Analyse politique appliquée L`enquête qualitative On attend du

ANALYSE POLITIQUE APPLIQUEE
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L’enquête qualitative
On attend du chercheur en sciences politiques un discours différent de celui que l’on entend dans
les médias. Par ailleurs, il faut se prévenir de toutes considérations personnelles ou de philosophie
politique.
Les sciences politiques s’appuient sur des normes, des règles de travail qui font d’elles une science.
Elles doivent gouverner le travail de terrain, de la manière la plus rigoureuse possible.
La première règle, la plus importante, est celle de rupture épistémologique. L’épistémologie est la
science des sciences : comment met-on une science, quelles sont les démarches vers la connaissance
scientifique ? Max Weber ou Émile Durkheim nous recommandent cette rupture : abandonner les
préjugés et les prénotions concernant l’objet ou la population que l’on étudie. C’est se départir d’un
tas d’idées toutes faites sur l’objet que l’on étudie. On a tous une idée plus ou moins vague sur
l’objet que l’on veut travailler, parce qu’on en a une connaissance éloignée par exemple. Petit à
petit, c’est se défaire de ces prénotions pour avoir une connaissance plus précise de la population
sur laquelle on travaille. C’est dépasser le sens commun, véhiculé par les préjugés. Ca peut être le
sens commun, de ce que l’on entend à la télé ou lit dans les journaux. Ca peut être les premiers
travaux faits dans les années 1960-1970, concernant la rencontre amoureuse. Le sens commun dit
que c’est le hasard, une question de hasard. Lorsque l’on travaille sur ça, on se rend compte que ce
sont les conditions sociales dans lesquelles on produit la rencontre amoureuse, ce qui explique
pourquoi de nombreuses personnes se marient dans le cadre du travail par exemple.
Le regard sociologique permet de rompre avec un certain nombre de préjugés, avec des sentiments
ou ses propres projections personnelles. Ca consiste à refroidir l’objet. Les sentiments risquent de
parasiter l’enquête, et les résultats risquent d’être décevants.
Le passage par la rupture avec les mots du langage commun est un autre effort à fournir. Ces mots
véhiculent eux-mêmes des croyances, des jugements voire des préjugés. L’important est d’utiliser
des concepts pour traduire les phénomènes que l’on est en train d’observer. On peut les récupérer
d’autres personnes qui ont travaillé sur les partis, ou en inventer soi-même. Dans tous les cas, il faut
être le plus précis dans les définitions données. Quand on parle de populisme par exemple, c’est
typiquement un mot que ne veut rien dire pour un sociologue. Pour les médias, ça veut dire quelque
chose, lié notamment à un stigmate. Un leader populiste est mal jugé de nos jours. Les prénotions
sont des filtres et des obstacles à la vraie connaissance sociologique des phénomènes. Face à l’objet
étudié, il est demandé d’oublier ce que l’on connaît déjà, oublier le sentiment de familiarité déjà
connu.
De manière plus récente, une enquête particulièrement importante dans la sociologie américaine, de
Paul Lazarsfeld, portant sur les soldats américains stationnés en Allemagne et dans le Pacifique au
lendemain de la Seconde Guerre mondiale, émet des hypothèses concernant le lien entre les
caractéristiques sociales des individus et leur état psychologique. La première idée est que les
individus dotés d’un niveau d’instruction élevé présentent le plus de symptômes névrotiques que
ceux qui ont un plus faible niveau d’instruction. Ceci repose sur le préjugé que l’homme de la rue
est moins sensible que les individus qui ont fait plus d’études. Pendant leur service militaire, les
ruraux ont meilleur moral que les citadins pendant leur service militaire, car habitués à une vie plus
rude. Les soldats arrivés du sud des États-Unis supportent mieux le climat chaud du Pacifique que
les habitants du nord du pays. Enfin, les soldats américains étaient plus impatients d’être rapatriés
pendant la Seconde Guerre mondiale qu’après l’armistice.
En interrogeant les soldats, pour chacune des hypothèses, il démontre que c’est exactement
l’inverse. Ceux qui ont un faible niveau d’instruction présentent le plus des névroses et des
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psychoses, les citadins ont un meilleur moral que les ruraux etc ... C’est l’inaction provoquée par
l’armistice qui est plus pesante pour les individus que le danger du combat : il entretient une action
permanente alors que le stationnement sur une zone créé plus de peur de se faire agresser par
surprise.
