L’histoire mouvementée de la relation entre la profession de foi chrétienne et les
cultures de vie
Il n’est donc nullement établi a priori comment la profession de foi chrétienne s’articule à
chacune des cultures dominantes ou – dans notre cas – à une pluralité de cultures de vie. La
question de la relation entre cultures (de vie) et profession de foi chrétienne a, depuis les
origines de l’Église jusqu’à aujourd’hui, fait l’objet de conceptions en constante évolution.
Dès l’époque des premiers témoins de la foi, on a débattu pour savoir si le christianisme ou
les Églises devaient s’adapter sans discrimination à la société et « faire leur nid » à l’intérieur
de la culture en vigueur, s’ils devaient refuser et combattre la culture dominante, ou encore
s’ils devaient l’aborder dans une relation à la fois critique et constructive. Selon le type de
relation entre culture et évangile, on pourrait parler d’un christianisme adapté, affirmé ou
critique constructif.
Si l’on considère l’histoire de l’Église (des Églises), il apparaît qu’une relation d’approbation,
de critique ou de refus entre culture et foi chrétienne ne dépend pas seulement de la mesure
dans laquelle la culture dominante comporte des caractères humains, chrétiens ou
compatibles avec le christianisme ; ce qui détermine fondamentalement le type de relation,
c’est chaque fois le « modèle » théologique qui est à la base de cette relation entre culture et
profession de foi chrétienne, cette pratique théologique donc qui est implicitement en vigueur
ou explicitement verbalisée. Nous trouvons des exemples vivants des manières combien
différentes dont les Églises chrétiennes peuvent aborder les différentes cultures dans les
relations avec les cultures latino-américaines, africaines et asiatiques avant et après Vatican
II. Les différences d’appréciation au cours des siècles de phénomènes culturels identiques
ou semblables par les Églises chrétiennes deviennent manifestes. Ainsi, bon nombre de
marques des cultures traditionnelles, que le christianisme aborde dans un esprit de critique
constructive, et pour l’examen approfondi desquelles l’Église catholique entretient ses
propres instituts de recherche, notamment dans les pays d’Amérique latine
, auraient été
considérées avant Vatican II comme hérétiques. D’autres cultures religieuses étaient
souvent regardées comme primitives et rejetées.
Le deuxième Concile du Vatican, par l’estime manifestée aux autres confessions
chrétiennes
et aux religions non chrétiennes
et par la définition de sa relation aux sciences,
a ouvert au débat entre culture et évangile une perspective qui, à première vue, semble
abandonner le caractère de profession qu’avait clairement le christianisme au profit de
l’établissement d’une relation dans un esprit de critique constructive. L’idée de l’insertion
culturelle du christianisme, qui vise une relation de reconnaissance mutuelle entre culture(s)
et évangile, est interprétée par certains dans le sens d’un abandon de la profession de foi
chrétienne. En effet, pas mal d’hommes d’Église craignent que l’esprit de confrontation du
christianisme, lié à sa revendication de détenir la vérité générale, se perde dans une
perspective de compréhension motivée par des considérations théologiques. Aux yeux de
différents milieux au sein de l’Église, mais surtout selon l’appréciation des groupes
évangéliques et pentecôtistes, le débat sur l’insertion culturelle constitue une menace très
grave pour le christianisme et l’Église dans leur identité.
Les théologies du dialogue et de la communication soupçonnées de s’adapter
Le reproche de pousser en avant la compréhension critique constructive entre l’évangile et
les cultures, et de l’échanger contre la revendication de vérité de la profession de foi,
concerne spécialement ces réflexions théologiques qui placent le dialogue
, la communion
Que l’on pense notamment aux instituts de l’Église pour l’étude des cultures aymara ou
quechua en Amérique latine ou aux efforts théologiques accomplis en Inde.
Le décret sur l’œcuménisme Unitatis redintegratio.
La déclaration sur la relation de l’Église aux religions non chrétiennes Nostrae aetate.
Cf. notamment B. HINZE, “Dialogical Traditions and a Trinitarian”, dans J. HAERS et P. DE MEY
(Éds), Theology and Conversation : Developing a Relational Theology. Proceedings from the Third
International Leuven Encounters in Systematic Theology. B. HINZE, Identitätsbewusstsein und
Kommunikationsfähigkeit. Religiöse Traditionen im Kontext des modernen Pluralismus. Eine
interkulturelle und interreligiöse Überprüfung westlicher Theorieansätze.(Conscience de l’identité et
capacité de communication. Traditions religieuses dans le contexte du pluralisme moderne. Un