Le Retour d`Ulysse

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Le Retour d’Ulysse
présente
©Witold Ariztowski
Une journée hommage à Tadeusz Kantor
« J’en ai assez d’être assis dans ce tableau,
je sors »
Le 8 décembre 2007 de 11 h à 18 h – à l’ARTA, Cartoucherie – 75012 Paris
avec le concours de l’ARTA
Association Le Retour d’Ulysse
28 rue de l’Ourcq – 75019
Info : [email protected]/
Tél. : 01 73 75 45 40
Association de Recherche des Traditions de l’Acteur
Cartoucherie/ Route du champs de manœuvre/ 75012 Paris
www.artacartoucherie.com
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Sommaire
- Présentation de la journée
- Tadeusz Kantor et le Retour
- L’association Le Retour d’Ulysse
- Bogdan Renczynski
- Expositions de photographies
Caroline Rose
Anne-Laure Czapla
- Projections de films
Les Monuments Vivants (Wojtek Radtke)
La classe morte
Kantor (documentaire d’Andrzej Sapija)
Fragments du documentaire Le théâtre de Tadeusz Kantor de
Denis Bablet
La perte des feuilles (montage photographique autour d’un stage
avec Bogdan Renczynski)
- Lectures de textes de Tadeusz Kantor
par Lucia Bensasson et Jean-François Dusigne
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Présentation de la journée
« Mam dosc siedzenia w obrazie, wychodze »
« J’en ai assez d’être assis dans ce tableau, je sors »
L'ARTA nous accueille à la Cartoucherie pour un hommage
à Tadeusz Kantor
à l'occasion du17è anniversaire de sa mort
A l'occasion du 17è anniversaire de la mort de Tadeusz Kantor,
l'association Le Retour d'Ulysse propose une journée d’évènements
consacrée à la mémoire de cet artiste polonais disparu en 1990. La
manifestation s'articule autour d’expositions, de lectures et de
projections en présence de nombreux témoins, amis, critiques du
théâtre Cricot 2.
Lors de cette première manifestation, l'association Le Retour d'Ulysse
inaugure et présente le champ de ses activités.
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Tadeusz Kantor
© Cricoteka
Tadeusz Kantor (1915-1990) était considéré, depuis déjà bien longtemps, comme étant "le
plus mondial des artistes polonais et le plus polonais des artistes mondiaux". Déjà au cours
de sa vie, nombreux étaient ceux qui voyaient en lui un génie alors que d'autres le
prenaient pour un mystificateur ou, tout au plus, un habile imitateur. Aujourd'hui cependant,
plus personne n'émet de doutes à ce sujet, depuis qu'en 1990, Tadeusz Kantor, l'un des
plus grands artistes du XXè siècle, nous a quitté. Et cela même s'il nous est difficile
d'expliquer en quoi consistait le phénomène de son imagination. Kantor était un artiste
universel ou, comme il le disait lui-même, un artiste "total" et c'est pour cela qu'il serait
risqué de vouloir "diviser" son oeuvre en domaines spécifiques. Peintre, scénographe,
poète, acteur, auteur de happenings, Kantor avait acquit sa renommée mondiale en tant
qu'homme du théâtre.
Toutefois, la aussi, il était resté tout d'abord peintre, créateur qui pensait a travers les
images et qui, a la place des couleurs, se servait d'acteurs et d'accessoires. Le plus grand
succès de Kantor fut sans aucun doute le théâtre Cricot 2 dont les spectacles, en
commençant par La Classe morte (1975), obtinrent le statut de chef-d'œuvre. La formule
insolite du "Théâtre de la Mort" consistait à créer une illustration plastique des mécanismes
de la mémoire. Les séquences successives des images irréelles, des bribes de souvenirs,
des scènes qui reviennent avec obsession, des situations absurdes. Chacun d'entre nous
l'a vécu, nous avons tous la même confusion dans la tête : des traumatismes douloureux
qui s'enchevêtrent, des nostalgies audacieuses, des fragments de phrases dont on se
souvient, des miettes comiques du passé. Nous sommes corporels, physiques mais il
s'avère aussi, qu'il en est de même avec notre mémoire et notre imagination. Nous
n'existons pas sans la forme ; nous pensons et parfois nous ressentons a travers les
images.