Il faut donc se méfier de ses évidences à soi, et qu’il faut pour combattre ces évidences mettre en
œuvre un processus de vérification. Tout cela permet d’éviter trois grands obstacles, trois grands
écueils, qui guettent le sociologue ou le politique.
Le premier danger est le manque d’objectivité. Le regard porté sur l’institution familiale est
parasitée par l’image que l’on a soi-même de la famille. Il faut rester le plus neutre possible à
l’égard de ses valeurs.
Le deuxième danger est l’ethnocentrisme. Dans le cadre d’une étude sur un scrutin régional, la
question ne se pose pas beaucoup. Mais de manière générale, l’ethnocentrisme est d’observer une
population à partir de ses propres normes culturelles. Lorsque l’on travaille sur une période
historique éloignée ou sur un pays étranger notamment.
Le troisième danger est le sociocentrisme. Ici, on ne juge pas à partir de ses normes culturelles ou
nationales, mais à partir du milieu social dont on est issu. C’est regarder le politique et le social à
partir des valeurs et de l’expérience qu’on a tiré de son milieu social d’origine ou d’existence.
La première grande étape est la formulation de la question de départ. C’est cette grande question
initiale qui va servir de fil conducteur. Elle va permettre d’orienter l’enquête dans un sens précis.
On ne part pas comme ça, sans bases de travail, sur un terrain. La deuxième grande étape est la
phase qualifiée de terrain, ou exploratoire. Cette phase consiste à recueillir différents types
d’information en lien avec la question de départ. Ces informations peuvent être théoriques
(ouvrages, articles, données I.N.S.E.E. ...) et empiriques (issues du travail du terrain par entretien,
par archives ...). Démarre ensuite une interprétation qui repose sur une problématique. Ce n’est pas
exactement la même chose que la question de départ. La problématique est déjà une mise en forme
de la réflexion. Ensuite, on suivra le travail d’écriture proprement dit du mémoire qui sera un travail
d’interprétation des données. Une idée à retenir est celle de : ne pas partir sur le terrain sans rien.
On a des questions auxquelles on cherche des réponses. Le fait de questionner cet objet est de le
démystifier, de construire son objet de recherche.
Ces questions, peut-être que d’autres se le sont déjà posées. On peut aussi se poser des questions
non posées. On risque, face au discours des hommes politiques, de n’avoir affaire qu’à des discours
plats et sans intérêt. Pour poser des questions à l’égard de l’objet, ça suppose que l’on aille
s’informer sur le sujet. On peut commencer par de la presse.
Les méthodes qualitatives s’appuient sur un nombre moins important que les méthodes
quantitatives. Pour être réputé représentatif, un sondage doit interroger au minimum un millier
d’individus. Dans une enquête qualitative, on n’a pas besoin de ce chiffre là : elle peut s’appuyer
sur un petit nombre d’individus. Avec 10-15 individus bien choisis, on peut sortir des éléments
sociologiques très intéressants. Certains mobiliseraient une centaine d’interrogés.
Les méthodes qualitatives ont pour intérêt d’étudier les pratiques des individus. Elles mettent
l’accent sur le discours tenu à propos de leurs pratiques. Elles s’intéressent aux interprétations que
les individus donnent de leurs pratiques. Chaque acteur va avoir un discours différent sur ses
pratiques. On cherche aussi à recueillir un maximum d’informations. Les enquêtes qualitatives vont
faire feu de tout bois : on cherche à tout observer. On travaille aussi sur la manière dont les
personnes parlent, dont elles se tiennent, dont elles s’habillent, où ils habitent. Tout ça s’appuie sur
l’idée qu’en recueillant le discours des acteurs, on va réussir à accéder de l’intérieur au sens que les
individus donnent de leurs pratiques. Ceci s’appuie sur une école qui a plus d’un siècle aujourd’hui
mais qui continue d’être dominante dans les sciences sociales : celle de Max Weber.
