BENIN RAPPORT PAYS 2010 : « Repenser finances et développement : les OMD et au-delà » 1. Réforme de l’architecture financière déception des populations béninoises internationale : la Les organisations de la société civile réunies au sein de Social Watch Bénin s’opposent radicalement à un système économique et financier prédateur et inégalitaire. En ce sens, elles sont en symbiose avec la position affichée par les autorités gouvernementales du Bénin. En effet, pour le Bénin dans toute sa composante, « les perturbations des marchés financiers et bancaires induisent en effet des conséquences économiques qui anéantiront les efforts de développement des pays pauvres, en raison de la diminution attendue des ressources pour le financement des petites et moyennes entreprises, de la réduction des crédits à l’économie, de la baisse probable des cours des matières premières ainsi que de la réduction prévisible de l’aide publique au développement et des flux d’investissements directs étrangers »1. La société civile béninoise estime que les dysfonctionnements des marchés financiers internationaux appellent une Encadré n° 1 : Le FMI et la Banque Mondiale dénoncés par les Centrales syndicales au Bénin. supervision mondiale plus efficace et des mesures préventives devant « Au lieu de chercher à apaiser une tension sociale qui ne cesse de se dégrader au fil des jours, le gouvernement continue de multiplier les protéger l’économie mondiale. actes de provocation en préférant déférer aux diktats des marchands Garant de la surveillance de la stabilité des changes, le Fonds Monétaire International est caractérisé par un fonctionnement inégal et même anormal au détriment des économies les plus pauvres de la planète. Le rééquilibrage des voix et des pouvoirs de décision au profit des pays les plus pauvres contribuera à atténuer la dissymétrie qui caractérise malheureusement le fonctionnement des Institutions de Bretton Woods et permettre désormais de sanctionner les pays qui sont à 1 d’illusion du FMI et de la Banque Mondiale, ces vendeurs de tensions sociales et déstabilisateurs des politiques nationales. Ils sont en délégation qui séjourne depuis le 11 mars 2010 dans notre pays en vue de négocier un nouveau Programme d’Asservissement du Peuple (PAP) en lieu et place des Programmes d’Ajustement Structurel (PAS) déjà dénoncé et détruit par les vrais travailleurs en lutte. Le peuple travailleur, qui, à genoux, se bat contre l’érosion de son pouvoir d’achat, proteste avec véhémence contre cet état de choses qui tend à le replonger dans le passé lugubre d’une politique affameuse au profit des ajustements qui confortent le capital dans sa position de prédateur de fruits de son labeur et de la démocratie. C’est pourquoi les travailleurs béninois exigent : - l’arrêt des lâches discussions qui ont lieu entre le gouvernement et le FMI..... ; - l’arrêt de la hausse constante des prix de l’électricité, de l’eau, des produits pétroliers, etc. ; - l’arrêt des privatisations des entreprises publiques viables... Extrait de la « Motion de protestation » des syndicats lue au Ministre des Finances après leur marche à travers la ville de Cotonou. Extrait de la Lettre du Président béninois, Boni Yayi au Président français, Nicolas Sarkozy. 1 l’origine des déséquilibres qui conduisent aux crises. Toujours soumis à des rappels à l’ordre du FMI, le Bénin a beaucoup souffert, comme d’autres pays africains, de ce dysfonctionnement du FMI. La société civile béninoise met l’accent sur la nécessite de responsabiliser l’Organisation des Nations Unies, dans l’optique d’une démarche plus démocratique. "Un dollar, une voix" comme principe de décision au sein des institutions de Bretton Woods est antidémocratique2. Les citoyens béninois préconisent que la communauté3 internationale opte pour une règle plus démocratique qui consistera à "Un pays, une voix" et à impliquer activement la société civile. Social Watch Bénin demeure sceptique face aux recommandations faites et aux engagements (strictement minima) pris lors du Sommet du G20 de Pittsburg pour la réforme de l’architecture financière mondiale car les causes qui ont conduit à la crise financière n’ont pas connu un traitement courageux des pays du G20. Il préconise donc une humanisation de l’architecture financière mondiale avec un contrôle citoyen plus renforcé. 2. Financement du développement du Bénin 2.1. Contribution de l’investissement direct étranger au développement économique du Bénin Graphique n° 1 : Envoi de fonds et IDE (en milliards de FCFA) Source : Rapport 6ème Revue Bénin – FMI, août 2009. En 2009 et 2010, la crise financière mondiale a affaibli l’envoi de fonds et l’Investissement Direct Etranger au Bénin. 