Et Kantor savait le montrer sur scène. Il a créé un espace extrêmement suggestif dans
lequel s'entremêlent les vivants et les morts, où jaillissent les désirs les plus honteux et les
réminiscences les plus effrayantes : la guerre, l'amour et le crime, la peur, la passion et la
haine. Sur les clichés délavés et déteints d'un album de photographies de famille, la
biographie individuelle s'entrelace avec l'histoire, avec les mythes nationaux et les
obsessions intimes reviennent tel un écho accablant, comme reflétés par un miroir opaque.
(Krystyna Czerni, www.cricoteka.com)
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Et le retour…
©Spadkobiercy
RETOUR À LA BARAQUE DE FOIRE
Avant même que disparaisse le souvenir et l’image de cette scène, avant que pauvre
Pierrot s’en aille pour toujours, je voudrais vous dire une chose qui, peut- être de la
manière la plus profonde et la plus simple, définit ma « quête » dans le domaine du théâtre.
Si, dans le passé, à différentes « étapes » et pendant les « arrêts » de mon itinéraire
artistique, j’inscrivais, comme sur des poteaux plantés le long d’une route, les noms des
lieux : théâtre « informel », théâtre zéro, théâtre impossible, théâtre de la Réalité Pauvre,
Théâtre – Errance, Théâtre de la mort, à chaque fois, au fond, il s’agissait toujours de la
même BARAQUE DE FOIRE.
Toutes ces appellations ne faisaient que la défendre contre une stabilisation officielle et
académique. C’étaient d’ailleurs comme des titres de longs chapitres, grâce auxquels je
surmontais les dangers sur cette route qui menait pourtant sans cesse vers l’INCONNU et
l’IMPOSSIBLE.
Pendant près d’un demi-siècle, la pauvre Baraque Foraine était tombée dans l’oubli. Elle
s’était trouvée atténuée par les idées de la pureté de l’art, par les révolutions du
constructivisme, par les manifestations surréalistes, par la métaphysique de l’abstraction,
par les happenings, « environnements », théâtres ouverts, conceptuels, par l’anti-théâtre,
par les grands combats, les grands espoirs et illusions, mais aussi par de grandes défaites,
déceptions et dégringolades pseudo scientifiques.
Après de nombreuses étapes et après maints combats, je vois assez lucidement le chemin
que j’ai parcouru et je comprends pourquoi je refusais avec tant d’obstination le statut
officiel et institutionnel. Ou plutôt, pourquoi on me refusait si obstinément, à moi et à mon
théâtre, les privilèges et les conditions découlant de ces positions sociales. Car, en fait, ce
fut toujours une Baraque de Foire.
Ce véritable Théâtre des Émotions.
Tadeusz Kantor
in Wielopole, Wielopole, Wydawnictwo Literackie, Kraków – Wrocław 1984.
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LE RETOUR D’ULYSSE
Pendant la Seconde Guerre Mondiale, Tadeusz Kantor fonda à Cracovie le Théâtre
Clandestin Indépendant où il crée « Balladyna » d’après Juliusz Slowacki (1943) et « Le
Retour d’Ulysse » (1944) d’après Stanislaw Wyspianski. Ces spectacles ont été présentés
plusieurs fois dans des appartements à Cracovie et les acteurs étaient des amis de
l’artiste.
« Le Retour d’Ulysse » constitue en quelque sorte le fondement et le point de départ de la
création artistique et du théâtre de Tadeusz Kantor et ce fut à ce moment-là qu’avaient
déjà émergées quelques-unes des idées essentielles de ce créateur : l’idée de la « réalité
du rang le plus bas » […], le rapport avec la mort […] et la recherche du « lieu théâtral » en
dehors du théâtre officiel et institutionnel.
(Anna Halczak, www.cricoteka.com)
Le Retour d’Ulysse – III
Ulysse doit revenir vraiment.
Il serait malhonnête de créer, dans ce but, une illusion fausse d’Ithaque.
Tout autour de lui, doit être grand, doit être dit sérieusement, sans rien cacher. Ce serait
pusillanime d’arranger, pour la grande tragédie d’Ulysse, des colonnes de papier et une
mer de chiffons. Je veux placer les acteurs sur de simples paquets, échelles ou chaises,
leur enlever, aux moments opportuns, leur costume, renoncer aux valeurs esthétiques,
introduire l’accidentalité, et même le désordre, pour que le retour soit le plus concret
possible. Ulysse revient sur la scène et sur la scène, se crée, à grande peine, une illusion
d’Ithaque.
