L`apoptose ou mort cellulaire programmée est une forme

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L'apoptose ou mort cellulaire programmée est une forme physiologique de mort
cellulaire hautement régulée et elle est nécessaire à la survie des organismes
multicellulaires. Typiquement, les cellules d'organismes multicellulaires
s'autodétruisent lorsque celles-ci ne sont plus utiles, lorsqu'elles sont
endommagées ou lorsqu'elles sont dysfonctionnelles. L'apoptose implique
habituellement des cellules individuelles dans un tissu et ne provoque pas
l'inflammation.
Il existe principalement 2 voies d'induction de l'apoptose dans la cellule: la voie
mitochondriale est induite par la relâche de protéines mitochondriales et la voie
des récepteurs à domaine de mort situé dans la membrane plasmique.
Lors de l'apoptose, les cellules sont d'abord modifiées au niveau physiologique. Le
premier point de non retour dans l'apoptose induite par la voie mitochondriale est la
relâche de cytochrome c de la mitochondrie et la dégradation du potentiel
membranaire mitochondrial. Les caspases sont ensuite activées et celles-ci
provoquent la coupure des protéines associées à l'apoptose. Les
phosphatidylsérines sont ensuite transloquées de la face interne de la membrane
cellulaire à la face externe. Les caractéristiques morphologiques de l'apoptose
comme la condensation du cytoplasme, du noyau et de la chromatine, une
fragmentation de l'ADN, un bourgeonnement de la membrane plasmique ainsi
qu'une perte de l'asymétrie membranaire sont alors visibles. Il y a ensuite formation
de corps apoptotiques qui sont digérés par les macrophages environnants.
Schéma simplifié représentant les protéines essentielles au programme de mort cellulaire chez
C.elegans et chez les mammifères.
I - MÉCANISMES MOLÉCULAIRES DE L'APOPTOSE : ASPECT GÉNÉRAL
I-3. Les Caspases
a) Nomenclature
Comme nous l'avons déjà noté, ced-3 code pour une protéase à cystéine homologue à ICE (Thornberry et al.,
1992). Les protéases apoptogènes sont des protéases à cystéine qui possèdent une spécificité stricte de clivage de
leur substrats après un résidu d'acide aspartique. Cette spécificité de clivage n'est partagée qu'avec une seule
autre protéase, le granzyme B (une sérine protéase présente dans les lymphocytes T cytotoxiques).
Une nouvelle nomenclature proposée par Alnemri et coll. regroupe désormais les protéases apoptogènes sous le
nom de CASPASE (TABLE 1). Le C représente la cystéine du centre actif (QACxG) et aspase définit la
spécificité stricte de clivage des substrats de cette famille de protéases après un acide aspartique. L'ICE, qui fut
chronologiquement la première caspase caractérisée, a donc été tout naturellement rebaptisée caspase 1. À ce
jour 14 caspases ont été identifiées mais il ne fait aucun doute que cette liste n'est pas exhaustive.
b) Structure
Toutes les caspases ont une structure très conservée comprenant, un prodomaine N-terminal de taille variable, un
domaine qui deviendra après clivage la grande sous-unité (17-21 kDa, qui porte le centre actif) et un domaine qui
deviendra après clivage la petite sous-unité (10-14 kDa). Certains membres de la famille des caspases possèdent
un domaine de liaison entre la grande et la petite sous-unité. Les prodomaines sont variables, à la fois dans leur
taille et dans leur séquence. Ainsi les caspases 3, 6 et 7 ont un petit prodomaine alors que les caspases 1, 2, 4, 5,
8, 9, 10, 11, 12 et 13 possèdent un grand prodomaine. Les caspases à petits prodomaines sont souvent regroupées
sous le nom de caspases effectrices. Ces caspases sont activées par des caspases dites initiatrices. Les
prodomaines semblent jouer un rôle dans les interactions protéines-protéines. Ainsi les prodomaines des
caspases 8 et 10 contiennent des Domaines Effecteurs de Mort Cellulaire (ou Death Effector Domains : DEDs)
qui sont des structures permettant la liaison de la caspase aux molécules adaptatrices FADD (Boldin et al., 1995;
Chinnaiyan et al., 1995) ou TRADD (Hsu et al., 1995) (cf. chapitre I-5). Certaines autres caspases (caspases 1, 2,
4 et 9) possèdent un Domaine de Recrutement des Caspases (ou Caspase Recruitment Domain : CARD
(Hofmann et al., 1997)). Ces CARDs jouent un rôle dans l'interaction entre caspases ainsi qu'avec une grande
variété de molécules adaptatrices ou régulatrices (cf. chapitre I-5)
c) Activation
Figure 2
agrandissement
Structure et activation des caspases.
La conversion de la caspase à l'état de zymogène en une enzyme mature nécessite au moins deux clivages au
niveau de liaison Asp-X (TABLE 1). Ces clivages successifs ont lieu de manière séquencielle : tout d'abord
coupure entre la grande et la petite sous-unité (donc il y a libération de la petite sous-unité du reste de la
molécule) suivie par la libération du prodomaine (Figure 2). La caspase va alors pouvoir s'assembler sous sa
forme active, composée de deux grandes et de deux petites sous-unités.
La structure générale ainsi obtenue est (p10/p20)2 (Walker et al., 1994; Wilson et al., 1994; Rotonda et al.,
1996). Les caspases vont pouvoir s'auto-activer et/ou être activées par d'autre caspases. Cette remarque introduit
la notion de cascade d'activation. Ainsi une fois les caspases initiatrices activées, elles vont pouvoir cliver
d'autres caspases encore à l'état de zymogène (notamment les caspases effectrices). Ce type d'activation en
cascade permet probablement la régulation et l'amplification du signal.
Cette suite d'événements est généralement divisée en trois étapes :
- une étape d'induction qui est réversible
- une étape d'exécution qui est régulable
- une étape de dégradation qui est irréversible.
Certaines études ont décrit la possibilité qu'une sous-unité p10 issue d'un zymogène puisse s'associer avec la
sous-unité p20 d'un autre zymogène durant la maturation des précurseurs (Walker et al., 1994; Wilson et al.,
1994; Rotonda et al., 1996). Il est à noter que certaines protéases n'ayant pas de spécificité pour un acide
aspartique sont capables d'activer les zymogènes des caspases au moins in vitro (Zhou et Salvesen, 1997). Ce
clivage intervient au niveau de sites alternatifs situés dans le segment de liaison entre la grande et la petite sousunité. De plus il a été décrit que la caspase 9 pouvait être activée sans clivage (Stennicke et al., 1999).