2 Actuellement, les Etats-Unis possèdent 17,35% des voix et ont donc un droit de veto, vu qu’il faut 85% des voix pour modifier la Charte du FMI et de la Banque mondiale. A l’opposé, 22 pays africains se partagent 1,17% des voix. 3 S’il est vrai qu’il s’agit réellement d’une communauté ! 2 Toutefois « Le poids des investissements directs étrangers sur l’économie demeure faible. Suivant une évolution irrégulière, les IDE n’ont servi à mobiliser, sur ces dernières années, qu’une trentaine de milliards de FCFA en moyenne par an au profit essentiellement de l’industrie. Sur le court et moyen terme, les effets de la crise sur ce poste seront faiblement ressentis par les populations ».4 D’un autre côté, des investissements directs étrangers n’ont pas profité à l’économie béninoise du fait des rapatriements massifs et systématiques de certains investisseurs étrangers de bénéfices ou des capitaux vers les maisons-mères ou leurs pays d’origine. A titre illustratif, des opérateurs économiques d’un pays étranger ont été arrêté par la brigade économique et financière de l’aéroport international Cardinal Bernadin Gantin de Cotonou, avec plus de deux milliards de francs CFA (soit environ 3.048.980 euros) qu’ils emportaient clandestinement dans leur pays. Certains investisseurs n’effectuent pas les dépôts dans la Banque centrale ou dans les Banques locales. Par ailleurs, des exonérations qui étendent les avantages fiscaux d’exception à la fiscalité sur le revenu dont bénéficient les opérateurs économiques étrangers. Ceci est assez révélateur du marché de dupe entre le Bénin et les investisseurs étrangers où le pays ne tire concrètement aucun profit. Le Bénin doit adopter des mesures de restrictions (par exemples des mesures de contrôle des mouvements de capitaux) afin d’inciter les investisseurs étrangers à investir dans l’intérêt de notre pays. 2.2. Impact de la dette extérieur sur le développement du Bénin La dette extérieure qui a atteint un bas niveau de 264,4 milliards en 2006 est en nette augmentation depuis 2008 (415,10 milliards). A cela s’ajoute l’accroissement de la dette intérieure (3,51 milliards en 2005 et 298,4 milliards en 2008). Le service de la dette publique évoluant en dents de scie de 2003 à 2007 a connu un pic en 2008 (44,72 milliards) 5. La baisse de l’encours, en 2006, est essentiellement due aux annulations de dette dont le Bénin a bénéficié dans le cadre de l’Initiative en faveur des Pays Pauvres Très Endettés (IPPTE) et dans le cadre de l’Initiative d’Allègement de la Dette Multilatérale (IADM). En effet, l’IADM a permis au Bénin d’obtenir une annulation de sa dette multilatérale pour un montant de 570 milliards de FCFA environ à répartir sur une période de 50 ans à compter de 2006. Les ressources PPTE ont été affectées aux secteurs prioritaires notamment la santé, l’éducation, l’accès à l’eau potable, le désenclavement. Dans un rapport sur le profil 4 Cf. Impact de la crise financière et économique mondiale sur le développement économique et social du Bénin, p. 73 (Travail réalisé par la Commission Nationale de gestion de l’impact de la crise financière et économique internationale sur le développement économique et social du Bénin, créée par Décret n° 2009 – 204 du 14 mai 2009. 5 Cf. Loi des finances gestion 2010. 3 social national, édition 2005 intitulé "l’Initiative PPTE et la réduction de la pauvreté", l’Observatoire du Changement Social souligne que la contribution des ressources de l’allègement reste faible par rapport aux besoins de financement des secteurs sociaux. Ces ressources représentent moins de 20% des dotations budgétaires annuelles des quatre secteurs prioritaires étudiés (la santé, l’éducation, l’eau potable et le désenclavement) et seulement 2% du Budget Général de l’Etat. Tableau n° 1 : Evolution de l’encours de la dette extérieure du Bénin (en milliards de FCFA) 2007 Encours Dette Bilatérale Dette Multilatérale Encours/PIB (%) Source : CAA-DPC, novembre 2009 2008 2009 299,7 415,1 357,4 58,8 73,6 66,2 240,9 341,5 291,2 11,3 14,0 11,0 L’encours de la dette extérieur du Bénin est largement inférieur à la norme communautaire dans l’espace UEMOA6 (70%), ce qui fait du Bénin un pays avec une dette extérieure très soutenable. « Toutefois, le niveau de la dette constitue encore un fardeau qui handicape le développement de l’économie nationale en dépit des initiatives d’annulation de dettes prises par la communauté internationale à travers l’IADM et l’Initiative PPTE. »7 Selon une recherche publiée sur "Effet de la dette extérieure sur la croissance économique au Bénin"8, il existe une relation non linéaire entre la dette et la croissance économique au Bénin. De même, ce mémoire a