Thomas Bordonali Université de Reims Champagne-Ardenne UFR de Droit et de Science Politique Note de synthèse Sur le thème: Les permis d’émission de gaz à effet de serre : Séminaire de Mme Roselyne Allemand Introduction générale Dans le contexte environnemental actuel, la majorité des Etats se sont dotés (par le truchement des normes supranationales) d’un système de permis d’émission de gaz à effet de serre. L’Union européenne est entrée dans cette voie (en attendant l’entrée en vigueur du protocole de Kyoto de 1997) par une directive du 13 octobre 20031, transposée en droit interne français par l’ordonnance du 14 avril 20042. Insérée dans le Titre II du code de l’environnement, une section « système d’échanges de quotas d’émission de gaz à effet de serre » vient encadrer juridiquement le système. Cela vise à moyen et long terme à réduire les émissions de CO² dans l’atmosphère. Dans quelle mesure, les permis d’émission de gaz à effet de serre (PES) constituent-ils une alternative, encore perfectible, de réduction de la pollution atmosphérique ? Les permis d’émission de gaz à effet de serre, constituent un nouveau dispositif destiné à lutter contre le réchauffement climatique (I). Le système, en lui-même présente un intérêt indéniable mais des difficultés pratiques à souligner (II). I. Les permis d’émission de gaz à effet de serre : nouveau dispositif de lutte contre le réchauffement climatique : La mise en œuvre de ce système vise à fixer des quotas d’émission de gaz à effet de serre pour certains polluants, afin d’internaliser les externalités négatives. De cette façon, des plafonds d’émission sont déterminés sur une période précise entre les différents « pollueurs ». Au sein de ce « marché des permis », des transactions peuvent être opérées3 (celles-ci aboutiront à fixer un prix du marché sur le fondement des intérêts des différentes parties) afin d’aboutir à une consommation optimale. En pratique, les échanges entre ceux qui ont atteint leur maximum en matière de consommation et ceux qui consomment moins que leurs quotas prévisionnés, constituent des dérives importantes tant cela peut engendrer une atteinte au principe même du « marché ». La distribution de ces quotas intervient en droit interne dans le cadre d’un Plan national d’affectation de quotas (PNAQ) qui a été établi pour une durée de trois ans, à compter du 1er janvier 2005. En cours de période, les quotas fixés restent intangibles. En droit international, tout d’abord affecté gratuitement sur la période 2005-2007, 90% seront alloués gratuitement sur la période 2008-2012. La gratuité permet de faciliter l’acceptation des quotas pour les Etats concernés. Considérés en droit interne comme un « bien public », les quotas d’émission de gaz à effet de serre entraînent transfert de propriété à leurs bénéficiaires. Le ou les propriétaires disposent sur ceux-ci de véritables droits. C’est un véritable système de droit à polluer qui se met en place au travers de ce nouveau dispositif. Les bénéficiaires de ces permis doivent nécessairement en utiliser une partie pour leur propre consommation. Les permis non utilisés en fin de période seront réaffectés sur la période suivante. 1 Directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 octobre 2003 établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la Communauté et modifiant la directive 96/61/CE du Conseil, JOUE du 25 octobre 2003, n° L 275, p. 32. 2 Ordonnance n° 2004-330 du 14 avril 2004 portant création d’un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre, JO du 17 avril 2004, p. 7089. 3 Cela caractérise la rareté du bien en question. 2 Un « new deal vert4 », selon les dires de J-M Barosso, dans la mouvance de cette pratique des permis, s’est développé par une directive récemment adoptée par le Parlement européen du 17 décembre 2008, visant à poursuivre sur la période 2013-2020 une réduction des gaz à effet de serre de 50% par rapport à 2005 en touchant davantage d’installations et en s’appliquant à de nouveaux gaz autres que le CO². II. Une alternative encore limitée à la lutte contre le réchauffement climatique : Ce système d’émission de gaz à effet de serre, constitutif d’une volonté étatique de lutter contre le réchauffement climatique présente encore des limites importantes. A cet effet, toutes les installations et les gaz à l’origine de pollutions ne sont pas visés par le dispositif. De plus, afin de ménager la compétitivité des entreprises, de nombreuses mesures restrictives ou compensatrices ont été mises en place dans le contexte de notre société capitaliste. Ainsi, à titre d’exemple, pour les installations qui touchent au domaine de l’électricité, des enchères peuvent être organisées dans le cadre d’attribution de ces « permis à polluer ». Deuxième exemple, les entreprises soumises à d’importantes fuites de carbone (les secteurs et sous secteurs les plus sujet au risque seront déterminés par la Commission) disposeront dans l’avenir d’allocations gratuites, afin de faire face à la concurrence, sans assumer une charge financière supplémentaire en lien avec leur émissions de carbone. L’arrêt du Conseil d’Etat du 16 février 20085, marque une avancée juridique importante. Cet arrêt de principe, oh combien fondamental, permet au Conseil d’Etat de statuer, pour la première fois, sur la régularité d’une norme européenne par rapport à une autre norme européenne. Mais ce n’est pas tout, dans cet arrêt, le législateur met en avant l’intérêt de l’expérimentation législative. En effet, les permis d’émission de gaz à effet de serre ne touchent pas la totalité des domaines polluants. Le Conseil d’Etat, dans cet arrêt, rejette ainsi les secteurs chimiques et les métaux non ferreux qui auraient alourdi sensiblement le système. C’est tout au moins la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) qui relève que cette intervention du législateur ne méconnaît pas le principe d’égalité au regard d’un principe qui peut s’appliquer différemment selon les situations. Plusieurs critères sont rentrés en ligne de compte afin de rejeter certains secteurs plutôt que d’autres. Le juge communautaire laisse une marge d’appréciation importante au législateur. Conclusion Ces différents arguments démontrent encore les limites du système qui ne peut tout prendre en compte dans un objectif de cohérence et d’efficacité. Ainsi, la lutte contre le réchauffement climatique constitue un objectif fondamental qu’il convient de prendre au sérieux. Malgré des évolutions, le système reste perfectible à travers une généralisation de la procédure, pas toujours évidente à réaliser. L’expérimentation législative représente ainsi un moyen permettant le développement des permis d’émission de gaz à effet de serre dans d’autres domaines ou secteurs qui sont à l’origine d’externalités négatives. 4 Ce new deal vert se caractérise par le paquet changement climatique, ensemble de mesures proposées par la Commission européenne en 2007. 5 CE, Société Arcelor Atlantique et Lorraine, affaire C-127/07, 16 décembre 2008. 3