L'activation et l'activité des caspases peuvent être modulées de différentes façons (par phosphorylation, par
exemple). Ce point sera détaillé dans le chapitre I-3-f.
d) Substrats
- GÉNÉRALITÉS
Figure 3
agrandissement
Structure tridimentionnelle des caspases.
Le rôle des caspases est principalement exécutif, c'est-à-dire qu'elles vont s'attacher à éteindre les voies
protectrices et à activer des molécules qui vont participer à la destruction cellulaire.
Les caspases sont des enzymes extrêmement sélectives. Ainsi, une analyse sur gel bi-dimentionnel d'extraits
obtenus à partir de cellules vivantes ou bien de cellules en apoptose n'a révélé que de faibles modifications dans
le profil global ( Robaye et al., 1994; Amess et Tolkovsky, 1995; Gerner et al., 1998; Kaufmann, 1989). Les
protéines cibles doivent impérativement posséder un aspartate en position P1 (Sleath et al., 1990; Howard et al.,
1991). Cet aspartate sera niché dans une poche (désignée site S1) et sera ainsi alignée avec Arg179, Gln283,
Arg341 et Ser347 (numérotation correspondant à la caspase 1). Cette structure est conservée chez toutes les
caspases humaines (à l'exception de Ser347 qui est remplacée par une Thr dans la caspase 8) (Figure 3).
La TABLE 2 indique les principaux substrats clivés par les caspases au cours de l'apoptose. Ces protéines cibles
regroupent des protéines cytoplasmiques, nucléaires, des protéines impliquées dans le métabolisme et la
réparation de l'ADN et des protéines kinases. De plus, des protéines impliquées dans la transduction du signal et
dans l'expression de gènes, dans la régulation du cycle cellulaire, la prolifération, dans les maladies génétiques
ou des protéines de régulation de l'apoptose sont aussi substrats des caspases (cf. TABLE 2).
Il est toutefois à noter que certains substrats ne sont pas clivés dans tous les types cellulaires. L'actine, par
exemple, est clivée dans la lignée myélomonocytaire U937 (Mashima et al., 1997), dans les neurones (Villa et
al., 1998) et dans les thymocytes (Villa et al., 1998) mais pas dans les autres types cellulaires durant l'exécution
du programme apoptotique (Song et al., 1997; Rice et al., 1998). De plus, certains substrats sont clivés à des sites
différents selon le type cellulaire. Ainsi, la topoisomérase I a un profil de clivage différent selon qu'il s'agisse de
cellules de cancer de poumon (A549) ou de cellules de cancer du sein (MDA-MB-468) (Samejima et al., 1999).
Cette hétérogénéité pourrait soit refléter l'activation de caspases différentes, soit des variations dans
l'accessibilité des substrats par les protéases, soit une combinaison de ces deux hypothèses.
Etant donné l'hétérogénéité et le nombre des substrats clivés par les caspases (TABLE 2), j'ai choisi, pour des
raisons de clarté et d'adéquation à mon travail de recherche, de ne détailler que les kinases substrats des caspases
au cours de l'apoptose.
- PROTÉINES KINASES
Au moins 13 protéines kinases sont clivées durant l'apoptose (cf. TABLE 2). La majeure partie de ces kinases le
sont dans leurs domaines régulateurs (ou juste à coté), produisant des formes tronquées constitutivement actives.
Ce type de régulation concerne les kinases suivantes : MEKK1 (Cardone et al., 1997; Deak et al., 1998;
Widmann et al., 1998), PAK2 (Lee et al., 1997; Rudel and Bokoch, 1997), Mst1/Krs et Mst2 (Graves et al.,
1998; Lee et al., 1998), PKCd (Ghayur et al., 1996), PKCq (Datta et al., 1997), PKCb1 (Shao et al., 1997) et
PRK2 (Cryns et al., 1997). L'expression des formes tronquées de ces kinases induit une apoptose massive des
cellules (Ghayur et al., 1996; Datta et al., 1997; Lee et al., 1997; Cardone et al., 1997; Graves et al., 1998;
Widmann et al., 1998). Par exemple, pour les kinases MEKK1, PAK2 et Mst1, l'expression du fragment activé
par clivage est pro-apoptotique alors que l'expression d'une forme inactive retarde l'apoptose (Lee et al., 1997;
Rudel et Bokoch, 1997 ; Cardone et al., 1997; Widmann et al., 1998). Ces résultats semblent indiquer que ces
trois kinases ont pour cibles des protéines essentielles pour la régulation de l'apoptose. Il convient de signaler
que ces kinases sont toutes capables d'activer la voie SAPK/JNK (Stress Activated Protein Kinase/Jun Nterminal Kinase) qui conduit à l'exacerbation de la transcription de gènes placés sous le contrôle du facteur de
transcription c-Jun. Nous pouvons donc envisager que ces kinases sont clivées dans le but d'activer SAPK/JNK
(kinase impliquée dans l'apoptose, (Graves et al., 1998; Lee et al., 1998) (Cardone et al., 1997; Deak et al.,
1998). Ceci est d'autant plus vraisemblable que la voie antagoniste, (la voie ERK1 et 2 (Xia et al., 1995)) est
régulée négativement durant l'apoptose.
Certains membres de la famille des PKC sont également constitutivement activés par clivage au cours de
l'apoptose. Ainsi l'expression de fragments actifs des PKCd et PKCq induit l'apoptose des cellules transfectées
(Datta et al., 1997; Ghayur et al., 1996).
Durant ce travail de thèse nous avons identifié la tyrosine kinase p59Fyn comme nouveau substrat des caspases
(cf. partie résultat).
e) Invalidation génique
Etant donné le grand nombre de caspases ainsi que l'absence d'inhibiteur réellement sélectif d'une caspase
donnée, l'implication individuelle de ces protéases apoptogènes dans la mort cellulaire programmée n'a pu être
étudiée jusqu'à présent qu'en générant des animaux déficients pour l'expression de certaines d'entre elles. A ce
jour, seuls les gènes codant pour les caspases 1, 2, 3, 8, 9, 11 et 12 ont été invalidés (cf. TABLE 3).
