Ces sources se trouvent dans les trois aspects de l’être humain : l’individu, la société et l’espèce. L’éthique
est dans la société liée au sentiment d’appartenance, lequel se vérifiait particulièrement pour les sociétés
archaïques. Il y avait un ancêtre commun et tout le monde était frère. Ce processus de solidarité, qui ne
nie pas l’individualité mais qui y est lié, se trouve dans nos origines biologiques. Les sociétés de
mammifères, bien qu’elles entretiennent des rapports de rivalité entre mâles, entretiennent la solidarité,
par exemple, pour la chasse ou pour la défense. Même chez les êtres polycellulaires, cette relation de
solidarité s’est créée entre organismes unicellulaires. Cela est vrai aussi dans les sociétés de fourmis, etc.
J’ai voulu aussi et peut être surtout indiquer que l’idée de sujet individuel comporte, d’un côté, un
principe d’exclusion – qui exclut tout autre que moi de la posssibilité de dire Je à ma place,. Cet
égocentrisme qui est vital permet le développement de l’égoïsme. De l’autre côté, il y a le principe
d’inclusion – au sein d’un nous – qui nous inclut dans la famille, la fraternité, la communauté, la patrie, le
parti, etc. Nous avons en nous les deux « logiciels »antagonistes ; mais en fait la tendance altruiste et
communautaire est sous-développée dans notre société. Cependant, l’individualiste qui souffre de
l'angoisse d’être seul, a besoin de communauté. Celle-ci revêt des formes diverses : rave-parties pour les
jeunes, repas entre amis, etc. Le potentiel de solidarité existe. Et quand arrive un cataclysme, comme le
tsunami, nous nous rendons compte que cette potentialité endormie se réveille.
L’éthique complexe est une éthique d’espérance liée à la désespérance. Quel est ce lien ?
Toute espérance s’inscrit dans un fond de désespérance : dans le sens où nous savons que la vie de notre
soleil est limitée, notre horizon est celui de la mortalité. Pourtant, l’espérance est possible dans ce cadre-là.
C’est-à-dire que tout en sachant l’humanité mortelle, nous pouvons espérer une vie moins inhumaine.
Tout le problème de mon éthique est celui-ci : comment améliorer les relations entre humains ? C’est pour
cela que je parle non seulement de la culture psychique mais aussi d’une éthique de la compréhension.
Nous devons la développer : elle est malheureusement très peu pratiquée et de plus,elle n’est nulle part
enseignée.
Il y a une réponse à la mort qui est de vivre sa vie dans la plénitude, dans la participation, dans l’amitié, l’amour, la
curiosité, la fête. L’accomplissement poétique de la vie réduit considérablement l’angoisse. Celle-ci demeure un
ferment mais peut avoir ses propres antidotes.
L’Europe en construction peut-elle susciter cette « reliance » indispensable à l’individu pour assumer l’incertitude et
l’inquiétude liés à la nature humaine ?