Les 14 points de Wilson Malgré une entrée en guerre tardive des États-Unis avec des buts de guerre différents de leurs alliés, leur président, le démocrate Woodrow Wilson, cherche à mettre un terme à ce conflit que certains ont qualifié de "guerre civile européenne", voire de "suicide de l’Europe". Il en conclut qu'il faut substituer un nouvel ordre international capable d'éviter les guerres au système européen d'équilibre des forces. Ce dernier en effet, vieux de trois siècles, associe aux rivalités dynastiques et territoriales les frustrations nationales, par le biais de négociations et de traités secrets. Mais Wilson ne souhaite pas que son pays s'engage dans les conflits européens, au nom de la doctrine Monroe qui refuse que les États-Unis interviennent en Europe et se mêlent des problèmes internationaux. Ainsi, dès le 4 août 1914, il déclare la neutralité américaine dans le conflit en affirmant: "cette guerre n'est pas la nôtre". Il sera d'ailleurs réélu pour un second mandat en novembre 1916, notamment sur le thème : "Il nous a préservé de la guerre" ("He kept us out of war"), indiquant néanmoins, dans son discours d'investiture, que cette position sera probablement très difficile à tenir. Et en effet, même si "la guerre sous-marine à outrance" menée par les Allemands avait été suspendue après la mort d'une centaine de citoyens américains dans le torpillage du paquebot britannique Lusitania, le 7 mai 1915, celle-ci reprend le 31 janvier 1917 car le Kaiser veut entraver l'approvisionnement de la Grande-Bretagne et de la France pour les obliger à réclamer la paix. Désormais, les sous-marins allemands peuvent couler les cargos américains, même en dehors de la zone de guerre – et bien qu'appartenant à un pays neutre. Véritable menace pour la flotte de commerce américaine, cette décision frappe toute l'économie du pays qui tourne alors à plein régime pour répondre à la forte demande de l'Entente. Le 2 avril 1917, le président Wilson demande de voter la déclaration de guerre, ce que fait le Congrès le 6 avril. Le 18 mai, le président des États-Unis rétablit le service militaire obligatoire qui était aboli depuis la fin de la guerre de Sécession (1865). Wilson organise l'effort de guerre et fournit aux Alliés une aide matérielle, morale et militaire. Dans un discours prononcé le 8 janvier 1918, Wilson présente une déclaration des buts de guerre des États-Unis, qui deviendra bientôt celle des Alliés. Il y formule un programme en quatorze points définissant les objectifs de paix. Ses principes peuvent être résumés en trois mots : autodétermination (des peuples), liberté et paix. Certains points de son programme serviront de base au Traité de Versailles de 1919. "La paix dans le monde pour l'établissement de la démocratie" ("The world must be made safe for democracy") réclame de plus la création d'une Société des Nations (SDNou League of Nation). De retour aux États-Unis, Wilson présente lui-même le Traité de Versailles pour ratification par le Congrès mais il se heurte à un puissant courant isolationniste. Par deux fois, en novembre 1919 et en mars 1920, le Congrès rejette le Traité et se prononce contre l'adhésion à la SDN. Désavoué par le Congrès et une majorité du peuple américain, Wilson connaît donc l'ultime ironie de voir son propre pays refuser de se joindre à la Société des Nations. Ses efforts de réconciliation des pays européens lui valent néanmoins le prix Nobel de la paix en 1919 (reçu en 1920). LES 14 POINTS RESUMES : 1. Fin de la diplomatie secrète = négociations de paix publiques 2. Liberté de navigation sur les mers 3. Liberté de commerce international = suppression des barrières économiques et égalité commerciale pour toutes les nations. 4. Limitation concertée des armements 5. Règlement impartial des questions coloniales = arrangement sur les questions coloniales en tenant compte des intérêts des populations concernées 6. Evacuation de la Russie et possibilité pour les Russes de choisir librement leur gouvernement 7. Evacuation et restauration de la Belgique 8. Libération du territoire français et retour de l'Alsace-Lorraine à la France 9. Rectifications des frontières italiennes selon les limites des nationalités 10. Indépendance des peuples de l’Empire austro-hongrois ou autonomie des peuples d'AutricheHongrie. 11. Evacuation de la Serbie, de la Roumanie et du Monténégro par l’Empire ottoman; restitution des territoires occupés; libre accès à la mer de la Serbie. 12. Autonomie des peuples non turcs de l'Empire ottoman ; liberté de passage dans les détroits vers la mer Noire=libre-circulation aux Dardanelles, limitation de la souveraineté ottomane aux seules régions turques. 13. Création d’un Etat polonais indépendant, avec un accès à la mer. 14. Création d’une «association générale des nations» pour garantir l'indépendance et les frontières des États (future SDN) Wilson cherche donc à prendre la direction politique de la coalition et définit les buts de guerre des Alliés, voire les conditions de la paix future. LES PRINCIPES DE WILSON a. Transparence : point 1 b. Libéralisme liberté de circuler et de commercer (économie = capitalisme) : points 2 et 3 liberté politique = démocratie: points 5 (indépendance des colonies), points 6, 8, 10 à 13 (liberté des nationalités dans les empires) c. Sécurité: point 4 (réduction des armements) d. Droit (ou égalité?) : points 7 à 9 (Belgique, retour de l’Alsace-Moselle à la France et des provinces irrédentes à l’Italie), point 14 (création d’une société des nations) e. Idéalisme et droit des peuples à disposer d’eux-mêmes en filigrane. Il s’agit donc surtout d’une déclaration de principe sur les droits internationaux de l’homme. Ses principes peuvent être résumés en trois mots : autodétermination (des peuples), liberté et paix. Le dernier point, reflétant l'idéalisme du président, annonce la création d'une Société des Nations. LA CREATION DE LA SDN Fidèle à son principe que la démocratie génère la paix par l'égalité et la concertation, Wilson entend instaurer un nouvel ordre international dont la Société des Nations serait le moteur, garante de l'indépendance territoriale et politique de tous les États sans distinction aucune. Le Pacte de la S.D.N. se veut être le garant de la sécurité collective. Il repose alors sur un double contrat: "garantir la paix et la sécurité internationales en prévenant ou réprimant les guerres et développer la coopération entre les nations dans tous les domaines pour favoriser les progrès culturel et social". L'engagement est ainsi : individuel, car chaque membre s'engage à privilégier l'arbitrage sur la force; collectif, puisque le recours à la force est issu d'une décision collective. Le "Pacte de la Société des Nations", mis au point par les Quatre Alliés, se retrouve dans les vingt-six articles de la première partie de chacun des traités qui rétablissent officiellement la paix : le traité de Versailles (28 juin 1919), le traité de Saint-Germain (10 septembre 1919), le traité de Neuilly (27 novembre 1919), le traité de Trianon (4 juin 1920) et le traité de Sèvres (10 août 1920) remplacé par le traité de Lausanne (24 juillet 1923).