- CASPASES 1 ET 11
Les souris caspase 1-/- et caspase 11-/- présentent un développement normal (Kuida et al., 1995; Li et al., 1995;
Wang S. et al., 1998). Cependant, elles présentent une production défectueuse d'IL-1a et b, d'IL-18 et
d'interferon-g. De plus, elles présentent une résistance accrue au choc septique. En fait, il semble bien établi que
la caspase 1 joue un rôle dans la régulation du système immunitaire mais pas ou peu dans les voies apoptotiques
(Kuida et al., 1995; Li et al., 1995). Récemment, il a été décrit que la caspase 1 est activée par une interaction
directe avec la caspase 11 (caspase murine) (Wang S. et al., 1998). La caspase 11 présente des homologies avec
les caspases humaines 4 et 5.
- CASPASE 2
Les souris caspase 2-/- présentent un développement normal jusqu'à l'âge adulte et ne présentent aucun
phénotype sévère (Bergeron et al., 1998). En revanche, la caspase 2 semble être requise pour la mort des cellules
germinales femelles. De plus, les ovocytes de ces souris présentent une résistance à l'apoptose induite par des
agents chimiothérapeutiques. A la naissance, les souris déficientes présentent une diminution du nombre de
motoneurones faciaux. Ceci nous indique que la caspase 2 n'agit pas simplement comme un effecteur positif de
l'apoptose mais qu'elle est aussi capable, selon le type cellulaire, de retarder la mort cellulaire. Cette différence
pourrait s'expliquer par la présence de deux formes de caspase 2 obtenues par épissage alternatif. Ainsi, il a été
montré que Casp2L (Long) induit l'apoptose alors que Casp2S (Small) inhibe l'apoptose (Wang L. et al., 1994).
Enfin, les lymphoblastes B de souris caspase 2-/- sont plus résistants à l'action combinée de la perforine et du
granzyme B mais ne présentent pas de sensibilité moindre à l'apoptose induite par un anticorps anti-Fas,
l'étoposide, la staurosporine ou les rayonnements g
En définitive, la caspase 2 est probablement essentielle pour l'apoptose des cellules germinales femelles mais elle
peut toutefois, dans certaines situations, avoir un effet protecteur contre l'apoptose. De plus, l'action de la caspase
2 semble être dépendante du type cellulaire, du stade de développement, de l'épissage de son ARNm ainsi que de
la présence ou de l'absence d'autres caspases.
- CASPASE 3
Les souris invalidées pour la caspase 3 furent les premières à présenter des profonds bouleversements de
l'apoptose (Kuida et al., 1996; Woo et al., 1998). Elles sont plus petites que les souris contrôles et meurent entre
la première et la troisième semaine après la naissance. De manière surprenante, il s'est avéré que le phénotype de
ces souris est extrêmement restreint. En effets, les anomalies les plus marqués semblent sélectivement localisés
au niveau du système nerveux central. Ainsi les animaux caspase 3-/- souffrent d'une hyperplasie cérébrale
massive. Les thymocytes issus de ces souris peuvent initier un programme apoptotique normal en réponse à un
anticorps anti-Fas, à la dexamethasone, au céramide-C2, à la staurosporine et aux rayonnement-g (Kuida et al.,
1996; Woo et al., 1998). En revanche, la caspase 3 semble être requise pour l'apoptose des neutrophiles et des
lymphocytes T activés (Woo et al., 1998). De plus, des études ont décrit que la caspase 3 n'était pas requise pour
le clivage de PARP (Kuida et al., 1996; Woo et al., 1998) ou la liaison à l'annexine V (qui reconnait
spécifiquement les résidus phosphatidylsérine) mais qu'elle était absolument nécessaire à la dégradation
internucléosomale de l'ADN ainsi qu'à la condensation de la chromatine (Woo et al., 1998). Il a été également
décrit que les lymphocytes T périphériques de ces souris étaient insensibles à l'AICD (Activation Induced Cell
Death, cf. chapitre III-2a) ainsi qu'à l'apoptose induite par un anticorps anti-CD3 (dirigé contre la partie
monomorphique du récepteur T) ou un anti-Fas (Woo et al., 1998).
En définitive, il semble que l'implication de la caspase 3 dépende du type de stimulus apoptotique considéré. De
plus, il existe une spécificité tissulaire. Ainsi, un traitement au TNFa induit une apoptose normale des
thymocytes issus de souris caspase 3-/- alors que les fibroblastes transformés y sont résistants (Woo et al., 1998).
Ceci souligne que la caspase 3 pourrait jouer un rôle différent selon le type de cellules et de stimuli considérés.
- CASPASE 8
Les souris caspase 8-/- se développent normalement durant les 11 premiers jours suivant la fécondation, puis
meurent, probablement des suites de malformations cardiaques importantes. Le cœur de ces animaux est
hypotrophique, suggèrant que la caspase 8 pourrait être impliquée dans la transmission des signaux de survie
plutôt que des signaux de mort, au moins au niveau de cet organe. De plus, ces embryons produisent très peu de
précurseurs myéloïdes (Varfolomeev et al., 1998). Les fibroblastes embryonnaires de ces souris sont insensibles
aux effets cytotoxiques initiés par Fas, TNF-RI ou DR3 mais restent sensibles à la déprivation en facteurs de
croissance, aux radiations U.V., au céramide et à l'étoposide (Varfolomeev et al., 1998). Les fibroblastes
embryonnaires répondent normalement aux signaux non apoptotiques émanant des récepteurs de mort et sont
capables d'activer la voie JNK ainsi que le facteur de transcription NF-kB de manière équivalente aux cellules
sauvages.
En définitive, ces résultats indiquent non seulement que la caspase 8 est un élément essentiel et non redondant de
l'apoptose initiée par les récepteurs de mort, mais aussi qu'elle joue un rôle essentiel (et à ce jour grandement
incompris) dans le développement cardiaque et dans l'hématopoïèse.
- CASPASE 9
Le phénotype de ces souris est semblable mais cependant plus sévère que celui des souris caspase 3-/- (Vkuida98 et V-hakem98). Elles meurent au 16ème jour de développement. Elles souffrent de malformation
cérébrale avec un excès cellulaire au niveau du système nerveux central. On note environ 10 fois moins de
cellules TUNEL positives (i.e. apoptotiques) dans les cerveaux des souris invalidées au stade E12,5 par rapport à
des souris contrôles. Ce phénotype est aussi partagé par les souris Apaf-1-/- (cf. chapitre I-4). De plus, il existe
une absence d'activation de la (Hakem et al., 1998; Kuida et al., 1998) caspase 3 in vivo dans le cerveau mais
cette activation se produit normalement dans les tissus ectodermiques et méningés (Kuida et al., 1998).