Il faut, une fois pour toutes, rompre, au théâtre, avec l’esthétisation. Le théâtre est un
endroit où les lois de l’art rencontrent le caractère accidentel de la vie, et des conflits très
importants en résultent.
Tadeusz Kantor
in « Le Théâtre Indépendant (1942-1944) », Le Théâtre de la Mort, Denis Bablet, L’Age d’Homme, Lausanne,
1977.
En 1990, dans le spectacle Je ne reviendrai jamais, Ulysse tente à nouveau un retour
éternel et peut-être impossible…
Kantor est sur scène, face à lui :
Je suis assis avec Ulysse […]
Il faut achever l’histoire du héros de Troie. […]
Nul ne revient vivant
Dans le pays de sa jeunesse.
Tadeusz Kantor
in Les voies de la création théâtrale, vol. II, CNRS Editions, Paris, 1993
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L'association Le Retour d'Ulysse
Une confession
Il était une fois un théâtre qui touchait les émotions les plus intimes de ses spectateurs.
Un théâtre qui embrassait le drame de la vie humaine d'un seul regard.
Un théâtre de la mort et de l'amour.
Un théâtre dont le créateur était persuadé de son éternité.
Un théâtre qui a été enterré avec lui et malgré lui, le jour de sa mort : le 8 décembre 1990.
Tadeusz Kantor était un démiurge d'un monde étrange d'une arrière chambre de
l'humanité.
Son cri de colère à la suggestion que son théâtre devait s'éteindre avec lui, résonne
encore:
« Mon théâtre ne mourra jamais!!! »
Nous, les amoureux d'une certaine idée du théâtre, nous nous engageons à protester avec
lui!
« CEUX QUI ATTENDENT : LE PUBLIC
CEUX QUI REVIENNENT... LES ACTEURS !
Créer un spectacle qui engloberait les deux faces
Dans cette attente et ce retour. »
C’est le point de départ de l’association Le Retour d'Ulysse. Nous, la jeune génération,
née trop tard pour rencontrer Kantor, pour voir ses spectacles, et pourtant émerveillée par
les traces qu’il a laissé derrière lui, nous proclamons notre envie de s'opposer à la mort de
son théâtre.
Nous rejoignons ceux qui attendent.
Ceux qui l'ont connus et qui attendent avec une nostalgie infinie son retour.
Face à l'impossible, nous tentons cette aventure audacieuse de faire revenir Kantor à
travers la rencontre avec ses acteurs, car nous croyons qu’il les habite toujours.
Ceux qui restent :
"Et voici la troupe d'acteurs, errant dans le temps, depuis longtemps, et de place en place "
Aujourd'hui, Kantor peut nous parler à travers eux.
L'acteur du théâtre de la mort revient à l'instar d'Ulysse.
Laissons-le faire sa confession personnelle, laissons-le raconter l'histoire de sa vie
individuelle, humaine, petite, pauvre, telle qu'il l’a vécue avec théâtre de Tadeusz Kantor. Il
se livre à nous sans défense, dénudé; il s'offre pour cette réalisation de l'impossible :
sauver de l'oubli le théâtre de la mort.
Faisons l'acte de l'imagination presque désespéré mais spontané et vrai!
Laissons-les revenir!
L'association Le retour d'Ulysse est créée par un désir profond de s'opposer et de se
révolter contre la mort.
La mort du théâtre Cricot 2, la mort de Kantor lui-même qui croyait en l’éternité de l'art,
même si éphémère que fut le spectacle théâtral.
Nous nous engageons dans le processus réel du retour, considéré comme suspect par
certains car inenvisageable. Cependant, nous prenons acte que la notion de retour est un
processus de création chez Kantor.
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Un engagement
Cette association se donne pour mission la transmission vivante du théâtre de
Tadeusz Kantor par les moyens d'action théâtrale et pédagogique, avec la
participation des membres du théâtre Cricot 2.
Nous envisageons de mettre en place des stages de formation professionnelle, des
projets de créations théâtrales, expositions et conférences, afin de partager cette
aventure du retour avec le public le plus large possible.
