Références métrologiques en dosimétrie, possibilités d`étalonnages

Références métrologiques en dosimétrie, possibilités d’étalonnages offertes aux utilisateurs,
analyse des priorités et problématique de réduction des incertitudes.
J.-M. Bordy
CEA DRT LIST DeTeCS, Laboratoire National Henri Becquerel (LNE LNHB),
CEA Saclay, 91191 Gif sur Yvette CEDEX
Résumé : Suite à quelques rappels au sujet des grandeurs et d’unités du système
international, on propose une analyse du besoin en termes de priorité pour les références
nationales en dosimétrie. Après une succincte description des différentes possibilités de
transferts de référence vers les utilisateurs et les moyens mis en œuvres pour définir des
références nationales, la problématique de la réduction des incertitudes est décrite en prenant
pour exemple la détermination du kerma dans l’air au moyen d’une chambre à paroi d’air et
celle de la dose absorbée dans le graphite au moyen d’un calorimètre. La conclusion dresse
quelques perspectives pour le développement et l’évolution des références dans le contexte
international
Plan
Historique et domaine couvert.
La « chaîne » métrologique d’étalonnage COFRAC
Les grandeurs et les unités du Système International (SI)
L’expression du besoin
Les références nationales
Quelques éléments sur le transfert des références aux utilisateurs
La problématique de la réduction des incertitudes
Le contexte international
Quelques perspectives
Historique et domaine couvert.
La section de Mesure du CEA, précurseur de l’actuel LNHB a commencé à développer des
travaux en dosimétrie au milieu des années 60 avec ses premiers faisceaux de référence. Et
lorsque le Bureau National de Métrologie (BNM) fut créé en 1969, il fut désigné comme
laboratoire de métrologie national pour les rayonnements ionisants. Il fut à l’origine organisé
en deux entités complémentaires, l’une traitant de la métrologie primaire pour l’établissement
des références (le Laboratoire Primaire des Rayonnements Ionisants - LPRI), l’autre char
du transfert des références aux utilisateurs (le Laboratoire de Mesure des Rayonnements
Ionisants - LMRI).
En 1999, la restructuration des chaînes métrologiques en France, conduisit à la disparition des
centres d’étalonnage et à la création des «Laboratoires Nationaux » rassemblant les activités
de laboratoire primaire et de transfert sous le nom de Laboratoire National Henri Becquerel
(LNHB), dont l’une des composantes est le Laboratoire de Métrologie de la Dose (LMD).
La récente réorganisation de la métrologie française confirme aujourd’hui le LNHB comme le
Laboratoire National de Métrologie pour les rayonnements ionisants parmi les 4 laboratoires
nationaux de métrologie fédérés par le Laboratoire National de métrologie et d’Essais (LNE)
permettant de couvrir l’ensemble des domaines de la métrologie, électricité,
électromagnétisme, temps, longueurs, masses ...
Le domaine de compétence du LNHB en dosimétrie couvre un large champ d’investigation de
la dosimétrie de radioprotection jusqu'à l’irradiation industrielle sans oublier, c’est plus
spécialement le sujet de cet article, les applications médicales des rayonnements ionisants en
diagnostic et en thérapie. Au travers de ces domaines c’est non seulement l’ensemble des
travailleurs exposés aux rayonnements ionisants des secteurs industriel et médical qui sont
concernés mais aussi le public en général et les patients plus particulièrement.
Les trois principales missions du laboratoire national de métrologie pour les rayonnements
ionisants sont le développement de nouvelles références en réponse aux nouvelles
applications, le maintien des références existantes et leurs améliorations notamment en terme
d’incertitude et le transfert des références aux utilisateurs par l’intermédiaire de laboratoires
d’étalonnage accrédités ou lorsque ceux-ci font défaut directement à l’utilisateur.
La « chaîne » métrologique d’étalonnage COFRAC
La chaîne d’étalonnage rayonnements ionisants définie d’abord dans le cadre du BNM
FRETAC (France Etalonnage Accréditation) puis du comite français d’accréditation
(COFRAC) créé en 1994 répond au besoin de rationalisation et de confiance dans le domaine
des essais et étalonnages. Elle formalise le transfert d’une référence depuis sa création au
laboratoire national de métrologie (LNHB en France) vers les utilisateurs en passant par les
laboratoires d’étalonnage accrédités ; la tracabilité des mesures à une référence est ainsi
garantie. La comparaison des références nationales des pays entres elles est le garant de leur
cohérence. En France, la chaîne d’étalonnage rayonnements ionisants pour les applications de
la santé présente la particularité d’être très « courte » du fait du très faible nombre de
laboratoires d’étalonnage accrédités voir de leur absence pure et simple. Dans ce dernier cas
le LNHB assure à lui seul les deux taches de développement et de transfert des références
comme c’est le cas par exemple pour la radiothérapie.
