EPP - 1° année - cours de J.G. OFFROY – 2007-2008 - 1° semestre : INTRODUCTION AUX SCIENCES HUMAINES
LA PREHISTOIRE DES SCIENCES HUMAINES
L’autonomisation du politique va d’abord s’affirmer sous la forme d’un pouvoir personnel :
autocratie, despotisme, tyrannie, royauté. Dans l’ancienne Egypte, gouvernée par les prêtres, un
général va se révolter, usurper le pouvoir et se proclamer « pharaon ». C’est le premier coup d’état.
Chez les Hébreux également, comme on peut le lire dans la Bible, le pouvoir politique va se détacher
partiellement du religieux pour être assumé par les militaires (David est un chef de bande qui va
prendre le pouvoir). De même en Inde, la caste des brahmanes (les religieux) va devoir céder la
première place dans la hiérarchie sociale à la caste des guerriers
Mais la stratégie du pouvoir politique est toujours de se sacraliser, de s'autoproclamer sacré et
d'instrumentaliser le sacré à son profit. Le Pharaon se fait diviniser, comme le feront les empereurs
romains. David se fait oindre par le grand prêtre, inaugurant une tradition qui sera reprise par toutes
les royautés occidentales « de droit divin » (Le Roi de France sera « sacré » à Reims ou à Saint Denis
et cette sacralisation lui octroiera le pouvoir de guérir les écrouelles par son simple toucher).
Cette stratégie a été poussée à l’extrême dans les états totalitaires : Le nazisme ou les marxismes se
sont érigés en nouvelle religion. On la voit à l’œuvre aujourd’hui avec l’Islamisme radical, qui utilise
la religion à des fins politiques. Mais on la retrouve aussi, sous une forme atténuée, dans notre
république laïque, selon une tradition inaugurée par Robespierre avec le culte de l’Etre Suprême.
Napoléon BONAPARTE oblige le pape à présider son auto-couronnement. François MITTERRAND,
le premier président socialiste de la 5° République, savait user en maître de cette légitimation du
pouvoir par des gestes symboliques : intronisation au Panthéon, pèlerinage annuel à Solutré… La
dernière campagne électorale américaine est un exemple significatif de l’instrumentalisation de la
religion par le candidat George W. Bush Junior.
Les autocrates prennent le pouvoir par la force et le légitiment par l’instrumentalisation du religieux,
mais ils n'ont pas le monopole du Sacré. Ils restent en concurrence avec les clergés ou des figures
prophétiques. D’où de nombreux conflits entre les pouvoirs spirituels et temporels. Des voix peuvent
s'élever pour dénoncer les décisions politiques, au nom de valeurs sacrées : Antigone contre le Roi
Créon, les prophètes de la Bible contre les rois hébreux et les prêtres… Les druides celtes ont cherché
à moraliser la vie politique, comme le fera l’Eglise au Moyen-âge (la paix de Dieu, le droit d’asile...).
Même les états totalitaires se sont heurtés à des résistants et des dissidents.
C’est la Cité athénienne, qui va élaborer, au 5° siècle avant J.C., la laïcisation du politique, avec
l’invention de la citoyenneté et de la démocratie
. L’organisation de la vie collective, la gestion de la
cité, vont échapper au sacré. Chaque cité va élaborer un mythe d'origine politique, distinct des mythes
religieux. Les dieux ont créé les cités, mais ce sont des législateurs, c'est à dire des hommes, qui les
ont structurées et qui en sont les pères (Solon à Athènes, Lycurgue à Sparte…). On s’invente un père
fondateur qui n’est plus d’origine divine, pour justifier les lois établies par la caste dirigeante. Le
pouvoir n’est plus sacré, il n’est plus cette réalité mystérieuse qui nous échappe, puisqu’il est
l’émanation du groupe.
Cette séparation du politique va aller de pair avec la séparation
- du juridique (relations contractuelles entre les individus) invention du droit ;
- de l'économique (gestion de la rareté, répartition des richesses et organisation de la production) ;
- de la médecine (les dieux donnent la santé, mais, après les Egyptiens, c'est Hippocrate (460-417),
disciple de Démocrite et de Gorgias, qui en établit les lois et en élabore les techniques, en
s’affranchissant des pratiques magiques) ;
- de l’éducation, confiée à des spécialistes qui vont élaborer une technologie propre pédagogie...
D’ailleurs, il s’agit plutôt d’une oligarchie, qui exclut de nombreuses composantes de la société : les pauvres,
les femmes, les métèques, les esclaves… Cette invention « démocratique » constitue une brève parenthèse avant
la conquête macédonienne. Elle sera reprise à Rome, cité qui va expérimenter, entre le 8° siècle avant J.C. et le
7° siècle après J.C., tous les modèles politiques qu’on retrouvera dans l’histoire de l’Occident.