Nous désirons proposer une expérience humaine, individuelle et collective, et surtout
théâtrale à tous ceux qui ressentent un vide incomparable après la disparition de cet
immense artiste.
Porté par notre engagement artistique, et une volonté de partage, nous espérons ouvrir
une porte sur le sens, l'imaginaire, la symbolique du théâtre de Tadeusz Kantor.
Nous croyons ainsi promouvoir et maintenir les valeurs de la mémoire et une rencontre
intime avec les spectateurs qui passe avant tout par les émotions.
Un appel
C'est en toute objectivité mais sans prudence que Le retour d'Ulysse recrute ses
membres. Il ne les juge qu'en fonction de l'intensité de leur engagement dans ce projet qui
est à la fois un hommage et une nouvelle recherche sur le terrain conquis par Tadeusz
Kantor.
Tous ceux qui attendent impatiemment les nouvelles du retour peuvent nous contacter au :
[email protected].
Membres fondateurs:
Justine Wojtyniak et Bogdan Renczynski
Anne Laure Czapla
Antonio Gendebien
Marc Duvillier
Wojtek Radtke
Janusz Jarecki
Laure Abramovici
L'association Le retour d'Ulysse, avant même d'être véritablement fondée, a mis en place
un stage pour l'acteur intitulé Une rencontre avec le Théâtre de la mort animé par Bogdan
Renczynski et Justine Wojtyniak. Le stage a été accueilli par le Théâtre des Asphodèles à
Lyon dans le cadre du festival "Kantor en Rhône-Alpes" en novembre 2006.
Nous avons travaillé aussi sur la mise en scène de Mais qu'est-ce qu'on fait du violoncelle?
de Matéi Visniec au sein de la Compagnie des collines en coopération avec le Théâtre des
Célestins de Lyon en juin 2007.
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Bogdan Renczynski
Depuis 1980, il est acteur du Théâtre Cricot 2 de Tadeusz Kantor, puis employé à la
Cricoteka à Cracovie. Il est chargé d’organiser de nombreuses expositions en Pologne et à
l’étranger. Pendant les années 90, il travaille avec la compagnie de Marie Vayssière, La
Compagnie du Singulier dans les spectacles: Barbe Bleu et En Passant. Il est assistant à la
mise en scène de Magellan de Roman Siwulak au Théâtre du Radeau, il assiste les frères
Janicki pour les réalisations théâtrales; il joue et fait la scénographie de Love Story selon
Bohumil Hrabal de Stanislaw Michna au Théâtre MIST (2003). Il assiste Awishay Hadari
pour Dybuk, lors du Festival de la Culture Juive (2006) et il dirige un stage pour l’acteur lors
du festival « Kantor en Rhône–Alpes » clôturé par un spectacle intitulé La Perte des
feuilles (novembre 2006) au théâtre des Asphodèles à Lyon. Il met en scène Mais qu'est
qu'on fait du violoncelle? de Matéi Visniec au sein de la Compagnie des collines en
coopération avec le Théâtre des Célestins à Lyon.(juin 2007)
Les principaux rôles joués dans le Théâtre Cricot 2 :
Soldat de La Première Guerre mondiale –La Classe Morte– 1980
Appelé– Wielopole, Wielopole – 1980
Créature de la Mémoire Sainte – Qu’ils crèvent les artistes – 1985
Général – Qu’ils crèvent les artistes - 1985
Serviteur de la Princesse – Je reviendrai jamais - 1988
Emballage – Aujourd’hui, c’est mon anniversaire – 1990
L’Homme de Pouvoir – Aujourd’hui, c’est mon anniversaire - 1990
©Ana Maria Camejo
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Expositions
Photographies de Caroline Rose
« Ici chaque photo se souvient, mais l'arrêt sur image voulu par le photographe témoin est
une porte ouverte vers des poésies personnelles simplement nourries de l'art de Tadeusz
Kantor »
Philippe Renard, in Introduction du catalogue de l'exposition « Pouvait-on photographier le théâtre de Tadeusz Kantor? »
Caroline Rose
Caroline Rose est connue pour son travail sur le patrimoine architectural et décoratif, les
objets d’art et les musées ainsi que pour son travail pour le théâtre. Ses photographies
sont essentiellement techniques et esthétiques, parfaites dans le choix des couleurs et de
la lumière ; elles montrent sa très grande sensibilité pour l’univers de la forme. Elle a
travaillé sur de nombreux et importants monuments, parmi lesquels : Le palais du Louvre,
Notre Dame de Paris, Les Eglises de Rome, le Liban…
Elle a aussi beaucoup photographié le théâtre, dont celui de Tadeusz Kantor et son théâtre
Cricot 2, publié dans la revue Scènes, "Tadeusz Kantor", avril 1986, et "Tadeusz Kantor"
dans Miroirs, Maubeuge 1991.