Figure 1 : La « chaîne » métrologique d’étalonnage COFRAC.
Les grandeurs et les unités du Système International (SI)
Références Nationales
(LNHB)
Laboratoires
d’Etalonnage Accrédité
Utilisateurs
Le LNHB-LMD est le garant en France de deux unités du SI, le gray (Gy) et le sievert (Sv).
Elles sont dérivées à partir des unités de base (longueur et temps), et homogène à une énergie
divisée par une masse, soit des joules par kilogramme (J.kg-1). La première traduit une
transmission ou un dépôt d’énergie dans la matière alors que la seconde est destinée à fournir
une information quantitative relative à la probabilité d’apparition des effets stochastiques suite
à une exposition aux rayonnements ionisants. Chacune de ces unités est utilisée pour plusieurs
grandeurs que certains regroupent sous le vocable indifférencié de « dose ».
La figure 2 présente de manière très simplifiée le système de grandeurs défini à partir des
recommandations de l’ICRU [IC1] et de la CIPR [CI1]. Au point de départ de ce système on
trouve les grandeurs physiques (dites parfois primaires). Elles sont mesurables et utilisées
pour définir les références qui caractérisent les champs de rayonnements.
Le système entend répondre aux besoins crées par l’utilisation des rayonnements ionisants.
Pour la radioprotection il s’agit de fournir des indicateurs quantitatifs du risque d’occurrence
d’effets stochastiques et d’établir des limites d’exposition² aux rayonnements pour les
travailleurs et le public. Ces dernières sont établies à partir de grandeurs de « protection » qui
ne sont pas mesurables car calculées à partir des grandeurs physiques dans des fantômes
numériques anthropomorphiques. Les grandeurs de protection n’étant pas mesurables, elles
sont estimées selon que l’on s’intéresse à la radioprotection des travailleurs et du public ou à
l’exposition des patients par des grandeurs mesurables dites respectivement
« opérationnelles » ou « pratiques ». Les grandeurs primaires sont utilisées pour la dosimétrie
des expositions élevées, radiothérapies et situations accidentelles.
Figure 2 : Schéma simplifié du système de grandeurs dosimétriques
pour les rayonnements ionisants [Bo2].
Sans entrer dans le détail des définitions que le lecteur trouvera dans de nombreux ouvrages,
les grandeurs de protection sont la dose efficace (E), la dose équivalente engagée à un organe
(HT) et la dose absorbée engagée à un organe (DT). Pour les grandeurs opérationnelles, on ne
citera que les trois principaux équivalents de dose, individuel (Hp), ambiant (H*) et
directionnel (H’). Pour les grandeurs pratiques, la dose dans l’air à la surface d’entrée (De), le
produit dose surface (PDS), l’indice de dose scannographique pondéré (IDSP), le produit dose
longueur (PDL) Et enfin pour les grandeurs physiques (primaires), sur lesquelles nous
reviendrons lorsque nous déclinerons les modes de transfert de référence aux utilisateurs,
Grandeurs « pratiques »
Grandeurs physiques
(primaire)
Grandeurs de « protection »
Grandeurs « opérationnelles »
Radioprotection
Patients
Travailleurs
et public
Radiothérapies
Situations
accidentelles
Sv/Gy
Gy
Gy
Sv
mentionnons la dose absorbée dans l’eau ou dans les tissus (Deau, Dt), le kerma dans l’air et le
kerma dans l’air de référence (kair, kR), la fluence de particules (
). Cette énumération
fastidieuse mais non exhaustive souligne la complexité de la dosimétrie externe car à chaque
grandeur correspond son concept et ses conditions d’utilisation et d’étalonnage.
L’expression du besoin
La première phase pour l’établissement d’une référence est celle de l’identification du besoin.
Cette phase est menée en concertation avec les associations représentatives des utilisateurs.
Les questions clefs sont le nombre d’utilisateurs, la fréquence d’utilisation, la finalité de la
référence envisagée.
Domaine de la radioprotection
Les domaines de la radioprotection des travailleurs et des patients et celui de la thérapie sont
présentés séparément. En matière de radioprotection des travailleurs l’action s’inscrit dans le
cadre du principe ALARA qui implique que l’on réduise au niveau le plus bas possible les
expositions alors que pour les expositions médicales des patients ce sont les principes
d’optimisation et de justification (directive européenne 97/43) en fonction du gain pour la
santé du patient qui sont appliqués.
