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A- Technostructure et managers Schumpeter prévoit déjà que la montée de la grande
entreprise, qui administre mais n'innove pas, sonne le glas de l'entrepreneur «héroïque». En
conséquence, les possibilités d'investissement vont se rétracter, mettant le
système capitaliste dans l'impasse. John Kenneth Galbraith parle de la «technostructure»,
groupe de dirigeants salariés qui se substitue à l'entrepreneur traditionnel. Alfred Chandler
évoque de son côté «la main visible des managers». Il rejoint en partie Galbraith : le
capitalisme moderne, à la fin du XIXe siècle, substitue les managers aux entrepreneurs.
Cependant, à la différence de Schumpeter, il n'y voit pas un risque d'étouffement du système,
mais une évolution. Car le poids écrasant de l'investissement rend nécessaire la grande taille
et une organisation plus bureaucratique et anonyme, dissociant propriété et gestion.
B– Pourquoi les entrepreneurs-propriétaires ont décliné
En effet, le capitalisme familial a fortement décliné durant le XXe siècle, le marché a connu
une forte concentration, la domination des grands groupes pouvant freiner l'émergence de
nouveaux venus.
Le taylorisme et le fordisme ont facilité cette évolution, dans le cadre d'une production de
masse qui accroît la taille de l'entreprise. Par ailleurs, après 1945, le renforcement du poids de
l'Etat dans certains pays comme la France et les nationalisations amènent à la tête des
entreprises des technocrates.
3. L'entrepreneur existe encore, mais est-il un héros ?
A– Le retour des entrepreneurs...
Les années 80 sont marquées, tant aux Etats-Unis qu'en Europe, par un renouveau de
l'idéologie de l'entrepreneur, placé au coeur de la dynamique de l'économie (les années de
croissance avaient été celles des managers et de la grande entreprise).
Vingt ans après Bill Gates et Microsoft, le développement du capital-risque, servi par
l'élargissement de l'appel public à l'épargne que permet le Nasdaq, se traduit dans un contexte
de changement technique rapide par la floraison de start-up brillantes (E-Bay Cisco, Amazon,
Google...), dont les dirigeants sont des vedettes, mettant les médias au service de leur stratégie
économique et financière.
Les années 80 ont aussi vu revenir la petite et moyenne entreprise (PME) au premier plan des
préoccupations, berceau de l'initiative individuelle et vecteur de créations d'emplois. Ce
renouveau s'est inscrit dans les politiques gouvernementales avec la mise en place de mesures
d'aides spécifiques à la création d'entreprise.
B– qui, seuls, ne sont rien
Cela ne doit pas occulter les interrogations sur la validité du modèle de l'entrepreneur héros.
Telle est la thèse de Sophie Boutillier et de Dimitri Uzunidis (dans La légende de
l'entrepreneur). Reprenant certaines notions chères à Pierre Bourdieu, ces derniers soulignent
que l'entrepreneur a de tout temps été redevable à l'environnement étatique, social et familial :
sans Etat solidement structuré, voire protecteur, et sans famille dispensatrice d'éducation, de
formation et d'aide financière, beaucoup d'entrepreneurs n'auraient pu mener à bien leur tâche.