Foi chrétienne et post-modernité

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Profession de foi chrétienne et société post-moderne
Par Matthias SCHARER1
L’apport critique de la profession de foi chrétienne à l’orientation donnée par les
hommes à leur vie dans des sociétés pluralistes
La question qui détermine l’orientation de cet article est la suivante : est-ce qu’un
christianisme militant qui renforce l’identité chrétienne est compatible avec un christianisme
critique qui met l’idéologie moderne en question ?2 C’est une question à laquelle on ne peut
répondre simplement par oui ou par non. Il faut bien plutôt examiner de plus près le
caractère spécifique de la profession de foi chrétienne et soumettre à la réflexion l’image
qu’elle communique d’elle-même pour arriver à définir des critères concernant la
compatibilité ou l’incompatibilité d’un christianisme militant avec un christianisme critique. De
plus, ces critères sont en relation étroite avec le contexte actuel dans lequel se situent le
christianisme et l’Église, le contexte d’une société moderne tardive du savoir et de
l’information au cœur de l’Europe. Ce n’est que dans ce contexte que peut se définir le défi
spécifique auquel est confronté le « savoir » que les chrétiennes et les chrétiens déduisent
de leur foi, c’est-à-dire ce qu’ils professent et ce qu’ils peuvent communiquer de leur savoir
et de leur profession de foi dans une société pluraliste face aux idéologies modernes.
Décider comme Dieu
Pour saisir la signification théologique et existentielle de la question du caractère et de la
communicabilité de la profession de foi chrétienne dans le contexte des idéologies modernes
et de leur actualité brûlante, il faut d’abord jeter un coup d’œil sur le champ d’investigation
que constitue l’orientation que les hommes donnent à leur vie, un champ qui revêt dans les
sociétés moderne tardives une importance toute particulière. En effet, plus les sociétés font
l’objet d’une large différenciation, plus les détentrices et détenteurs de rôles spécifiques, dont
l’attribution dans les sociétés traditionnelles était relativement stable, perdent l’assurance de
jouer toujours le même rôle et se retrouvent au quotidien dans des rôles extrêmement variés
et en mutation rapide qu’il faut assumer, plus le besoin d’orientation prend de l’importance.
La variété des décisions qui doivent être prises chaque jour et qui parfois sont d’une portée
telle que, dans les civilisations traditionnelles, on laissait à Dieu, aux dieux ou au destin le
soin de les prendre, dépasse bon nombre d’êtres humains. Que l’on pense simplement à des
domaines comme la prolongation de la vie, la création d’une nouvelle vie etc. : ce sont des
questions qui poussent l’homme à « être comme Dieu » et à prendre les décisions à sa
place.
À la question de savoir comment les hommes doivent orienter leur vie, comment ils doivent
prendre leurs décisions et vers quoi ils peuvent se tourner dans les situations douloureuses
ou heureuses de la vie – sinon vers eux-mêmes –, de plus en plus d’hommes ne trouvent
plus de réponse évidente. Il s’agit là d’une perte d’orientation qui se situe non seulement au
plan intellectuel, mais aussi au plan émotionnel.
Vers où dois-je me tourner ?
À propos du manque de repères des hommes, il faut signaler un ancien cantique en
allemand qui comprend la question rhétorique suivante :
Vers où dois-je me tourner lorsque le chagrin et la douleur m’oppressent,
à qui faire part de mon ravissement quand mon cœur bondit de joie ?
Ce chant d’église chanté avec ardeur, dimanche après dimanche, par des générations de
femmes et d’hommes suggère une réponse qui va de soi : dans la douleur comme le
bonheur les hommes doivent s’adresser à Dieu. De qui peut-on attendre le salut, sinon de
lui ? Les croyants savaient et proclamaient qui ils pouvaient remercier pour les joies et
auprès de qui ils pouvaient se lamenter dans les souffrances quotidiennes :
C’est vers toi, vers toi, ô père, que je viens dans la joie et la souffrance.
1
Matthias SCHARER, né en 1946, est professeur de religion catéchétique à la faculté de
Théologie de l’Université d’Innsbruck. - Adresse : Universitätstrasse, 4/II, A-6020 Innsbruck.
2
Cette question avait été posée au départ par la rédaction pour susciter l’écriture de ce texte.
C’est toi qui envoie les joies, toi qui guéris toute douleur.
Le « Dieu père » était l’instance centrale qui orientait la vie des hommes. Ce n’était pas une
idée abstraite, ce n’était pas une idole vaine, mais bien une personne sensible au chagrin, à
la douleur et au ravissement, un vis-à-vis compatissant, tout anthropomorphe que puisse
être cette image de Dieu. C’est à ce père qu’on pouvait s’adresser, c’est avec lui qu’on
pouvait entrer en relation dans toutes les situations et vicissitudes de la vie. Il « envoyait »
les joies, il « guérissait » la douleur. Celui qui, selon la mentalité de ce chant, proclamait son
attachement à ce « père » ne le faisait pas sous la forme d’une profession de foi abstraite qui
aurait assuré l’orthodoxie et la « pureté » de sa conception de Dieu ; il le faisait sans guère
se soucier de la vérité du Dieu chrétien réfléchie dans la théologie : il – elle – se revendiquait
d’une relation qui lui permettait de sortir de la misère et qui l’aidait à vivre, c’est-à-dire la
relation avec Dieu.