Contrairement au cerveau, certains organes comme le cœur, le poumon, le foie mais aussi la colonne vertébrale
présentent un développement normal. Les cellules ES ou les fibroblastes embryonnaires de ces souris libèrent le
cytochrome c de leurs mitochondries suite à une irradiation aux U.V. Cependant, dans ces conditions, la caspase
3 n'est pas activée (Hakem et al., 1998). De plus, des extraits de cellules nerveuses ou de thymocytes issus de
souris caspase 9-/- n'autorisent pas l'activation de la procaspase 3 lorsqu'ils sont incubés en présence de
cytochrome c et de dATP (Kuida et al., 1998).
En définitive, le fait que les souris invalidées pour la caspase 3, la caspase 9 ou Apaf-1 présentent toutes un
phénotype très semblable indique que ces molècules interviennent probablement dans une voie commune au
cours de l'apoptose.
- CASPASE 12
Les souris invalidées pour la caspase 12 ne présentent aucun défaut apparent du développement. Les thymocytes
de ces souris répondent de manière comparable aux cellules contrôles lorsqu'elles sont stimulées par un anticorps
anti-Fas ou par la dexaméthasone (Nakagawa et al., 2000). Il semble donc que la caspase 12 ne soit pas
essentielle pour l'apoptose induite par Fas. Des études par microscopie confocale suggèrent que la pro-caspase
12 est principalement localisée dans le réticulum endoplasmique. La pro-caspase 12 est activée lorsque les
cellules sont traitées avec des agents capables d'induire un stress du réticulum endoplasmique (RE)
(tunicamycine par exemple, (Welihinda et al., 1999)). Ainsi, les auteurs ont montré que la tunicamycine
provoquait l'apoptose des cellules épithéliales rénales des souris contrôles mais pas des souris invalidées pour le
gène de cette caspase. La même étude montre que les neurones des souris caspase 12-/- sont moins sensibles à la
toxicité induite par la protéine amyloïde-b (Ab). Il a été montré que la protéine Ab possédait des récepteurs
localisés dans le RE et qu'elle était capable d'induire un processus apoptotique, mécanisme qui pourrait jouer un
rôle dans la maladie d'Alzheimer.
En définitive, la caspase 12 semble être essentielle pour l'apoptose induite par un stress au niveau du RE ou pour
la mort neuronale induite par la protéine Ab ce qui en fait une cible pharmacologique potentielle.
Toutes ces études menées sur les souris dont le gène de différentes caspases a été invalidé ont permis d'établir les
notions suivantes :
i) aucune de ces invalidations géniques n'est capable d'inhiber totalement l'apoptose au cours du développement.
En fait, les phénotypes les plus sévères sont obtenus avec les souris caspase 3-/- et caspase 9-/- qui possèdent des
anomalies cérébrales majeures, cependant tous les autres tissus embryonnaires ne présentent que peu ou pas de
différence avec les souris contrôles.
ii) quelle que soit la caspase considérée, les effets sur l'apoptose sont à la fois dépendants du type cellulaire et du
stimulus utilisé. Ainsi, le jeu de caspases impliquées est probablement différent selon l'effecteur et le tissu
considérés.
f) Régulation
Etant donné les effets dévastateurs que pourraient avoir une activation inopportune des caspases, il n'est pas
surprenant que cette étape soit étroitement modulée. En fait, non seulement l'activation mais aussi l'activité et la
production des caspases sont régulées à plusieurs niveaux.
- RÉGULATION TRANSCRIPTIONNELLE
Bien que l'apoptose puisse se produire dans la majorité des types cellulaires en absence d'ARNm et de synthèse
protéique (Kaufmann et al., 1993; Weil et al., 1996), plusieurs observations suggèrent que la régulation de
l'expression des gènes de procaspases puisse avoir une importance dans certaines conditions. Ainsi, bien que les
ARNm de procaspases soient clairement détectables dans la plupart des types cellulaires (Patel et al., 1996;
Henkart, 1996; Takahashi et Earnshaw, 1996; Thornberry et al., 1997)), les niveaux de zymogènes sont très
différents d'un type cellulaire à l'autre. La caspase 3, par exemple, est fortement exprimée dans de nombreuses
cellules lymphoïdes et myéloïdes matures alors qu'elle n'est que faiblement présente dans l'épithélium mammaire
et dans les neurones normaux (Krajewska et al., 1997). De plus, le niveau d'expression de ces zymogènes n'est
pas statique. Des études ont décrit que dans des conditions d'induction de l'apoptose, des neurones (in vitro) ainsi
que des cerveaux de souris (in vivo) exprimaient des niveaux d'ARNm de la caspase 3 plus élevés. Lorsque des
cellules leucémiques humaines sont incubées en présence d'étoposide (inhibiteur de la topoisomérase II), le
niveau d'expression de plusieurs messagers de procaspases croît significativement (Droin et al., 1998).
L'interféron-g est un des facteurs ayant une grande influence sur l'expression des gènes de plusieurs caspases. Un
traitement des cellules U937 à l'interféron-g augmente très sensiblement l'expression de caspases ainsi que la
sensibilité de ces cellules à l'apoptose (Tamura et al., 1996). Le mode d'action de l'interféron-g sur la régulation
de l'expression génique des caspases reste, à ce jour, toujours énigmatique.
- INHIBITEURS NATURELS
Les virus ont développé diverses stratégies très efficaces afin d'inhiber la mort cellulaire et la libération de
cytokines pro-inflammatoires par les cellules infectées dans le but d'achever son cycle de réplication et ainsi
d'infecter de nouvelles cellules. À ce jour, de nombreuses molécules virales, cellulaires animales et même
végétales (pour revue (Thatte et al., 2000)), ont été décrites comme ayant une activité inhibitrice de l'apoptose.
- p35 et CrmA
p35 est une des protéines de baculovirus. Elle est capable d'inhiber une grande variété de caspases (cf. TABLE
1) mais n'exerce pas d'effet inhibiteur sur le granzyme B. CrmA (Cytokine response modifier A) est issu d'un
gène précoce du cowpox virus (virus de la vaccine). CrmA a un effet inhibiteur sur l'inflammation ainsi que sur
le recrutement des macrophages aux sites de l'infection (Palumbo et al., 1989). Sa surexpression permet d'inhiber
l'apoptose induite par la déprivation en facteur de croissance, CD95 ou le TNF (Gagliardini et al., 1994; Tewari
et Dixit, 1995). CrmA inhibe l'activité protéolytique des caspases 1, 8 et dans une moindre mesure la caspase 6
(cf. TABLE 1). D'autres caspases, comme la 3 ou 7, ne sont que peu affectées par cette molécule (Nicholson et
al., 1995; Zhou et al., 1997). Ces deux protéines virales (CrmA et p35) sont des inhibiteurs compétitifs. Une fois
clivées par une caspase, elles vont se lier à ces enzymes et ainsi empêcher la dégradation de nouveaux substrats
(Komiyama et al., 1994; Bump et al., 1995).
