne suis-je pas parfois cette brebis-là ?
Et, autour de moi, tel... et tel... Mme X..., M. Y... Aucun n'est abandonné. Dieu est à sa recherche.
Quand il l'a retrouvée, tout joyeux, il la prend sur ses épaules...
Voici une merveilleuse image, une de ces icônes par lesquelles on a représenté Jésus dès les
premiers siècles; un berger heureux, tout souriant, portant un agneau sur ses épaules. Il faut
rester, intérieurement, à contempler cette image de Dieu.
Ce simple détail de la « brebis sur les épaules» est une très fine observation faite par Jésus.
Lorsqu'une bête a erré pendant des heures ou des jours loin du troupeau, à bout de forces, elle se
couche. Il faut véritablement la porter. Et c'est lourd, une brebis ! Surtout quand le berger, lui aussi,
a couru pendant des heures sur des coteaux pierreux sous le soleil... Il doit être bien fatigué, lui
aussi ! Mais, dit Jésus, « tout joyeux», il oublie sa propre fatigue, la prend dans ses bras, et la
porte.
C'est Dieu qui nous est présenté ainsi.
Cette image, d'ailleurs, n'est pas neuve. Toute la Bible représentait Dieu sous les traits du «
berger» (Isaïe 40/11 - 49/10, etc.). Et chaque chrétien devrait redire de temps en temps le
merveilleux psaume 23 : «Le Seigneur est mon berger, je ne manque de rien.»
Et, de retour chez lui, il réunit ses amis et ses voisins; il leur dit: «Réjouissez-vous avec
moi, car j'ai retrouvé ma brebis, celle qui était perdue.»
La joie du berger est trop intense pour qu'il puisse la garder pour lui seul. « Réjouissez-vous avec
moi », dit Dieu. Dieu est donc maintenant cet être qui se réjouit, et qui partage sa joie. Que nous
sommes loin des pharisiens et scribes grincheux !
Je vous le dis : «C'est ainsi qu'il y aura de la joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se
convertit, plus que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n'ont pas besoin de conversion.»
Dieu se réjouit de pardonner aux pécheurs. Dieu est joyeux de sauver, car il ne sait pas
condamner. Dans le ciel, il y a de la joie ! Quand donc ? Chaque fois qu'un pécheur se convertit.
Un seul ! Chaque fois que le mal recule un peu sur la terre.
De même, je vous le dis : il y a de la joie chez les anges de Dieu pour un seul pécheur qui se
convertit.
L'image est belle. Il ne faut pas la matérialiser. Il y a une fête dans le ciel. La joie de Dieu est
contagieuse et devient la joie des anges.
Toute cette fête d'allégresse, pour la conversion d'un seul pécheur !
La pensée chrétienne, reflet de la pensée de Jésus, est pleine de finesse. Il n'y a, faut-il le
souligner, aucune compromission avec le « péché» dans cette position. Jésus n'a jamais dit que le
péché était sans importance. Au contraire, ses condamnations contre le mal sont véhémentes et
sans ambiguïté. Comme tous les prophètes,
Jésus exige la conversion et la pénitence (Marc 1/15). Et ces paraboles que nous venons
d'entendre, si elles sont une prédication sur l'arnaque Dieu, sont aussi une prédication sur la
nécessaire conversion du pécheur.
Mais ce qui nous est dit ici avec force, c'est que c'est toujours Dieu qui prend I’initiative de
«chercher» ce qui est perdu. «L'amour consiste en ceci; ce n'est pas nous qui avons aimé Dieu,
mais lui qui nous a aimés le premier» (1 Jean 4/10.19).
Allons-nous nous laisser aimer ? Allons-nous donner de la joie à Dieu ? Et entrer dans la joie de
Dieu ? II faut relire, à la suite, la parabole de l'enfant prodigue, au 4e Dimanche de Carême.
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