DUERMG Créteil. RSCE PAT MIGVOY 2010-2011 1
Université Paris Est Créteil
Département de Médecine Générale
MODULE SITUATIONS COMPLEXES 2010-2011
RSCE: Le patient migrant voyageur
Dans ma salle d'attente, se trouvent Mme Michaëlle LAFERRIERE et son mari Jean
Max. Je connais Mme LAFERRIERE depuis l’année dernière. Elle a 35 ans, est
haïtienne et elle est arrivée en France depuis 5 ans. Sa fille Frantzia est née en
France quelques mois après et elle a maintenant 5 ans.
Elle travaillait avec son mari dans un commerce de fruits et légumes à Port au
Prince. Suite aux violences de 2005, dans un contexte de rançonnement et
d’exactions, son mari lui a demandé de venir en France. Elle est venue à l’époque
sans son mari; elle a éprise en charge chez des cousins qui habitent dans le Val-
de-Marne et elle est ensuite restée en situation irrégulière. Elle a obtenu une carte de
séjour 1 an après une fois que sa demande d’asile a été acceptée.
Son mari est arrivé il y a quelques mois et il est en situation irrégulière, n’ayant pu
bénéficier des visas provisoires de 3 mois du ministère suite au tremblement de terre
de janvier 2010. Il a une prise en charge pour ses soins au titre de l’aide médicale
d’état. Ils vivent dans un petit studio.
Je n’ai pas eu la possibilité de tout savoir de leur situation mais j’ai cru comprendre
que son mari a subi des violences importantes en 2005, qu’il a survécu comme il a
pu depuis. Il ne pouvait pas rejoindre la France vu l’arrêt de l’immigration pour cause
de regroupement familial mais il a bénéficié d’un réseau pour venir depuis les Antilles
françaises par bateau.
Aujourd’hui, ils s’installent devant moi, paraissent en bonne santé. C’est Mme.
LAFERRIERE qui parle, son mari est silencieux.
« Docteur, je viens vous voir, il faut absolument que je rentre en Haïti pour chercher
ma nièce car ses parents sont morts dans le tremblement de terre et elle est presque
toute seule bas. Mon mari, il peut pas venir avec moi à cause des papiers. Je suis
embêtée, je dois partir dans deux semaines ».
« Vous venez pour vous ou pour votre mari ? »
« Oui Docteur, mon mari il est malade, mais aussi pour les médicaments pour moi
pour le voyage, j’ai peur d’être malade, vous savez bas il y a les maladies, le
choléra ».
« Alors, je vous propose de regarder votre mari, et ensuite, on parle du voyage, ça
va comme ça ? »
« Ça va, Docteur, ça va »
Je me tourne vers son mari et lui demande s’il est en bonne santé ou s’il se plaint de
quelque chose.
« Ça va pas Docteur, j’ai mal au ventre et j’ai mal au dos et j’ai mal à la tête ».
« Racontez-moi un peu d’abord le ventre, puis le dos »
« Des fois, j’ai mal, mais je prends un médicament et ça va mieux. J’ai mal pour
porter les cartons, je peux plus quand j’ai trop mal ».
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En discutant avec eux, j’en profite pour mettre à jour sa fiche concernant les
quelques renseignements que je peux avoir, sur ses ATCD, ses vaccins.
M.LAFERRIERE est d’accord pour un examen clinique.
Cet examen comme l’anamnèse ne renseignent pas sur une orientation particulière
de ses symptômes. Il pèse 59 kgs pour 178cm. Les plaintes sont polymorphes, les
douleurs sont diffuses à l’examen. Les lombalgies sont mécaniques et réveillées par
le port de charges qu’il fait tous les jours puisqu’il travaille dans un entrepôt il fait
de la manutention. Les céphalées n’orientent pas non plus vers une origine
organique.
Au long de l’examen, je questionne le patient sur son sommeil, son appétit, ses
relations avec les autres membres de la famille, et sa thymie. Il a du mal à s’endormir
depuis son arrivée en France, il est fatigué et a du mal à s’adapter pour le rythme de
travail à l’entrepôt il commence à 6h. Il exprime une anxiété patente pour l’avenir
et sa crainte de ne pas obtenir d’autorisation de séjour.
« L’examen est rassurant, il n’y a pas apparemment de problème grave. Comme
vous avez mal au dos et au ventre régulièrement, je préfère vous faire un examen
que je vais vous expliquer… »
Une fois fini l’entretien, je me tourne vers Mme LAFERRIERE.
« Pour le voyage, il va falloir que nous en reparlions. Vous êtes sûre que vous voulez
y aller car ça ne me semble pas le moment, non ? »
« Docteur, je sais bien mais je ne peux pas laisser ma nièce, et puis c’est décidé. Il
faut que vous m’aidiez, il faut que j’apporte des médicaments et puis je voulais voir
pour les vaccins »
« On ne va pas pouvoir tout voir aujourd’hui. Il faut que je rifie la situation sanitaire
-bas en ce moment. Vous êtes à jour de vos vaccins tétanos, diphtérie, polio et
coqueluche, on avait fait ça ».
« Oui mais pour le choléra, il y a le choléra là bas »
« Je vous ai dit, il faut d’abord que je me renseigne sur la situation. Et vous n’avez
pas eu les vaccins contre les hépatites »
« Je ne me souviens pas c’est des vaccins qu’on a fait à ma fille ? »
« Je vais vous demander de me rapporter les papiers que vous avez chez vous. En
attendant, je vais vous prescrire les premiers vaccins et vous revenez très vite car il
faut peut être en faire un 2ème avant que vous ne partiez»
« D’accord Docteur, j’ai compris »
Après cette discussion, je lui donne les conseils pour le voyage, et les précautions
d’hygiène pour l’eau sur lesquelles j’insiste beaucoup.
« Je vous propose donc qu’on se revoit vite. Vous revenez le plus vite possible avec
vos vaccins pour qu’on les fasse avant votre départ. Monsieur, vous revenez avec
vos résultats et on voit l’ensemble. Je vous redonne un rendez vous ».
En les quittant, je note qu’il faut que je revoie d’ici la prochaine consultation les
éléments nécessaires pour Haïti.
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