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Weber construit sa méthode sociologique à l’inverse de Durkheim, qui s’appuie sur les méthodes
quantitatives. Weber prône la dite «méthode compréhensive» qui consiste à essayer de comprendre
de l’intérieur pourquoi les individus se comportent de telle ou telle manière. Ca passe par une phase
de recherche dite d’«empathie» : j’essaie de me mettre dans la tête de l’acteur que j’interroge pour
comprendre pourquoi il agit comme ça. Ceci permet d’éviter les obstacles de sociocentrisme par
exemple. L’entretien naît avec Freud et la psychanalyse : le spécialiste a un rôle d’accoucheur. La
démarche-même a quelque chose à voir avec l’introspection psychanalytique. L’entretien policier,
l’interrogatoire, est aussi envisageable : on interroge les faits et gestes de l’individu. L’enquêté peut
aussi se braquer s’il se sent trop interrogé.
En tant qu’observateur, on est à la fois extérieur à l’objet qu’on regarde (peut être perçu comme une
gêne, comme un intrus), et partie intégrante de l’objet. Il faut arriver à se défaire de tous les
préjugés, tous les biais que l’on a. Donc, on est toujours dans l’hésitation quand on travaille sur le
terrain. Il y a un engagement individuel minimum de la part de l’enquêteur. Il faut ensuite se
distancier pour produire une analyse. Ce que l’on met d’affectif dans le terrain, il faut ensuite s’en
défaire au niveau de l’analyse pragmatique.
On peut aller sur le terrain avec un visage couvert, se faisant passer pour un simple militant par
exemple, ce qui explique une discrétion de bout en bout, de s’assurer que personne ne connaît le
chercheur. Une fois l’enquête sur le terrain commencée, il faut trouver la juste distance entre un
engagement sur le terrain et la nécessaire distanciation pour l’interpréter. Par exemple, une erreur
souvent commise est, lorsqu’on travaille sur entretien, que l’on croit que l’on doit être neutre, avoir
le visage froid.
Quelque soit la technique utilisée, réajustements nécessaires. Il se peut que lors des premiers pas sur
le terrain on se rend compte que ce n’est pas la bonne méthode. On a le droit de réajuster les grilles
d’entretien, les manières de procéder etc ...
Les méthodes biographiques.
On range dans un premier temps les récits de vie, puis les documents d’ordre privé. Les récits de vie
sont les récits d’expérience (interroger sur une expérience particulière, pour un candidat ou un
militant par exemple), les récits de vie (ensemble de leur biographie ; peut impliquer de revenir voir
la personne. Voir comment on ne réagit pas tous de la même manière à la mémoire. Dans les
milieux populaires on se souvient peu d’événements familiaux au-delà des parents, avec l’inverse
pour la haute bourgeoisie et surtout dans l’aristocratie.). On peut aussi travailler sur des documents
d’ordre privé : journaux intimes, documentation personnelle ...
Les enquêtes de milieux sociaux, un parti pouvant être un milieu social. On trouve dans ce milieu la
technique de l’observation ethnographique : on fait comme les anthropologues de la fin du XIXe
siècle, voir comment les gens se comportent. Le principe est de décrire ce que l’on observe. C’est
faire de l’observation ethnographique de ce qui se passe dans un bureau de vote, y compris ce qui
paraît être le plus naturel, ce qui permet de comprendre pourquoi les individus se comportent de
cette manière là. Ca peut être un meeting, des meetings, comme si les gens qui viennent parler à la
tribune seraient des inconnus totaux pour le chercheur. Quels sont les rituels ? Qui sont les
individus qui ne le respectent pas ? L’observation participante, contrairement à l’observation
ethnographique, fait participer aux activités de l’objet lui-même. Dans le cas des élections, il n’y a
pas beaucoup de solutions. Les entretiens compréhensifs sont une autre méthode : une grille
d’entretien est un ensemble de questions que l’on a prévu de poser, et en général il faut que l’on
pose les mêmes questions à chaque individu interrogé. Dans la pratique, on se rend compte qu’à
plusieurs entretiens, on n’a pas pu poser toutes les questions.
Les entretiens sont souvent faits de manière individuelle. Il existe des méthodes d’entretien
collectif, mais ce sont des méthodes assez difficiles à gérer. L’entretien doit se faire en face à face.
Après, il faut réfléchir aussi à la manière dont on va solliciter la personne pour l’entretien : il faut
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souvent montrer page blanche. Le questionnaire ne rentre pas dans les méthodes qualitatives, mais
dans l’étude des milieux sociaux.