Sur la base des données de 2004, on compte en France environ 255 000 personnes surveillés
dans le cadre de la radioprotection des travailleurs dont 150 000 dans le secteur médical
(majoritairement pour la radiologie). Environ 230 000 travailleurs présentent des expositions
inférieures au seuil d’enregistrement (0,15 à 0,2 mSv selon les dispositifs de mesure) et moins
de 5% seulement (heureusement !) supérieures à 1 mSv/an (limite d’exposition pour le public)
en terme de dose efficace. Pour les neutrons, environ 13000 personnes sont suivies (soit
environ 5% des travailleurs suivis en France). C’est dans le secteur médical (principalement
en radiologie) que l’on compte les 4/5ème des doses efficaces supérieures à 20 mSv/an, valeur
limite pour les expositions professionnelles (sur un total d’environ 50 cas).
Les statistiques européennes suivent la même tendance avec cependant une proportion
moindre de travailleurs suivis en dosimétrie des neutrons (programme électronucléaire
français oblige).
L’erreur « tolérée » (incluant les incertitudes statistiques de type A et B et les erreurs
systématiques) pour la radioprotection des travailleurs varie avec le niveau d’exposition. Pour
la dosimétrie corps entier mensuelle, un facteur 2 peut être admis pour des expositions
proches du seuil de décision, cette tolérances décroît progressivement et à partir de 10 mSv ce
facteur n’est « plus que » de 1,5 [EU1]. Compte tenu de la multiplicité des conditions
d’exposition très éloignées des conditions d’étalonnage, ces objectifs sont parfois difficiles à
atteindre. A noter qu’il est admis que ces critères ne sont pas atteints pour la dosimétrie des
neutrons du fait de l’imperfection des dosimètres individuels.
La dosimétrie des patients n’est pas construite sur le même mode, qu’elle soit vouée aux
expositions pour le diagnostic ou la thérapie. Les principes de justification et d’optimisation
ne conduisent pas à la finition de limites d’exposition mais à celle de valeurs cibles pour le
diagnostic. Ce sont les niveaux de dose de référence repris partiellement dans le tableau 1
pour des examens classiques (arrêté du 12 février 2004 relatifs au niveau de référence
diagnostic en radiologie et en médecine nucléaire).
Tableau 1 : Niveau de Référence Diagnostic (Arrêté du 12 février 2004)
Examen enfant
Age (an)
De (mGy)
Examen adulte
De (mGy)
Thorax (PA)
0-1
0.08
Thorax face PA
0.3
Thorax (PA)
5
0.1
Thorax profil
1.5
Thorax (latéral)
5
0.2
Rachis lombaire face
10
Crâne (AP ou PA)
5
1.5
Rachis lombaire profil
30
Crâne (latéral)
5
1
Bassin face AP
10
Pelvis (AP)
0-1
0.2
Mammographie
10
Pelvis (AP)
5
0.9
Crâne face
5
Examen adulte
IDSP (mGy)
PDL (mGy)
Encéphale
58
1050
Thorax
20
500
Abdomen
25
650
Pelvis
25
450
Les niveaux d’exposition dépassent les seuils d’enregistrement dans tous les cas pour l’adulte
(rappelons que la proportion de travailleurs qui dépassent ce seuil est de 10% soit environ
25 000 personnes). Remarquons que les expositions de diagnostic sont relatives à une partie
du corps et qu’un calcul en fonction de la radiosensibilité des organes est nécessaire pour
établir une comparaison objective (cette dernière pourrait être faite sur la base des facteurs de
pondération pour les tissus ou organes reproduit dans le tableau 2).
Tableau 2 : Facteur de pondération pour les tissus ou organes [CI1])
Tissu ou organe
WT
Tissu ou organe
WT
Gonades
0,2
Foie
0,05
Moelle osseuse rouge
0,12
Œsophage
0,05
Colon
0,12
Tyroïde
0,05
Poumon
0,12
Peau
0,01
Estomac
0,12
Surface des os
0,01
Vessie
0,05
Autres tissus ou
organes
0,05
Sein
0,05
Sachant que chaque année l’ordre de grandeur du nombre d’examens radiologiques pratiqués
en France varie selon les estimations de 55 à 65 millions, on constate que, même si une
population plus réduite cumule plusieurs examens, plusieurs ordres de grandeur séparent la
radioprotection des travailleurs et celle des patients en termes de nombre de personnes
concernées.
Le besoin en termes de précision requise pour la mesure des niveaux d’exposition médicale,
entre autres à des fins de comparaisons des performances des services de radiologie dans le
cadre de l’optimisation est plus drastique que pour les expositions professionnelles.
Cependant il est bien moins criant que pour la radiothérapie. S’ensuit un besoin métrologique
accru. Ainsi, l’incertitude élargie (k=3) pour les examens adultes peut atteindre +/-30%, cette
dernière tombe à +/-10% pour les examens pédiatriques et les examens scanners [Wa1].
Avant de passer aux expositions pour la thérapie, il convient de noter que dans le cadre de
l’exposition des patients l’exposition est avérée à chaque examen. Dans le cas des travailleurs,
il s’agit d’un risque d’exposition qu’une action sur l’organisation du travail contribue à
réduire en application du principe ALARA.
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