- FLIP, protéine E8, MC159 et MC160
Il existe une famille de récepteurs spécialisés dans l'induction de l'apoptose : les récepteurs de mort (cf. chapitre
I-5). Brièvement, la stimulation de ces récepteurs va conduire au recrutement de molécules adaptatrices puis au
clivage du zymogène de caspases initiatrices (caspases 8 et 10) et enfin, à l'activation des caspases effectrices.
Cette étape de recrutement peut être régulée par une protéine appelé, selon les auteurs, FLIP (Irmler et al., 1997)
/I-FLICE (Hu et al., 1997) /CASH (Goltsev et al., 1997) /Flame-1 (Srinivasula et al., 1997) /CLARP (Inohara et
al., 1997) /MRIT (Han D.K. et al., 1997) ou usurpin (Rasper et al., 1998). FLIP (FLICE inhibitory protein)
contient deux domaines effecteurs de mort cellulaire (DEDs) qui vont lui permettre de se lier aux prodomaines
des caspases 8 ou 10 et ainsi empêcher leur recrutement aux récepteurs de mort (notamment Fas et TNF-RI)
(Bump et al., 1995). Cette famille d'inhibiteurs de caspases a été, à l'origine, identifiée chez le virus de l'herpès et
le virus molluscipox (Bertin et al., 1997; Thome et al., 1997). Il existe une grande variété de transcrit de FLIP
(Yuan et al., 1993; Komiyama et al., 1994; Bump et al., 1995; ). Le transcrit le plus long (FLIPL) possède, en
plus des deux DEDs, l'équivalent d'un domaine caspase inactif. La forme courte, pour sa part, ne présente que les
deux DEDs. FLIP a été décrit comme pouvant protéger de l'apoptose (Hu et al., 1997; Irmler et al., 1997;
Srinivasula et al., 1997; Rasper et al., 1998) ou induire l'apoptose (Han D.K. et al., 1997; Inohara et al., 1997;
Shu et al., 1997) selon la nature du transcrit et le type cellulaire considéré. Cependant, dans des conditions
physiologiques, FLIP semble fonctionner comme un inhibiteur de la procaspase 8. Ainsi, il a été suggeré que la
sensibilité des cellules T à l'apoptose induite par Fas était corrélée avec la diminution du taux d'ARN messager
de FLIP (Irmler et al., 1997; Refaeli et al., 1998).
En définitive, il apparaît que le rôle de FLIP dans la modulation de l'apoptose semble très complexe. Son effet
pro ou anti-apoptotique apparait, une fois de plus, dépendre de la nature du transcrit, du type cellulaire considéré
ainsi que du niveau d'expression de chacune des isoformes.
- La protéine E8 (issue du virus équin de l'herpès de type II, ainsi que MC159 et MC160 (issues du virus
Molluscum contagiosum) utilisent une stratégie similaire afin d'inhiber l'apoptose. En effet, ces protéines
possèdent, tout comme FLIP, deux DEDs qui leur permettent d'inhiber le recrutement des procaspases 8 et 10 à
leurs récepteurs (Duckett et al., 1996; Uren et al., 1996; Deveraux et al., 1997).
- Bcl-2 and co
Il est maintenant bien établi que la grande famille des protéines homologues à Bcl-2 joue un rôle majeur dans la
régulation de l'apoptose. Cette régulation passe par la modulation de l'activité de certaines caspases,
principalement la caspase 9. Ainsi, en empêchant la libération du cytochrome c par la mitochondrie, Bcl-2 et
Bcl-XL par exemple, inhibent la formation du complexe Apaf-1/cytochrome c/caspase 9 qui est nécessaire à
l'apoptose. Ces différents points seront détaillés dans les chapitres I-4 et I-6.
- Les IAPs
Les baculovirus possèdent une autre protéine capable d'inhiber l'apoptose : IAP pour inhibitor of apoptosis. Au
moins 5 homologues ont été identifiés chez les mammifères. Il s'agit de NAIP (Liston et al., 1996) ; cIAP-1
(Rothe et al., 1995) /hIAP-2 (Liston et al., 1996) /MIHB (Uren et al., 1996) ; cIAP-2 (Rothe et al., 1995) /hIAP-1
(Liston et al., 1996) /MIHC (Uren et al., 1996) ; XIAP (Liston et al., 1996) /hILP (Duckett et al., 1996) /MIHA
(Uren et al., 1996) et la survivine (Liston et al., 1996). L'effet protecteur des IAPs est dû à leur capacité à inhiber
l'activation et donc l'activité de certaines caspases. Ainsi, XIAP, cIAP-1 et cIAP-2 inhibent les caspases 3, 7 et 9
mais pas les caspases 1, 6 et 8 (Deveraux et al., 1997; Roy et al., 1997; Deveraux et al., 1998). NAIP, pour sa
part, est incapable d'inhiber les caspases 1, 3, 6, 7 ou 8 (Roy et al., 1997). Les IAPs, à l'exception de la survivine,
sont caractérisées par 3 domaines BIRs (baculovirus IAP repeats) dans leur partie N-terminale et un domaine
d'interaction protéine-protéine contenant un atome de zinc (RING finger) dans leur partie C-terminale. La
survivine ne contient que les domaines BIRs. Différentes études ont montrées que seul BIR2 était requis pour
inhiber les caspases 3 et 7 et que le domaine RING n'était pas nécessaire (Deveraux et al., 1997; Takahashi et al.,
1998). De plus, il semble que cIAP-1 et cIAP-2 puissent se lier à TRAF-1 et 2 (TNF-R associated factors) grâce
à leur motif BIR (Rothe et al., 1995; Roy et al., 1997). Ceci implique que les cIAPs, ainsi que les vIAPs (Vucic
et al., 1998), puissent exercer des effets inhibiteurs sur l'activation des caspases en aval des récepteurs de mort
(Wang C.Y. et al., 1998). Par ailleurs cIAP-1, cIAP-2 et XIAP ont été décrit comme des inducteurs de
l'activation de NF-kB (Chu et al., 1997). Ceci pourrait notamment contribuer à l'effet protecteur de NF-kB sur
l'apoptose induite par le TNFa (You et al., 1997; Stehlik et al., 1998; Wang C.Y. et al., 1998).