Les études de localité.
C’est quand on travaille dans un espace, dans un territoire spécifique. Ca peut être un village, un
quartier, plusieurs villages etc ... La dimension territoriale va être forte dans ce type d’études. On
peut aussi avoir comme techniques l’étude des archives municipales ou départementales.
Les déterminants sociaux du vote
La littérature sur le sujet est très abondante, notamment en anglais. Dès la fin du XIXe siècle, cela
s’accompagne de l’introduction du suffrage universel dans de nombreux pays. C’est le cœur
historique dans de nombreux pays. C’est notamment le cas des chercheurs du C.E.VI.PO.F. (Centre
d’Études sur la Vie Politique Française).
L’élection et le vote comme construction sociale.
On peut dire d’une élection est qu’elle a une fonction : la désignation des représentants et des
gouvernants. Au départ, dans la plupart des pays qui ont instauré une forme de démocratie, ça a été
la désignation des parlementaires, principalement concernant l’élection de la chambre basse, où elle
est souvent élue au suffrage universel direct. Là se jouent un certain nombre de phénomènes. Les
personnes qui ont travaillé sur l’histoire des élections se sont rendus compte que ces élections
étaient l’occasion de rituels importants. Ces rituels ont mis du temps avant de venir de manière
naturelle. Notamment au XIXe siècle, il y a eu beaucoup de résistances à l’égard de l’élargissement
du suffrage. Pendant ce XIXe siècle, on a vu des groupes sociaux particulièrement opposés au
suffrage universel qui ont essayé de le contrôler, de l’utiliser pour leur propre bénéfice. C’est le cas
de ce que l’on appelle les notables, les bourgeois, et le clergé, qui vont s’opposer à l’élargissement
du suffrage universel au moins jusqu’au début du XXe siècle. Progressivement, tous vont se rallier
à l’idée de l’élection comme mode de désignation des gouvernants. Ils essayent de conserver leur
autorité, et vont utiliser tout un tas de stratagème pour continuer à obtenir des postes de pouvoir.
Contrairement à ce que l’on peut penser, on se rend compte que le suffrage universel n’annule pas
d’autres types de pratiques, dont celles du clientélisme (je suis un notable, j’offre des biens
matériels, des gratifications ou des promesses de gratifications à des clientèles en échange de leur
vote). C’est ce que vont montrer les travaux sur les élections aux États-Unis, et la manière dont
certains candidats utilisent certaines clientèles pour leur bénéfice, y compris auprès de certaines
communautés dont le candidat est issu (irlandaise, italienne ...). Les travaux d’anthropologues
montrent qu’à Perpignan par exemple, le vote gitan ou le vote maghrébin a permis à la municipalité
en place de tenir. En s’assurant de leur vote, on les laisse tranquille ou on leur accorde des
privilèges.
L’élection comme mécanisme de sélection politique
Oui, l’élection est la technique de sélection des gouvernants dans la démocratie, notamment
représentative. Mais cette technique n’a pas été valable en tous temps et tous lieux de la même
manière. Le suffrage universel est le produit d’une histoire longue, et surtout d’une opposition entre
plusieurs groupes pour aboutir à cette technique depuis le XVIIIe siècle. Le suffrage universel est
une idée relativement récente, et une pratique relativement récente. À partir du moment où on va
évoquer le principe de suffrage universel, on va voir que beaucoup de catégories de population sont
exclues de ce suffrage supposé universel. On va exclure du suffrage universel les femmes, les
militaires par périodes ... On a exclu les étrangers, ceux avec un casier judiciaire, les SDF. On a
aussi imposé une limite d’âge. Il y a un mécanisme d’oubli qui tend à faire croire que le vote s’est
toujours déroulé de cette manière. Ceci est notamment ce que montre le travail d’Alain Garrigou : il
y a une sorte d’évidence liée aux pratiques électorales, qui occulte les intérêts, les conflits qui ont
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présidé à la mise en place du suffrage universel. On se rend compte auprès des populations exclues
du suffrage, mais aussi au travers des divers perfectionnements technologiques liées au
développement du suffrage universel. Histoire politique faite d’individus qui réclament et veulent et
d’autres qui s’opposent. Très concrètement, il faut attendre 1913 pour que soit garanti le secret du
vote (enveloppe). Jusqu’à cette date, on n’utilise pas les enveloppes pour le vote.