démontré qu'au-delà de 0,14%, le service de la dette extérieure influe négativement sur les performances économiques du Bénin, car à partir de ce point tout supplément de dette devient négatif et nuit à la croissance économique. Il est donc normal qu'au-delà de ce point, le Bénin doit arrêter de s'endetter car les augmentations supplémentaires de dette vont détériorer rapidement la performance économique du pays qui se trouve déjà en difficulté avec les différentes crises (crises alimentaires, crises pétrolières, crises financières etc....) qui l'ont secoué et qui donc agirait sur la croissance du PIB. 2.3. Aide extérieure au développement du Bénin L’aide publique au développement du Bénin est constituée essentiellement des appuis budgétaires. Leur part en termes de ressources extérieures à mobiliser pour combler le déficit budgétaire de l’Etat a représenté en 2005, 2006, 2007 et 2008 respectivement 6 Union Economique et Monétaire Ouest Africaine. In BENIN, Stratégie nationale pour la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le Développement. Plaidoyer pour la mobilisation des ressources en faveur des OMD, P. 35 8 Mémoire de Gbénoukpo Modeste Arnaud DEDEHOUANOU (sur www.memoireonline.com ) 7 4 12%, 13%, 15% et 16% des recettes propres du Bénin9. En 2009, l’apport de 27% des aides budgétaires attendues n’a pu être mobilisé. Les prévisions de ressources extérieures sont passées de 324,170 milliards de FCFA en 2009 à 248,341 milliards de FCFA en 2010, soit une diminution de 75,829 milliards de FCFA qui s’explique principalement par la crise financière qui n’épargne pas la plupart des pays donateurs et les organismes de financement concernés, ou bien, par le délai relativement long observé dans la mise en œuvre des formalités d’entrée en vigueur des accords de financement. Les estimations d’aides budgétaires, constituées essentiellement d’appuis budgétaires non ciblés du FMI, ont connu une forte régression de 57,50% dans le budget 201010. Par ailleurs, au 30 juin 2009, les ressources extérieures ont été mobilisées à hauteur de 75,22 milliards de FCFA sur une prévision annuelle de 324,17 milliards de FCFA, soit seulement un taux de réalisation de 23,2% à mi-gestion11. 2.4. Dimension genre dans le financement du développement du Bénin Le Bénin a élaboré, en 2007, son Document de Stratégie de Croissance pour la Réduction de la Pauvreté (SCRP 2007-2009), dont une dimension nouvelle est l'intégration des aspects genre dans les différents axes qui y ont été retenus. Cette prise en compte du genre vise d’une part à corriger les insuffisances notées dans la prise en compte des aspects genre dans la première Stratégie de Réduction de la Pauvreté (SRP, 2002-2005) et, d’autre part, d’assurer la durabilité des résultats attendus de la SCRP en cours. Ainsi toutes les actions envisagées dès l'élaboration des programmes sectoriels ambitionnent d’atteindre les hommes et les femmes selon leurs besoins spécifiques Une expérience novatrice de prise en compte de l'égalité hommes-femmes dans la Stratégie de Croissance pour la Réduction de la Pauvreté (SCRP) du Bénin est menée dans le cadre des coopérations danoise et suisse appuyée par le PNUD, à travers le Programme d'Appui au Renforcement de l'Approche Genre dans les Politiques et Stratégies de Croissance pour la Réduction de la Pauvreté (PARAG/SCRP). Grâce à ce programme la dimension genre est clairement exprimée dans le financement du développement de notre pays. Il est mis en œuvre par le Ministère de la Famille et d'autres acteurs nationaux avec l'appui technique et financier des partenaires au développement à travers un financement conjoint qui vise l'alignement, l'harmonisation et l'appropriation dans l’esprit de la Déclarations de Paris. Toutes les actions envisagées privilégient la synergie entre les différents acteurs impliqués Il a permis d’obtenir les résultats tels que : 9 Cf. Lois de finances gestion 2005, 2006, 2007, 2008 et Impact de la crise financière et économique mondiale sur le développement économique et social du Bénin, P. 73. 10 In Social Watch Bénin, Document d’analyse et de plaidoyer sur la Loi de finances gestion 2010, P.19 11 Ibid. 5 i) l’inscription de la rubrique genre dans les Revues annuelles et conjointes de la SCRP dont l’aide-mémoire provient de la synthèse des points d’exécution des actions genre sectorielles et leurs niveaux d’avancement ; ii) le processus d’élaboration de la Politique Nationale de Promotion du Genre en cours qui se fait avec le soutien conjoint des Partenaires Techniques et Financiers (PTF) et du Gouvernement, et qui prend appui sur l’initiative inscrite dans le PARAG-SRP ; iii) la réalisation de l’Etude Nationale sur les Violences faites aux Femmes, sur le financement conjoint des PTF. Dans la continuité des appuis extérieurs, le gouvernement béninois, en vue de garantir une protection sanitaire suffisante à la mère et à l’enfant, a renforcé les mesures d’instauration de la gratuité de la césarienne et des soins au profit des enfants de 0 à 5 ans12. 