Cependant, si parlante, si éclairante et si salvatrice que puisse à première vue apparaître
l’image du Dieu père évoquée dans ce cantique, cette image a aussi ses vices cachés.
Ceux-ci résident dans la prétention de vérité à laquelle le chant donne une forme
émotionnelle. On peut et on doit poser à l’image de Dieu reflétée par l’ancien cantique des
questions qui sont légitimes : qui est le « Dieu père » à qui s’adressaient les hommes dans
leur misère ou dans leurs joies ? pourquoi l’appelle-t-on père et non mère, alors que
généralement les enfants en larmes s’adressent d’abord à la mère ? que signifie le fait que
les hommes doivent s’adresser au père ? est-ce que peut-être on en appelle ainsi au surmoi
moral ? est-ce que se cache dans le cantique un appel à l’enfant désarmé présent à
l’intérieur de l’homme, un enfant qu’il faut garder petit et dépendant, particulièrement quand il
est dans la misère ? est-ce que le père divin ne serait peut-être rien d’autre que le père
humain présent en nous qui nous ordonne ce que nous devrions faire et ce que nous ferions
mieux de laisser tomber ? est-ce que la religion, et spécialement le christianisme, ne serait
rien d’autre que le grand récit des nostalgies et des désirs illusoires des hommes, récit tout à
fait étranger à la réalité, qui peut même devenir dangereux pour l’homme si celui-ci s’identifie
trop avec lui : dans les cas extrêmes, l’image de Dieu présentée dans le chant pourrait être
associée chez l’homme avec le traumatisme de Dieu mis classiquement en lumière par la
psychanalyse.3
Certes la profession de foi en Dieu véhiculée par ce chant renforce, par la sécurité
émotionnelle qu’elle entraîne, l’identité chrétienne, mais elle peut tout aussi bien faire l’objet
d’un détournement idéologique. Il suffit de penser à la déstabilisation actuelle de beaucoup
de gens face à la menace d’une guerre en Irak. Le fait de se tourner avec « tout son chagrin
et toute sa douleur » vers le père qui guérit « toute douleur » peut, le cas échéant, paralyser
le potentiel typiquement chrétien que possède le christianisme et qui lui permet de résister
aux idéologies de guerre – même fondées sur des motifs religieux – et gêner ainsi
l’engagement résolu des chrétiennes et des chrétiens en faveur de la paix. Celui qui se
revendique de sa relation à Dieu est dès lors toujours confronté à la question suivante : en
fonction de quel Dieu oriente-t-il (-elle) sa vie ? de quelle vérité de Dieu les hommes se
revendiquent-ils ?
Vivre sans Dieu, croire en privé
En Europe centrale, la profession de foi explicite en un Dieu de la vie qui est un en trois
personnes, qui s’est fait homme parmi les hommes en Jésus-Christ (cf. Phil 2, 6-11) et qui,
en tant qu’Esprit de Dieu auteur de vie et de relations, vit et agit dans la Création, dans
l’histoire de l’humanité, dans chaque être humain et dans la communauté des Églises, cette
profession de foi explicite perd de plus en plus de sa capacité à donner une orientation à la
vie. La responsabilité de cette perte d’importance de la profession de foi chrétienne par
rapport à l’orientation prise par le sujet et par la société est à chercher dans un
« changement de paradigme » qui a commencé avec la philosophie des Lumières. Ce
changement de paradigme concerne la place accordée à la philosophie et à la religion dans
la nouvelle manière de comprendre le monde. Le « monde » moderne des hommes se
Cf. notamment l’autobiographie de Tilman Moser : Tilman MOSER, Gottesvergiftung
(Empoisonnement par Dieu), Ulm, 1980.
3
décompose clairement en un domaine « public » et un domaine « privé ». Dans ce
processus, philosophie, foi et religion sont classés dans le « privé » ; dès lors, la
responsabilité de l’orientation donnée à la vie est aussi reléguée dans le domaine privé. « Ce
que l’autre croit ne me regarde pas. » « Ce que je crois ou non, c’est mon affaire privée, je
ne laisse personne s’en mêler. » La foi et la religion ne doivent plus être assumées en
public ; elles sont clairement comprises comme étant des domaines « exotiques » séparés
qui n’ont guère à voir avec la maîtrise de la vie au quotidien. Les discussions sur la valeur
des orientations données à la vie sont à présent tabou dans l’espace public ; elles sont
rejetées dans l’espace privé. Chacune, chacun veut vivre comme il ou elle le trouve bon et
« devenir bienheureux selon ses goûts propres ». C’est ainsi que naît une variété de
convictions religieuses « tissées » à la manière d’un patchwork à partir de pièces rapportées
de la foi chrétienne, mais aussi de convictions ésotériques et de convictions partielles
empruntées à des religions non chrétiennes. Dans ce patchwork de convictions il est difficile
aux hommes – c’est bien compréhensible – de trouver l’orientation qu’ils peuvent donner à
leur vie. Les hommes se retrouvent à pieds joints dans une vie « sans Dieu » ; leur foi
devient une affaire privée, de piété privée.