Tout dernièrement, une nouvelle protéine nommée selon les auteurs Diablo (Verhagen et al., 2000) ou Smac (Du
et al., 2000) a été décrite (Figure 3bis). Cette protéine, une fois synthétisée est importée dans la mitochondrie. Au
cours le l'apoptose, Diablo/Smac est libérée et se lie aux IAPs empêchant leur action protectrice et permettant
ainsi aux caspases contenue dans l'apoptosome de s'activer. Il est à noter que Diablo/Smac est particulièrement
abondant dans le cœur, le fois et les testicules et très peu présent dans les autres tissus, impliquant l'existence
probable d'autres protéines homologues.
- PAR PHOSPHORYLATION
De nombreuses études ont rapporté que l'apoptose pouvait être régulée par des protéines kinases et des protéines
phosphatases (Anderson, 1997; Downward, 1998; Martins et al., 1998). L'étude de Martins et coll. en 1998
indique que les caspases peuvent être phosphorylées in vivo. Bien que cette phosphorylation puisse affecter leur
activité enzymatique, au moins in vitro, il reste cependant à démontrer si la phosphorylation module l'activité des
caspases in vivo. De plus, lorsqu'un extrait protéique de cellule en apoptose est analysé sur gel bi-dimensionnel,
après un marquage d'affinité, il apparaît plusieurs formes des caspases actives 3 et 6, certaines ne différant que
par leur charge (Faleiro et al., 1997; Martins et al., 1997; Martins et al., 1997a). Dans le même ordre d'idée, un
marquage métabolique de cellules au phosphate 32P, suivi d'un stimulus pro-apoptotique, a révélé que plusieurs
caspases contenaient un radioélément (Martins et al., 1998). La même étude a montré que la déphosphorylation
des caspases était corrélée à une augmentation de leur capacité à cliver PARP, impliquant la possibilité que la
phosphorylation puisse inhiber le clivage de certains substrats par ces protéases. Une autre étude indique que la
kinase Akt peut phosphoryler la procaspase 9 humaine et ainsi inhiber son activation (Cardone et al., 1998).
D'autre part, cette même étude montre que la kinase Akt est incapable de phosphoryler les caspases 3, 6 ou 7.
À ce jour, la nature de la (ou des) kinase(s) responsable(s) de la phosphorylation des caspases effectrices ainsi
que le rôle physiologique de cette modification post-traductionnelle restent à élucider.
g) " Apoptose " caspase indépendante
L'utilisation d'inhibiteurs spécifiques des caspases a montré que les cellules peuvent mourir aussi bien par des
mécanismes impliquant les caspases que par des mécanismes indépendants des caspases. Par exemple, la
surexpression de Bax (membre pro-apoptotique de la famille Bcl-2) conduit à l'activation des caspases et à la
mort cellulaire (Xiang et al., 1996). Cependant, l'inhibiteur général des caspases zVAD-fmk, bien qu'étant
capable d'inhiber l'activation des caspases, s'est avéré incapable d'empêcher la mort cellulaire induite par Bax
(Xiang et al., 1996). Ce type de mort cellulaire est insolite. En effet il y a, à la fois, une chute du potentiel
mitochondrial (cf. apoptose) mais aussi une absence de dégradation de l'ADN ainsi qu'une perte de l'intégrité
membranaire, ce dernier point étant reminiscent de la nécrose plutôt que de l'apoptose. De nombreux stimuli,
comme la déprivation en sérum (Mills et al., 1998), la surexpression des oncogènes myc et E1A (McCarthy et
al., 1997) ou de Bak (McCarthy et al., 1997), les dommages à l'ADN (McCarthy et al., 1997)... sont également
capables d'induire une mort cellulaire qui ne peut pas être bloquée par des inhibiteurs de caspases. Dans tous ces
cas, les cellules meurent selon un processus proche de la nécrose, sans présenter les modifications nucléaires
spécifiques de l'apoptose (Hirsch et al., 1997; Mills et al., 1998; Monney et al., 1998). Toutefois le
bourgeonnement de la membrane plasmique de ces cellules est observé de la même façon qu'au cours de
l'apoptose (McCarthy et al., 1997; Mills et al., 1998).
Figure 2 : Structure et activation des caspases. Les caspases contiennent quatre domaines
principaux qui sont clivés en deux étapes afin de donner une caspase active. Adapté de Rathmell et
al., 1999.
Figure 3 : Structure tridimentionnelle des caspases. Squellette -carboné des caspases 1 (A) et 3
(B). Les substrats YVAD (A) et DEVD (B) sont representés en blanc au niveau du centre actif. Le
couvercle (FLAP) qui obstrue partiellement le centre actif de la caspase 3 est indiqué sur la figure B.
Les figures C et D présentent une structure en volume de la caspase 3.
E : représentation de la poche de liaison du substrat de la caspase 3. a : Cys285 (vert); b : His237
(bleu), Gly238 (vert); c : Gln283 (vert), Arg341 (bleu). Les carbones a des acides aminés P1, P2, P3 et P4
du substrat DEVD sont numérotés de 1 à 4 respectivement.
F : Même substrat au niveau du centre actif mais vu dans une orientation opposée à celle de la figure
3E.
Les résidus conservés sont indiqués selon le code couleur suivant : vert pour les polaires non
chargés, orange pour les hydrophobes, bleu pour les basiques et rouge pour les acides. Extrait de
Earnshaw et al., 1999.
