Document de travail / changement climatique et gestion d’aires protégées
Changement climatique et gestion d’aires protégées
Note de réflexion réalisée dans le cadre de la préparation du colloque AMP 2015 et du groupe de
travail de l’UICN
Deuxième mouture mai 2015 :
Ségolène Travichon, LPO forum des gestionnaires d’AMP
Frédéric QUEMMERAIS-AMICE Agence des aires marines protégées
Cette note s’adresse en premier lieu aux gestionnaires d’aires protégées, de quelque statut que ce
soit, afin que chacun puisse être sensibilisé aux changements climatiques en cours et aux évolutions
et impacts concrets qu’ils occasionnent déjà et qu’ils provoqueront à l’avenir. Elle devrait permettre
une meilleure appropriation de l’enjeu par les gestionnaires dans l’objectif de l’intégrer dans la
gestion quasi quotidienne.
1ère étape Compréhension acceptation : en quoi l’espace que je gère est-il soumis aux
changements climatiques ?
Les évolutions climatiques et leurs conséquences sociales, économiques, écologiques et sanitaires
sont la plupart du temps abordées à des échelles planétaires ou continentales et sur des périodes
longues de plusieurs dizaines d’années. La prise en compte de ces évolutions se jouent également à
des échelles qui ne facilitent pas la prise de conscience concrète de ces phénomènes. Cependant, ces
changements climatiques sont effectivement en cours et se manifestent concrètement et
localement. En fonction des contextes régionaux, de l’intensité et de la rapidité de l’évolution des
variables climatiques et climato océaniques, ces changements se manifestent d’une part par des
évolutions à peine perceptible (augmentation de quelques dixièmes de degré de la température
estivale…) et d’autre part par des événements plus marquant et catastrophiques (augmentation de la
fréquence des évènements tempétueux, blanchissement de coraux, monté des eaux…). Aussi, même
si localement les changements climatiques et climato océaniques peuvent ne pas apparaître de façon
flagrante, il convient de véritablement admettre que ces évolutions sont en cours et quelles vont
concrètement modifier les espaces naturels dont nous avons la responsabilité.
La première étape pour un gestionnaire est donc de connaitre les évolutions induites par le
changement climatique, notamment les tendances observées et probables d’évolution de la
température, du pH et de la hauteur de la mer. La deuxième étape consiste à mettre en relation ces
tendances avec les enjeux de conservation et de gestion de la biodiversité et du patrimoine naturel,
pour prévoir, anticiper les effets probables de ces évolutions sur les habitats, les espèces et les
fonctionnalités écologiques. Ces étapes nécessitent d’une part de mobiliser des résultats de modèles
d’évolution des variables océaniques (T°C, pH, hauteur d’eau) utilisables et interprétables à des
échelles régionales et d’autre part de réaliser des synthèses bibliographiques (plus ou moins bien
fournie selon les milieux concernés) permettant d’anticiper les effets probables de ces évolutions
climatiques sur les différents compartiments écologiques en présence et dont nous avons la
responsabilité.
renvoi à la partie connaissance (peut être citer qq exemples quand même).
Document de travail / changement climatique et gestion d’aires protégées
Ensuite, le gestionnaire doit intégrer ces éléments de connaissance et en faire un élément primordial
du plan de gestion pour que le changement climatique soit pris en compte dans toute la déclinaison
du document de gestion : des enjeux aux opérations.
Figure 1 : démarche simplifiée n°1 pour l’intégration des effets des changements climatiques
dans les stratégies de gestion et de conservation
L’appropriation des interactions probables entre les changements climatiques et les
compartiments biologiques en présence devrait conduire à définir différentes stratégies de
gestion positive (évitement des effets, adaptation, accompagnement…). Elle devrait
également, avec honnêteté et sans douter de l’intérêt des aires marines protégées, conduire
à assumer que
i) les aires marines protégées ne peuvent pas « réparer » la machinerie climato
océanique,
ii) les aires marines protégées devront vraisemblablement renoncer de fait aux
maintiens de certains compartiments écologiques (pas de levier d’action sur
l’évolution des variables physiques, incompatibilité d’échelle entre la zone de gestion
et la zone d’effet des changements climatiques)
iii) les évolutions des variables climatiques, leurs interactions avec les compartiments
biologiques et les options et stratégies de gestion qui en découlent, sont basées sur
des modélisations et des prévisions qui contiennent des incertitudes non
négligeables sur les phénomènes à l’œuvre et leurs effets, en cours et à venir.
2ème étape intégration : comment intégrer les changements climatiques dans un document de
gestion ?
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Il pourra y avoir sans aucun doute plusieurs niveaux d’intégration selon le niveau d’impact, des pistes
sont données, non exhaustives, elles pourront être complétées avec les témoignages et expériences
des gestionnaires.
Il semblerait important d’éviter que le changement climatique ne soit traité dans les plans de gestion
que sous l’angle de l’observatoire. Un gestionnaire peut, certes observer, mais il peut également agir,
cette note vise justement à rendre le gestionnaire acteur. Nous listons ainsi les aspects pour lesquels
le gestionnaires aura un rôle prépondérant.