Bâtir sa vie « sans Dieu et sans seigneur »
Sur quel arrière-plan se joue la perte de crédibilité publique de la profession de foi
chrétienne, qui va de pair avec un « bénéfice » plutôt qu’une « perte » de religion au plan
privé ? Pendant des siècles, les Églises chrétiennes ont fourni – même si la manière était
problématique à beaucoup de points de vue – un savoir public concernant l’orientation à
donner à la culture de vie d’individus, de groupes humains et même de peuples entiers. Avec
le « changement de paradigme » en direction de la culture moderne tardive, les Églises
représentent, aux yeux de la société, un point de vue « exotique », celui d’un domaine
séparé spécialisé, ce qui rend compréhensible la chute de crédibilité de la profession de foi
chrétienne. En même temps, les hommes ne doivent plus assumer en public la
responsabilité du savoir qui leur permet d’orienter leur vie ; de plus en plus on met à l’avantplan la recette qui permet « d’être bienheureux à sa manière ». Le souci de soi, le modelage
de soi, la création de soi (à la manière de Foucault) se pratiquent « dans la solitude » et sans
devoir rendre de comptes à qui que ce soit. La question de savoir sur quoi va déboucher le
souci de soi n’est pas posée, la création de soi est pratiquée « sans Dieu et sans seigneur ».
En effet, cette création de soi est comprise comme la véritable libération de l’homme de la
« tutelle des pères » permettant d’accéder à la « majorité » de femmes et d’hommes
autonomes qui – enfin – peuvent vivre leurs relations en fonction de leurs propres besoins.
Maintenant que l’orientation donnée à la vie ne peut plus faire l’objet d’une interrogation
publique, on a affaire à un patchwork non seulement dans le domaine religieux, mais aussi
dans les cultures de vie. La variété des orientations possibles doit aider les hommes à
trouver chacun ce qui lui est propre dans la manière de pratiquer la vie, à trouver le bonheur
tout à fait personnel dans la vie et les relations, sans s’orienter en fonction de quelque chose
ou de quelqu’un. Mais alors se pose la question suivante : peut-on vraiment trouver une
orientation sans être conscient d’où on va ? peut-on rechercher quelque chose si on ne
connaît pas les critères de recherche ? Est-ce qu’une orientation de la pratique de la vie
humaine est vraiment possible sans ligne directrice, pour ainsi dire « sans Dieu et sans
seigneur » ? Ou l’absence de direction est-elle peut-être la véritable libération de l’homme lui
permettant de fabriquer son bonheur en toute autonomie et la seule voie lui permettant de
jouir vraiment de ce bonheur ?
Est-ce que la pratique de la vie sans profession de foi chrétienne, et donc indépendamment
de la relation à Dieu, est une illusion ou bien l’expression de la liberté et de
l’autodétermination de l’homme ? Il n’est pas facile d’en juger. Pour trouver une possible
réponse, on ne peut pas se laisser aveugler par la liberté et la capacité d’autodétermination
ainsi gagnées par l’homme. On doit se demander qui sont donc les nouveaux « seigneurs »
en fonction desquels se dirige la pratique de vie des hommes. Comment peut-on les
reconnaître ?
Les seigneurs masqués
Aujourd’hui, « les seigneurs » se sont masqués. On ne peut plus les reconnaître et on ne
peut plus les chanter dans les services religieux. Ils mettent en scène leurs propres liturgies,
qui n’apparaissent pas comme telles aux hommes. Ils érigent des temples du capital et de la
consommation et complotent contre le monde entier si l’un de ces temples est détruit.
Contrairement à l’orientation de vie de la foi chrétienne, les « seigneurs modernes » se
cachent derrière de belles formules vantant la liberté et l’autodétermination. Ils font croire
qu’il s’agit d’accomplissement de soi et de souci de soi, tout en passant sous silence le fait
que c’est un prétexte pour faire passer le souci de soi imposé par l’économie et les médias.
Pour l’économie et les médias, il n’est pas question d’une vie « bonne », « réussie » pour
tous, mais bien de rendre possible pour quelques-uns la vie la plus confortable qui soit. On
peut difficilement échapper à ces nouveaux « seigneurs » parce qu’ils se sont associés aux
besoins. Ils « ensorcellent » les hommes, tant et si bien que ceux-ci ne peuvent plus
distinguer la vie bonne, réussie, riche de relations, d’une vie fixée sur les besoins, d’une vie
qui isole. Les hommes ne savent plus de quoi ils ont besoin et de quoi ils n’ont pas besoin.
Quel « seigneur » est-ce que je suis ?