C’est à cette période là où on va utiliser les bulletins pré-imprimés. C’est aussi à cette date qu’on va
en France mettre en place un système d’affichage public avec tirage au sort. C’est aussi en 1913
qu’on met en place les isoloirs, qui garantissent le secret du vote. Puis, on va aussi réglementer
alors que le suffrage universel a déjà été utilisé en France. On instaure le bulletin pré-imprimé. On a
aussi essayé d’instaurer le vote électronique, espérant éviter les problèmes dans les comptages. En
vérité le vote électronique pose plus de problèmes qu’il n’en résout, notamment aux États-Unis.
Avec une grosse variété de machines, on se rend compte du trafic des machines, ou des erreurs
entre les listes d’émargement et les votes comptabilisés par la machine. Certains pays obligent le
suffrage universel : Nouvelle-Zélande, Brésil, Belgique, Italie théoriquement ... Le vote n’a pas
toujours été conçu comme ça. Il y a aussi l’idée que la pratique électorale résulte d’un apprentissage
des électeurs sur la longue durée. Cet apprentissage a connu la résistance de la part de plusieurs
groupes sociaux, qui ne concevaient pas la participation politique par le vote. On s’est rendus
compte qu’à la fin du XIXe siècle, on avait une proportion importante d’électeurs potentiels qui ne
s’inscrivaient pas sur les listes électorales. C’était notamment le cas en milieu urbain : à Paris, un
quart des électeurs potentiels n’étaient pas inscrits, 1/3 à Bordeaux ... À cette époque, le vote n’était
pas aussi valorisé en tant que pratique citoyenne. On constate aussi que la pratique du suffrage est
tout aussi lié à la légitimité du régime en question. C’est ce qu’on observe lorsqu’après une période
longue de guerre ou d’État autoritaire, la pratique du vote est souvent difficile à se remettre en
route.
L’élection est aussi un mécanisme de sélection sociale. On doit beaucoup à Pierre Bourdieu dans
cette analyse, dans cette nécessité de se défaire de cette vision naturaliste du vote. Bourdieu va
constater que la logique même du vote en démocratie est doublement défavorable aux classes
dominées. Premièrement, le vote est défavorable aux dominés parce que nous n’avons pas tous le
même degré de capital culturel nécessaire pour produire une opinion autonome. Les dominants
peuvent élaborer des stratégies individuelles de vote alors que les dominés n’ont pour seule
alternative soit de pratiquer un vote collectif (de voter de la même manière que leur groupe), soit la
démission par l’abstention.
Pierre Bourdieu est le premier à démythifier l'acte électoral, du citoyen éclairé qui va voter. Daniel
Gaxie poursuit ces recherches, et a notamment travaillé dans les années 1970 sur le vote en
démocratie, Le cens caché (1975). C'est un ouvrage majeur dans la compréhension de certains
phénomènes électoraux, dont la participation des individus à la vie publique. L'idée du cens date des
premières heures de la révolution française, car il n'était pas question d'accorder le droit de vote à
tous selon certains. Sous l'impulsion de l'abbé Sieyès, la souveraineté appartient à la nation et non
aux individus qui composent la nation.
Ce qu'on va constater au fur et à mesure de la Révolution française jusqu'à la IIIe République, c'est
un élargissement progressif de la base électorale. Sous l'impulsion de la bourgeoisie, le cens va
diminuer et automatiquement le nombre d'électeurs va augmenter. On retrouve le suffrage censitaire
dans la Constitution de 1791, dans la Constitution de l'an III (1795) qui débouche sur le Directoire,
sous la Restauration (1814 à 1830), la monarchie de Juillet qui marque la fin du suffrage censitaire
impose un cens pour être électeur et être éligible. Sous la Restauration, il faut être âgé de plus de 30
ans et payer plus de 300F de cens pour être électeur. On 94 500 électeurs à la fin du régime. Pour
être éligible, il faut avoir plus de 40 ans et payer plus de 1000F de cens.
Les deux autres types de suffrage sont le suffrage universel et le suffrage capacitaire, ce dernier
utilisé par moments dans l'histoire du suffrage en démocratie : il repose sur des capacités, des
diplômes ou des compétences scolaires validées par des tests. Ca a été le cas dans certains États du
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