- Formulation des enjeux et des objectifs à long terme : c’est l’étape cruciale. En effet, il s’agit
de définir clairement la stratégie à adopter face aux changements climatiques pour un
espace protégé. Elle peut comporter différents volets non exclusifs les uns des autres :
o Enjeu de connaissance rôle d’observatoire : Les aires marines protégées
peuvent, sous réserve d’y affecter les moyens nécessaires, jouer le rôle de sentinelle
des évolutions climatiques et de leurs effets sur la biodiversité et le patrimoine
naturel. Dans ce cadre, elles pourraient effectuer des mesures in situ des variables
physico chimiques, écologiques et biologiques nécessaires aux suivis des
phénomènes et de leurs effets. Dans cette option, les aires marines protégées
pourraient tirer un bénéfice non négligeable (compréhension, anticipation) à
travailler en réseaux nationaux et internationaux. ce scénario peut être choisi pour
des espaces à forte naturalité il n’y a que peu d’action de gestion, mais dans ce
cas, les protocoles mis en œuvre devront bien prendre en compte la dimension
changement climatique. Cependant, même pour un espace à vocation
d’observatoire, un rôle d’alerte peut être identifié pour permettre la mise en place
d’actions concrètes visant à protéger des habitats ou des espèces à l’extérieur de
l’espace ou tout simplement pour communiquer sur les effets dévastateurs des
changements climatiques au plus grand nombre ;
o Enjeu de conservation « passive » stratégie d’adaptation : le gestionnaire choisit
de conserver au maximum les habitats et les espèces présents sur le site, il doit donc
s’adapter aux conditions climatiques « nouvelles » ainsi qu’aux paramètres
abiotiques en découlant (pH, salinité, t°…etc). Ce choix conduit inévitablement à des
changements au sein du périmètre, les changements climatiques occasionnant une
pression que le gestionnaire ne pourra plus « contenir » à partir d’un certain seuil ;
cette stratégie peut conduire à une gestion très interventionniste de conservation à
tout prix ;
o Enjeu de conservation « active » stratégie d’anticipation : le gestionnaire choisit
d’anticiper les changements en entrevoyant des évolutions de milieux importantes. Il
adopte une posture de prospective en entrevoyant les différentes trajectoires
possible sur son espace. Le patrimoine naturel protéà l’origine de la création se
voit soumis à de telles pressions qu’il risque de disparaitre du périmètre strict de
l’espace. Le gestionnaire peut donc choisir d’anticiper les changements sur les
milieux avec une stratégie de « relocalisation de la biodiversité ». En effet, si cette
politique concerne aujourd’hui exclusivement les activités humaines, elle pourrait
s’appliquer également à la biodiversité : extension de périmètre en arrière littoral
par exemple pour les espaces soumis à l’élévation du niveau marin (exemple figuré
ci-dessous de la RNN de Moëze-Oléron).
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o Limiter les pressions locales : Un des leviers d’action consiste à limiter les pressions
locales dues aux activités humaines, dans le but de créer les conditions les plus
favorables possibles au maintien et/ou à l’arrivée des populations et des
communautés. Les effets conjoints de l’assemblage des pressions locales avec
l’évolution des conditions climato océanique devraient être considérés comme un
enjeu fort pour la gestion des aires marines protégées. Par exemple, l’introduction
régulière d’espèce non indigène et l’évolution rapide de la température peuvent
Document de travail / changement climatique et gestion d’aires protégées
engendrer conjointement l’émergence de populations d’espèces non indigènes
envahissantes et modifiant profondément l’écosystème initial. Aussi, en réduisant les
pressions physiques (incluant le dérangement), les pressions chimiques et les
prélèvements d’espèces impactant conjointement les habitats, les communautés et
fonctions écologiques (réseaux trophiques, démographie…), on maintient les
capacités naturelles de plasticité et de résilience des différents compartiments
écologiques.
Figure 2 : démarche simplifiée n°2 pour l’intégration des effets des changements
climatiques dans les stratégies de gestion et de conservation
o Développer une vision inter régionale : Les modifications et les impacts observés sur
les compartiments écologiques à l’intérieur des aires marines protégées peuvent
résulter des effets locaux et directs des changements climato océaniques et des
pressions locales et également des effets à distance et indirects de ces mêmes
paramètres. Les gestionnaires d’aires marines protégées observeront en fonction des
espèces, des diminutions, des augmentations et des déplacements d’effectif et de
fréquentation sans pouvoir systématiquement relier ces observations à des
évolutions significatives des conditions locales. Ainsi, en fonction de la position
géographique des aires marines protégées, notamment mais pas seulement en
fonction de leur position en latitude et en fonction des espèces et des populations
concernées, les sites vont « profiter » et/ou « subir » les effets conjoints locaux et
également adjacents des changements climatiques et des pressions exercées par les
activités humaines. Aussi, il sera nécessaire de développer des échanges de
connaissance et d’information entre les régions, au niveau national et international,
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