Durant ses dernières années, elle photographie des monuments de la culture juive dans
l’Est de l’Europe : le catalogue Splendeur de la culture Juive en Pologne, avec des textes
d’Hervé Rehby, SiraMédia, 2005.
Elle est l’auteur de nombreuses expositions de photographies. Dernièrement, elle a réalisé
une exposition de photographies sur Auschwitz à la synagogue Isaac de Cracovie ainsi
que sur Rymanów à la Ikona Photo Gallery de Venise, en 2005.
Visite des vestiaires du Théâtre Cricot 2
Photographies d’Anne-Laure Czapla
A Cracovie, Tadeusz Kantor a laissé les traces d’un théâtre d’objets confrontant acteurs et
figures de cire, alors créateur d’une émotion exceptionnelle. L’acteur se démasque sous le
masque...
Mon travail de recherche universitaire enrichi du témoignage des acteurs se livre en
images avec cette exposition de photographies représentant les marionnettes et les
costumes usés façonnés par Kantor - déjà présentée en 1999 à Toulouse à l’Université de
Toulouse le Mirail, en 2000 à Paris à l’Institut polonais, en 2002 à Cracovie au Théâtre
Bagatela et en 2004 à Cahors dans le cadre de NOVA POLSKA.
Ce travail photographique parle de la matière du Théâtre Cricot 2 pour en laisser deviner la
texture étrange. Les objets comme pris « en secret » dans leurs casiers de rangement sont
alors réveillés d’un sommeil léger car ils ne s’endorment jamais complètement pour
continuer à transmettre cette mémoire, cette chambre de l’imagination créée sur scène par
Tadeusz Kantor.
Le Théâtre de la Mort donne à l’objet, à la marionnette, l’occasion d’animer le jeu d’acteur
comme par miracle. La tension qui se trame entre l’acteur et l’objet vers l’apparition d’un
bio-objet traduit le paradoxe d’une scène qui anime l’inanimé, alors elle même ramenée à
la vie par le biais de la figure de la mort ou du pauvre objet marqué par le temps.
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Les objets conservent cette image double : la vie et la mort se dessinent dans les regards
des figures de cire étrangement assises dans la scénographie des jeux kantoriens. Voilà
pourquoi l’objet « entre la poubelle et l’éternité » et la marionnette figurant le passage «
entre la vie et la mort » sont au centre de la tension dramatique. Ils permettent à l’acteur de
jouer autrement, avec une émotion vidée de psychologie pour laisser s’échapper la marque
de cette tension scénique.
La place de l’objet chez Kantor est primordiale. Sur scène, il est tour à tour adversaire et
partenaire de l’acteur ; sur les étagères de rangement, il est révélateur d’une esthétique, de
la réalité du rang le plus bas qui transporte encore aujourd’hui l’émotion de Cricot 2.
Cette émotion qui émane des objets, rangés là dans cet entrepôt, m’a touché. Je n’ai pas
voulu déranger trop les traces de ce passé. Les photographies sont alors le reflet de cette
timidité à l’égard de cette matière toujours vivante. J’ai tenté de faire voir cette mémoire
concentré à Cracovie, par un travail photographique que j’espère discret comme un doux
réveil l’espace d’un instant, d’un regard.
Ces images ont porté mon travail de recherche tout en replaçant l’émotion du théâtre de
Kantor, que je n’ai pas pu vivre en direct mais que j’avais envie de transmettre encore
aujourd’hui. Il s’agit d’un simple témoignage, d’un regard ému qui est devenu une mission.
Etrange sensation... Se sentir investie d’une mission subitement, mais sans employer trop
de mots, donner à voir ce que j’ai vu de ces objets rangés à peine dérangés.