Avec la perte de confiance dans la force d’orientation de la profession de foi chrétienne va
de pair la prise d’influence croissante des puissances (post-)modernes du marché et des
médias sur les hommes.4 Cette influence s’étend jusque dans les sphères les plus intimes
des relations. Jusque dans les relations intimes, les mass médias imposent ce qui est
valable et ce qui est « répréhensible » dans une société moderne. Les nouveaux « dieux »
étendent leur puissance globale sur l’orientation de vie des hommes d’une manière telle
qu’un style de vie et de relation alternatif apparaît comme de plus en plus difficile à adopter.
La question centrale est donc celle-ci : quel « seigneur » est-ce que je suis ? L’orientation en
fonction de la profession de foi chrétienne est une orientation alternative et difficile,
notamment parce qu’elle n’est plus crédible.
Vérité exotique dans un monde qui a besoin d’orientation
La question de savoir en fonction de quoi et comment les hommes orientent leur vie dans ce
qu’on appelle les sociétés plurales compte – comme nous l’avons vu – parmi les grands
défis du christianisme à l’époque moderne tardive. D’une part, dans une culture ou plutôt une
variété culturelle dans laquelle (presque) tout est valable et dans laquelle des orientations de
vie différentes se côtoient dans une relative « in-différence », le christianisme, qui se
revendique d’une vérité générale, fait l’effet d’être par trop exotique. D’autre part, dans un
milieu de vie où les institutions religieuses sont en perte constante de vitesse et où les
hommes doivent se forger individuellement, en privé, leurs jugements portant sur la
conception du monde, de plus en plus de gens recherchent des repères pour s’orienter.
Étant donné que, dans la vie publique, l’orientation religieuse est de plus en plus tabou face
aux orientations données par la science et les médias et que la religion « émigre » dans le
domaine privé de l’homme, on voit naître un nouveau besoin d’orientation religieuse dont,
toutefois, la satisfaction n’est plus guère attendue de la part des Églises chrétiennes. De
moins en moins de gens croient les Églises capables d’établir une relation pratique, qui
puisse aider dans la vie, entre l’adhésion à la foi chrétienne et les besoins concrets
d’orientation. Ainsi donc, d’une part le besoin d’orientation dans le processus de réalisation
de soi de l’homme continue d’exister et, d’autre part, la profession de foi chrétienne en tant
que proposition d’orientation est de moins en moins communicable. Cela nous amène à la
question de savoir si vraiment il peut exister une relation que l’on puisse faire passer
concrètement dans la vie entre la profession de foi chrétienne et la réalisation quotidienne de
la vie des hommes. En fin de compte, il y a dans le christianisme pas mal de cultures
spirituelles qui prônent la sortie de la culture de vie concrète pour préserver une identité
chrétienne.
Cf. J. NIEWIADOMSKI, “Extra media nulla salus. Zum religiösen Anspruch der Medienkultur”,
dans J. NIEWIADOMSKI, Herbergsuche. Auf dem Weg zu einer christlichen Identität in moderner Kultur,
Münster, 1999, pp. 149-166.
4
L’histoire mouvementée de la relation entre la profession de foi chrétienne et les
cultures de vie
Il n’est donc nullement établi a priori comment la profession de foi chrétienne s’articule à
chacune des cultures dominantes ou – dans notre cas – à une pluralité de cultures de vie. La
question de la relation entre cultures (de vie) et profession de foi chrétienne a, depuis les
origines de l’Église jusqu’à aujourd’hui, fait l’objet de conceptions en constante évolution.
Dès l’époque des premiers témoins de la foi, on a débattu pour savoir si le christianisme ou
les Églises devaient s’adapter sans discrimination à la société et « faire leur nid » à l’intérieur
de la culture en vigueur, s’ils devaient refuser et combattre la culture dominante, ou encore
s’ils devaient l’aborder dans une relation à la fois critique et constructive. Selon le type de
relation entre culture et évangile, on pourrait parler d’un christianisme adapté, affirmé ou
critique constructif.
Si l’on considère l’histoire de l’Église (des Églises), il apparaît qu’une relation d’approbation,
de critique ou de refus entre culture et foi chrétienne ne dépend pas seulement de la mesure
dans laquelle la culture dominante comporte des caractères humains, chrétiens ou
compatibles avec le christianisme ; ce qui détermine fondamentalement le type de relation,
c’est chaque fois le « modèle » théologique qui est à la base de cette relation entre culture et
profession de foi chrétienne, cette pratique théologique donc qui est implicitement en vigueur
ou explicitement verbalisée. Nous trouvons des exemples vivants des manières combien
différentes dont les Églises chrétiennes peuvent aborder les différentes cultures dans les
relations avec les cultures latino-américaines, africaines et asiatiques avant et après Vatican
II. Les différences d’appréciation au cours des siècles de phénomènes culturels identiques
ou semblables par les Églises chrétiennes deviennent manifestes. Ainsi, bon nombre de
marques des cultures traditionnelles, que le christianisme aborde dans un esprit de critique
constructive, et pour l’examen approfondi desquelles l’Église catholique entretient ses
propres instituts de recherche, notamment dans les pays d’Amérique latine5, auraient été
considérées avant Vatican II comme hérétiques. D’autres cultures religieuses étaient
souvent regardées comme primitives et rejetées.