I - MÉCANISMES MOLÉCULAIRES DE L'APOPTOSE : ASPECT GÉNÉRAL
I-6. Famille Bcl-2
Les homologies de séquence et de fonctions entre CED-4 et Bcl-2 semblent indiquer que les
protéines de la famille Bcl-2, tout comme CED-4, jouent un rôle majeur dans la régulation des
caspases et plus généralement de l'apoptose. La translocation t(14,18) retrouvée dans les lymphomes
folliculaires de type B a conduit à l'identification de Bcl-2 chez l'homme (White, 1996). La
surexpression de Bcl-2 permet de bloquer l'apoptose induite par de nombreux stimuli (dommages de
l'ADN, irradiations, expression d'oncogènes, glucocorticoïdes,...) (Yang et Korsmeyer, 1996).
a) Présentation des membres de la famille Bcl-2
Si l'on se réfère à leur fonctions biologiques, on peut classer les membres de la famille Bcl-2 en deux
sous-familles, des membres anti-apoptotiques tel que Bcl-2, mais aussi Bcl-XL (Boise et Thompson,
1997), Bcl-w (Gibson et al., 1996), Mcl-1 (Kozopas et al., 1993; Zhou P. et al., 1997), A1 (Lin et al.,
1993) /Bfl1 (Choi et al., 1995) et dernièrement Boo (Song et al., 1999) et des membres proapoptotiques comme Bax (Oltvai et al., 1993), Bak (Chittenden et al., 1995; Farrow et al., 1995;
Kiefer et al., 1995), Bcl XS (Boise et Thompson, 1997), Bok (Hsu S.Y. et al., 1997) /Mtd (Inohara et
al., 1998), Bad (Yang et al., 1995), Bik (Boyd et al., 1995) /Nbk (Han et al., 1996), Bid (Wang K. et al.,
1996), Bim (O'Connor et al., 1998), Hrk (Inohara et al., 1997a), Blk (Hegde et al., 1998), BNIP3 (Chen
G. et al., 1997; Yasuda et al., 1998).
Cette famille se caractérise par la présence de domaines BH 1 à 4
(Bcl-2 homology domain) (Kelekar et Thompson, 1998). La
distribution de ces domaines permet de regrouper cette famille en
trois classes (Figure 6) :
Figure 6
- Les membres anti-apoptotiques comme Bcl-2, Bcl-XL, Bcl-w, Mcl-1
et Boo présentent des homologies de séquence dans les domaines
BH 1, 2, 3 et 4. Il est à signaler toutefois que certains de ces
membres ne possédent pas de domaines BH4;
- Les membres pro-apoptotiques comme Bax, Bak, Bad, Bok, Diva
présentent des homologies dans les séquences des domaines BH1,
2 et 3 mais pas ou peu dans les séquences BH4;
- Les membres n'ayant qu'un seul domaine BH3. Ce sont des
protéines pro-apoptotiques telle que Bik, Hrk, Bim, Blk, Bid et
BNIP3. Elles présentent des homologies de séquence mais
uniquement dans leur domaine BH3.
agrandissement
Représentation schématique
membres de la famille Bcl-2.
des
Tous les membres de la famille Bcl-2, à l'exception de Bad et Bid, possèdent un domaine
transmembranaire qui leur permet d'être localisés dans la membrane mitochondriale, le réticulum
endoplasmique ou la membrane nucléaire externe (Nguyen et al., 1993; Akao et al., 1994; Hsu Y.T. et
al., 1997). Certains membres de la famille semblent avoir la capacité de former des pores. Ainsi, la
structure tridimensionnelle de Bcl-XL s'est révélée être similaire à celle du domaine formant des pores
de certaines toxines bactériennes telles que la toxine diphtérique et les colicines (Muchmore et al.,
1996). En fait, il a été montré que les molécules anti-apoptotiques Bcl-XL (Minn et al., 1997) et Bcl-2
(Antonsson et al., 1997; Schendel et al., 1997; Schlesinger et al., 1997) et la protéine pro-apoptotique
Bax (Antonsson et al., 1997; Schlesinger et al., 1997), pouvaient former des canaux ioniques en
s'insérant dans des membranes lipidiques. Le canal ionique généré par Bcl-2 présente une
conductance optimale à pH acide ainsi qu'une préférence pour des cations monovalents (comme K+
et Na+) (Antonsson et al., 1997; Schendel et al., 1997; Schlesinger et al., 1997). Le canal formé par
Bcl-XL est sélectif des cations à pH physiologique mais perd cette sélectivité à pH acide (Minn et al.,
1997). En revanche, Bax forme un canal plutôt spécifique des anions et peu sensible au pH
(Antonsson et al., 1997; Schlesinger et al., 1997).
BAR, un nouveau membre anti-apoptotique de la famille, récemment identifié par le groupe de John
Reed, présente une structure originale (Figure 6). Il se compose de quatre domaines : un domaine
RING, un domaine SAM, un DED suivi d'un domaine trans-membranaire (Zhang H. et al., 2000). Le
domaine SAM est requis pour l'interaction de BAR avec Bcl-2 et Bcl-XL et pour l'inhibition de
l'apoptose induite par Bax. Ces DEDs lui permettent d'interagir avec les procaspases et ainsi d'abolir
la mort cellulaire induite par Fas. En fait, BAR est capable de former un complexe comprenant la
procaspase 8 et Bcl-2. Les auteurs suggèrent que BAR, tout comme FLIP, entrerait en compétition
avec les protéines adaptatrices, telle que FADD, pour la liaison aux procaspases 8 et 10 (Tschopp et
al., 1998).
b) Régulation de l'activité
- PAR DIMÉRISATION
Une caractéristique importante des membres de la famille Bcl-2 est de pouvoir former des homo ou
des hétérodimères. Les homodimères anti-apoptotiques Bcl-2 ou Bcl-XL se font par l'intermédiaire des
domaines BH1 et BH2 (Yin et al., 1994). Les membres pro-apoptotiques contenant un domaine BH3,
comme Bax ou Bak, peuvent interagir avec Bcl-2 ou Bcl-XL par l'intermédiaire à la fois de leur
domaine BH3 mais aussi grâce à la poche hydrophobique formée par les domaines BH1, BH2 et BH3
de Bcl-2 et Bcl-XL (Chittenden et al., 1995; Zha H. et al., 1996; Sattler et al., 1997; Simonen et al.,
1997). En fait, il semble que la balance entre la vie et la mort cellulaire soit influencée par le type et la
proportion de dimères anti- ou pro-apoptotiques formés (Oltvai et al., 1993; Oltvai et Korsmeyer, 1994;
Sedlak et al., 1995). Ainsi par exemple, lorsque Bax est préférentiellement exprimé, des homodimères
Bax-Bax se formeront et conduiront à la mort cellulaire. En revanche, si c'est Bcl-2 qui est
majoritairement exprimée alors il y aura formation de dimères Bcl-2-Bcl-2 et donc survie cellulaire.
Cependant un article récent semble indiquer que, pour des raisons structurales, des homodimères
Bcl-2 ne pourraient pas se former et que Bcl-2 jouerait son rôle anti-apoptotique sous forme
monomérique (Conus et al., 2000).