Les détails des tissus, des chaussures, des costumes mis en mouvement, des matières
brutes, ont cadré le regard vers cette sensibilité devenue intime. Les spectacles de Kantor
étaient posés là, mis en archive, sans cesse prêts à recommencer. Une drôle de danse les
a tous réunis et c’est ce lien intime entre eux, cette énergie que j’ai voulu conserver et
tenter de montrer encore et encore parce qu’ils ne s’arrêteront jamais de prendre la parole
même en silence.
J’ai vraiment eu cette impression d’entendre des morceaux de spectacles... C’était un
vestiaire, ce lieu mystérieux et traditionnellement utilisé en Pologne. Lieu mystérieux parce
que les vêtements, les chapeaux, les parapluies que l’on a laissé là dans ce vestiaire, ne
seront pas récupérés...
Ulysse ne reviendra pas chercher son vieux manteau...
C’est peut-être un vestiaire proche de l’éternité, l’espace de la Mémoire du Théâtre
Cricot 2.
©Anne-Laure Czapla
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Projections
L'événement :"Les Monuments Vivants dans la rue Kanonicza" le 8
décembre.
En hommage à Tadeusz Kantor, le jour de l'anniversaire de sa mort le 8 décembre, ses
acteurs reviennent en personnages tirés de ses spectacles devant la Cricothèque.
La Cricothèque a été fondée par Tadeusz Kantor en tant que lieu d'"Archives vivantes" de
sa création théâtrale pour sauvegarder ses idées, "non pas dans un système mort de
bibliothèques mais dans les esprits et dans l'imagination des générations à venir". A
Cracovie, devant ce musée-galerie situé 5, rue Kanonicza, pour la 17-ème fois depuis la
mort de l'artiste en 1990, les personnages de ses spectacles réapparaîtront.
- Monument vivant : "L'Errant Eternel" :
Jan Ksiazek chargé des valises et d'un immense sac à dos, emballé dans un imperméable,
incarne le personnage de L'Errant qui symbolise l'idée d'un éternel voyage à la recherche
d'un lieu de domiciliation. Mais le retour dans la pensée de Kantor reste toujours dans
l'ordre de l'impossible. Ce qui demeure important c'est être en route, en marche, car "cette
action d'avancer est devenue l'essentiel de la mission de l'artiste".
Personnage des spectacles La poule d'eau et Je ne reviendrai jamais.
©Cricoteka
- Monument vivant : "Les Deux Hassidim avec la dernière planche de Salut"
Waclaw et Leslaw Janicki reviennent en tant que personnages en costume d’hassidims (ils
portent des barbes broussailleuses et des "papillotes" et sont coiffés de larges chapeaux
noirs) et essaient de tendre vers le ciel la dernière planche de salut. C'est une mise en
scène absurde de l'idée d'une supplique, mais chargée de sens métaphorique, à se mettre
en communication avec le monde d'En haut.
Personnages issus du spectacle Je ne reviendrai jamais.
Les acteurs prennent place sur des caisses en bois qui servaient pendant les nombreuses
tournées mondiales du théâtre Cricot 2 à transporter le matériel de scène. Sur un fond
musical de chants juifs, ils figent leurs poses et demeurent immobiles comme les
monuments naturellement intégrés dans le paysage de la rue Kanonicza. C'est une
manière originale de rendre hommage à Tadeusz Kantor et de remémorer aux passants
l'existence du théâtre Cricot 2.
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©Cricoteka
Nous proposons une retransmission en léger différée de cet événement d’une durée
d'environ 15 minutes, enregistré simultanément par Wojtek Radtke à Cracovie.
Projection du montage de La Classe morte
Projection de La Classe morte, montage de films d'archives restaurés restituant fidèlement
la pièce, accompagnée de textes poétiques de Tadeusz Kantor, lus en direct par Janusz
Jarecki, qui fut acteur de la troupe du Cricot 2.
A l'exception d'un film réalisé par Andrzej Wajda, La Classe morte jouée plus de mille fois,
n'a jamais été intégralement enregistrée. La version vidéo présentée ici, (pour la deuxième
fois après la projection au Théâtre des Célestins, lors du festival " Kantor en RhôneAlpes"), a été réalisée à Milan sur la base des divers théâtres où le spectacle a été
présenté pendant une période de plus de quinze ans. Cette version utilise un film réalisé en
1976 ainsi que des documents vidéo, d'une qualité inégale, qui ont été restaurés et
numérisés pour restituer fidèlement l'oeuvre complète conformément à la "partition"
originale écrite par Kantor lui-même.