Le deuxième Concile du Vatican, par l’estime manifestée aux autres confessions
chrétiennes6 et aux religions non chrétiennes7 et par la définition de sa relation aux sciences,
a ouvert au débat entre culture et évangile une perspective qui, à première vue, semble
abandonner le caractère de profession qu’avait clairement le christianisme au profit de
l’établissement d’une relation dans un esprit de critique constructive. L’idée de l’insertion
culturelle du christianisme, qui vise une relation de reconnaissance mutuelle entre culture(s)
et évangile, est interprétée par certains dans le sens d’un abandon de la profession de foi
chrétienne. En effet, pas mal d’hommes d’Église craignent que l’esprit de confrontation du
christianisme, lié à sa revendication de détenir la vérité générale, se perde dans une
perspective de compréhension motivée par des considérations théologiques. Aux yeux de
différents milieux au sein de l’Église, mais surtout selon l’appréciation des groupes
évangéliques et pentecôtistes, le débat sur l’insertion culturelle constitue une menace très
grave pour le christianisme et l’Église dans leur identité.
Les théologies du dialogue et de la communication soupçonnées de s’adapter
Le reproche de pousser en avant la compréhension critique constructive entre l’évangile et
les cultures, et de l’échanger contre la revendication de vérité de la profession de foi,
concerne spécialement ces réflexions théologiques qui placent le dialogue8, la communion9
Que l’on pense notamment aux instituts de l’Église pour l’étude des cultures aymara ou
quechua en Amérique latine ou aux efforts théologiques accomplis en Inde.
6
Le décret sur l’œcuménisme Unitatis redintegratio.
7
La déclaration sur la relation de l’Église aux religions non chrétiennes Nostrae aetate.
8
Cf. notamment B. HINZE, “Dialogical Traditions and a Trinitarian”, dans J. HAERS et P. DE MEY
(Éds), Theology and Conversation : Developing a Relational Theology. Proceedings from the Third
International Leuven Encounters in Systematic Theology. B. HINZE, Identitätsbewusstsein und
Kommunikationsfähigkeit. Religiöse Traditionen im Kontext des modernen Pluralismus. Eine
interkulturelle und interreligiöse Überprüfung westlicher Theorieansätze.(Conscience de l’identité et
capacité de communication. Traditions religieuses dans le contexte du pluralisme moderne. Un
5
et la communication10 au centre de leur intérêt théologique. Mais ce sont justement ces
réflexions théologiques qui montrent clairement qu’il ne s’agit pas, dans la profession de foi
chrétienne, d’une formule de vérité abstraite, mais que dans cette profession s’exprime une
capacité de relation vivante, orientée vers la vie. Seule une profession de foi ainsi
« chargée » – d’expériences de communication passées et présentes entre Dieu et l’homme
ainsi qu’entre les hommes – peut donner à la vie des hommes une orientation critique au
milieu de la pluralité des idéologies, aussi au plan religieux. Est-ce qu’une telle articulation
entre le caractère de relation de la profession chrétienne de foi en Dieu et sa vérité, qu’on ne
peut pas simplement assimiler à la capacité de relation humaine, mais qui a au contraire le
caractère d’une révélation divine, est-elle adéquate au niveau théologique ?
Communiquer sur base d’un « ciel ouvert »
Malgré toutes les réserves par rapport à la représentation anthropomorphique de Dieu, les
réflexions sur le vieux cantique « Wohin soll ich mich wenden ? » nous ont montré que la
profession de foi chrétienne, si elle doit donner une orientation à la vie, ne peut être
communiquée comme un « état de savoir » au sens habituel de la science moderne, comme
on le ferait dans la société du savoir. Face à un tel savoir, on pourrait en effet se comporter
comme on veut, et donc aussi de manière complètement « in-différente ». La profession de
foi chrétienne doit devenir accessible en tant que « savoir » existentiel, en tant que savoir
d’orientation et de relation, qui relève le défi de l’orientation de vie des hommes dans les
sociétés plurales : elle doit être un savoir sur les relations entre Dieu et l’homme et entre
l’homme et l’homme, un savoir qui fait éclater les expériences de communication étriquées
de la vie quotidienne banale et déploie le regard en direction d’un ciel ouvert. Mais comment
donc les Églises chrétiennes peuvent-elles en arriver à une pratique communicative, dans
laquelle la responsabilité de l’espérance qui porte leur vie permette aux hommes de relever
le défi existentiel que constitue leur besoin d’orientation ? Il n’y a pas pour cela de recettes
toute faites. Citons toutefois en résumé quelques règles de communication pour la
profession de foi chrétienne, règles qui ont leur fondement aussi bien dans la tradition que
dans le contexte de la modernité tardive.
