JP BIASUTTI Colles entreprises et processus concurrentiels (1) ECE 1 Année 2007 2008 1
«L'entrepreneur dans l'invention et le développement du
capitalisme» (sujet ECRICOME, 1999) : une marginalité utile ?
« … personnage le plus haut en couleur du processus capitaliste»
(Schumpeter,Histoire de l’analyse économique, 1954, II, p 242) "Contrairement au
capitaliste, l'entrepreneur ne porte pas le poids de la culpabilité marxiste. En soulignant
son mérite, dont l'aura continue à nous éblouir jusqu'à présent, Schumpeter nous a
laissé son principal héritage" (J. K. Galbraith, L'économie en perspective, Seuil, 1989,p.
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Ce thème repose sur la dialectique entre l'individu et la société car il tendrait à
supposer que la figure de l'entrepreneur est le deux ex machina du système capitaliste
(dans sa genèse -«invention»- et dans ses transformations successives
-«développement»). On sait que Schumpeter voyait dans cet entrepreneur le véritable
moteur du capitalisme car il y introduisait les «nouvelles combinaisons» et participait
ainsi à la fois à sa croissance et à ses crises («ouragan perpétuel de la destruction
créatrice »). La vision schumpeterienne est donc un point de départ puisqu'elle idéalise
l'entrepreneur (être hors normes) mais ses contradictions sont révélatrices. On peut
penser qu'«elles sont le fruit d'un conflit entre une conception de la société capitaliste
de type individualiste et l'idée selon laquelle l'action individuelle est en grande partie
déterminée par les structures sociales» ( Sophie Boutillier, Dimitri Uzunidis, La légende
de l'entrepreneur , Syros, 1999, p 31). Acteur ou agi? L'entrepreneur doit-il être le point
de référence obligé pour expliquer la dynamique du capitalisme ?
Le constat est évident: l'entrepreneur est à la mode. L'initiative individuelle est
glorifiée comme porteuse de progrès économique et social, les biographies à tendance
hagiographique se multiplient, des Schneider à Bill Gates. L'idéologie de l'entrepreneur
s'appuie sur l'idée que l'expansion économique est le produit exclusif de l'initiative
individuelle. Pourtant, à trop insister sur l'individu, on finit par oublier le capitalisme,
organisation sociale qui a donné naissance à l'entrepreneur.
En étudiant les faits, on se rend compte que l'Etat reste souvent le maître d'oeuvre du
capitalisme et que d'autre part, les marchés sont dominés par des entreprises
monopolistiques. De fait, les marchés sont très loin d'être accessibles à la libre
concurrence et l'organisation se substitue inéluctablement au créateur/propriétaire
d'entreprise quoi qu'en pensent les économistes et politiques libéraux qui actualisent
régulièrement la théorie de l'entrepreneur pour valoriser l'idée que la création d'une
entreprise est un acte d'une grande valeur individuelle et sociale (le patron n'est plus
l'exploiteur de Marx mais un individu qui souhaite s'épanouir en créant des richesses
il actualise ainsi le projet de la modernité et remplace presque l'artiste - qui est
d'ailleurs incité de plus en plus à devenir un entrepreneur)
L'histoire depuis la Révolution Industrielle nous montre en effet que l'entrepreneur
existe mais que seul, il ne peut rien. L'initiative individuelle ne peut rien sans des
institutions puissantes comme l'Etat, la finance et, d'abord, la famille. Inversement,
l'apport de l'entrepreneur à la vie économique d'un pays est difficile à cerner tant la
fonction est hétérogène. Comment comparer le dirigeant d'une petite entreprise et le
manager d'un groupe multinational ? L'entrepreneur est donc celui qui possède et
dirige une petite entreprise indépendante c-a-d non intégrée dans un groupe.
Si le rôle de l'entrepreneur peut apparaître déterminant dans la genèse du
capitalisme industriel, il ne doit pas être pour autant mythifié. L'histoire montre que
l'entreprise est une aventure collective dont la réussite repose sur une variété
d'ingrédients que l'entrepreneur peut plus ou moins maîtriser: moyens financiers
(personnels, familiaux, bancaires), marchés convoités, état des connaissances
scientifiques et techniques, aides de l'Etat à la création d'entreprise, état de la société
(revenu, goûts des consommateurs, infrastructures). On peut résumer l'ensemble de