La reconstruction du spectacle est basée sur les textes de Tadeusz Kantor ( Pisma : Teatr Smierci, vol II, éd.
ossolineum, Cricoteka, Wroclaw, 2004). D’après les enregistrements du spectacle: : Telewizja Polska,
Galeria Krzysztofory, Cracovie, 1976 ;RTSI Televisione della Svizzera Italiana, Teatro Petruzellii, Bari, 1986 ;
La Sept, Théâtre Gémier, Paris, 1989 ; La Biennale di Venezia, Teatro Goldoni, Venise, 1991
Durée : 2 h, vo, couleur, Milan, 2005.
La Classe morte, réalisation : Franco Laera, Anna Halczak, Bogdan Renczynski, Milan, 2005.
Projection de Kantor, un film documentaire sur Tadeusz Kantor
Ce Film documentaire d'Andrzej Sapija a été réalisé en 1985 pendant les répétitions du
spectacle Qu'ils crèvent les artistes! Dans ce film très riche du point de vue des archives,
Kantor évoque ses années d'enfance, l'occupation, le début du théâtre Cricot 2 et relate les
étapes de son itinéraire pictural et théâtral.
Kantor, réalisation Andrzej Sapija, TVP S.A., W.F.O. Lodz 1985, durée 1h15.
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Projection de fragments d'un film documentaire Le théâtre de Tadeusz
Kantor de Denis Bablet.
Ce film documentaire, très connu et très apprécié, nous semble indispensable comme
réflexion de référence sur Tadeusz Kantor. Nous présentons quelques fragments des plus
éclairants sur le sens caché de l'univers théâtral créé par Cricot 2. Ainsi, nous saluons la
mémoire de Denis Bablet et la transmission d'un travail admirable.
Le théâtre de Tadeusz Kantor, réalisation Denis Bablet, CNRS AV, Arcanal, La SEPT, Meudon,1985, durée
1h44.
Projection de La perte des feuilles. Une séance de répétition.
Une scène de théâtre vide. De loin mais de plus en plus proche le bruit des bulldozers. Les
derniers instants d'existence de ce lieu, de ce plateau, forcé au déménagement. On rase
les anciens bâtiments pour construire une cité moderne. Le stage a eu lieu au Théâtre des
Asphodèles à Lyon, dans l'ancienne fabrique des premières voitures lyonnaises, l'atelier de
la Buire au 84, avenue Félix Faure, qui aujourd'hui n'existe plus.
Alors le sujet de notre travail s'est imposé tout seul : devoir quitter un lieu, devoir
abandonner quelque chose qui nous a été cher, là où nous avons vécu, partir sans
possibilité du retour. Nous sommes au théâtre et il nous est évident de jouer pour la
dernière fois sur cette scène. Chacun des acteurs joue son dernier rôle, essaie de dire
adieu à un lieu, et aussi à un passé laissé derrière lui pour ensuite avoir le pouvoir de s'en
rappeler. Par quel objet peut passer le souvenir? De quel moyen je dispose pour pouvoir
animer ma mémoire? Ces jeux de mémoire se sont achevés avec une séance de répétition
publique intitulée La perte des feuilles, le 30 novembre 2006. Cette aventure a été
encadrée par le festival "Kantor en Rhône-Alpes". Le stage de deux semaines a été animé
par Bogdan Renczynski et Justine Wojtyniak.
Montage de photographies réalisées par Justine Wojtyniak, Ana Maria Camejo, Antonio Gendebien. Durée
15min. Prod. Ourcq Vidéo.
©Justine Wojtyniak
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Lecture de textes poétiques de Tadeusz Kantor
Pour rendre hommage et pour vivre intimement l’anniversaire de la mort de ce grand artiste
polonais, les directeurs artistiques de l'ARTA, Lucia Bensasson et Jean-Francois Dusigne,
proposent une mise en voix de quelques textes poétiques. Ils nous parleront de la nostalgie
du retour et de la force du souvenir.
©Guillermo Arizta
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