Règles du jeu pour la communication de la profession de foi chrétienne
Les professions de foi qui se fondent sur un savoir concernant une relation éprouvent des
difficultés, dans le monde qui croit en la science, à se faire reconnaître. Cela vaut pour
l’adhésion personnelle à une relation d’amour entre des êtres humains de la même manière
que pour la profession de foi en Dieu. Le caractère concevable et vérifiable du savoir
relationnel – savoir qui prend forme dans l’adhésion personnelle à une relation – ne semble
pas pouvoir, dans la société du savoir et de l’information, satisfaire aux critères du savoir et
de la communication. Dans le meilleur des cas, il est reconnu comme savoir « privé » dont
chacune ou chacun doit rendre compte personnellement et qui surtout ne peut être vérifié. Et
ce qui n’est pas disponible en tant que savoir public, et ne peut être vérifié par des moyens
empiriques, ne compte ou n’existe pas dans le domaine public de la société. Au mieux, la
profession de foi en Dieu est une vision des choses qui peut être partagée par des gens « en
privé », mais qui ne joue plus aucun rôle dans le domaine public de la société.
examen interculturel et interreligieux d’ébauches théoriques occidentales) Exposé présenté au
symposium Theologie interkulturell à l’Université J.W. Goethe de Francfort, nov. 1995.
9
Cf. notamment B.J. HILBERATH (Éd.), Communio – Ideal oder Zerrbild von
Kommunikation(Communion – idéal ou caricature de communication) ?, coll. QDD, n °176, Fribourgen-Brisgau, 1999 ; B.J. HILBERATH, Zwischen Vision und Wirklichkeit. Fragen nach dem Weg der
Kirche (Entre vision et réalité. Questions sur le chemin de l’Église), Wurzbourg, 1999 ; B.J. HILBERATH,
B. NITSCHE (Éds), Ist Kirche planbar ? Organisationsentwicklung und Theologie in Interaktion (L’Église
peut-elle être planifiée ? Développement d’organisation et théologie en interaction), Mayence, 2002 ;
M. KEHL, Wohin geht die Kirche ? Eine Zeitdiagnose (Où va l’Église ? Un diagnostic du temps),
Fribourg, 6e éd., 1997 ; M. VOLF, Trinität und Gemeinschaft. Eine ökumenische Ekklesiologie (Trinité
et communauté. Une ecclésiologie œcuménique), Mayence, Neukirchen, 1997.
10
Cf. notamment M. SCHARER, B.J. HILBERATH, Kommunikative Theologie. Eine Grundlegung
(Théologie communicative. Les fondements), Mayence, 2002.
Les Églises ont elles-mêmes contribué à la confusion du savoir empirique et du savoir
relationnel qui constitue la base de la profession de foi chrétienne. L’Église catholique tout
spécialement a présenté le savoir sur la foi, notamment dans des livres de religion et de foi
marqués par la néo-scolastique, d’une manière qui permet de le confondre avec le savoir
empirique.11 Un exemple classique en est l’enseignement sur la Trinité, qui était comparable
à une sorte de mathématique supérieure. Pourtant, il est évident que le savoir portant sur
une relation humaine qui conduit à une adhésion personnelle ne se laisse pas non plus
vérifier de manière empirique. Bien sûr, on peut représenter des phénomènes qui permettent
de conclure à un certain type de relation, comme la capacité à gérer un conflit, l’ouverture à
une réconciliation, la fidélité etc. Mais tous les phénomènes pris ensemble ne constituent
pas encore une « preuve » d’amour et de relation entre des êtres humains. La « vérité dans
la relation »12 est infiniment plus grande, est d’une autre qualité que ce que la société du
savoir comprend et communique quand elle parle de savoir (empirique).
Les hommes ne peuvent pas non plus – comme le pensent certains « emballeurs » de la foi
– être « pris en charge » quelque part dans la vie afin d’être initiés, une fois motivés, aux
contenus de la foi. Comme dans la perspective de la théologie de la libération, dans laquelle
les pauvres sont les interlocutores, les authentiques « épeleurs » de l’évangile, les
processus de communication dans le domaine de la foi s’accomplissent toujours dans des
mouvements d’échange : des « accompagnateurs (accompagnatrices) dans la foi » vers les
« élèves dans la foi » et inversement.13 Face aux contenus centraux de la foi comme savoir
relationnel chrétien, personne ne reste neutre ; ils concernent dans la même mesure les
accompagnateurs et les élèves ; et chacune et chacun peut apprendre de l’autre comment le
message change la vie. La mission des accompagnateurs est dès lors de garder ouvert pour
le dialogue cet espace de communication dans lequel la communication de la foi permet la
confrontation totale (cognitive, affective et dirigée vers l’action) avec des convictions
différentes.14
Comme tout savoir concernant une relation, la profession de foi chrétienne a aussi, en tant
que forme spécifique d’un savoir plus large sur les relations, un caractère « intime » et un
caractère d’épreuve que l’on ne peut ignorer. En ce sens, le savoir de la foi est toujours un
savoir lié à la personne et à sa biographie et un savoir « communicatif » qui doit « faire ses
preuves » dans la vie.15 « Faire ses preuves » ne signifie pas que la foi chrétienne devientb
évidente dans les relations « high-live » réussites ; cela peut être exactement le contraire.