Les membres ne comportant qu'un domaine BH3, comme Bad ou Bid, ne peuvent pas former
d'homodimères et ne possédent pas d'activité intrinsèque. En fait, ils joueraient leur rôle proapoptotique en formant des dimères avec des membres anti-apoptotiques réduisant ainsi la capacité
de ceux-ci à former des homodimères protecteurs et dans le même temps favoriseraient la
constitution de dimères pro-apoptotiques (Kelekar et al., 1997; Sattler et al., 1997).
- PAR PHOSPHORYLATION
En plus des niveaux d'expression respectifs de chaques membres et de leur capacité à former des
dimères, l'action de cette famille de protéines sur le devenir cellulaire peut être également modulée
par des modifications post-traductionnelles. L'exemple le plus caractéristique de ce type de régulation
est la phosphorylation de Bad dans des lignées cellulaires dépendantes des facteurs de croissance.
En présence du facteur de croissance IL-3, Bad est phosphorylé sur sérine par la kinase Akt (Zha J. et
al., 1996). Cette phosphorylation se produit en présence de mitogènes, de facteurs de croissance,
d'hormones ou d'ester phobol par exemple. Elle entraîne l'association de Bad avec la protéine
cytosolique 14-3-3 (Zha J. et al., 1996). En absence d'IL-3, Bad est déphosphorylée et peut donc se
libérer de la protéine 14-3-3. Une fois le domaine BH3 de Bad libéré, il peut interagir avec Bcl-XL et
ainsi bloquer son action protectrice (Kelekar et al., 1997; Zha et al., 1997). Bcl-2 est également une
phosphoprotéine (Chang et al., 1997). Ainsi, un traitement des cellules avec du Taxol (agent
chimiothérapeutique), ou l'utilisation d'acide Okadaïque (inhibiteur de phosphatase) résulte en la
phosphorylation sur sérine de Bcl-2. Cette phosphorylation rend alors Bcl-2 incapable d'interférer avec
l'apoptose (Haldar et al., 1995). Raf1 pourrait être la serine/thréonine kinase responsable de cette
modification. En effet, il a été montré que Raf1 et Bcl-2 pouvaient interagir (Wang H.G. et al., 1994;
Blagosklonny et al., 1996; Wang H.G. et al., 1996). De plus, la voie SAPK (Maundrell et al., 1997)
ainsi que la protéine kinase A dépendante de l'AMPc (Srivastava et al., 1998) ont aussi été impliquées
dans la phosphorylation de Bcl-2.
En définitive, les membres de la famille Bcl-2 exercent deux fonctions essentielles : ils participent
d'une part à la formation de pores régulant le passage d'ions et de certaines substances activatrices
de l'apoptose (cf. chapitre suivant) et d'autre part modulent la fonction des molécules régulatrices de
l'apoptose par l'intermédiaire d'interactions protéine-protéine.
c) Invalidation génique
- BCL-2
Les souris invalidées pour le gène de Bcl-2 sont viables (TABLE 3). Cependant la majorité d'entreelles meurent quelques semaines après la naissance. Les souris Bcl-2-/- développent une insuffisance
rénale sévère due à un nombre diminué de néphrons (Veis et al., 1993; Nakayama et al., 1994;
Kamada et al., 1995). De plus, les souris deviennent grises à l'âge de 5 ou 6 semaines, période qui
correspond au deuxième cycle des follicules pileux. Cette hypopigmentation reflète la diminution de la
survie des mélanocytes (Veis et al., 1993; Nakayama et al., 1994; Kamada et al., 1995). Bien que les
souris Bcl-2-/- présentent une différenciation normale des lignages T et B, elles sont incapables de
maintenir l'homéostasie du système immunitaire. Le thymus et la rate subissent une apoptose
massive quelques semaines après la naissance (Veis et al., 1993; Nakayama et al., 1994).
En définitive il semble que Bcl-2 joue un rôle mineur dans la différenciation des cellules T (cellules
immatures) mais un rôle central dans la survie de la population de lymphocytes T matures.
- BCL-X
L'invalidation du gène Bcl-X est létale au jour 13 de développement embryonnaire (E13) (Motoyama et
al., 1995) (TABLE 3). Les souris Bcl-X-/- présentent une apoptose massive au niveau du cerveau, de
la moelle épinière et du thymus. L'effet létal de l'invalidation de ce gène est probablement du à la mort
cellulaire massive des cellules hématopoïétiques et des neurones (Motoyama et al., 1995).
Contrairement à Bcl-2, la fonction de Bcl-X semble être capitale pour la survie des lymphocytes
immatures.
En définitive, il apparaît que Bcl-2 et Bcl-X régulent de manière séquentielle la mort cellulaire au cours
du développement des lymphocytes.
- BAX
Les souris Bax-/- sont viables, indiquant donc que Bax n'est pas essentiel pour le développement de
l'organisme (TABLE 3) (Knudson et al., 1995). Les souris mâles invalidées pour Bax sont infertiles en
raison d'une exacerbation des phénomènes apoptotiques au niveau des cellules germinales. Les
ovaires des souris Bax-/- présentent un excès cellulaire dans les follicules primaires, consécutif à un
défaut d'apoptose. De plus, les neurones isolés à partir de ces souris peuvent proliférer en absence
de facteur de croissance.
En conclusion, bien que les neurones expriment la plupart des membres de la famille Bcl-2, il semble
que la mort induite par la déprivation en facteur de croissance soit strictement dépendante de Bax
(Deckwerth et al., 1996).
- BCL-W
Les souris Bcl-w-/- sont viables (Print et al., 1998) (TABLE 3). Alors que les femelles possèdent des
fonctions reproductrices normales, les mâles sont infertiles. Les testicules se développent
normalement mais la maturation des spermatozoïdes ne peut se faire jusqu'à terme en raison d'un
grand nombre de cellules apoptotiques au niveau du tube séminifère.
Figure 6 : Représentation schématique des membres de la famille Bcl-2. Les domaines BH1 à
BH4 sont des motifs très conservés. a1-a7 représentent les hélices identifiées dans Bcl-XL. a5 et a6
forment un core hydrophobe entouré par 5 hélices amphipatiques. Le domaine entre a1 et a2 contient
une boucle de régulation. Il est à noter que tous les membres de la famille Bcl-2 ne possèdent pas le
domaine d'ancrage membranaire. Adapté de Tsujimoto et al., 2000.
http://www.123bio.net/revues/jericci/iapoptose.html
http://virologie.free.fr/11-Cycle_cellulaire/Cycle_cellulaire.htm
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