3. Mobilisation des ressources par l’Etat béninois : le Bénin peut-il financer son développement ? Les défis relatifs au développement du Bénin sont tellement immenses qu’il est impossible de vivre en autarcie. « La réalisation des OMD induirait un accroissement considérable des dépenses publiques. Ainsi, sur la période 2007-2015, l’évaluation des besoins nécessaires s’établit à 5 782,3 milliards FCFA (8,8 milliards d’Euros). De 380,8 milliards FCFA en 2007, les dépenses atteindront près de 964,6 milliards FCFA en 2015 pour réaliser les OMD, ce qui correspond à un besoin annuel moyen de 642,4 milliards FCFA »13. Pour réaliser les OMD, il est indispensable de mobiliser de façon plus accrue des ressources tant internes qu’externes. Le gouvernement ne peut relever ce défi sans que le secteur privé et la société civile soient tous deux étroitement associés à l’effort de mobilisation de ressources et à leur gestion. Par ailleurs la situation des finances publiques au Bénin est d’habitude déficitaire. Si le déficit budgétaire, base engagements, hors dons, s’est chiffré à 3,4% du PIB en 2008, traduisant la faiblesse des ressources au regard des nombreuses charges, il est plus critique en 2010. Le Budget général de l’Etat gestion 2010 prévoit un déficit global (base ordonnancement) de 7,2% du PIB, un solde budgétaire de base déficitaire (2% du PIB), amenant ainsi le Bénin à ne pas respecter le principal critère budgétaire du Pacte de Convergence, de Stabilité, de Croissance et de Solidarité auquel adhèrent les Etats membres de l’UEMOA. 12 In Social Watch Bénin, Rapport alternatif 2009 des organisations de la société civile sur les Objectifs du Millénaire pour le Développement au Bénin, P. 57 13 In BENIN, Stratégie nationale pour la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le Développement. Plaidoyer pour la mobilisation des ressources en faveur des OMD, P. 13 6 Dans un tel contexte, il serait hasardeux de croire que le Bénin serait prêt à financer son propre développement sans appuis extérieurs. 4. Implication de la société civile dans le développement du Bénin La société civile a des rôles et des responsabilités dans le cadre du développement du Bénin. Il s’agit essentiellement d’éduquer et d’informer les populations, de renforcer les capacités de gestion et d’organisation, d’assurer le relais et l’intermédiation, de participer aux dialogues politiques et faire des prestations de services aux populations. Ainsi les organisations de la société civile contribuent au développement du Bénin dans tous les secteurs de la vie publique à savoir : éducation, santé, eau et assainissement, agriculture, environnement, services financiers, promotion et défense des droits économiques, sociaux et culturels, autonomisation de la femme, promotion de la bonne gouvernance, audits sociaux, lecture et analyse des budgets, suivi des politiques de développement, etc. Les organisations de la société civile fournissent des services sociaux, économiques et environnementaux de qualité aux populations, réalisent des activités de développement communautaire, constituent des groupes de pressions pour une bonne gouvernance tant au niveau national que local, donnent des appuis techniques et financiers aux communautés. Ce faisant, elle contribue au renforcement du processus de démocratisation du Bénin et l’engage sur la voie d’un développement humain durable. 5. Aller au-delà des OMD : un défi pour le développement du Bénin Saisissant l’opportunité de ce rapport, Social Watch Bénin tout en saluant la Déclaration du Millénaire estime qu’elle est insuffisante au vu des besoins sans cesse croissants du Bénin et de ses ressources limitées pour atteindre les OMD. La situation peu reluisante des OMD au Bénin s’est aggravée avec les crises énergétique, alimentaire, financière et économique mondiales. D’énormes défis demeurent et débordent du cadre de réalisation des OMD. Mais le plus important selon les organisations de la société civile béninoise concerne le respect des Droits de l’Homme et plus particulièrement des Droits Economiques, Sociaux et Culturels. Aller au-delà des OMD reviendrait à s’attaquer à la vulnérabilité des populations face aux violations de leurs droits. Privilégier les droits humains devient un défi pour envisager le développement dans une approche plus holistique et moins ambitieuse que les OMD. 7