Sans le caractère relationnel qui lui est propre, la profession de foi chrétienne perd – comme
toute adhésion personnelle à une relation – sa prétention à la vérité. Dans cette mesure-là,
le caractère relationnel de la profession de foi chrétienne ne peut pas être mis en jeu à la
légère : sans le caractère relationnel de la profession de foi, la foi ne serait plus crédible et la
vérité relationnelle de Dieu pourrait se transformer en son contraire. C’est pourquoi Jésus luimême et l’Église primitive ont traité avec beaucoup plus de précaution qu’on ne le fait dans
l’Église d’aujourd’hui leur profession de foi en Dieu, le Dieu riche en relations, et sa relation
avec nous, les hommes. Ces sessions de l’Église primitive dans lesquelles on parlait de
11
Cf. notamment J. W ERBICK, Glaubenslernen aus erfahrung. Grundbegriffe einer Didaktik des
Glaubens (Apprendre la foi par l’expérience. Concepts fondamentaux d’une didactique de la foi),
Munich, 1989, pp. 218-249.
12
Thème du premier congrès de théologie communicative organisé en février 2003 à la Faculté
de Théologie d’Innsbruck.
13
Cf. M. SCHARER, “Fremde Gesichter. Südlicher Eisnpruch gegen theoretische ’Brücken’
zwischen modernem Leben und altem Glauben” (Visages étrangers. Protestation du sud contre des
« passerelles » entre la vie moderne et la foi ancienne), dans H.-F. ANGEL, Tragfähigkeit der
Religionspädagogik. Theologie im kulturellen Dialog, vol. 4, Graz, 2000, pp. 217-226.
14
Cf. M. SCHARER, Begegnungen Raum geben. Kommunikatives Lernen als Dienst in
Gemeinde, Schule und Erwachsenenbildung (Donner de l’espace aux rencontres. Apprentissage
communicatif au service de la communauté, de l’école et de la formation d’adultes), Mayence, 1995.
15
Cf. M. SCHARER, M. KRAML (Éds), Vom Leben herausgefordert. Praktisch-theologisches
Forschen als kommunikativer Prozess (Mis au défi,par la vie. La recherche pratique en théologie en
tant que processus communicatif), Mayence, 2003.
Dieu, non de manière abstraite et neutre dans des dogmes prétendument atemporels, mais
bien dans des images et des métaphores de la vie quotidienne, étaient imprégnée d’une
grande sensibilité par rapport à la forme communicative de la profession de foi chrétienne.
La profession de foi chrétienne en tant que forme d’un savoir relationnel donnant une
orientation à la vie ne peut pas être transmise par x méthodes au choix ou être colportée
dans l’ « emballage » des « attachements ». Elle a besoin de « règles communicatives »
claires, afin que la profession de foi chrétienne ne se pervertisse pas en une phraséologie
« idéologisante ». La sensibilité à l’expression rituelle dans le langage du corps qui est celle
des hommes dans leurs relations est l’une de ces règles. Si les règles sensibles de
l’interaction et de la communication entre les êtres humains sont transgressées dans la
durée, la foi perd sa crédibilité.
La foi chrétienne, comme la confiance et l’amour entre les hommes, n’est pas un bien que
l’on peut administrer à sa guise, mais un cadeau et, dans ce sens, elle ne peut être fabriquée
et ne peut pas non plus être transmise par les hommes. La foi est le cadeau de Dieu, pour
lequel nous pouvons, dans l’Église et dans la société, créer des conditions plus ou moins
favorables, afin de lui donner la possibilité de prendre forme dans la vie et la vie en commun
de femmes et d’hommes, de parents et d’enfants. Le savoir concernant les contenus les plus
vrais et les plus importants de la foi catholique et concernant les lois morales les plus nobles
ne peut pas « produire » la foi.
Le savoir concernant le Dieu de la vie riche en relations et la foi en lui ne se trouve donc pas
« in-différemment » à côté des nombreux autres savoirs reconnus dans notre société en
matière de relations. C’est un savoir d’un autre ordre : une confiance dans la possibilité
(offerte par la grâce) d’une relation avec la réalité de Dieu qui détermine toute la vie et qui
donne à la vie sens et orientation. Dans ce sens, le savoir de la foi en tant que savoir
relationnel « aide » vraiment à vivre. Le savoir de la foi est un savoir de la vie qui voit le
savoir fondé non sur une connaissance philosophique, mais bien sur celui qui est la voie, la
vérité et la vie. C’est un savoir de vie qui se révèle justement comme « vrai » – et c’est cela
qui fait la différence – par rapport à tous les conflits et toutes les peurs dans la vie et à
travers la vie, un savoir qui est capable d’ouvrir l’horizon pour une vie « à travers la mort ».
Le savoir de la foi en tant que savoir relationnel est le soutien vital par excellence. Dans
notre pays aussi, de nombreuses enquêtes montrent que l’ « orthopraxie » de Caritas et
d’autres institutions diaconales de l’Église sont d’une importance décisive pour la crédibilité
de la foi catholique.16 La « vraie doctrine » de la foi ne pourra déployer auprès des femmes,
des hommes et des jeunes sa force argumentative – au sens des paroles de Pierre :
« Soyez toujours prêts à la défense contre quiconque vous demande raison de l’espérance
qui est en vous » (1 P 3, 15) – que si elle acquiert un début de « crédibilité » dans le devenir
relationnel de la vie quotidienne. Cela ne signifie nullement que, dans les relations, le
royaume de Dieu serait déjà accompli et que, par un « coup de baguette magique » ce serait
le ciel sur la terre. Toutes les relations dans lesquelles nous vivons sont aussi imbriquées
dans les structures pécheresses de différents systèmes, tout comme l’ensemble de l’Église.
Promouvoir la capacité d’argumentation dans la foi au sein de la société plurale ne signifie
pas plus et pas moins que ceci : dans le déroulement relationnel, non seulement le message
chrétien est exprimé au niveau du contenu, mais il s’accomplit « dans le déroulement luimême ». C’est ainsi que notamment le principe de « l’importance primordiale du témoignage
vécu », ancré dans le message apostolique Evangelii Nuntiandi, est repris dans le processus
d’évangélisation : « Par ce témoignage sans paroles, les chrétiens éveillent irrésistiblement
dans le cœur de ceux qui voient leur vie les questions suivantes : pourquoi sont-ils ainsi ?
pourquoi vivent-ils de cette manière ? Qu’est-ce qui – ou qui est-ce qui – les inspire ?
16
Cf. notamment N. METTE, H. STEINKAMP (Éds), Anstiftungen zur Solidarität. Praktische
Beispiele fer Sozialpastoral (Incitations à la solidarité. Exemples pratiques de pastorale sociale),
Mayence, 1996.
pourquoi sont-ils avec nous ? En effet, un tel témoignage est déjà une annonce silencieuse
mais puissante et efficace de la Bonne Nouvelle. » 17
En ce qui concerne le lien entre profession de foi et culture relationnelle, il y aurait beaucoup
à apprendre des formes que revêtait la catéchèse de l’Église primitive, que l’on peut deviner
en voyant l’accompagnement prévenant et discret des « disciples d’Emmaüs » par le
Ressuscité (cf. Lc 24,13-35). Deux hommes quittent, abattus, tristes et déprimés, « leur »
ville et se rendent à la campagne. Ils échangent leurs impressions : comment tout cela a-t-il
pu arriver avec ce Jésus qui, à leurs yeux, a échoué ? Voici que survient sur le chemin un
troisième voyageur qui fait route avec eux. Il les écoute et partage leurs soucis. Il se fait tout
raconter et les laisse épancher leur cœur. Petit à petit, il ouvre une perspective nouvelle :
« Est-ce que tout cela ne devait pas arriver... ? » Même à l’auberge, il ne s’impose pas et
veut continuer sa route. cependant, ils l’invitent et s’assoient à table avec lui. Alors, il prend
le pain à sa manière qui leur est familière, prononce la louange, le rompt et le leur donne. Et
c’est seulement alors que leurs yeux s’ouvrent et qu’ils reconnaissent et le Seigneur et
professent leur foi en lui. Ce n’est pas l’explication théologique du sens de la vie et de la
mort de Jésus qui ouvre les yeux des disciples, mais bien la manière de Jésus de les
accompagner sur le chemin et sa manière typique de boire et de manger. Pendant la même
nuit encore, il faut qu’ils retournent chez leurs amies et leurs amis et professent ce qui s’est
passé sur la route et comment ils l’ont reconnu lorsqu’il a rompu le pain. Celui ou celle –
comme les disciples d’Emmaüs – dont les yeux s’ouvrent parce qu’il (elle) l’a reconnu à la
manière de rompre le pain, donc dans le fait de manger et de boire ensemble, qui est la
forme de communion centrale du christianisme, celui-là, celle-là ne peut rester assis(e) : il lui
faut témoigner de la relation nouvellement vécue. Au centre du christianisme se trouve donc
la profession de foi en une relation qui est palpable dans le simple fait de marcher ensemble,
dans l’accompagnement aimant et prévenant de l’autre, dans l’ouverture de nouvelles
perspectives de vie par le rappel d’une longue tradition de relation et, finalement, dans la
communion du manger et du boire les uns avec les autres.
17
Evangelii Nuntiandi, 21. Lettre apostolique de Sa Sainteté le Pape Paul VI, adressée à
l’épiscopat, le clergé et tous les croyants de l’Église catholique, au sujet de l’évangélisation dans le
monde d’aujourd’hui, 8 décembre 1975, éditée par le Secrétariat de la Conférence allemande des
évêques, Bonn, 1975.
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